Partant du principe que neuf déplacements sur dix se font par la route en France, une association regroupant 63 membres, et représentant un large panel d’universitaires, d’associations, de collectivités, d’assureurs, de start-ups ou encore d’entreprises (Geodis, Transdev, La Poste, Keolis, Vinci Autoroutes…) s’est constituée pour lancer des initiatives prenant en compte cette réalité et allant dans le sens de la décarbonation.
Baptisée L’Alliance pour la décarbonation de la route, elle a présenté le 12 mars ses objectifs pour « mettre la route au coeur des réflexions et des stratégies de décarbonation du secteur des transports ». Selon elle, il faut le faire « simultanément au déploiement de mesures visant à encourager le report modal vers le ferroviaire, le transport public (bus à haut niveau de service, tramway, métro) et les modes actifs« . Sinon, poursuit l’Alliance, « ces leviers indispensables ne seront néanmoins pas suffisants pour atteindre à eux seuls les objectifs de réduction des gaz à effets de serre à horizon 2030« .
Avec une méthode : faire travailler ensemble les pouvoirs publics et les acteurs de la mobilité, sans exclusion. Les premières annonces concrètes sont attendues d’ici la fin du printemps, selon François Gemenne*, l’un des fondateurs de l’Alliance, également co-auteur du sixième rapport du Giec, Selon lui, « notre capacité à faire baisser les émissions de la route sera un marqueur ».
*Venez rencontrer François Gemenne au prochain Club VRT du 27 mars. L’occasion de parler de cette Alliance mais aussi plus généralement de toute la réflexion et des actions engagées pour décarboner les mobilités.
Entré à la SNCF en 1980 comme conducteur de train, Jean-Aimé Mougenot a tracé son sillon, en accédant à des postes à responsabilité avant de devenir, il y a un peu plus de deux ans, directeur TER délégué chez SNCF Voyageurs. Invité du Club VRT le 6 avril, il a estimé que l’ouverture à la concurrence entrait dans une nouvelle phase. Et a énuméré les prochains défis à relever par les transports régionaux.
Pour Jean-Aimé Mougenot, les TER exploités sous l’égide des régions doivent avant tout être considérés comme un succès. Rappelons que la loi de décentralisation de 2002 a donné aux régions la compétence sur les TER via des conventions passées avec la SNCF. « Cette période de 20 ans a été un succès, si on laisse de côté le sujet de la qualité de service, car on peut toujours faire mieux », reconnaît Jean‑Aimé Mougenot. Faisant fi des critiques, il souligne l’engagement des régions qui se sont emparées du sujet ferroviaire, en développant l’offre de transport et en achetant du matériel. Sur la dernière décennie, elles ont ainsi prévu d’investir huit milliards d’euros pour acquérir 860 rames de grande capacité (Regio 2N à deux niveaux), mais aussi des Régiolis, dont les livraisons s’étalonneront jusqu’en 2026. Le directeur des TER met aussi en avant l’engagement des 27 000 cheminots travaillant pour ces transports et qui ont, eux aussi, participé à son essor. Aujourd’hui, 11 business units sont chargés d’exécuter les contrats régionaux.
10 % de fréquentation de plus
En 20 ans, l’offre de TER a augmenté de 25 %, tandis que la fréquentation progressait de 60 %. « Il circule chaque jour 8 200 trains régionaux, dans lesquels prennent place plus d’un million de voyageurs quotidiens », précise Jean-Aimé Mougenot. Le Covid a fait brutalement chuter leur fréquentation, mais le recul n’a pas duré. Les voyageurs perdus au plus fort de la pandémie sont revenus et les TER ont même gagné 10 % de trafic supplémentaire par rapport à l’année 2019, qui avait été une bonne année. Soit une progression de 30 % du trafic en trois ans. « Il n’y a jamais eu autant de voyageurs dans les TER depuis qu’ils circulent », résume-t-il.
Ces trains attirent deux catégories de voyageurs. Ceux qui étaient déjà abonnés avant le Covid et des voyageurs occasionnels, dont le nombre explique à lui seul l’augmentation du trafic survenue ces dernières années. Parmi ces nouveaux usagers, on trouve des voyageurs de loisirs et de tourisme, attirés par les lignes longue distance empruntées en fin de semaine ou pour les vacances. Leur proportion est la même que celle des voyageurs occasionnels prenant le TGV. Ce constat repose sur les fréquentations hors normes enregistrées désormais les vendredis et les week-ends. Les TER ont trouvé leur place sur tout le territoire, en apportant une réponse à la demande de transports publics. Leur attractivité est liée tout autant au maillage territorial qu’à l’envolée du prix des carburants et, ajoute le directeur des TER, à la prise de conscience de la nécessité de se déplacer de façon plus durable.
Trois catégories de lignes
« Nous devons proposer aux autorités organisatrices des offres qui répondent à l’affluence et à l’envie de train des Français. C’est une question de gestion de flux », explique Jean-Aimé Mougenot. Le dirigeant a repris à son compte les trois grands types de transports identifiés par son prédécesseur Frank Lacroix : les dessertes longue distance (Paris-Rouen par exemple), les liaisons régionales interurbaines et les lignes de proximité. Les trains Krono (reliant les pôles régionaux de façon rapide et confortable) et les trains Citi (pour le transport urbain et fréquent) concernent 20 % des circulations, mais 35 % de la fréquentation. « Il existe 160 lignes périurbaines, dont certaines répondent déjà presque aux critères de RER métropolitains », souligne Jean-Aimé Mougenot, regrettant ce nom de RER métropolitain, qui fait trop référence au trafic des RER parisiens, alors que les volumes ne sont pas les mêmes. Sur les lignes denses, on trouve 50 000 à 60 000 voyageurs par jour, comme sur la Côte d’Azur, où le Métrazur assure une desserte cadencée avec 150 trains quotidiens entre Cannes, Nice et Menton, ou encore sur la liaison Léman Express, qui assure du transport transfrontalier entre Annemasse et Genève pour 60 000 voyageurs chaque jour, quelques années après sa mise en œuvre.
