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Ewa

Avis défavorable pour les prolongements de la LGV de Bordeaux vers Toulouse et Dax

AB026430

La commission d’enquête publique sur les projets de lignes à grande vitesse Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax a rendu le 30 mars un avis négatif. Le rapport pointe essentiellement des "insuffisances et faiblesses" des projets,…   parmi lesquelles des "impacts insuffisamment pris en compte", qu'il s'agisse de la faune, de l'habitat ou de la viticulture. Les incertitudes sur le financement public et sa rentabilité sont également soulignées. Rappelons que ces lignes s'inscrivent dans la continuité de la ligne Tours-Bordeaux actuellement en construction. Et que leur coût  est estimé à 8,3 milliards d'euros.

Le secrétariat aux Transports a aussitôt indiqué qu'il fallait s'abstenir de "toute conclusion prématurée" pour respecter la procédure en cours. "Le maître d'ouvrage, SNCF Réseau, dispose désormais d’un délai de quatre mois pour répondre à ces conclusions. C'est à ce moment là seulement que l'Etat sera saisi de l’intégralité des conclusions et de cette réponse. Le Gouvernement sera appelé  à prendre sa décision dans un délai de dix-huit mois, après avis du Conseil d’Etat", a-t-il indiqué dans un communiqué.

Car déjà, les élus s'agitent. "L'avis ne lie pas le gouvernement", et "l'apport des voyageurs de Midi-Pyrénées a toujours été considéré comme la justification même des investissements consentis entre Tours et Bordeaux", a réagi Martin Malvy, le président socialiste de la Région Midi-Pyrénées.
"L'actuel gouvernement ayant inscrit la poursuite du projet comme unique perspective nationale à compter de 2018, nous nous refusons d’envisager que l’avis de la commission (…) signifie la remise en cause du projet", ont renchéri dans un communiqué commun le président de la Région Aquitaine Alain Rousset, le président de Bordeaux Métropole Alain Juppé et le président de Toulouse Métropole Jean-Luc Moudenc, qui demandent tous trois à être reçus par Alain Vidalies, le secrétaire d'Etat aux Transports.

En revanche, Gilles Savary, le député socialiste de Gironde se félicite  d'un "avis qui introduit enfin le bon sens et la rationalité économique".

Ewa

« Ceux qui déterminent la politique des transports sont uniquement guidés par la volonté de ne plus mettre d’argent dans le système »

Par Jacques Auxiette, président de la commission Transports de l’Association des régions de France (ARF) et de la région Pays de la Loire. Jacques Auxiette regrette que la loi réformant le système ferroviaire n’ait pas réglé la question financière. Selon lui, il est temps que les élus aient davantage voix au chapitre dans les grands choix nationaux de transport.

Ville, Rail & Transports. La nouvelle SNCF est en train de se mettre en place, issue de la loi ferroviaire du 4 août 2014. Comment jugez-vous la mise en forme de cette loi ?

Jacques Auxiette. La position de l’ARF a toujours été très claire : nous souhaitions sans ambiguïtés que cette loi rende possible l’ouverture à la concurrence à l’horizon 2019 comme le prévoient les règles européennes. Ce n’est pas pour faire l’apologie idéologique de la concurrence. Mais pour ouvrir cette possibilité, comme cela se fait depuis longtemps dans le transport urbain. Si ces dispositions étaient en vigueur, nous n’aurions pas tous ces débats autour du 4e paquet ferroviaire qui retardent ses délais de mise en œuvre.

Finalement, nous payons le manque de courage politique, à la fois de la part du gouvernement, des élus mais aussi et surtout d’une partie des cheminots. Pourtant, dans les discussions que nous avons eues, tout le monde estimait que la loi ne devait pas être provisoire et devait régler une fois pour toutes ces questions.

Maintenant, on voit dans quelles conditions la SNCF et ses responsables mettent en œuvre la réforme : ils suivent une logique d’intégration totale. Or, si l’on remonte à 1997, au moment de la création de RFF, il n’était pas écrit que le gestionnaire des infrastructures ne devait pas avoir autorité sur SNCF Infra. Toutes les difficultés qu’on a connues en termes de surcoûts, d’inefficacité, n’étaient pas induites par la loi, mais c’est la SNCF qui a maintenu cette aberration organisationnelle et industrielle.

