«Les opérateurs de transports sont de plus en plus favorables à l’ouverture et l’exploitation de leurs données, notamment à travers des hackathons [événement où des développeurs se réunissent pour faire de la programmation informatique collaborative, ndlr] » «Les opérateurs de transports sont de plus en plus favorables à l’ouverture et l’exploitation de leurs données, notamment à travers des hackathons [événement où des développeurs se réunissent pour faire de la programmation informatique collaborative, ndlr] », considère Arnaud Druelle. Pourtant, l’open data dans les transports reste encore un concept assez flou. « Les opérateurs ouvrent les données à leur sauce. Et la question de savoir qui ouvre le robinet des données, de la collectivité ou de l’exploitant, n’est toujours pas tranchée. D’après la législation actuelle, la question de l’appartenance des données transport doit être intégrée dès l’appel d’offres et aujourd’hui quasiment personne ne l’a fait », indique Julien de Labaca.
Alors quel rôle doit jouer la collectivité ? Doit-elle développer ses propres applis ? Faire appel à la créativité de ressources extérieures ? Le constat est qu’en interne, les collectivités et les réseaux n’ont pas l’agilité nécessaire pour suivre les évolutions incessantes dans ce domaine. Ce qui entraîne souvent des redondances, comme c’est typiquement le cas des sites de covoiturage lancés à échelle locale et qui ne prennent pas faute de masse critique, alors que le leader – Blablacar – propose désormais une offre extrêmement dense. « La collectivité doit être garante de la fiabilité et de la qualité, qui intègre la notion de mise à jour, mais il est plus pertinent que ce soient des développeurs externes qui créent les applications », tranche Julien de Labaca.
New York ou Londres ont par exemple tenté cet équilibre. Outre-Atlantique, la MTA (Metropolitan Transport Authority) à New York, laisse les développeurs faire et labellise les applications en fonction de leur qualité. TfL (Transport for London) a de son côté suivi un chemin similaire (« use our data but don’t pretend to be us »), en ouvrant ses données mais en jaugeant la qualité des applications avant de les conseiller à ses usagers. Bref, la collectivité devrait insuffler – par le biais de concours ou hackathons – et garantir la qualité. Si les Français sont timides, on sent poindre quelques initiatives intelligentes, comme Moovit qui a décroché un partenariat avec Keolis à Bordeaux. « Cette démarche d’open innovation est fondamentale car les start-up apportent une vitesse d’exécution et des compétences que les collectivités ne possèdent pas », conclut Arnaud Druelle.
Qui paie l’addition ?
L’argent, nerf de la guerre, est également une question épineuse. « Les coûts de maintenance sont souvent négligés, au-delà du coût initial du développement de l’application, sans compter les mises à jour sur plusieurs systèmes d’exploitation », distingue Arnaud Druelle. La question du coût et celle de la rentabilité restent en suspens. « Les gens sont prêts à payer pour ne pas avoir de publicité et le modèle du freemium est très bon car il permet de tester avant d’acheter en quelque sorte », estime Julien de Labaca.
L’autorisation d’utiliser les données de l’utilisateur générées par le tracking pourrait également être une piste de monétisation. Une sorte de modèle gagnant-gagnant. « Cela prouve en tout cas que le modèle de l’éclatement des applications n’est pas tenable à terme. Qu’on le veuille ou non, il faut qu’il y ait une concentration d’acteurs qui proposent du service en plus », propose Julien de Labaca.
Google, qui vient de racheter Waze, spécialisée dans la navigation, affiche clairement ses prétentions et dispose de cette force de frappe. « Google Maps est un outil fabuleux utilisé dans toutes les capitales européennes qui intègre jusqu’aux pistes cyclables et le temps réel. En France, on en a peur, on refuse à Google d’accéder aux données transports, même théoriques. Mais où est la sensibilité de la donnée, là-dedans ?! », s’étrangle Julien de Labaca. En Allemagne, la Deutsche Bahn a choisi de s’associer avec le géant américain. En France, la SNCF aurait sa carte à jouer dans la mise en place d’une métaapplication multimodale et intermodale, qui permettrait de guider l’usager en porte à porte. Le lancement de l’application MyTripSet, la plateforme « Porte à Porte », le rachat d’Ecolutis et 123envoiture.com, spécialiste du covoiturage, par l’opérateur ferroviaire français ainsi que le Plan Excellence 2020 dévoilé par Guillaume Pepy en 2013, mettent l’eau à la bouche.
Elsa Sidawy