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Ewa

La Cour des comptes recommande de supprimer l’AFITF France et de renforcer le COI

Fronton (dans la grande chambre) avec l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Pierre Moscovici et son assemblée de magistrats financiers ont visiblement décidé de mettre les pieds dans les plats. Dans son rapport annuel publié le 12 mars, la Cour des comptes ausculte pour la première fois les politiques publiques consacrées à l’adaptation au réchauffement climatique. Et elle est très sévère avec l’Etat et les collectivités, soulignant « la nécessité que l’action publique en faveur de l’adaptation au changement climatique soit transparente, cohérente et efficiente ».

La veille, l’institution de contrôle financier publiait un autre rapport, sectoriel, sur l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF France. Et elle n’est pas tendre non plus. Qualifiée de « faible valeur ajoutée » (…) L’Agence de financement des infrastructures de transport de France, établissement public administratif créé en 2004, gère un montant d’investissements important (3,3 Md€ en 2022), mais n’emploie que cinq équivalents temps plein, reste étroitement subordonnée à l’administration centrale », matraque le rapport en introduction. Une subordination qui, dans le milieu des transports, vaut à l’Agence le quolibet de « caisse enregistreuse ».

Nouveau départ pour le Conseil d’orientation des infrastructures (COI) ?

Repris par la rue Cambon dans des termes plus choisis mais assertifs :  « Simple caisse de financement permettant à celle-ci de contourner la législation budgétaire, elle doit être supprimée et ses crédits réintégrés au sein du budget général de l’État », recommandent les magistrats financiers. S’ils saluent « l’effort de rationalisation » entrepris par l’Etat « qui s’est traduit par la création du Conseil d’orientation des infrastructures (COI) et la loi d’orientation des mobilités de 2019, l’État continue de prendre des engagements au coup par coup, sans se référer à une sélection et une hiérarchisation claire des projets et en reportant trop souvent la question du financement », critique la rue Cambon.

Elle préconise de réformer et de renforcer le COI en le dotant « des moyens nécessaires à l’exercice de ses missions, dont le suivi de l’application des décisions d’investissement ». Objectif : une programmation des dépenses d’infrastructures de transport, « plus précise, plus complète, assortie d’un financement identifié, centré notamment sur la régénération et la modernisation d’infrastructures désormais vieillissantes ».

David Valence, député Renaissance des Vosges qui a présidé le COI de 2021 à janvier dernier (il est candidat à sa reconduction) s’en félicite : « Le COI est une structure ad hoc, qui a déjà vu son champ de compétences élargi en 2021, mais qui n’a pas de moyens humains en conséquence. Nous avons produit trois rapports [le dernier en date sur les choix d’investissements de l’Etat pour les infrastructures de transport, avait conduit il y a un an l’ancienne Première ministre, Elisabeth Borne, à promettre 100 milliards d’euros d’investissement sur 15 ans pour le secteur ferroviaire, ndlr]. Il milite pour la capacité d’autosaisine du COI sur des sujets comme l’avenir des concessions d’autoroutes, la transition écologique de la route et son coût ou encore l’évolution du versement mobilité pour financer les transports publics.

Bon camarade, le député dit ne pas comprendre ce que l’on reproche à l’AFITF :  » Le fait qu’elle existe et qu’elle sécurise les dépenses d’infrastructures n’est pas une mince vertu », défend David Valence qui ne voit aucun inconvénient à faire coexister les deux structures. « La Cour des comptes reproche des choses à l’AFIT qui, en réalité, sont liées à l’absence de loi de programmation des infrastructures de transport », ajoute-t-il.

Alors, terminus pour l’AFIT France ? Le tout nouveau président, Franck Leroy, nommé non sans quelques péripéties (lire), appréciera… Et que fera de ces recommandations Patrice Vergriete qui a fait un passage éclair à la tête de l’Agence avant d’être nommé ministre du Logement, puis en février dernier, a pris le portefeuille des Transports ?

Nathalie Arensonas

Lire le rapport complet : ici

Ewa

La Cour des comptes pointe les performances « peu satisfaisantes » des RER franciliens