A Strasbourg, le Réseau express métropolitain européen, en circulation depuis décembre 2022, a été confronté à des difficultés que le dirigeant du TER met sur le compte de la période de rodage. De plus, la gare de Strasbourg voit passer une multitude de trains différents, TGV, fret, et TER à traction électrique mais aussi à locomotion thermique nécessitant des pleins de carburant. « On a sans doute voulu aller trop vite. Mais les choses vont se régler avec un temps d’adaptation et quelques étapes qu’on est en train de mettre en place », assure Jean-Aimé Mougenot. En revanche, il réfute l’idée d’un manque de conducteurs pour expliquer les difficultés. Mais rappelle les freins liés à la crise sanitaire qui ont conduit à suspendre des formations. Or, former un conducteur nécessite une douzaine de mois. La SNCF est en train de rattraper son retard, assure-t-il.
Décarbonation
« Même si les TER n’émettent que 700 000 tonnes d’émissions de CO2 sur les 140 millions de tonnes émises par le secteur du transport (ce qui représente 0,5 % du total), les réduire n’en demeure pas moins un véritable enjeu et un défi que nous devons relever en contribuant au report modal », assure Jean-Aimé Mougenot. Les trains régionaux desservent 3 000 gares et arrêts. Sur les 680 lignes de TER, la moitié représente du transport de proximité, et une partie de ces lignes, de l’ordre de 10 à 20 %, ne voit passer que des TER. Toutes ont leurs particularités, « mais, sur chacune d’entre elles, l’attente des voyageurs est la même », souligne le dirigeant. « Ils sont de plus en plus nombreux à vouloir prendre le train, en raison du prix de l’essence et pour se rendre dans les centres-villes engorgés. Le TER pourra aussi apporter une réponse à la mise en place des ZFE ».
Pour jouer un rôle dans l’aménagement du territoire et aider les régions à proposer plus d’offres, l’acquisition de matériels, portée par les autorités organisatrices, est un point important du succès des transports régionaux. Encore faut-il trouver du matériel correspondant aux besoins. C’est pourquoi les équipes de la SNCF travaillent avec des partenaires, dont Alstom, CAF et Thales, pour proposer des solutions permettant d’assurer de la fréquence sur des lignes n’attirant qu’un faible nombre de voyageurs, tout en minimisant les coûts. Avec ses partenaires, la SNCF a conçu le Train Léger innovant, comme Draisy ou Flexy. Le premier est un véhicule de la taille d’un bus, d’une centaine de places, doté de batteries rapidement rechargeables et pouvant circuler sur des voies non électrifiées. La navette autonome Flexy proposera quant à elle 14 places assises et sera capable de rouler à la fois sur rail et sur route. Elle devrait être particulièrement adaptée aux petites lignes ferroviaires actuellement fermées, que certaines régions souhaitent rouvrir, mais qui offrent un potentiel de trafic trop faible pour justifier une desserte purement ferroviaire. « La production de ce type de matériel, proposé à des prix proches de ceux des cars (soit une division par dix par rapport au matériel ferroviaire), doit permettre de rouvrir ces bouts de lignes plus rapidement qu’avec du matériel plus lourd et plus long à produire. Cela permettra de contribuer de manière accélérée à l’enjeu planétaire de décarbonation », souligne le patron des TER.
Sous l’égide de certaines régions, la SNCF travaille aussi avec Alstom sur la conception d’un matériel ferroviaire décarboné, ou émettant peu de CO2. Les régions Occitanie, Grand Est, Nouvelle-Aquitaine et Centre-Val de Loire ont déjà passé commande de Régiolis hybrides à batterie. Ces trains ne pourront pas être mis en circulation avant l’horizon 2024, 2025 voire 2026. C’est pourquoi la compagnie a décidé d’agir dès à présent en testant le remplacement du diesel sur les lignes Paris-Granville ou Paris-Rouen par du biocarburant B100, ce qui lui permet de réduire immédiatement ses émissions de gaz à effet de serre d’environ 60 % par rapport à la traction thermique. « L’expérimentation s’avère positive pour pouvoir passer un cap et répondre rapidement à l’urgence climatique. Mais ce n’est pas une finalité pour diminuer nos émissions », précise Jean-Aimé Mougenot. Parmi d’autres initiatives, la SNCF travaille aussi sur le stationnement des engins moteurs et leur consommation en énergie grâce au logiciel Opti-conduite permettant de la diminuer de 10 %.
“ Nous devons proposer aux autorités organisatrices des offres qui répondent à l’affluence et à l’envie de train des Français. C’est une question de gestion de flux. ”
Remplissage et régularité
Malgré un trafic en hausse, les TER affichent un faible taux de remplissage moyen. « Il faut nuancer en fonction des lignes », répond le dirigeant, qui admet que « les trains de proximité ne sont pas pleins ». Ils sont très fréquentés en heures de pointe, beaucoup moins en heures creuses. Mais, changement notable, l’amplitude des heures de pointe augmente beaucoup. Entre autres explications, Jean-Aimé Mougenot cite les effets de politiques mises en place pour proposer une tarification variable en fonction de la fréquentation, avec des baisses de prix au moment où les trains sont les moins remplis. Reste qu’avec 28 % de remplissage en moyenne dans les trains de proximité, il reconnaît qu’il y a un effort à mener pour optimiser l’argent public en s’adaptant aux volumes avec du matériel adéquat.
En revanche, les trains régionaux proposant des liaisons directes, ou avec peu d’arrêts, font le plein, particulièrement les week-ends. A tel point que la région Normandie a souhaité mettre en place des réservations obligatoires. C’est, pour le moment, la seule région qui a fait ce choix. Mais il pourrait en intéresser d’autres sur certaines lignes TER grandes distances bien identifiées qui, selon lui, ne peuvent pas fonctionner correctement autrement. « Pas question toutefois de généraliser les réservations obligatoires, pour ne pas nuire à la souplesse et à la liberté de prendre le train », précise-t-il. Avant d’ajouter envisager la réservation obligatoire pour ceux qui veulent emporter leur vélo à certaines périodes.