Aujourd’hui, de nouveau, la logique mise en œuvre dépasse l’esprit dans lequel la loi a été écrite. L’Epic de tête, notamment, qui aurait dû être un élément de coordination, est devenu, à la fois quantitativement important, et surtout un élément d’intégration.

Enfin, au-delà de cet aspect organisationnel, la loi n’a rien prévu sur le plan financier. On le voit aussi sur les sujets liés aux trains d’équilibre du territoire et à la libéralisation du transport par autocar : les projets de loi sont portés par Bercy et non par le ministère des Transports. Il y a là une dérive que je considère comme extrêmement grave : ceux qui déterminent la politique des transports sont uniquement guidés par la volonté de ne plus mettre d’argent dans le système ferroviaire. Aucun pays au monde, sauf peut-être la France (et Bercy), n’imagine que le système ferroviaire puisse fonctionner sans argent public. On voit bien que le problème de fond est là.

 

VR&T. Les relations entre la SNCF et les régions ont été très tendues ces derniers temps. Constatez-vous des améliorations, notamment depuis l’arrivée d’Alain Le Vern à la tête des TER et des Intercités ?

J. A. Le rôle d’Alain Le Vern est utile. Il a permis de progresser. Il a de vraies responsabilités et une vraie connaissance de ce que peuvent attendre les autorités régionales. Mais tout n’a pas été réglé. C’est pourquoi nous avons travaillé au sein de l’ARF pour élaborer un document visant à clarifier les responsabilités des uns et des autres. Ce document est quasiment finalisé. Il s’interroge sur la responsabilité de l’autorité organisatrice, sur son rôle, et sur celle de l’exploitant car il y a souvent encore des confusions dans ce domaine. Les services régionaux doivent savoir quels sont leurs pouvoirs de décisions. Ils doivent aussi reconnaître à l’exploitant une capacité entrepreneuriale, au-delà de la responsabilité de base qui est la sienne : assurer la sécurité, la qualité de services et bien sûr la régularité des trains.

Ce cadre permettra de mieux préparer les futures conventions qui seront passées par les nouvelles régions. C’est le rôle de l’ARF : essayer de faciliter la réflexion collective et déterminer un cadre qui pourra ensuite être adapté par chacune des régions en fonction de ses spécificités.

 

VR&T. Un rapport de la Cour des comptes présenté le 11 février recommande de supprimer des lignes de TET, d’en transformer certaines en TER ou encore de recourir à la route pour diminuer les coûts. Les régions sont-elles prêtes à accepter ces transferts ?

J. A. Que la Cour des comptes, à partir de l’analyse de chiffres, puisse attirer l’attention sur des surcoûts, sur les responsabilités des uns et des autres, en donnant son expertise, est légitime. Mais que ce soit la Cour des comptes qui dise, sur un sujet comme celui-ci, quelle politique il faut mettre en œuvre, me paraît être une dérive du fonctionnement des institutions. La Cour des comptes est une institution nécessaire. Mais elle ne peut se substituer aux élus : ce ne sont pas à quelques experts de s’exprimer mais au Parlement de déterminer quelle doit être la politique ferroviaire française.

Cela montre surtout que l’Etat et les gouvernements successifs n’ont pas assumé une politique d’aménagement du territoire en matière de transport ferroviaire. Du coup, on est obligé de passer par la Cour des comptes et par la commission Duron.

Or, à l’ARF, nous sommes d’accord sur un constat : il n’est pas possible de lancer des LGV partout pour desservir la totalité du territoire national. Mais il faut tout de même des services  grandes lignes pour assurer la mobilité. Il faut une réelle politique d’aménagement du territoire et d’égalité de la mobilité des citoyens. Nous avons déjà clairement indiqué que l’ARF est d’accord pour déterminer un socle de grandes lignes qu’on pourrait appeler des trains Intercités. Mais nous nous sommes vite aperçus que ceux qui pilotaient le dispositif n’étaient pas les services du ministère des Transports mais Bercy. Et qu’ils ont un seul objectif : que ces trains ne soient financés ni sur le budget de la SNCF ni sur celui de Bercy.

Nous sommes prêts à accepter que certains trains soient considérés comme interrégionaux et donc sous la responsabilité des régions. Mais il faut aussi maintenir des services grandes lignes, c’est de la responsabilité de la Nation : celle-ci doit mettre en œuvre une politique d’aménagement du territoire. Nous avons désigné un groupe de régions pour être l’interlocuteur de la commission Duron, pour réfléchir à ces principes qui doivent guider la réflexion.