RER B - Magenta
Pour la Cour des comptes, qui s’est penchée sur les conditions de voyage des plus de 3 millions de passagers quotidiens des RER A, B, C, D et E, la qualité de service reste médiocre. « Il ne se passe pas de semaine, sans que des incidents de toute nature ne viennent détériorer le niveau de service », déplorent les magistrats de la Cour dans un rapport de 140 pages dévoilé le 18 octobre.
Les  rapporteurs s’étonnent des enquêtes de satisfaction d’IDFM, auprès des voyageurs, qui déterminent les bonus-malus des opérateurs et «font état de retours toujours favorables pour les cinq lignes RER, de 74 % à 86 % de voyageurs se déclarant satisfaits ». Pour en avoir le coeur net, la Cour des comptes ont lancé sa propre enquête dont les résultats sont beaucoup plus sévères. Lancée entre le 26 juillet 2022 et le 20 août 2022, auprès de 4000 voyageurs réguliers titulaires d’un pass Navigo et complétée par des enquêtes en tête-à-tête, elle a révélé « des taux de satisfaction plus modestes » et une hiérarchisation différente des préoccupations. « Les leviers de la satisfaction des clients sont la régularité (20 %), l’information (26 %) la propreté (19 %), et la sécurité (16 %) ». Les « Sages » de la rue Cambon suggèrent à IDFM d’utiliser une nouvelle grille d’évaluation « qui augmente le poids relatif de la ponctualité à 50 % » et dans laquelle « l’information en situation perturbée doit également prendre une place plus importante, à hauteur de 22 % », les critères liés à l’accueil pouvant être, eux, abaissés dans l’indicateur global.
Les critères comme la propreté, l’information des voyageurs ou l’accessibilité, ont de ce fait pu générer, dans les contrats 2016 à  2019, des bonus financiers qui compensaient les malus au titre de la ponctualité, même si, dans les contrats suivants, « Ies plafonds ont de bonus-malus ont été quadruplés », note le rapport.
De plus, la ponctualité s’est améliorée depuis le début du nouveau contrat, du fait du recul de la fréquentation liée à la crise sanitaire. La contraction de l’offre a aussi conduit à l’amélioration des autres indicateurs de qualité de service, si bien, qu’« en 2021, les montants des bonus-malus de qualité de service n’ont jamais été aussi élevés depuis 2012 et les réfactions de rémunération pour kilomètres prévus non réalisés aussi faibles », indique le rapport.
Ses auteurs invitent donc l’autorité organisatrice de transport « à renforcer le contrôle des opérateurs, dans le cadre d’une véritable stratégie d’audit et de préparation des contrats ». Jugeant que les données sur la fréquentation sont faibles, ils recommandent la publication d’un « rapport annuel établissant les performances de chaque ligne au regard de ses enjeux propres, notamment, de sa fréquentation ».
Mettant de côté le RER A, qui a bénéficié d’investissements importants (tant pour le matériel que pour les infrastructures), Pierre Moscovici, le président de la Cour, juge particulièrement préoccupants  « les RER B et D, qui cumulent un fort trafic, un taux de ponctualité médiocre et une hausse prévisible de la fréquentation ».  Des lignes saturées et dont la « capacité plafonne alors que leur trafic augmente de 2 % par an depuis 2010« .
En particulier, la co-exploitation du RER B par la RATP (au sud) et la SNCF (au nord) est jugée « inadaptée», « trop complexe, voire illisible », et de ce fait  « dilue les responsabilités ». D’où la nécessité de mettre en place sans attendre « une organisation nouvelle » et de lancer au plus vite un centre de commandement unique.
Reconnaissant toutefois l’importance des investissements à consentir en Ile-de-France, la Cour regrette notamment les retards dans l’installation de Nexteo pour les RER B et D, qui doit permettre d’accroître le débit dans le tunnel commun à ces deux lignes entre Châtelet et Gare du Nord et doit « remédier en partie à une source majeure de difficultés » sur ces lignes. Elle recommande aussi « d’associer contractuellement IDFM et SNCF Réseau ».
Réagissant aux critiques, IDFM « déplore » le fait qu’un « contrat avec SNCF Réseau ne puisse être établi« , ce qui serait « un moyen prépondérant pour accélérer les travaux de rénovation des infrastructures ferroviaires en Ile-de-France« . Et indique aussi souhaiter « négocier un contrat bilatéral avec SNCF Gares & Connexions« .
Yann Goubin

Ewa

La Cour des Comptes critique la gestion des centres de vacances de la SNCF

TGV Ouigo voyageurs

Centres de vacances qui se dégradent, gestion des travaux aléatoire, absentéisme du personnel, manque de transparence…. ce sont quelques-unes des principales critiques formulées par la Cour des Comptes dans son rapport publié début mai sur « l’Instance commune » (l’IC), nouveau nom donné depuis janvier 2020 à l’ex-comité central d’entreprise du groupe SNCF, suite aux ordonnances Macron dans le cadre de la réforme du Code du travail.

Cette instance, gérée par les organisations syndicales, en tête desquelles la CGT prééminente, est commune aux cinq sociétés du groupe SNCF, rappelle la Cour. « Au titre de ses diverses activités, il lui a été reversé plus du tiers des subventions accordées aux comités sociaux et économiques de chacune des sociétés du groupe, ce qui représentait en 2021 un total de 35,6 M€« , écrivent les rapporteurs qui se sont penchés sur les exercices courant de 2017 à 2021.

Un très important parc immobilier

L’IC tient en effet une place majeure parmi la soixantaine d’instances qui constitue l’ensemble des institutions représentatives du personnel (IRP) du groupe public ferroviaire (GPF). Parmi ses attributions, elle gère les activités sociales et culturelles, comme les séjours pour les familles de cheminots et les colonies de vacances pour leurs enfants, organisés notamment dans plus d’une soixantaine de sites, propriétés de la SNCF mais gérés par l’IC. Plus précisément, il s’agit de 13 villages  de vacances répartis sur tout le territoire ( dont Calvi, Quiberon, Saint-Mandrier, Saint-Raphaël, Briançon ou Samoëns) et de 53 centres de vacances pour enfants (Argentières, Pornichet, Soulac-sur-Mer, Samoëns..) . L’IC propose aussi des séjours dans des centres gérés par des partenaires. C’est vraiment son coeur d’activité qui représente 97% de ses charges d’exploitation. « Présidée par le directeur des ressources humaines de la SNCF, qui n’a aucune attribution de gestion, l’IC est dirigée par une secrétaire, et employait, en 2021, 281 salariés, hors personnel saisonnier recruté pour faire fonctionner les sites de vacances », indique le rapport.

Mais, estime la Cour, ce « très important parc immobilier » est dans un état « parfois préoccupant ». Se basant sur des rapports suite à des visites d’élus, l’institution de la rue Cambon estime que les critiques formulées  « sont le symptôme d’une insuffisance manifeste de suivi et d’entretien des lieux pendant l’année, et d’une politique de rénovation incertaine, préjudiciable au bon déroulement des séjours et à l’attractivité de ce type de séjours pour les enfants ».

Des problèmes d’entretien au quotidien

Parmi les sites très dégradés, elle pointe le centre « Les Tourterelles » du Verdon (Gironde), « régulièrement touché par une invasion de fourmis charpentières et de termites qui en ont affecté la structure », le château d’Écalles Alix (Seine-Maritime), « infesté par la mérule, non conforme aux normes incendie, dépourvu de chauffage et d’aération, avec des menuiseries extérieures très dégradées et des défauts d’étanchéité de la toiture (un diagnostic technique réalisé en 2018 a préconisé la réalisation de nombreux travaux pour un total d’environ 2 M€). De fait, seuls les espaces extérieurs sont encore utilisés et l’IC envisage la restitution du site« .