Face aux critiques sur les retards et les suppressions de TER, Jean-Aimé Mougenot rappelle les chiffres. « Il y a les attentes des voyageurs et la réalité. Notre taux de régularité est passé de 90 % pour les TER France entière en 1997 à 92 % l’an dernier, mais le ressenti des voyageurs n’est pas forcément celui-là », reconnaît-il. « Ceux qui font un Toulouse-Rodez, un Chantilly-Paris ou un Rouen-Paris se fichent des chiffres nationaux. Mais on est dans une progression, dans une course à la densité qui amène des besoins de régularité et des attentes supplémentaires », admet le directeur des TER qui s’engage à poursuivre ses efforts pour améliorer le taux de régularité des trains régionaux, en travaillant sur l’intermodalité, en recherchant l’excellence opérationnelle et en améliorant la gestion des flux et la conception de l’offre.
« Cette démarche a déjà fait ses preuves en Paca », poursuit-il. « Une expérimentation menée il y a quelques années par la SNCF sur la ligne littorale Cannes-Menton a démontré qu’il était possible de gagner plusieurs points de régularité en travaillant avec l’autorité organisatrice. » Tout en restant discret sur sa recette pour y parvenir, (« pour ne pas faciliter la tâche de ses concurrents », indique-t-il), il se dit confiant sur la possibilité d’optimiser encore la régularité de certaines lignes, comme il s’y est engagé dans les Hauts-de-France.
La SNCF, qui vient de remporter le premier lot de TER ouvert à la concurrence dans cette région (l’Etoile d’Amiens) s’est engagée sur un taux de régularité très ambitieux : 98,5 %. « La région Hauts-de-France a le même niveau d’exigence que ce qu’on nous demandait sur la Côte d’Azur », relativise Jean-Aimé Mougenot, en rappelant que, sur ce lot, la régularité moyenne est déjà de 94 à 95 %, avec des journées à 100 %. « L’objectif fixé semble donc réalisable. C’est un élément de robustesse, d’excellence opérationnelle. On sait qu’on peut le faire. L’écart n’est pas si important, mais il faudra le tenir », admet-il. Il ajoute que la SNCF ne pourra jamais empêcher les dysfonctionnements liés à des arbres tombés sur la voie les jours de tempête ou à des heurts d’animaux, mais qu’il lui faut apprendre à réagir plus rapidement et à travailler sur l’information, car des clients informés sont plus compréhensifs.
1 000 embauches de conducteurs par an
Comme d’autres secteurs, la SNCF fait face à des difficultés pour recruter, en particulier des conducteurs. Pour assurer un service normal sur l’ensemble du territoire, des mesures de réduction des plans de transport ont dû être prises et un appel aux conducteurs retraités a été lancé. « Beaucoup ont répondu présent. Nous en avons employé jusqu’à 70 », indique-t-il. La SNCF va continuer à recruter 1 000 conducteurs par an au cours des prochaines années. « C’est le nombre dont nous avons besoin en permanence, notamment pour remplacer les départs en retraite », souligne Jean-Aimé Mougenot. « Alors qu’on pouvait craindre une perte de vocation, nous sommes rassurés au vu de l’affluence de candidats venus s’informer sur les métiers de la conduite lors des dernières campagnes de recrutement », ajoute-t-il.
Concurrence
Désormais confrontée à l’ouverture à la concurrence de ses lignes TER, la SNCF affiche un bilan honorable : si elle a perdu il y a un an et demi, au profit de Transdev, l’un des lots mis en concurrence par la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur (l’axe Marseille-Toulon-Nice), elle a gagné l’autre lot, le plus important (Les Arcs-Draguignan vers Vintimille, Nice-Tende et Cannes-Grasse). C’est aussi elle qui a gagné, en mars, les lignes de l’Etoile d’Amiens mises en compétition par les Hauts-de-France. A chaque fois, une filiale dédiée sera mise sur pied par l’opérateur historique pour exploiter les TER gagnés. « Ces changements peuvent être une source d’inquiétudes pour le personnel », reconnaît Jean-Aimé Mougenot. Mais il rappelle que cela fait 20 ans que la SNCF s’y prépare et que la concurrence a été mise en œuvre dans le fret dès 2004. « L’ensemble du corps social s’y est habitué progressivement », affirme-t-il. Ex-DRH du personnel roulant, il assure que l’entreprise fait preuve de pédagogie vis-à-vis des agents. « Cette fois, la différence c’est qu’il y aura transfert de personnel, que la SNCF gagne les lots ou qu’elle les perde. Nous sommes dans une phase de préparation de la mise en œuvre. Nous devons avoir une démarche de clarification. Les missions des cheminots intégrés dans les filiales dédiées, créées par la SNCF, resteront globalement les mêmes. Avec des évolutions dans l’organisation, plus de proximité et un encadrement simplifié, car il s’agira d’une petite entité. Se posera aussi la question de leur rythme de travail qui nécessitera des ajustements, mais il ne devrait pas y avoir d’écarts importants ». Et d’ajouter : « Paca, la SNCF et Transdev ont un intérêt commun : faire en sorte que cela se passe au mieux pour le personnel. De fait, assure-t-il, les deux entreprises travaillent main dans la main. »
D’où, selon Jean-Aimé Mougenot, l’avènement d’une nouvelle époque pour les TER, caractérisée par ce contexte concurrentiel qu’il juge stimulant. « Je suis très enthousiaste, même si j’ai conscience que nous démarrons une période pas forcément simple. Mais elle pose les bases d’une mission de service public majeure pour les années qui viennent », conclut-il.
Valérie Chrzavzez
Le 4 avril, jour où sortait le dernier volet du 6ème rapport du GIEC, le Forum Vies Mobiles, fort de son initiative de Forum citoyen, mettait « sur la table 18 propositions à l’attention des élus et des décideurs ». Propositions marquées par un « appel à des rythmes de vie moins intenses », et offrant une « opportunité pour réussir la transition écologique et sociale ».
Constat du think tank soutenu par la SNCF : « Seuls les centres des plus grandes villes voient se multiplier les transports alternatifs (tram, VTC, vélo en libre-service, … demain taxi autonome voire volant ?) qui viennent s’ajouter sans ordre à l’offre historique (car, train, métro). » Cependant, « l’essentiel des déplacements ne passe plus par les centres-villes ». Dans cette «France éclatée», les habitants ne disposent pas tous des mêmes ressources pour se déplacer. Il apparaît nécessaire de réaménager le territoire en concevant de nouveaux bassins de vie, grâce à la relocalisation des emplois, des services (alimentation, santé, loisirs, …) et des équipements du quotidien autour des habitations.