Le débat sur les futures grandes régions va faciliter le travail de Bercy car il faudra examiner les conséquences financières des évolutions. Si des TET deviennent des TER, il faudra évidemment des transferts financiers. Et si demain les TET nouvelle formule ne s’arrêtent pas autant qu’ils s’arrêtent aujourd’hui et se distinguent vraiment des TER, il faudra aussi évaluer les éléments de compensation économiques et financiers.

Mais, et c’est ce qui me semble le plus important, il faut qu’il y ait enfin une réflexion sur l’aménagement du territoire français. Et que ce débat se fasse devant le Parlement.

Enfin, s’agissant du matériel, alors qu’il y a des velléités à propos du lancement d’un appel d’offres pour acheter du matériel, nous pensons que le Régiolis et le Regio 2N, qui peuvent être adaptés par les constructeur, doivent être retenus dans le futur pour les dessertes des lignes TET.

 

VR&T. Comment voyez-vous votre rôle alors que la libéralisation du transport par autocar risque d’entrer frontalement en concurrence avec les TER ?

J. A. Le projet de loi sur la libéralisation du transport par autocar, c’est la cerise sur le gâteau ! Nous sommes favorables au principe même de la libéralisation. Mais puisque le législateur est en train d’expliquer que les régions doivent avoir une compétence accrue dans le domaine des transports, nous demandons à être pleinement responsable de l’organisation de la mobilité sur le territoire régional. Au nom de notre légitimité tirée du suffrage universel. Or, les liaisons par autocar vont effectivement venir concurrencer directement les TER et les transports interurbains. Nous, élus, avons un rôle de garant de l’égalité d’accès à la mobilité. C’est pourquoi nous sommes favorables à l’instauration d’un seuil pour réguler les ouvertures de lignes routières d’au moins 250 km et non 100 km comme l’a présenté l’Assemblée nationale. Nous voulons être libres d’autoriser – ou pas – les autocars, sachant que nos décisions pourront être contestées auprès de l’Araf qui devrait devenir l’instance de recours. Et, au-dessus de l’Araf, les tribunaux administratifs pourront être saisis.

J’envisage aussi de réunir les transporteurs routiers pour voir comment on peut s’organiser pour être dans une logique de complémentarité. S’il n’y a pas un minimum de régulation, le système va non seulement libéraliser les initiatives privées mais aussi et surtout déréguler tout le dispositif de conventions mis en place. Ceux qui ont préparé le texte de loi l’ont fait de façon idéologique. Ils ont fait confiance aux experts. Dans une démocratie, il est bon d’entendre les élus.

 

VR&T. Vous vous battez aussi sur la question de la liberté tarifaire.

J. A. Les députés ont voté pour la liberté tarifaire, alors que l’Etat ne le souhaite pas. L’Etat veut continuer à fixer les tarifs sociaux et les abonnements. Nous avons entamé des discussions avec Alain Le Vern sur cette question pour arriver à une simplification des tarifs. Actuellement, il n’y a pas moins de 1 400 tarifs différents ! Il y a donc un grand chantier à mener dans ce domaine. Nous pensons que le décideur, c’est-à-dire l’autorité organisatrice, doit être maître de ses tarifs et de ses recettes.

Propos recueillis par Marie-Hélène POINGT

 

Ewa

Le face-à-face Bussereau/Savary. Quand la SNCF fait plus fort que l’inflation

Bussereau Savary2

L’augmentation de 2,6% des tarifs montre la situation inconfortable d’une SNCF devant à la fois faire face à la hausse de ses coûts et au bas prix des nouveaux concurrents routiers, montre Savary. Et pendant ce temps, la SNCF bloque la concurrence ferroviaire qui pourrait aider à baisser les prix, déplore Bussereau.  

Des trains à bon prix… grâce à la concurrence

Par Dominique Bussereau 

Député UMP de Charente-Maritime, président du conseil général de Charente-Maritime, vice-président du Gart.

 

Tarifs : la SNCF dans la seringue

Par Gilles Savary 

Député PS de la Gironde et ancien vice-président de la commission Transport du Parlement européen.

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Des trains à bon prix… grâce à la concurrence

Par Dominique Bussereau 

En fin d’année la SNCF a annoncé une hausse de ses tarifs de 2,6 % sur l’ensemble de ses lignes : billets sans réservation pour les TER et les TET, tarifs de référence pour les trains grandes lignes à réservation obligatoire, dont les TGV. Les abonnés, certains titulaires de titres de transport particuliers, échappent à cette hausse.