Elle mentionne aussi, « pour les étés 2019 et 2020 des problèmes d’entretien « au quotidien » voire d’hygiène (un quart des sites mentionnant ce sujet), de gros entretien (même proportion), et d’équipements vétustes ou insuffisants (55 % des rapports mentionnant ce point)« . Or, autre travers, des entreprises sont « régulièrement reconduites sans réelle mise en concurrence malgré la qualité parfois contestable des prestations réalisées ; l’organisation des travaux manque de rigueur et le service du siège qui en est responsable rencontre des difficultés d’administration et de gestion« .

Les gardiens des finances publiques constatent ainsi le recours, pour nombre de sites, à une seule et même entreprise, ce qui génère des surcoûts élevés, notamment pour des frais de transport. Ils s’interrogent aussi sur « l’utilité réelle et l’activité des ouvriers, dont un pourcentage significatif est logé sur place, ainsi que sur la qualité de leur management ».
Enfin, ils jugent qu’en « l’absence de stratégie définie et d’un programme pluriannuel d’investissements, ni la SNCF ni l’IC n’ont une claire connaissance de l’ampleur des travaux à prévoir au cours des prochaines années, de leur ordre de priorité et de leur mode de financement« .

Vigilance sur les notes de frais

A cela s’ajoutent des critiques sur un manque de transparence et une connaissance « approximative » des bénéficiaires de ces activités culturelles et sociales et de la fréquentation des sites, « dont le taux d’occupation n’est pas un indicateur pilote de sa gestion« . Leur fréquentation n’avait d’ailleurs toujours pas retrouvé leur niveau d’avant crise sanitaire à l’heure où la Cour des Comptes a réalisé son enquête. Ainsi, notent les rapporteurs, la gestion des villages de vacances coûte le double de la moyenne nationale, tandis que pour les colonies de vacances, le poids de la masse salariale est deux fois plus élevé. « Les modalités d’inscription reposent sur un logiciel mal paramétré et des critères officiels en pratique imparfaitement appliqués« , ajoutent-ils.

S’agissant enfin de la gestion et des moyens de fonctionnement de l’IC, si les gardiens des finances publiques relèvent une situation financière « confortable« , ils alertent sur d’autres points de vigilance comme l’absentéisme des salariés (très largement lié à des arrêts de longue durée) qui a atteint 8,5 % en 2021 quand la moyenne est en France de 4,6 %, ou sur une « communication très insuffisante aux salariés du groupe public ferroviaire sur ses comptes, ses activités et sa gestion financière, alors qu’il s’agit d’une obligation légale« , ou encore sur « une vigilance nécessaire sur certaines dépenses comme les notes de frais ou certaines prestations« . Ironie de la situation pour un organisme géré par un syndicat, les « Sages »  notent enfin une « faiblesse des débats contradictoires » et la « rareté » de la prise en considération des positions différentes de celles de l’organisation syndicale majoritaire.

D’où onze recommandations, allant de la mise sur pied d’un audit interne à la mise en oeuvre d’un programme d’investissements pluri-annuels portant sur l’ensemble des sites, en passant par l’abaissement « significatif » du seuil de mise en concurrence. Dans sa réponse à la Cour, François Nogué, le DRH du groupe SNCF, affirme que les grosses réparations et reconstructions font bien l’objet d’un programme d’investissements pluri-annuels, après analyses et validations d’un comité de pilotage réunissant la DRH et SNCF Immobilier. De son côté, l’IC que nous avons également contactée n’avait pas encore répondu à nos questions à l’heure du bouclage de cet article.

Marie-Hélène Poingt

 

 

Ewa

La Cour des comptes égratigne le régulateur des transports

De gauche à droite :
Florence Rousse, Philippe Richert Sophie Auconie et Patrick Vieu.

 

Dans un rapport sur l’Autorité de régulation des transports (ART) publié le 29 novembre, les magistrats financiers reconnaissent la montée en puissance rapide du régulateur mais l’égratigne sur la gouvernance, la rationalisation des ressources humaines, les frais immobiliers, le contrôle des autoroutes et la régulation aéroportuaire. Ils formulent huit recommandations.

Si la Cour des comptes reconnait que, depuis sa création en 2009, l’ART a changé radicalement de dimension, passant en à peine dix ans, de régulateur ferroviaire à régulateur multimodal (autoroutes concédées, autocars Macron, redevances aéroportuaires, RATP, ouverture des données de mobilité), elle estime que ce changement s’est opéré « sans vision stratégique ».

Vision d’autant moins claire que l’ART n’a plus de capitaine depuis le départ de son président en août 2022, à la fin du mandat de Bernard Roman. La candidature de l’ancien préfet Didier Lallement est tombée à l’eau après le véto du président du Sénat, Gérard Larcher. Depuis, c’est Philippe Richert, vice-président de l’Autorité, qui est à la barre. Il a dû auparavant, pendant trois ans, se déporter sur tous les dossiers ferroviaires afin d’éviter tout conflit d’intérêt : avant d’être nommé à l’ART, il dirigeait la région Grand Est et était à ce titre responsable des TER.

La gouvernance de l’Autorité de régulation est d’ailleurs épinglée dans le rapport de la Cour : « Le fonctionnement du collège (l’organe décisionnaire, ndlr) est contraint par la mise en œuvre des règles de déport qui, n’ayant pas été suffisamment prises en compte lors des nominations (par l’Etat ou le Parlement, ndlr), peuvent affecter l’exercice des missions (…) Enfin, les méthodes de travail entre le collège et les services, en voie de structuration, pourraient gagner encore en efficacité », indiquent les « Sages » de la rue Cambon.

Faire de SNCF Réseau un « opérateur efficace »

Conséquence de la mutation à grande vitesse de l’Autorité : « La régulation assurée par l’ART est aujourd’hui à des stades différents de maturité selon les secteurs », estiment les magistrats financiers.

