C’est une tendance de fond. Les Français sont de plus en plus prêts à partager leur voiture, leur parking, leurs savoirs, leurs outils Sur la Toile, une multitude de sites leur proposent de les mettre en relation. Une nouvelle forme de concurrence pour les professionnels du transport qui ne peuvent pas s’en désintéresser.
Prête-moi ta voiture, je te donnerai de l’argent. C’est un grand principe qui se décline désormais sur le Web. S’il touche principalement les transports, le phénomène concerne aussi toutes les activités de la vie quotidienne : que ce soit pour bricoler, pour laver son linge ou pour trouver des cours, plus la peine de se déplacer ou de posséder l’outil. Internet vous met en relation. Un nouveau consommateur est né : l’adepte de la location et du partage.
« Dans le domaine de la consommation collaborative, les Français peuvent lancer un cocorico. Pour la location de voitures ou de parkings entre particuliers notamment, la France est partie tôt et a une bonne longueur d’avance sur les autres », estime Paulin Dementhon qui a récemment créé un site de location de voitures entre particuliers www.drivy.com.
« Les comportements ont évolué. Tout le monde a pris l’habitude des réseaux sociaux. On peut se connecter à ses amis mais aussi aux amis de ses amis. Et on peut même faire confiance à des gens qu’on n’a jamais rencontrés. Les sites apportent un ensemble d’informations vérifiées qui permettent d’accorder sa confiance », assure Frédéric Mazzella, le fondateur de Blablacar, un des leaders européens du covoiturage qui recense, dix ans seulement après son lancement, cinq millions de membres.
« La consommation collaborative, ce n’est pas une bouée de secours en temps de crise. Ni de la débrouille faute de mieux. Les sites collaboratifs rendent vraiment service et de façon efficace. Ils apportent de la valeur économique et du bon sens écologique », renchérit Paulin Dementhon.
D’après TNT Sofres pour La Poste, 48 % des Français s’adonnent régulièrement à la consommation collaborative et 80 % ont l’intention de s’y mettre. Le facteur économique n’y est pas étranger – 63 % veulent payer moins cher – mais pas seulement. Selon une autre étude TNT Sofres réalisée pour le groupe Chronos, 51 % des Français pensent que l’essentiel des déplacements se fera dans des véhicules partagés en 2030.
Si le partage se répand à vitesse grand V, c’est que les technologies – Internet d’abord, mais aussi les GPS et les smartphones, donc Internet mobile – permettent une mise en relation quasi instantanée. Mais il ne suffit pas d’être sur la Toile pour exister. Pour rester dans la course, il faut inventer de nouveaux services et des outils à la pointe de la technologie. Il faut investir et donc trouver des fonds. C’est le cas, entre autres, de Blablacar qui a su convaincre des investisseurs de le suivre dans l’aventure et vise un développement à l’international. Mais pas n’importe où. « Aux Etats-Unis, le covoiturage ne marche pas car la possession d’une voiture est moins onéreuse qu’en Europe. L’essence y est aussi moins chère. Et les zones d’habitation sont éparpillées ce qui implique de longues distances à parcourir pour aller chercher son covoitureur », indique Frédéric Mazzella.
Les sites, souvent gratuits au démarrage, prennent désormais une commission quand ils apportent une réelle valeur ajoutée. Peu sont aujourd’hui rentables. Mais ils devraient l’être dès qu’ils auront atteint la taille critique.
A peine né, le marché semble en train de se structurer. « Nous sommes déjà dans une phase où le nombre d’acteurs a commencé à chuter. Deux ou trois perdureront vraisemblablement autour de trois grands modes de fonctionnement : les sites communautaires, les sites de petites annonces et les sites fonctionnant sur le modèle Autolib’ », estime Gary Cohen, l’un des fondateurs de www.deways.com.
Un marché sur lequel les transporteurs traditionnels aimeraient aussi se placer. Comme le prouvent les multiples prises de participation de la SNCF, qui a récemment fait passer de 20 % à 100 % sa participation dans Green Cove Ingénierie, la société éditrice du site de covoiturage 123envoiture.com, après avoir pris le contrôle d’Ecolutis, (société de covoiturage en entreprise) et investit l’an dernier dans Zilok (location de voitures entre particuliers) et Move About (autopartage en Europe).
Mieux vaut accompagner le mouvement qui pourrait aussi se révéler un redoutable concurrent, doit se dire la SNCF qui a vite fait les comptes : le tout jeune site Blablacar assure déjà les trajets de 356 000 personnes chaque mois. Soit l’équivalent de 1 000 TGV ! Les opérateurs de transport traditionnels savent qu’ils ne peuvent pas rester sur le bord du chemin.
Cécile Nangeroni et Marie-Hélène Poingt