Cette hausse est traditionnelle mais en l’occurrence supérieure à l’inflation et fait suite à la hausse déplorable de la TVA sur les transports décidée par le Gouvernement en 2014. Naturellement l’annonce de cette hausse a entraîné de nombreuses réactions, négatives comme à l’habitude.

Néanmoins un « gag » est survenu : la ministre en charge de l’Ecologie, tutelle du secrétaire d’Etat aux Transports, a violemment critiqué cette hausse. Certes, la ministre ne nous a jamais épargné de prises de position démagogues ou outrancières : abandon de la « punitive » (sic) écotaxe, gratuité des autoroutes le week-end, etc. Mais en l’occurrence désavouer une décision prise par elle-même et son secrétaire d’Etat aux Transports, validée par son cabinet et l’administration de tutelle, est du grand art ! Sic transit !

Durant les cinq années où j’ai exercé des responsabilités ministérielles dans le domaine du transport, j’ai eu aussi à me prononcer sur les tarifs de la SNCF. Ma position fut constante (et pas toujours soutenue à Matignon et à l’Elysée !) : que la SNCF prenne ses responsabilités et fasse ses choix.

Car la SNCF est en situation de concurrence sur de nombreux axes avec la route, et l’avion (les compagnies régulières et low cost). Il lui appartient, à l’aide de sa politique de yield management de décider la tarification qu’elle souhaite et de la moduler selon la concurrence. Elle peut aussi, et elle l’a fait avec discernement, créer des produits low cost type IdTGV ou Ouigo. Pourquoi donc l’Etat viendrait-il décider à sa place de la politique commerciale de l’entreprise ?

De plus, deux nouvelles formes de concurrence vont prendre une importance croissante. Dans ces colonnes, Gilles Savary et moi nous sommes longuement exprimés sur la formidable montée en puissance du covoiturage qui concurrence même l’avion ! Demain, une fois la loi Macron votée (pas par moi !), l’autocar va prendre une place de plus en plus considérable. Laissons donc la SNCF pratiquer la politique qu’elle entend mener !

Naturellement, la réforme ferroviaire qu’elle a imposée au Gouvernement ne l’aidera pas. Jean-Marc Janaillac, président de Transdev, l’écrit excellemment dans Le Monde du 29 janvier : « Si le ferroviaire allemand a tant progressé depuis dix ans, c’est d’abord et avant tout parce que la DB a accepté le jeu de la concurrence et l’a utilisé pour renforcer sa compétitivité. Seul l’aiguillon extérieur que représente l’entrée de nouveaux opérateurs pourra entraîner la réforme ferroviaire dans la bonne voie, celle qui favorisera le report modal de la route vers le rail, améliorera le service et abaissera les coûts pour les régions ».

Tout est bel et bien dit !

D’où mes suggestions :

– Liberté tarifaire totale sur le réseau concurrentiel, essentiellement les LGV et les trajets leur faisant suite sur des lignes classiques.

– Ouverture à la concurrence des TET et des TER.

Je le proposerai à la commission Duron, mais voudra-t-elle bien m’écouter ?

Quant aux Régions, au lieu de proposer des offres démagogiques à un euro, elles feraient mieux de se rappeler que les TER leur coûtent 4 milliards d’euros et que les coûts d’exploitation ont augmenté de 90 % en 10 ans.

Lisons à nouveau Jean-Marc Janaillac à propos de l’Allemagne : « l’arrivée de nouveaux entrants a entraîné une baisse des coûts (-3 % par train/kilomètre sur 10 ans contre +20 % en France) ainsi qu’une forte hausse de la fréquentation (+34 % contre +24 % pour la France sur la même période), et sur le plan écologique, l’Allemagne affiche une augmentation de 25 % de la part du rail régional dans les transports… »

Je plaide donc pour plus de liberté tarifaire pour la SNCF, plus de concurrence sur tout notre réseau ferroviaire, en particulier pour les TET et les TER.

En cette année d’élections départementales puis régionales, il est temps de mettre fin au monopole, de faire éclore de la liberté… et de meilleurs prix pour les clients du rail, que je souhaite toujours plus nombreux.