Sur la régulation ferroviaire, d’abord : elle « représente toujours près de la moitié du travail de l’ART et de ses effectifs qui ont triplé en 10 ans (90 équivalents temps plein,) mais le cadre de la régulation ferroviaire est encore perfectible, alors que les enjeux changent de nature », lit-on. A l’heure de l’ouverture à la concurrence, où le régulateur est en première ligne sur les questions de tarification, de robustesse du réseau ferré pour accueillir le supplément de trafic potentiel, la rue Cambon estime que l’ART « pourrait accompagner l’incitation à la performance » de SNCF Réseau pour en faire un « opérateur efficace ».

On comprend entre les lignes que dans le calcul des tarifs des péages imposés aux entreprises ferroviaires, le gestionnaire de l’infrastructure devrait faire peser sur les entreprises ferroviaire uniquement les charges d’exploitation du réseau ferré. Pas le financement de sa rénovation et de sa modernisation. Et que le régulateur devrait y veiller.

La Cour juge aussi que « le dialogue entre l’État, SNCF Réseau et l’ART gagnerait à être enrichi et rendu plus productif lors de l’élaboration du projet de contrat de performance ». Référence directe à celui signé par le gestionnaire du réseau et l’Etat en catimini en avril 2022, juste avant le premier tour de la présidentielle. Et unanimement critiqué.

Aéroports : pas un rôle complet de régulateur

Sur les redevances aéroportuaires ensuite, « l’ART n’exerce pas un rôle complet de régulation« , juge la Cour, qui recommande « de consolider (ses) compétences », sur le modèle du ferroviaire. Autrement dit, disposer d’un pouvoir d’avis sur les programmes d’investissement des aéroports, et d’un vrai pouvoir de collecte des données pour mieux réguler les tarifs des redevances payées par les compagnies aériennes.

Un « positionnement complexe » pour les autoroutes
Dans le domaine autoroutier où le rôle de l’ART consiste à rendre un avis sur les projets de contrats de concession et sur leurs avenants, et prévenir les risques de surcompensation tarifaire, la Cour n’est pas tendre. Notamment avec l’État : « L’ART a été érigée en tiers de confiance parce que l’État concédant était suspecté de ne pas suffisamment défendre l’intérêt des usagers (…) Ses analyses et travaux illustrent la complexité de son positionnement, entre conseiller de l’État concédant et contrôleur des relations entre l’État et les sociétés concessionnaires ».

Autrement dit, l’ART a vu depuis 2015 ses missions élargies au contrôle des contrats de concessions autoroutières mais n’a pas réussi à s’imposer face à l’État. Ni face aux mastodontes du BTP. Le gendarme des transports terrestres est plus prompt à taper sur la SNCF que sur Vinci, Eiffage ou Sanef ou Abertis…

Récemment, l’ART a poussé un coup de gueule par voie de communiqué, s’offusquant de ne pas avoir été consultée par l’État, comme le prévoit pourtant la loi, avant la signature d’un avenant au contrat de concession conclu avec la société ASF pour l’élargissement d’une bretelle d’autoroute, en Occitanie.

« Aisance financière »

La charge n’est pas terminée : « Les méthodes de travail entre le collège et les services [qui instruisent le dossiers, ndlr], en voie de structuration, pourraient également gagner en efficacité (…) Il conviendrait de procéder à un réexamen précis des ressources nécessaires, pour ajuster en conséquence la subvention annuelle versée à l’ART (14 M€ en 2022), et lui fixer des objectifs d’économie et d’efficience », professent les magistrats financiers. Qui jugent que « l’Autorité a bénéficié jusqu’à récemment d’une forme d’aisance financière ».

La Cour relève les « surcoûts » immobiliers, en partie contraints par une double localisation de l’ART (Le Mans, Paris) et son déménagement de la Tour Montparnasse en 2021, les bailleurs obligeant les locataires de vider les lieux pour des travaux de désamiantage et de rénovation énergétique. « Le total des dépenses immobilières présente un quasi doublement par rapport à 2015, avec un loyer de 1,5 M€ en 2022, alors que dans le même temps, l’effectif réel de l’Autorité n’a augmenté que de 65% », calculent les magistrats financiers.

Avant de livrer huit recommandations pour une meilleure gestion du régulateur des transports (à consulter ci-dessous), la Cour ne manque pas de souligner que l’arme de la sanction dont il dispose pour mettre en demeure les entreprises régulées de se mettre en conformité, n’a jamais été utilisée. « La commission des sanctions est peu sollicitée, mais en état de marche (sic). Elle ne s’est réunie qu’une seule fois, à l’occasion de son installation en 2016 », constate la Cour des comptes. C’est pourtant une arme de dissuasion dont s’était prévalu l’ancien président Bernard Roman, sans jamais l’actionner.

Nathalie Arensonas

(1) L’ART régule l’activité de gestionnaire d’infrastructure de la RATP dans le cadre du futur réseau du métro automatique Grand Paris Express.
Rapport Cour des comptes sur l'ART : recommandations
Consulter le rapport : ici

Ewa

Les pistes de la Cour des comptes pour remettre à flot les finances d’IDFM

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Préoccupant. C’est, en substance, le jugement de la Cour des comptes qui s’est penchée sur la situation financière d’Ile-de-France Mobilités, l’autorité organisatrice des transports collectifs de la région qui assurent chaque jour 9,4 millions de déplacements.

La crise sanitaire, qui a fait chuter le nombre de voyageurs dans les transports collectifs et donc les recettes (même si elles ne représentent que le tiers des recettes de fonctionnement d’IDFM), a mis à mal les finances d’IDFM. Si l’Etat a renfloué ses comptes en 2020 et 2021 -en lui apportant la première année, plus d’1,4 milliard d’euros, puis 800 millions d’euros l’année suivante-, sa contribution s’est essentiellement faite sous forme d’une avance remboursable, qui engage IDFM jusqu’en 2036.

Cette pression budgétaire survient à un moment où des investissements massifs sont engagés pour moderniser le réseau francilien (création de neuf nouvelles lignes de métro automatique pour le Grand Paris Express, et de tramway (lignes 9 à 13) ; prolongement de lignes et mise en place de 120 nouvelles dessertes de bus).  « L’ensemble représente une extension du réseau (métro, RER) de près de 20 %, dont la moitié pour le GPE, et près de 150 gares et stations supplémentaires », rappelle la Cour des comptes dans un rapport présenté le 16 février sur « les transports collectifs en Ile-de-France ».

