« C’est le monde à l’envers, l’avion est (souvent) moins cher que le train », constate Réseau Action Climat (RAC) dans un rapport publié le 3 juillet avec UFC-Que Choisir. Selon les chiffres de l’association de défense des consommateurs qui a « scrapé » sur une journée des sites de ventes de billets sur les 48 liaisons aériennes les plus empruntées en France, s’il existe des trains directs, alors la bataille tourne en faveur du rail : il est 40% moins cher que l’avion. Cette comparaison ne tient que pour les directs.
Le train tire beaucoup moins bien son épingle du jeu dès qu’il y a une correspondance : il coûte alors 10% plus cher que l’avion, le prix du billet doublant même à 113€ en moyenne, contre 64 € quand il existe un direct, constate l’UFC. La liaison Nantes-Marseille par exemple, qui n’est plus desservie par train direct depuis 2020, a vu le trafic aérien progresser de 11% entre 2019 et 2024, selon les chiffres du rapport. C’est la liaison transversale aérienne la plus empruntée en France avec plus de 400 000 passagers par an.
2,5 fois plus cher sur les trajets européens
Et sur les liaisons européennes, la bataille tourne largement en faveur de l’avion selon les chiffres de Greenpeace à paraître cet été. L’ONG membre du Réseau Action Climat a comparé le prix d’entrée des billets d’avion et de train sur 21 liaisons entre la France et les pays européens. En pondérant par le nombre de passagers aériens, le train est en moyenne 2,5 fois plus cher que l’avion. Par exemple : sur la liaison Paris-Rome, qui transporte plus de deux millions de passagers aériens chaque année, le billet d’avion le plus bas oscille autour de 70 € en moyenne, contre 210 € pour le rail. Aucun train direct ne relie les deux capitales européennes. Entre Marseille et Londres où il existe un direct en Eurostar, Greenpeace a même trouvé un billet d’avion à 15 €, quand le billet de train le moins cher coûtait 188 € le même jour.
Les chiffres d’UFC-Que Choisir se démarquent de ceux de l’Autorité de régulation des transports (ART). Dans un tout récent rapport du régulateur consacré aux déplacements multimodaux, l’écart de prix kilométrique entre TGV classique et vols low cost tourne en faveur du train. L’ART arrive à un prix par voyageur de 23 euros pour 100 km en avion classique, 13,9 euros en TGV Inoui direct (et moins de 12 euros pour 100 km parcourus), 6,8 euros en TGV low cost contre 12,7 euros en avion low cost. Et moins de 10 euros en Intercités et TER longue distance. « L’ART s’est basé sur les prix moyens de la SNCF, qui ne sont pas représentatifs de l’expérience consommateur, car ils ne reflètent pas le yield [l’ajustement des prix selon le taux de remplissage des trains] », relativise Lucile Buisson, chargée de mission énergie, environnement et transports chez UFC-Que Choisir. Les études de Greenpeace et de l’UFC ont pris le parti de concentrer l’analyse sur le prix le plus bas sur une journée donnée.
« Aberration totale »
Et là, « l’aberration est totale », critique le Réseau Action Climat qui tente des pistes et recommandations pour rétablir la réalité des coûts de transport. En s’appuyant sur les chiffres du bureau d’étude Carbone 4 qui a décortiqué les structures des coûts de transport entre Paris et Barcelone, pour une compagnie aérienne et une ferroviaire. L’avion est 2,5 fois moins cher que le train pour une raison simple, explique le bureau d’étude : le secteur aérien bénéficie d’exonérations fiscales (pas de taxe sur le kérosène, TVA à 0 % sur les vols internationaux) alors que les opérateurs ferroviaires s’acquittent de péages auprès de SNCF Réseau, le gestionnaire du réseau ferré, pour financer l’entretien. Et sur le Paris-Barcelone, ces péages représentent plus de la moitié des coûts pour la SNCF, qui les répercute sur le prix du billet de train. Pour l’Etat, les exonérations fiscales de l’aérien représenteraient un manque à gagner de 37 euros par passager sur le vol en question. Un argument au moment où les débats s’agitent entre les participants de la Conférence nationale de financement des transports, qui doit rendre ses conclusions à l’été.
Pour que le ferroviaire, moins polluant que l’avion, puisse tenir la comparaison et financer son réseau vieillissant, Réseau Action Climat appelle le gouvernement à mettre fin aux niches fiscales aériennes (hors Outre-mer), en augmentant la taxe sur les billets d’avion à un niveau qui compense les exonérations fiscales dont bénéficie l’aérien. Ce qui permettrait de baisser les péages ferroviaires sur les liaisons transversales et internationales : celles où le prix du train est plus élevé que l’avion. Et de financer un billet de train aller-retour à 29 euros, une fois par an, « pour permettre à tous les Français de prendre le train, la moitié ne l’ayant jamais pris [selon la Fnaut]. Cette proposition ne sort pas d’un chapeau, c’est l’équivalent de l’exonération fiscale dont bénéficie l’aérien », relève Alexis Chailloux, responsable transport chez RAC. Avec UFC-Que Choisir , le réseau des associations de défense du climat recommande de relancer « vraiment » le train de nuit, en priorité les lignes entre les régions (Marseille-Nantes, Lyon-Bordeaux, Nice-Strasbourg) et vers l’international. Et enfin, d’interdire les liaisons aériennes de moins de 2h30 même s’il n’existe pas d’alternative en train. C’était la proposition de la Convention citoyenne pour le Climat en 2020, qui n’avait pas été retenue par le gouvernement préférant mettre le curseur à 2h30. Une étude, réalisée par Egis Rail un an après, montrait que le train pouvait facilement se substituer à l’avion sur quasiment toutes les lignes pour des temps de trajet allant jusqu’à 4 heures. A bon entendeur…
Lire l’intégralité du rapport UFC-Que Choisir- Réseau Action Climat : ici
“Ticket prices of plane vs train: trips from, to and within France”, juin 2025. Rapport complet de Greenpeace à paraître cet été.