Pourquoi le cheminot Jean-Pierre Farandou se retrouve ministre du Travail
C’est la nomination surprise du gouvernement Lecornu II. Jean-Pierre Farandou devient ministre du Travail et des solidarités. Pdg de la SNCF, il s’était attiré les foudres de Bruno Le Maire. Pour Marylise Léon, patronne de la CFDT, qui se souvient d’un « très bon dialogue avec lui à la SNCF », l’arrivée de ce patron social est « un bon signal ».
« Ce n’est pas donné à tout le monde de créer les conditions du débat, d’écouter, de comprendre les contradictions et les désaccords ». Cette qualité, Thierry Nier, le patron de la CGT cheminots, l’attribuait il y quelques mois à Jean-Pierre Farandou quand il était pdg de la SNCF. Et c’est sans doute cette image d’homme de dialogue et surtout, de démineur qui a su renouer les liens avec les syndicats, qui lui vaut, à 68 ans, sa nomination au ministère du Travail. La marque Farandou, c’est le soin porté aux relations avec les organisations syndicales.
Selon notre confrère Mobilettre, son nom a été soufflé par Philippe Gustin, directeur de cabinet de Sébastien Lecornu pour former un nouveau gouvernement.
Faconde
Avec son sens du contact, son accent du sud-ouest et une certaine faconde, le cheminot pur sucre avait pris les commandes de la SNCF en 2019 avec des comptes dégradés, mis à mal par une grève dure contre la réforme des retraites, le Covid, la fin du recrutement au statut, et l’arrivée de la concurrence. Il avait pris son bâton de pèlerin pour obtenir des financements en faveur du rail, 100 milliards d’euros. Premier clash avec Bercy. Elisabeth Borne, alors Première ministre lui avait donné raison. « Quand je suis arrivé à la SNCF fin 2019, il y avait une rupture, une glaciation des relations sociales. J’ai rétabli le dialogue, il a été nourri et réussi », nous avait-il affirmé dans une interview publiée par La Vie du Rail en mai 2024. En 2023, il dit avoir rencontré par moins de 70 fois les syndicats et les délégués du personnel, au niveau central et en région.
Concurrence, discontinuité de Fret SNCF – que les syndicats qualifient d’ »éclatement » – les enjeux sociaux étaient énormes. « On ne peut pas embarquer 150 000 cheminots dans un projet de transformation sans les représentants du personnel. Sinon, c’est la porte ouverte aux collectifs et alors là, c’est très compliqué…« , confiait l’ex-patron de la SNCF. Les collectifs ont quand même réussi à mettre le pied dans la porte…
Patron social
Plusieurs accords importants ont été signés sous l’égide de Jean-Pierre Farandou. Parfois par tous les syndicats de la SNCF, comme pour l’accord sur la cessation anticipée d’activités au printemps 2024. L’entreprise venait de traverser une série de grèves d’ampleur, motivées notamment par la réforme des retraites. Le 22 avril, ils renégocient avec la direction un accord qui améliore les conditions de fin de carrière des agents. Il prévoit, entre autres, une amélioration du dispositif de retraite anticipée, en particulier pour les cheminots ayant occupé des postes à la pénibilité avérée. Ce texte qui avait valu à Jean-Pierre Farandou d’être convoqué à Bercy par un Bruno Le Maire ulcéré, a permis d’éloigner la menace d’une nouvelle grève des contrôleurs lors des ponts du mois de mai. Et d’éteindre la colère sociale avant les JO, comme le lui avait demandé le gouvernement.
Tout semble pardonné aujourd’hui. Bruno Le Maire n’est plus au gouvernement, lui, le patron social, l’est. Celui qui se définit comme « un infatigable du dialogue social » va avoir de quoi se mettre sous la dent avec le dossier sensible de la possible suspension de la réforme des retraites. Si le gouvernement Lecornu II n’est pas censuré d’ici là.
Publié le 15/07/2025 - Francois ENVER
Publié le 17/06/2025 - Marie-Hélène Poingt