Avec une dette évaluée à 7,626 Md€ fin 2021, le recours à l’emprunt est inévitable, estime le gendarme des finances publiques qui juge impossible, en l’état actuel, de poursuivre le rythme de + 30 % d’investissements programmés sur la période 2021 – 2030. D’autant qu’avec la mise en service de ces nouvelles lignes, tout particulièrement celles du Grand Paris Express, IDFM va devoir faire face à de nouvelles dépenses de fonctionnement (on évoque un milliard d’euros supplémentaires de frais de fonctionnement annuels pour le Grand Paris Express) dont on ne sait toujours pas comment elles seront financées.

Puisqu’il est difficile de reporter les investissements, il faut prévoir de nouvelles recettes. Les premières pistes envisagées par la Cour passent par une augmentation des contributions actuelles qui participent au budget d’IDFM. En commençant par une augmentation du prix du ticket payé par les usagers. L’abonnement mensuel Navigo est bloqué depuis plusieurs années à 75,20 €. Son augmentation se justifierait par l’ouverture des prolongements de métro (lignes 4 et 12) ou encore de tramway (ligne T13). Pourrait s’ajouter l’augmentation des contributions versées par les collectivités parties prenantes d’IDFM. Il s’agirait de rapprocher leurs versements (actuellement de + 1,1 % par an) du niveau d’investissement (+ 4,1 %).

En revanche, les auteurs du rapport estiment plus compliqué d’élever le montant du versement mobilités acquitté par des entreprises, qui serait déjà au maximum de leurs possibilités.

Les « Sages » de la rue Cambon envisagent également de nouveaux leviers, telle qu’une contribution des automobilistes franciliens par le biais de péages ou d’éco -contributions sur le carburant. Parmi les autres idées figurent une taxe sur la valorisation immobilière lors des mises en service des lignes et des gares, ou encore la perception de taxes foncières, de droits de mutation ou l’imposition des plus-values.

Dans sa réponse à la Cour, le Premier ministre renvoie sur IDFM à qui il « appartient, dans l’exercice d’une compétence qui lui est dévolue, d’explorer les leviers, aussi bien en recettes qu’en dépenses, pour tendre vers l’équilibre financier du système de transports collectifs franciliens« . Refusant toute nouvelle taxe, Jean Castex rejette tant la hausse suggérée des contributions des automobilistes franciliens qu’une éventuelle contribution immobilière.

De son côté, Valérie Pécresse écrit qu’il « conviendrait d’offrir à Ile-de-France Mobilités de nouvelles ressources fiscales pour financer l’exploitation des projets en cours de réalisation et à venir, notamment le Grand Paris Express, comme le Premier Ministre s’y était engagé dans un courrier du 21 janvier 2020« .

Reste que la solution la plus simple, qui consisterait à augmenter les tarifs, n’est pas à l’ordre du jour. Elle a déjà été repoussée à plusieurs reprises par la présidente de région, également candidate LR à la présidentielle. Côté IDFM, on estime que la priorité est de faire revenir les 20 % de voyageurs qui ont déserté les transports publics avec la crise. Dans ces conditions, annoncer une hausse des tarifs risquerait d’être contre-productif.

Philippe-Enrico Attal

Ewa

Gares & Connexions est dans une impasse financière selon la Cour des comptes

Metz gare

Dans son précédent rapport dévoilé il y a un mois, qui saluait la gestion de la crise sanitaire par la SNCF, la Cour des comptes relevait déjà les limites du modèle économique du système ferroviaire, aggravées par la pandémie. Elle publie aujourd’hui un nouveau rapport sur l’activité de Gares & Connexions pour en pointer les faiblesses.

Les auteurs du rapport critiquent tout particulièrement les insuffisances en matière d’offre et de qualité de service. Si le maillage sur le territoire des 3000 gares gérées par Gares & Connexions est « cohérent », « offrant assez bonne proximité », leur classification (gares d’intérêt national, régional, local) basée sur le nombre de voyageurs accueillis et le trafic ne permet pas une gestion pertinente en termes de cohérence de tarification. « Ainsi, à Lyon Part-Dieu, la redevance par départ/train s’établissait en 2020 à 106,10 € pour un train national, contre 197,94€ à Meuse TGV », relève le gendarme des finances publiques. « Cette hétérogénéité des tarifs, qui n’est pas justifiée par des différences dans la nature des services offerts aux transporteurs dans les gares concernées, se traduit par des effets contre- productifs pour l’ensemble du système, en particulier dans les très grandes gares », ajoute-t-il.

Enfin, Gares & Connexions n’évalue pas suffisamment la qualité, ou sinon de façon peu pertinente et peu incitative, estime la Cour des comptes qui préconise une nouvelle classification distinguant les très grandes gares, les gares spécifiquement dédiées au TGV, les gares de ville avec un trafic régional important, les gares de proximité et les haltes ferroviaires, sur le modèle de certains autres pays européens.

Un modèle économique à revoir

Mais surtout, le modèle économique est à revoir, affirme la Cour. La filiale de SNCF Réseau perçoit en effet deux types de redevances : des redevances « régulées », versées par les transporteurs pour chaque départ de train. Son montant, sous le contrôle de l’Autorité de régulation des transports, doit correspondre aux charges supportées par Gares & Connexion. Il s’est élevé à 737 millions d’euros en 2019. Gares & Connexions perçoit aussi des redevances non régulées, essentiellement liées aux commerces en gare et calculées en fonction de leurs chiffres d’affaires (394 millions d’euros en 2019).

