Par Jean-Claude Favin-Lévêque
C’est l’expression utilisée par la ministre de l’Ecologie pour qualifier la hausse des tarifs de la SNCF pour 2015. Cette hausse arrivait à un bien mauvais moment, celui où entrait en vigueur la mère de toutes les réformes, cette réforme ferroviaire supposée relever les défis du XXIe siècle. Elle envoyait un message pessimiste, que SNCF ne pouvait contenir une dérive de ses coûts, notamment de main-d’œuvre, que ce grand groupe public n’était pas en mesure de dégager des gains de productivité suffisants pour compenser une inflation historiquement faible et qu’enfin il ne pariait pas sur les effets de cette réforme pour pouvoir le faire.
Mais faisant suite à ce mauvais signal envoyé par l’entreprise avec l’accord du ministère, ce dernier en envoie deux autres. L’ensemble montre à quel point le ferroviaire français tourne en circuit fermé et affiche son manque de stratégie.
Autre mauvais signal en effet que le feu vert gouvernemental à la déclaration d’utilité publique de la ligne nouvelle Poitiers – Limoges. Ce gouvernement avait dénoncé un prétendu tout TGV, supposé coupable des malheurs des trains du quotidien et de la dette du système ferroviaire. Un slogan désastreux. Dans ce contexte, la décision gouvernementale apparaît aujourd’hui d’autant plus ubuesque. Car s’il y a du bon et du mauvais TGV, le Poitiers – Limoges fait indéniablement partie de la deuxième catégorie. Un projet ruineux pour un service injustifié à un coût d’exploitation rédhibitoire. L’avis est unanime et a été documenté par la commission Mobilité 21 et la Cour des comptes : Poitiers – Limoges était l’exemple de ce qu’il ne faudrait plus faire. Le mauvais signal s’adresse aux responsables des collectivités territoriales qui peuvent impunément continuer à défendre des projets dispendieux dont ils ne supporteront pas les charges financières. Il décrédibilise l’action publique en soulignant le manque de courage de l’Etat central qui, pour des raisons politiciennes, n’ose pas dire non à des projets déraisonnables. On voudrait tuer le TGV qu’on ne s’y prendrait pas autrement.
Mauvais signal enfin que cette information, ni officialisée ni démentie, que la prochaine attribution du contrat des Trains d’équilibre du territoire se ferait sans appel d’offres. Information discrètement occultée par une nouvelle commission Duron sur les trains du quotidien et un zeste de concurrence avec les cars longue distance dans la loi Macron. Mais le conservatisme reste total quant à l’ouverture du rail pour cause de corporatisme syndical. La France continue à entrer dans l’Europe ferroviaire à reculons. La victime en sera tout d’abord les finances publiques qui continueront à payer des trains du quotidien 30 % plus chers que chez nos voisins. Ce sera ensuite l’entreprise publique qui, surprotégée trop longtemps, devra finir par basculer sans transition dans le grand bain de la concurrence sous la pression de voisins exaspérés par le double langage. Le résultat est connu d’avance car notre pays a déjà utilisé cette triste recette pour le fret : le trafic marchandises a chuté dans notre pays de 30 % pendant qu’il augmentait de 40 % en Allemagne.
Le mauvais signal, c’est que la France poursuit son chemin ferroviaire, indifférente au monde extérieur, selon son habitude, ses mauvaises habitudes.