Quant à la taxe carbone, souligne le Forum, elle pèse plus fortement sur le budget des ménages les plus pauvres mais a peu d’effets sur les modes de vie des plus riches. « Inéquitable, la taxe carbone est ainsi inefficace ! ».
Parmi ses 18 propositions, le think tank invite à « recréer des pôles de vie en dehors des métropoles (emplois, commerces, services publics). » ; « conditionner l’implantation des entreprises, des commerces et des grands équipements à l’existence de moyens d’accès alternatifs à la voiture individuelle » ; « supprimer les vols intérieurs quand une alternative bas carbone de moins de 4h existe » ; « imposer le renouvellement des flottes d’entreprise au profit des petites cylindrées et des modes actifs » ; « créer une Autorité de Mobilité disposant de l’ensemble des leviers d’action sur les transports et la route (infrastructures et régulation) » ; « mettre en place un compte carbone mobilité pour les individus et les entreprises permettant à chacun de connaître l’impact carbone de son activité. »
F.D.
https://forumviesmobiles.org/points-de-vue/15537/mobilite-reorganiser-le-territoire-national-pour-reussir-la-transition
Comment réduire les émissions de gaz à effet de serre des transports? Cette question, maintes fois posée ces dernières années, est reprise par le rapport publié hier par l’Institut Montaigne et intitulé « Infrastructures de transport vers le futur et le durable ».
Cosigné par Patrick Jeantet et Jacques Gounon, le premier, senior adviser chez Vauban Infrastructure Partners (et ancien PDG de SNCF Réseau) et le second, président de Getlink, ce rapport part d’un constat d’échec : le secteur des transports, à l’origine de 30 % des émissions en France (dont plus de la moitié pour les véhicules particuliers) est le seul dont les rejets ont augmenté depuis 1990. « Si l’industrie a réduit ses émissions de 40 % ( une baisse en partie imputable au processus de désindustrialisation), l’immobilier de 15 % et le secteur agricole de 9 %, les émissions de GES issues du secteur des transports ont augmenté de 10 % (voire de 14 % si l’on inclut les émissions liées aux transports aérien et maritime internationaux). Ce résultat est bien loin de l’objectif fixé lors du Grenelle de l’environnement, et pour tenir le nouvel objectif européen il faudrait maintenant réduire les émissions des transports de 60 % en moins de dix ans« , écrivent-ils.
Une politique des transports inefficace
En cause, une politique des transports qui, même si elle s’est traduite par des investissements massifs dans les transports publics (de l’ordre de 90 milliards d’euros en 10 ans, soit une hausse de 50 % pour le réseau ferroviaire et de 250 % pour les transports collectifs urbains) et par des subventions en hausse, s’est finalement révélée inefficace, donc sans effet sur le report modal. Selon Patrick Jeantet, qui était l’invité ce matin du Club VRT, « les investissements dans les transports collectifs se sont essentiellement concentrés là où les enjeux étaient les plus faibles, c’est-à-dire dans les villes-centres« . Or, les déplacements au sein des centres urbains ne représentent que 1 % des émissions de GES liées à la mobilité, alors que les trajets entre la ville-centre et ses couronnes et au sein de celles-ci représentent près de 60 % des émissions mais n’ont pas fait l’objet d’investissements significatifs, à l’exception du Grand Paris Express. Et rien n’a été fait pour réduire les émissions du transport de marchandises émettant pourtant 40 % des émissions.
Rappelant que les progrès technologique pourraient permettre de réaliser environ 50 % des objectifs de réduction des émissions de GES à l’horizon 2050, il faudra nécessairement changer nos comportements à l’avenir pour atteindre totalement les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique préviennent les experts. « Cette rupture radicale ne sera pas spontanée : la mobilité devra faire l’objet de contraintes, physiques (réduction de la voirie, voies réservées aux véhicules partagés, interdictions de circulation pour les véhicules thermiques, réduction des vitesses autorisées, etc.) ou économiques (augmentation du coût de la voiture dans les grandes agglomérations, augmentation de la contribution des usagers au financement des transports collectifs,etc.), qui concerneront aussi bien les personnes que les marchandises« , écrivent-ils.
Augmenter les tarifs des transports
Entre autres préconisations, le rapport recommande de donner aux autorités organisatrices des mobilités (AOM) tous les leviers disponibles permettant de favoriser une approche multimodale et de développer les transports collectifs en périphérie. Ce qui passe notamment par le transfert de la gestion de l’ensemble des routes ainsi que les pouvoirs de police de la circulation et du stationnement. Les AOM devraient être « responsabilisées » sur des objectifs précis de réduction des émissions de CO2.
Il prône aussi une loi de programmation établissant une liste d’investissements prioritaires (dont la régénération ferroviaire pour laquelle il faudrait consacrer 3,8 milliards d’euros annuels). Ces investissements conséquents appellent de nouvelles ressources. Les auteurs du rapport estiment qu’il faut « remplacer partiellement la TICPE par une taxe locale sur les véhicules, pour un financement des transports plus efficace, plus juste et plus transparent. La TICPE devrait être recentrée sur le seul objectif auquel elle est aujourd’hui bien adaptée : la lutte contre le changement climatique, ce qui conduirait dans un premier temps à la réduire afin de l’aligner sur les minima européens (0,38 €/litre)16 , puis de la réaugmenter progressivement pour atteindre 1,1 €/litre en 2040, puis 1,8 €/litre en 2050. En contrepartie, pour renforcer l’autonomie des collectivités locales sans augmenter à court terme le coût de l’automobile, une taxe locale de financement des transports pourrait être mise en place pour tous les véhicules motorisés jusqu’à 12 tonnes« . Cette taxe pourrait ainsi être deux à trois fois plus élevée dans les grandes agglomérations, et plus faible en milieu rural, tout en prenant en compte les enjeux d’équité sociale, précise encore le rapport. Les recettes seraient affectées aux dépenses de l’AOM locale.