En théorie, ce modèle permet à la fois de couvrir les charges et de financer les investissements. Mais en pratique, non seulement il n’incite pas à la réalisation de gains de productivité (Gares & Connexions est assurée de voir ses charges couvertes) mais aussi, il est construit pour bénéficier aux transporteurs, puisqu’il met en place un mécanisme de rétrocession aux transporteurs de la moitié des bénéfices réalisés grâce aux activités non régulées. Il s’est ainsi traduit l’année dernière par un déficit de 66 millions d’euros supporté par Gares & Connexions.
Pour la Cour, il « ne permet pas à Gares et Connexions de disposer des moyens financiers nécessaires » alors que les besoins d’investissements vont continuer de croître. « En effet, Gares et Connexions s’est vu transférer, au 1er janvier 2020, la gestion des quais, des passerelles d’accès aux quais ainsi que des grandes halles voyageurs. Précédemment gérés par SNCF Réseau, ces actifs exigeront des investissements considérables pour être maintenus en bonne condition opérationnelle : leur transfert a ainsi plus que doublé les besoins d’investissements annuels de Gares et Connexions, qui prévoit d’investir plus de 1 Md€ chaque année entre 2020 et 2024 », expliquent les « Sages » de la rue Cambon. « De plus, les marges de manœuvre de l’entreprise en matière d’endettement sont limitées, tandis que le recours à des partenariats avec des financeurs privés pour financer de grands projets de développement a montré ses limites : une grande part de la valeur générée par les projets bénéficie ensuite aux partenaires privés qui ont contribué à leur financement », ajoutent-ils.

Gares & Connexions se retrouve donc « dans une impasse financière », affirme la Cour qui recommande de revoir les fondements du modèle économique du gestionnaire des gares. Ce qui passe notamment selon elle par la suppression du mécanisme de rétrocession des bénéfices aux transporteurs. Mais aussi, et surtout, par la prise en charge par l’État de ses responsabilités : « Aujourd’hui, l’État ne prend pas en charge le financement d’obligations dont il est pourtant responsable, pour un patrimoine qui lui appartient et dont Gares et Connexions n’est qu’affectataire ». Les comparaisons avec ce que fait l’État allemand ne sont pas flatteuses : en 2019, les subventions versées par l’État pour contribuer au financement des investissements en gares représentaient 32,7 M€, tandis que l’État fédéral allemand en accordait 362 M€.

La Cour espère que la négociation du contrat de performance entre l’État et la société anonyme Gares et Connexions représentera l’occasion « d’exprimer la stratégie choisie pour financer le réseau des gares (refonte du modèle économique, recherche d’autres formes de financement dont subventions de l’État) », tout en donnant aussi une place aux collectivités territoriales.

MHP

 

Ewa

La Cour des comptes épingle la gestion du personnel à la SNCF

Agent SNCF conducteur tram-train cheminot.

Après un rapport sévère sur les TER présenté fin octobre, la Cour des comptes publie un nouveau rapport au vitriol sur la politique des ressources humaines à la SNCF. Selon les conseillers de la rue Cambon, l’entreprise publique a encore un long chemin à parcourir si elle veut réduire l’écart de compétitivité qui la sépare des autres exploitants ferroviaires et qui pourrait lui coûter cher avec l’ouverture à la concurrence de plusieurs pans de son activité (TER, TET à partir de la fin de l’année, lignes commerciales de voyageurs, dont TGV, à partir de la fin 2020).

Le groupe, qui compte 145 000 salariés, a pourtant commencé à tailler dans ses effectifs. Il a ainsi supprimé 6 000 ETP (Equivalent temps plein) entre 2012 et 2017. Soit en moyenne 1 200 par an. Mais cette décrue des effectifs est insuffisante aux yeux de la Cour des comptes qui appelle à en amplifier le rythme. De plus, soulignent les auteurs du rapport, elle ne s’est pas accompagnée d’une modification de la gestion des ressources humaines. « La rigidité de l’organisation du travail, l’inadaptation de règles à certains métiers, le sous-emploi de certains personnels et la faible polyvalence de nombreux salariés conduisent à une trop faible productivité », écrivent-ils.

Développer la polyvalence

Selon eux, la concurrence à venir oblige la SNCF à renégocier l’accord d’entreprise et à développer la polyvalence. Reste que la démarche a déjà été engagée par la direction et devrait être poursuivie par Jean-Pierre Farandou. Le nouveau président de la SNCF a en effet estimé que « la polyvalence s’impose » pour gagner en productivité, lors de son audition en octobre devant les Parlementaires qui ont approuvé sa nomination. Il avait alors aussi insisté sur les règles à tenir : « Les 35 heures s’appliquent à la SNCF, mais il faut vraiment faire 35 heures, il y a des marges de progression ! », avait-il déclaré, en précisant que cela passerait par la dénonciation d’accords locaux qui ont conduit à un éclatement des règles (une démarche également largement lancée par Guillaume Pepy, son prédécesseur, même si elle peut échouer comme on l’a vu en octobre avec la grève du technicentre de Châtillon).

Maîtriser la progression des salaires

La Cour des comptes ne ménage pas non plus ses critiques sur les règles salariales mises en œuvre à la SNCF. « La SNCF ne maîtrise pas la masse salariale », écrit-elle. La masse salariale augmente automatiquement puisque la rémunération des personnels, fondée sur l’ancienneté, croît d’au moins 2 % par an, même en absence de toute mesure d’augmentation générale. Conclusion, « la SNCF subit plus qu’elle ne pilote la progression des rémunérations ».

A cela s’ajoutent des cotisations sociales patronales qui n’ont cessé de s’alourdir entre 2012 et 2017, passant de 32 % à 36,3 % de la masse salariale, et des taux de cotisation d’assurance vieillesse des agents au statut atteignant des niveaux « qui peuvent être très défavorables vis-à-vis des futurs concurrents ».

Revoir les facilités de circulations

Enfin, les gardiens des finances publiques s’inquiètent d’un avantage accordé aux cheminots : les facilités de circulation. Ces facilités qui permettent de voyager gratuitement ou avec une réduction de 90 % du prix du billet auraient un impact sur le chiffre d’affaires de l’entreprise de 220 millions d’euros, estime la Cour. Le nombre de bénéficiaires « peut être jugé excessif » (retraités, ascendants…) avancent les auteurs du rapport qui jugent surtout critiquable « l’éviction de clients payants en cas d’affluence dans les trains », ainsi que « l’absence de suivi individualisé, qui conduit à ne pas appliquer aux personnels les règles fiscales et sociales de droit commun en matière d’avantages en nature ».

