Après le décès du cycliste Paul Varry, 27 ans, tué par un automobiliste après une altercation en octobre 2024 à Paris, le gouvernement avait confié une mission au haut fonctionnaire Emmanuel Barbe sur les questions de partage de la voirie, de violences et tensions liées à la mauvaise cohabitation entre les usagers. « Une mort choquante et révoltante », a qualifié l’ancien délégué interministériel à la sécurité routière qui a remis le 28 avril son rapport au ministre des transports Philippe Tabarot.
Trois jours auparavant, un cyclotouriste perdait la vie sur une route départementale du Tarn, percuté par une voiture. En 2024, selon les chiffres cités dans le rapport Barbe, 222 cyclistes sont morts dans un accident de la circulation routière en France métropolitaine (7%). Au total, les adeptes de la mobilité douce (vélos, marche, trottinettes, gyropodes etc.) comptent pour 22 % de la mortalité routière. « Le partage de la voirie n’est pas vu comme une politique en tant que telle », a pu constater Emmanuel Barbe en auditionnant longuement les élus, les représentants des administrations, les techniciens. « L’Etat n’a aucun outil pour mesurer l’agressivité, la violence entre usagers de la voirie, dans l’enquête victimation, l’item violence a même disparu », regrette-t-il. Il s’exprimait à l’Hôtel de Ville de Paris lors d’un journée de débats organisée par le réseau Vélo&Marche.
40 recommandations
Parmi les 40 recommandations formulées dans son rapport (ici), 18 sont considérées comme « prioritaires » comme la vidéo-verbalisation des franchissements de feu par les automobilistes, le non-respect du sas vélo ou des voies réservées. Quitte à se servir de la surveillance algorithmique (récemment retoquée par le Conseil constitutionnel, lire ici) .
Ou des nouveaux barèmes d’amendes pour sanctionner davantage les infractions commises par les cyclistes. Il recommande aussi de changer les règles de dépassement d’un vélo par un véhicule motorisé, obligeant son conducteur à franchir complètement la ligne médiane, au lieu de se déporter d’un mètre (en ville) ou d’ 1,50 mètre (sur route) comme le code la route l’y oblige actuellement.
Certaines recommandations lui tiennent particulièrement à cœur, « même si elles ne sont pas sexy », admet Emmanuel Barbe. Par exemple, renommer le Code de la route, « Code de la voie publique », comme nos voisins belges. « Une mesure performative », pour lutter contre la place dominante de la voiture, défend-il « Le fait de le dire permet de le faire, et en plus, cette mesure ne coûterait rien ». Une autre, « très pratico-pratique« , consiste à peindre toutes les pistes cyclables de la même couleur. Ou d’ouvrir les portières de voiture « à la hollandaise » : c’est-à-dire avec la main droite afin de se retourner et voir un cycliste ou un piéton arriver.
Repasser le code ?
Il avait bien envisagé d’obliger les automobilistes à repasser périodiquement le code de la route pour apprendre les nouvelles règles nées avec la pratique du vélo (le double-sens cyclable, par exemple), ou de rendre le permis de conduire vélo obligatoire, mais a décidé d’écarter ces mesures « impopulaires ».
Il propose aussi des mesures visant à améliorer la formation et l’apprentissage du partage de l’espace public : des cours de vélo pour les nouveaux cyclistes, finançables par le compte professionnel de formation, et des enseignements plus ciblés sur les mobilités douces dans les auto-écoles.
Le rapport souligne le fort levier que représente la vélo pour répondre aux enjeux de pouvoir d’achat, de santé publique et de transition écologique. Un potentiel sous-exploité en raison du manque d’infrastructures, juge son auteur. Qui juge « dommage que l’Etat ait décidé d’abandonner le Plan vélo. Ça sanctionne la ruralité, regrette-t-il, les petites communes et intercommunalités n’ayant pas les moyens de construire des aménagements cyclables sécurisées, sans l’aide de l’Etat.
Le ministre des Transports Philippe Tabarot doit annoncer la suite qu’il entend donner aux recommandations de la mission Barbe dans les deux prochains mois. Avant cela, il ouvrira la conférence de financement des transports, le 5 mai prochain. Et les associations représentatives du vélo se disent « très inquiètes de ne pas y être invitées », souligne Françoise Rossignol, présidente de Vélo&Marche.