Les deux co-signataires estiment aussi qu’il faudra progressivement augmenter le tarif des transports, pour aller jusqu’à 50 % de couverture des dépenses d’exploitation par les recettes commerciales des transports collectifs, « comme c’est le cas dans la plupart des grandes villes européennes« . Il faudrait, dans le même temps renforcer les tarifications solidaires pour éviter tout risque d’exclusion sociale.
MH P
Dans un rapport publié fin juin, mis à jour fin juillet, le think tank de la fondation Nicolas Hulot et la CFDT Métallurgie se sont penchés sur l’avenir de l’automobile et précisément de la filière moteur dans le contexte de conversion à l’électricité. Le rapport, intitulé Comment relever le défi d’une transition juste étudie quatre scénarios de transition. La filière motrice, qui compte 57 000 salariés de France, a un effet d’entraînement sur 400 000 salariés. Or, la voiture électrique nécessite moins de main-d’œuvre que la voiture diesel. Mais, selon les deux partenaires qui s’appuient sur l’expertise de Syndex ; « en accélérant la transition écologique, on peut enrayer le déclin de l’industrie automobile ».
Le premier scénario, de poursuite des tendances actuelles, « pourrait tout simplement signifier la fin de l’industrie automobile en France ». En dix ans 100 000 emplois ont été supprimés dans la filière automobile. Et, à nouveau, selon l’Observatoire de la métallurgie, 100 000 emplois sont menacés d’ici 2035… Le scénario 2 étudie l’effet du maintien de la politique de relance commencée en 2020 : elle ne « permettra ni de mettre un terme à la désindustrialisation, ni de répondre au défi climatique » et se traduirait par une division par deux des effectifs d’ici 2050. Plus ambitieux, le scénario 3, de relance industrielle, explore un maintien des volumes de production de moteurs, sans toutefois anticiper les besoins de sobriété : réduction des consommations d’énergie et de matière, évolution des usages.
Le scénario 4, dit de transition juste, « mise sur une intégration locale renforcée de la filière et intègre les exigences de la sobriété ». Il « vise la restructuration de l’appareil productif autour d’une filière intégrée moteurs – batteries – véhicules – recyclage. » Selon la FNH et la CFDT, il est seul en mesure de « répondre à la fois aux enjeux sociaux et environnementaux ». Et permettait, à partir de 2035, de recréer de l’emploi, ce qui devrait se traduire en 2050 par un tiers d’emplois de mieux que le scénario 2, de poursuite de la relance. Le scénario repose sur les efforts de reconversion et de formation pour chaque salarié de la filière.
Première étape demandée par la Fondation Nicolas Hulot et la CFDT : la mise en place d’Etats généraux de l’automobile.
Dans un rapport publié fin juin, mis à jour fin juillet, le think tank de la fondation Nicolas Hulot et la CFDT Métallurgie se sont penchés sur l’avenir de l’automobile et précisément de la filière moteur dans le contexte de conversion à l’électricité. Le rapport, intitulé Comment relever le défi d’une transition juste étudie quatre scénarios de transition. La filière motrice, qui compte 57 000 salariés de France, a un effet d’entraînement sur 400 000 salariés. Or, la voiture électrique nécessite moins de main-d’œuvre que la voiture diesel. Mais, selon les deux partenaires qui s’appuient sur l’expertise de Syndex ; « en accélérant la transition écologique, on peut enrayer le déclin de l’industrie automobile ».
Le premier scénario, de poursuite des tendances actuelles, « pourrait tout simplement signifier la fin de l’industrie automobile en France ». En dix ans 100 000 emplois ont été supprimés dans la filière automobile. Et, à nouveau, selon l’Observatoire de la métallurgie, 100 000 emplois sont menacés d’ici 2035… Le scénario 2 étudie l’effet du maintien de la politique de relance commencée en 2020 : elle ne « permettra ni de mettre un terme à la désindustrialisation, ni de répondre au défi climatique » et se traduirait par une division par deux des effectifs d’ici 2050. Plus ambitieux, le scénario 3, de relance industrielle, explore un maintien des volumes de production de moteurs, sans toutefois anticiper les besoins de sobriété : réduction des consommations d’énergie et de matière, évolution des usages.
Le scénario 4, dit de transition juste, « mise sur une intégration locale renforcée de la filière et intègre les exigences de la sobriété ». Il « vise la restructuration de l’appareil productif autour d’une filière intégrée moteurs – batteries – véhicules – recyclage. » Selon la FNH et la CFDT, il est seul en mesure de « répondre à la fois aux enjeux sociaux et environnementaux ». Et permettait, à partir de 2035, de recréer de l’emploi, ce qui devrait se traduire en 2050 par un tiers d’emplois de mieux que le scénario 2, de poursuite de la relance. Le scénario repose sur les efforts de reconversion et de formation pour chaque salarié de la filière.
Première étape demandée par la Fondation Nicolas Hulot et la CFDT : la mise en place d’Etats généraux de l’automobile.
Et si, en Lorraine, dès 2024 dans le cadre du développement des mobilités, le Taxirail, un véhicule ferroviaire innovant, commençait à circuler sur une ligne de chemin de fer désaffectée ? Explications.
L’association T2SB (Train touristique Sarreguemines-Bitche) a coopéré avec l’entreprise Exid Concept & Développement dans le cadre d’un projet innovant susceptible d’améliorer la mobilité en Lorraine dans le pays de Sarreguemines-Bitche : le Taxirail, un service ferroviaire de mobilité décarboné qui doit permettre de redonner vie à des liaisons ferroviaires délaissées. La Région Grand Est, la Communauté de communes de Bitche et la Communauté d’agglomération de Sarreguemines Confluences apportent un soutien financier au projet de ces véhicules fabriqués en France et assemblés à Colmar.