Lire le rapport

Cette avalanche de critiques a été aussitôt dénoncée par l’UNSA-Ferroviaire qui évoque « un nouveau pamphlet à charge ». Le syndicat « déplore un rapport de 146 pages exclusivement conçu pour alimenter le SNCF bashing ». De son côté, la CGT-Cheminots s’étonne de la publication d’un rapport, qui « comme à chaque fois, (…) tombe opportunément à la veille d’échéances importantes sur la négociation du futur cadre social à la SNCF ».

Marie-Hélène Poingt

Ewa

Pour la Cour des Comptes, la question de la filialisation des TER va se poser

Correspondance TER à Neussargues (Cantal)

Qualité de service dégradée, hausse constante des coûts d’exploitation et manque de préparation à l’ouverture à la concurrence, ce sont les trois grandes critiques formulées par la Cour des comptes dans le rapport de 182 pages très sévère qu’elle consacre aux TER et qu’elle a présenté le 23 octobre. Soit dix ans après son précédent rapport sur le sujet qui se félicitait alors de la décentralisation mise en place dans le transport express régional.

Selon Didier Migaud, le Premier président de la Cour, un nouveau diagnostic s’imposait alors que les TER vont s’ouvrir à la concurrence à partir de 2023, mais dès 2021 pour les quelques régions qui en feront le choix (lire le rapport.)

Des moyens financiers considérables

Le nouveau diagnostic qui porte sur l’évolution entre 2012 et 2018 pointe une fréquentation en baisse entre 2012 et 2016 (passée de 14,2 milliards de voyageurs-kilomètre à 13,2 milliards), même si le trafic voyageurs a commencé à remonter à partir de 2017. La Cour l’explique non seulement par la concurrence de la voiture (qui bénéficie de la baisse du prix des carburants) et de nouveaux modes tel que le covoiturage mais aussi par le mauvais état des infrastructures et par le niveau du service rendu : la ponctualité s’est dégradée et le pourcentage de trains déprogrammés ou annulés, qui oscille entre 2 % et 12 % selon les années (les pourcentages les plus hauts étant liés à des périodes de grève), est globalement élevé comparé à nos voisins européens.

De mauvais résultats (même s’ils sont très variables d’une région à l’autre, reconnaît la Cour) alors que les moyens financiers affectés aux TER sont considérables. La Cour estime à 8,5 milliards d’euros le coût de cette activité, en incluant les frais d’exploitation, les investissements réalisés mais aussi le régime de retraite des cheminots et les coûts environnementaux liés au transport ferroviaire régional. Soit un coût moyen de 61 centimes d’euros par voyageur-km, « ce qui fait du TER le mode le plus coûteux de notre pays, à l’exception du taxi à un ou deux voyageurs », souligne Didier Migaud, même si là encore il y a de fortes disparités en fonction des régions, nuance-t-il.

Une organisation du travail à revoir

Or, ces sommes sont prises en charge à 88 % par la contribution publique, les coûts d’exploitation étant couvert à 75 % par les finances régionales. Les voyageurs n’y contribuent qu’à hauteur de 25 % (et 12 % du coût total), alors que dans d’autres pays la participation des voyageurs monte jusqu’à 50 % ou 60 % des coûts d’exploitation, observe la Cour qui recommande aux régions de revoir leurs politiques tarifaires, notamment celles mises en place pour les abonnés. A condition, ajoute-t-elle, d’améliorer le service.

Autre piste à suivre : abaisser les coûts de la SNCF qui sont actuellement trop élevés, jugent les rapporteurs. Les « Sages » l’expliquent par le manque de polyvalence des agents et par des modes d’organisation du travail à revoir en « ajustant » mieux, selon les cas, la présence des agents à bord des trains ou des gares…

Les frais structurels risquent aussi de coûter cher à la SNCF lorsqu’elle sera confrontée à la concurrence. D’où la préconisation de la Cour de donner à l’activité TER « tous les moyens et compétences propres à son fonctionnement ainsi qu’une véritable autonomie de gestion ». D’où l’affirmation de Didier Migaud : « L’ouverture à la concurrence doit donc poser, de notre point de vue, la question plus large de la filialisation de l’activité TER au sein de la SNCF ».

Des améliorations récentes

Côté régions, l’ouverture à la concurrence exige de faire monter en compétence les équipes chargées de préparer les appels d’offres, indique la Cour, tout en reconnaissant quelques améliorations : les régions ont augmenté leur niveau d’exigence dans les dernières conventions signées avec SNCF Mobilités, tandis que la compagnie ferroviaire s’engageait à réduire ses coûts et à améliorer ses prestations dans le cadre du plan stratégique CAP TER 2020. Pour l’avenir, la Cour recommande d’utiliser davantage les incitations financières pour contraindre l’exploitant à de meilleures performances. Et estime que le nouveau décret d’août 2019 devrait permettre aux régions d’obtenir les données techniques et financières que la SNCF rechigne souvent à fournir, alors qu’elles sont nécessaires à la préparation des futurs appels d’offres.

Autant de recommandations qui risquent de hérisser les syndicats déjà remontés par les réorganisations en cours à la SNCF. Pour la CGT-Cheminots, la Cour « égrène toujours les mêmes poncifs sur le coût prétendu des TER… » De son côté, l’UNSA-Ferroviaire dénonce « un rapport à charge, obsolète, déconnecté de la réalité des territoires, pour le moins biaisé temporellement (situation 2012/2017) »,  alors que toutes les conventions TER viennent d’être renouvelées et que le programme CAP TER 2020 contribue à une augmentation du trafic et de la ponctualité.

(Pour lire aussi les préconisations de la Cour des Comptes pour les petites lignes : ici )

Marie-Hélène Poingt

Ewa

La Cour des Comptes recommande d’examiner l’avenir des petites lignes ferroviaires au cas par cas

Le TER Clermont-Nîmes quittant la gare de Monistrol.

Prudence du côté des petites lignes. C’est la nouvelle posture de la Cour des Comptes qui rappelle que « les TER constituent un mode de transport quotidien pour bon nombre de Français » : 7000 trains et 1300 cars labellisés transportent chaque jour 900 000 voyageurs. Depuis la crise des Gilets Jaunes, l’aménagement du territoire revient au premier plan. La Cour des Comptes a donc voulu traiter à part les petites lignes dans le cadre de son rapport sur les TER présenté le 23 octobre.

Les chiffres sont sévères : on dénombrait en France en 2016 près de 285 gares accueillant moins de trois voyageurs par jour et de nombreux trains circulant avec moins de 10 passagers à bord, rappelle Didier Migaud avant d’affirmer « qu’il faut proscrire les approches binaires c’est-à-dire pour caricaturer, soit le maintien absolu du réseau en l’état, soit la fermeture automatique, passé un certain seuil de fréquentation ». Et le Premier président de la Cour des Comptes d’ajouter : « Nous sommes convaincus que la fermeture des petites lignes n’est pas la seule option ».

La Cour propose de s’inspirer de nos voisins, la Suisse, l’Allemagne, la Suède qui font face aux mêmes situations mais ont recours à une palette de solutions : « améliorer le plan de transport ou le cadencement, supprimer certains arrêts pour augmenter le vitesse, gérer la ligne de façon plus économique en allégeant les référentiels de maintenance ou encore remplacer certains trains par des solutions subventionnées de cars ou de taxis régulés ou à la demande », énumère la gardienne des finances publiques. Sans oublier, ajoute-t-elle, de mener une analyse environnementale car dans certains cas, il vaut mieux supprimer un train diesel avec peu de passagers qui pollue plus qu’un car bien rempli.

Les régions, qui attendent maintenant le rapport du préfet Philizot sur les petites lignes, « appellent le gouvernement à s’engager avec elles dans une contractualisation dotée de moyens à la hauteur des enjeux pour les infrastructures ferroviaires », ont-elles aussitôt indiqué dans un communiqué. Elles demandent au gouvernement « d’ouvrir des discussions pour autoriser les régions qui le souhaitent à obtenir la maîtrise d’ouvrage sur certaines lignes (comme la LOM le permettra), voire à leur transférer certaines de ces infrastructures ». C’est aussi ce que propose la Cour des Comptes.

Marie-Hélène Poingt

Ewa

La Cour des comptes épingle les choix « risqués » des transports toulousains

3e ligne métro Toulouse, desserte aéroport

La Chambre régionale des comptes d’Occitanie doit rendre public demain et après-demain des rapports sur Tisséo Collectivités, Tisséo Voyageurs et sur Tisséo Ingénierie, les transports toulousains, pour la période 2012-2016. Dans l’un de ces documents que nous nous sommes procurés (et qui seront aussi évoqués demain lors de la présentation annuelle du rapport de la Cour des Comptes), la Chambre se montre particulièrement sévère sur le choix de construction d’une troisième ligne de métro à Toulouse (image de synthèse ci-dessus), qualifiée de « pari sur l’avenir ».

Les auteurs du rapport jugent incertaine « la capacité de ce projet à orienter une part suffisante des 500 000 nouveaux déplacements quotidiens vers les transports en commun », ainsi que « l’aptitude des collectivités à en assurer le financement à hauteur de 3,864 milliards d’euros ». Ils engagent Tisséo Collectivités (l’autorité organisatrice des transports) à « mener à bien l’ensemble des études techniques préalables en vue de stabiliser le plan de financement du projet Mobilités ».

Contribution financière des collectivités

La Chambre régionale estime que « la forte hausse de la contribution de ses collectivités membres » (100 millions d’euros par an en 2017, 180 millions à partir de 2026) imposera à Toulouse Métropole « des choix difficiles portant sur les autres politiques dont il a la charge, au moment où il vient de signer un contrat avec l’Etat prévoyant une évolution maximale de ses dépenses de fonctionnement de 1,35 % par an pour 2018-2020 ». Elle s’inquiète également des niveaux d’endettement « particulièrement élevés » (avec un pic en 2026 de 2,92 milliards d’euros sur 19 ans). « Tel qu’il se présente, ce plan de financement prévisionnel n’est pas dénué de risques. Il doit être stabilisé », conseille-t-elle.


Procédures de marchés

Tisséo Ingénierie est critiqué par la Chambre régionale pour ses « procédures de marchés ne satisfaisant pas à l’obligation d’allotir » qui ont favorisé le regroupement de grandes entreprises dans un secteur déjà oligopolistique. A cause de cela, le marché de maîtrise d’œuvre « génie civil » de la troisième ligne de métro a fait l’objet d’une déclaration sans suites fin 2017, retardant d’un an la livraison, annoncée maintenant à 2025. Le rapport suggère même que ce projet « ne se ferait au mieux qu’en 2027 » en raison des retards accumulés en amont.

Recettes commerciales

Côté Tisséo Voyageurs, la Chambre juge sévèrement « des charges d’exploitation du réseau insuffisamment maîtrisées jusqu’en 2016 et des recettes commerciales faibles ». Les recettes ne couvraient que 30 % des charges d’exploitation, contre 35 % en moyenne dans les sept principaux réseaux de transport urbain de province, avec une recette moyenne de 0,60 euro du kilomètre. L’instance se félicite du nouveau système de tarification mis en œuvre en 2017 (intégrant une approche par niveau de ressources) et enjoint Tisséo à réduire la fraude (7 % des voyageurs en 2016, une perte de cinq à sept millions d’euros) tout en améliorant le taux de recouvrement des amendes (50%). Concernant les salariés de l’Epic, elle recommande notamment de poursuivre la maîtrise de la masse salariale et de mettre en place des dispositifs pour réduire l’absentéisme.

C. S