« Taxirail est une solution sociale, sociétale et environnementale », affirme Michel Albrand, directeur associé de l’entreprise Exid Concept & Développement. L’idée ? Elle est simple : il s’agit d’utiliser l’ancienne ligne TER, qui est déclassée et fermée en y faisant circuler en alternance le Taxirail d’Exid Concept & Développement, et le train touristique de T2SB. Constitué de modules autonomes, le Taxirail pourra emprunter la ligne de chemin de fer afin de transporter les voyageurs de Sarreguemines jusqu’à Niederbronn. « Comme nous ne pouvons pas circuler sur le réseau ferré national, le départ se fera depuis le site des anciennes faïenceries de Sarreguemines pour ne pas gêner la SNCF », précise Sonny Sandler, le président de T2SB. Le tarif des voyages n’est pas encore fixé, « mais il sera d’un coût modéré afin d’être attractif et de séduire le plus grand nombre d’utilisateurs possible », annonce Exid.
« Légèreté, innovation, zéro carbone, intelligence artificielle… les modules Taxirail sont adaptés aux petites lignes ferroviaires. Ce nouveau moyen de transport préserve l’infrastructure, ne pesant que 11 tonnes, contre 130 tonnes pour un TER type Régiolis. Il est 100 % écofriendly», poursuit Michel Albrand.
Avec lui, Sonny Sadler, président de T2SB, et Olivier Weissend, secrétaire, ont présenté le dossier au sous-préfet de Sarreguemines, Christophe Salin. Tous trois croient en la faisabilité du Taxirail à l’horizon 2024. « Notre association T2SB travaille depuis plus d’un an sur le thème de la mobilité. Ce projet est totalement compatible avec notre projet de train touristique et l’écotourisme », résume Olivier Weissend.
« Les navettes sont dotées d’un moteur électrique alimenté par une batterie. Celle-ci peut être rechargée par un moteur auxiliaire qui produit de l’électricité grâce à la combustion de biogaz combustible ou à une pile à hydrogène », détaille Michel Albrand. « On atteint un score de réduction des émissions de CO2 de 360 tonnes/an pour une ligne de 30 km et une réduction de 99 % des émissions de particules. Autre atout, le Taxirail est un véhicule silencieux, gage d’une réduction du bruit en zone habitée. »
La capacité est de 40 places (16 places debout et 24 places assises + PMR) et la vitesse maximale du véhicule de 90 km/h. « Il pourra circuler en cadencement ou à la demande 24h/24h, 7 jours sur 7. La réservation se fera par application depuis un smartphone ou d’une borne installée en gare. »
Lors des circulations, la présence sur la voie d’un animal, d’un arbre ou d’une voiture peut être détectée jusqu’à 200 mètres par la combinaison de radars et de lidars, des appareils munis d’un faisceau laser et mesurant très précisément les distances. A noter enfin, la possibilité d’assembler jusqu’à trois modules pour obtenir 120 places.
Jean-Georges Léturgie
La décarbonation dans toutes ses dimensions de la mobilité, c’est ce qu’a envisagé le 31 mars le Lab recherche environnement (Vinci – Paris tech). Financement des infrastructures de mobilité, déploiement des systèmes de recharge électrique, réinvention de la logistique, essor des cars express… La réussite de la décarbonation dépend pour une bonne part de la fée électricité. Mais ses coups de baguette ne vont pas tout résoudre par magie.
Initiative conjointe du Lab recherche environnement (Vinci – Paris Tech), du Cerema et de Construction 21 (plate-forme d’informations collaborative regroupant un public d’opérationnels des projets urbains), la conférence du 31 mars sur la mobilité décarbonée a été organisée à l’occasion de la publication du dossier Mobilités décarbonées de Construction 21.
Camille Combe, chargé de mission à la Fabrique de la cité, souligne que le niveau d’émissions des transports a augmenté entre 1990 et 2014, et estime que les solutions technologiques ne suffiront pas à remplir les objectifs. Financement de la mobilité et décarbonation sont pour lui deux faces d’une même médaille. D’où un retour sur certaines des initiatives que la Fabrique de la Cité a déjà scrutées en mai dernier.
Et dont nous avons alors parlé : Singapour, avec le péage urbain dans un territoire contraint de 5,5 millions d’habitants, péage urbain devenu dynamique, permettant de s’ajuster en temps réel, la cité-état jouant aussi d’un système d’enchères et de quotas sur le nombre de véhicules autorisés. Objectif : doubler la part des transports collectifs.
New York, voulant remédier au sous-investissement chronique dans les transports publics (retard de financement très important, dernière ligne de métro ouverte en 1940, baisse de la fréquentation des transports collectifs avant la crise Covid), a adopté un grand plan de 51 milliards de dollars d’investissements dans les transports. Le plan prévoit des instruments de régulation comme le péage urbain, des taxes sur les livraisons via Internet, et, tout particulièrement, une taxe progressive sur les logements supérieurs à 1 million de dollars. Les logements bénéficient en effet de l’accessibilité sans y contribuer jusqu’à présent. L’idée est de retourner le mécanisme, en profitant de la plus value foncière qu’assure le transport pour financer celui-ci.
Enfin, certains des Etats-Unis, dont l’Oregon, essayent de se tirer (de nous tirer) une épine du pied : si l’entretien des infrastructures dépend de la taxe sur le fuel, la décarbonation de la mobilité aura pour effet de tarir les financements. D’où l’idée de remplacer la taxe sur le carburant par une taxe sur les miles parcourus… Donc, les véhicules électriques, qu’on a tendance aujourd’hui à ne pas taxer pour assurer leur essor, vont devoir un jour ou l’autre payer le juste coût de l’utilisation de l’infrastructure. Pour compliquer l’affaire, la taxe sur les miles pose une question de confidentialité, puisqu’elle est établie grâce à une connaissance fine des parcours de chacun.
Le débat est l’occasion donnée à Khadija Tighanimine, d’Omexom (Vinci Energie), entreprise qui s’intéresse à la structuration du marché de la mobilité électrique, de se pencher sur le déploiement des IRVE (Infrastructure de recharge de véhicule électrique). Dans le cadre du dernier plan de relance, 100 000 équipements de ce type sont prévus d’ici fin 2021. Objectif qui sera soit dit en passant difficilement tenu, selon une étude publiée en avril du bureau de conseils Mobileese. Ombre sur leur déploiement, selon Khadija Tighanimine, leur acceptabilité sociale. D’où la nécessité de mettre l’utilisateur au même plan que le maître d’ouvrage ou le maître d’œuvre en tant que maître d’usage. Intéressant même si le vocable parallèlement utilisé de consom’acteur sent un peu trop la com. Exemple est pris du Marché public global de performance (MPGP) passé par la région Bourgogne Franche Comté et remporté par un groupement où naturellement Omexom est présent. On peut espérer qu’émergent, grâce à ce type de marché, des solutions acceptables socialement, qui s’adaptent aux usages et soient plus simples que ce que proposent (parfois) des ingénieurs désireux de montrer l’étendue de leur savoir-faire.
Occasion donné aussi à Anne de Bortoli (Eurovia, Ecole des Ponts Paris Techs) d’exposer son analyse environnementale de la micromobilité à Paris. Une analyse mettant en relief trois facteurs comme le poids sur la biodiversité, la santé humaine ou encore sur les ressources dans lesquelles on doit puiser, à côté de ce qu’on scrute habituellement en priorité : consommation en énergie et conséquences sur le climat.
Les vélos personnels, vélos partagés, trottinettes partagées, trottinettes personnelles, scooters électriques partagés, deux roues personnels, forment un groupe occupant une place intermédiaire entre la marche d’un côté, l’automobile de l’autre. Groupe dans lequel chacun prend tour à tour la tête selon les critères retenus… à ceci près que le pur et simple vélo, celui que chacun possède, remporte sans coup férir la palme.
Pour ce qui est de la marche donnons-nous rendez-vous prochainement, à l’occasion de la publication annoncée à la fin de l’année par Jean-Paul Hubert (Université Gustave Eiffel) d’un dictionnaire de la marche.
On regrettera que le sujet si important de la logistique urbaine ait été abordé par un biais trop réglementaire. Les enjeux en ont été soulignés par Hélène de Solère, chef de projet urbain au Cerema : la logistique urbaine représente 20% des flux motorisés en ville. Elle répond à 50% aux besoins des particuliers, 40% à des besoins d’établissements économiques, et 10% aux besoins de gestion urbaine (chantiers, ordures). Si, elle n’est responsable que de 20% des GES, elle l’est pour un tiers de l’émission des NOX, pour 50% de celles des particules fines, et responsable aussi pour 50% de la congestion… Dommage donc, vu l’importance des enjeux, que l’exposé ait trop porté sur la méthodologie des bonnes pratiques et les étapes de déploiement d’un futur programme dit Interlud.
Des idées, ce n’est pas André Brotto qui en manque, et le lecteur de VRT le sait. Son idée phare, il ne manque aucune occasion de la développer, et nous avons eu souvent l’occasion d’en parler dans nos colonnes. Reste que l’idée est bonne et, pour la défendre, André Brotto a fait récemment équipe, dans le projet New Deal, avec l’architecte David Mangin pour la consultation internationale sur les routes du Grand Paris.
En exposant à nouveau les vertus de son système de cars express sur voies réservées, André Breton souligne que la solution qu’il propose pour le Grand Paris répond à la demande actuelle, peut même faire face à une demande supplémentaire et est susceptible d’évolution à mesure que les besoins changent et que le véhicule électrique autonome devient réel. Et fait apparaître, essentiel pour Vinci, un gestionnaire d’infrastructures comme partie prenante à part entière d’un système de transport. En soulignant les limites du localisme, Brotto invite à ne pas cèder aux vertiges de la ville du quart d’heure, et rappelle ce qu’impose un destin de capitale. F. D.
Alors que la Stratégie nationale bas-carbone met le cap sur la neutralité des émissions en 2050, le Forum Vies Mobiles s’est demandé si le pays était bien parti pour atteindre son objectif. En misant sur la technologie d’abord, et en évitant d’aborder dans leur ampleur les questions d’aménagement du territoire, on dirait bien que ce n’est pas le cas.
On connaît l’objectif que s’est fixé le pays : atteindre la neutralité carbone en 2050. Se donne-t-on les moyens de l’atteindre ? La question s’impose et le Forum Vies Mobiles (soutenu par le groupe SNCF) lui apporte une réponse tranchée : c’est non. Le Forum Vies Mobiles a confié l’enquête à une équipe emmenée par le géographe Jean-Baptiste Frétigny. Et, lors de la présentation des résultats, a demandé à Jean-Marc Offner (directeur de l’a’urba, l’agence d’urbanisme de Bordeaux Aquitaine) de questionner nos slogans et nos certitudes.
Dans le cadre de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) il faut notamment réussir une « transition mobilitaire », qui devait se traduire selon la version initiale, de 2015, par une baisse de 29 % des émissions du secteur à l’horizon du troisième budget carbone (2024-2028) et d’au moins 70 % d’ici 2050. Du fait d’un retard évalué à plus de 10 % par rapport aux objectifs sur la période 2015-2018, la stratégie révisée adoptée en 2020 ralentit l’effort initial pour épouser la courbe réelle, mais l’accentue ensuite en voulant atteindre la neutralité carbone dans les transports en 2050. Quelle que soit la version, on veut faire porter l’effort sur l’automobile et les automobilistes. En 2015, le gouvernement comptait ainsi d’abord sur « l’amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules consommant deux litres par 100 km et le développement des véhicules propres (voiture électrique, biocarburants, etc.). »
Cinq ans après, où en est-on ? La question est d’autant plus sensible que le mouvement des gilets jaunes est passé par là. Mouvement précisément causé par les effets de la remise en cause de l’automobile sur la vie quotidienne de millions de Français. Difficile de se contenter de penser qu’on suivait une voie vertueuse, et que ceux qui protestent contre les hausses des taxes sur les carburants sont tout bonnement condamnés par l’histoire. Le Forum s’est demandé, en partant du mouvement, ce qu’il en est de l’acceptabilité de la politique arrêtée. Et en se souvenant que la révolte s’en est prise à un texte qui « faisait consensus » dans le monde technocratique… Pour le Forum, il faut déjà relever que « l’empreinte carbone des individus est très différente en fonction du revenu, ce qui n’avait pas été suffisamment pris en compte dans le projet de taxation carbone (augmentation de la contribution climat- énergie), qui a été un moteur-clé de la mobilisation des gilets jaunes ».
Au-delà du mouvement, et de la taxation carbone, il s’est agi de comprendre les raisons du dérapage de 10 % qui laissent penser qu’il pourrait bien se répéter. Trois facteurs l’expliqueraient. Premier d’entre eux, l’objectif est « consensuel mais systématiquement secondaire ». De ce fait la politique est segmentée, confiée à des instances distinctes, la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) étant distincte de la DGITM au sein du ministère de la Transition écologique ; la première étant chargée de la stratégie et la deuxième de l’offre de mobilité qui y répond, de même que l’UE est divisée entre DG Climat et DG Mov. Quant au transport aérien, il est lui, traité à part.
Autre facteur de dérapage, la « crise de l’instrumentation », avec notamment un vrai problème sur le suivi de l’évolution de l’empreinte carbone, et un déficit d’autonomie dans l’expertise de l’Etat et de la société civile.
Le troisième facteur est « la hiérarchisation inversée ». Le Forum a classé les moyens de la transition.
Or, le plus efficace, c’est l’évitement (en jouant notamment de la carte du télétravail), puis vient le report modal ou le changement de pratique et, en dernier lieu seulement, ce que peut apporter la technologie. En bon français, avoid, shift, improve. Exactement à l’inverse de politiques publiques qui misent d’abord sur la technologie. L’évitement de la mobilité apparaît comme leur point aveugle, tandis qu’on fait confiance à l’industrie : comme le relèvent les chercheurs du Forum Vies Mobiles, lors des Assises de la Mobilité, organisées pour préfigurer le contenu de la LOM, dans l’atelier « Mobilités plus propres », présidé par un ancien dirigeant du secteur auto, près de la moitié (43 %) des participants était des acteurs de l’automobile ou du transport routier.
Le Forum Vies mobiles fait donc quatre recommandations, présentées le 7 octobre par Christophe Gay, son codirecteur :
Vaste programme !
F. D.
C’est une intervention dont il a la spécialité. Prendre à revers les certitudes. Interroger les slogans, s’étonner de la façon dont ils sont construits, au lieu de se demander s’ils sont bien appliqués. Il l’a récemment fait dans son livre Anachronismes urbains (voir article du mois de juin). Et c’est sur sa lancée qu’il interroge le programme de transition mobilitaire. Quelle pertinence y a-t-il, par exemple, de vouloir lutter contre l’étalement urbain… alors que l’étalement urbain a eu lieu. En redisant qu’on veut l’empêcher d’advenir, « ce périurbain est nié dans son existence même », alors qu’il serait grand temps de l’organiser au mieux. Pas simple, car le périurbain n’existe pas, regrette Offner, en termes d’expertise, n’existe pas méthodologiquement, et a peu de visibilité politique. Deuxième exemple de perception fausse, le « hold-up » des transports publics sur le sujet de la mobilité. Résultat, « on gouverne éventuellement les transports publics, pas grand-chose d’autre ». De ces impensés et d’autres il résulte ce qu’Offner appelle un « quadruple brouillage » en matière de mobilité.
Premier brouillage, on a du mal à appréhender ce qui relève de l’interdépendance. Nos lunettes, dit-il, sont à l’aise avec les lieux, les étendues, pas avec ce qui est de l’ordre de la circulation.
Deuxième brouillage, on dit mobilité quand on parle seulement transport. Or, la mobilité, « c’est comportemental, pratique, c’est de la sociologie, ce n’est pas de la technologie du trafic ». Bref, on parle d’offre, regrette-t-il, pas de demande.
Troisième point, le partage modal. On considère un marché des déplacements, donc des parts de marché, mais cet indicateur ne dit rien sur la décarbonation, puisqu’il ne dit rien des kilomètres parcourus. La part de la voiture régresse ? Mais on ne sait rien des kilométrages. L’indicateur qui monopolise l’attention n’est pas pertinent.
Enfin, de façon complémentaire au hold-up sur les mobilités, la question de l’automobile est renvoyée à la politique industrielle.
En définitive, pour Offner « on n’a pas les moyens d’une politique publique de la mobilité ».
L’équipe du laboratoire MRTE (Mobilités, Réseaux, Territoire, Environnement) de Cergy Paris Université, conduite par Jean-Baptiste Frétigny — avec Pierre Boquillon, Caroline Bouloc, Laure Cazeaux, Damien Masson — a interrogé quarante acteurs, en s’intéressant aux diverses échelles nationales, voire européenne ; a questionné le corpus juridique et institutionnel, ainsi que le corpus médiatique ; a mené aussi quatre études de cas : Ile-de-France ; la métropole régionale de Grenoble ; le parc naturel régional des Grandes Causses, dans l’Aveyron, et l’île de la Réunion. Elle s’est aussi appuyée sur l’analyse de multiples textes juridiques et documents de littérature grise liés aux politiques publiques interrogées et aux acteurs qui y sont associés. Un corpus médiatique a également été constitué à partir de 549 articles de presse.
Le transport est, en France, le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre. En 2017, il représente 29,9 % des émissions nationales, soit 139 Mt CO2eq, avec une forte croissance entre 1990 et 2004 (+ 18,9 %) suivie d’une décroissance de -7,9 % entre 2004 et 2009 avant une légère augmentation de +2,0 % entre 2009 et 2016. L’augmentation du trafic routier est à l’origine de cette évolution. Elle n’a pas été compensée par la baisse des émissions unitaires des nouveaux véhicules ou le développement des biocarburants dont la forte progression à partir de 2005 a néanmoins permis de limiter de façon significative les émissions du secteur routier, dit la Stratégie, dont le propos illustre le primat donné à la technologie que pointe le Forum Vie Mobiles. Dans cette logique, le texte poursuit : « Outre le faible prix des énergies, la stagnation des émissions dans le secteur des transports s’explique notamment par la faible amélioration des performances des véhicules neufs, un rebond des trafics routiers et des résultats moins bons qu’espérés pour le report modal dans le secteur des marchandises. » Et « le dépassement pourrait s’aggraver pour le deuxième budget carbone (2019-2023) adopté en 2015 au vu de l’inertie du système, et notamment des émissions des transports qui, spontanément, croissent plus vite que le PIB. »