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Tarifs : la SNCF dans la seringue

Par Gilles Savary 

La polyphonie gouvernementale qui a entouré l’annonce d’une augmentation de 2,6 % des tarifs de la SNCF trahit l’embarras, au sein du Gouvernement, d’augmenter les tarifs de service public alors que les revenus des Français sont par ailleurs mis à contribution par la politique de réduction des déficits publics.

Pourtant, nos grands services publics, qu’il s’agisse de la SNCF, d’EDF ou même des transports collectifs urbains, sont affectés du même mal chronique que celui qui a sinistré nos dépenses publiques : l’écart entre leurs coûts et leurs recettes d’exploitation ne cesse de se creuser et d’alimenter un endettement critique.

Si l’augmentation tarifaire consentie à la SNCF est anecdotique en regard de ses déséquilibres financiers, les usagers ne la supportent pas plus que les contribuables les augmentations d’impôt. En matière de services publics comme de dépenses publiques, on a habitué les Français à ce que les questions d’argent soient inconvenantes au pays de l’Etat providence.

Pourtant, il ne s’agit que d’une augmentation moyenne qui n’affectera que très marginalement les tarifs sociaux et les abonnements, et n’empêchera pas la SNCF de multiplier les promotions tarifaires de type low cost.

C’est finalement l’opacité de notre modèle de service public, que l’alliance de nos héritages colbertistes et corporatistes d’Ancien Régime identifie au statut public de l’entreprise et de ses agents, plutôt qu’à des missions de service public précisément définies et identifiées, qui explique cette illisibilité tarifaire.

Du coup, la main de l’Etat qui fixe les tarifs de service public est tout aussi invisible que celle du marché qui fixe les prix du secteur marchand.

Pour arbitraire qu’elle puisse paraître, cette augmentation est pourtant très loin d’accompagner l’inflation des coûts de notre système ferroviaire, due notamment à la double nécessité d’achever quatre chantiers de LGV particulièrement coûteux, et de produire simultanément un effort sans précédent de régénération du réseau historique.

Par ailleurs, il n’est pas contestable que dans de telles circonstances la SNCF répercute l’augmentation de la TVA de 7 à 10 % !

Pour autant, cet ajustement tarifaire, même s’il est socialement modulé, risque de s’avérer contre-productif à un moment où la SNCF est confrontée à de nouvelles concurrences particulièrement redoutables avec les développements fulgurants du covoiturage et de l’aérien low cost.

Ce dilemme confirme la nécessité vitale pour nos chemins de fer d’accentuer leurs efforts de redressement financier en jouant sur les deux registres d’un moratoire absolu sur les programmes de nouvelles LGV, et d’une conquête de gains de productivité internes significatifs.

Encore faut-il que sa tutelle étatique accompagne sans faiblesse ces exigences, en cessant de lui imposer des contraintes contraires.

La loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, comme la règle d’or financière à laquelle le projet de loi pour l’activité, la croissance et l’égalité des chances économiques va soumettre les futurs investissements ferroviaires, devraient y aider puissamment.

Mais la décision personnelle du Président de la République de confirmer la réalisation de la LGV à voie unique Poitiers – Limoges, comme l’inflation de projets de nouveaux développements ferroviaires portés par les Régions dans le cadre des contrats de plan ne sont pas de bon augure…

Pour que l’effort tarifaire sollicité des usagers ait un sens et s’inscrive dans une volonté de redressement de nos chemins de fer, il faut que l’arbitraire politique laisse enfin à la SNCF le répit que nécessite son adaptation… Et sa reconquête exigeante du réseau historique et de la qualité de service des trains du quotidien.

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Ewa

« Le Grand Paris Express ne va guère améliorer la vie des Franciliens »

Réorienter les priorités du réseau du Grand Paris

Par Martial Bellon, Philippe Essig et Claude Gressier

43 milliards d’euros, c’est l’enveloppe que représente le Nouveau Grand Paris défini le 6 mars 2013 par Jean-Marc Ayrault et conforté par Manuel Valls le 13 octobre 2014. Sur le total, 27 sont prévus pour le métro automatique du Grand Paris Express et 16 pour le plan de mobilisation de la région. Certains experts et anciens hauts responsables réunis dans le Cercle des Transports mettent les pieds dans le plat. Il y a plus de deux ans, ils avaient attiré l’attention sur l’accroissement de la dette publique dû aux investissements trop massifs et aux coûts de fonctionnement passés sous silence. Ils récidivent. Dans un document intitulé « Réorienter les priorités du réseau du Grand Paris », ils souhaitent qu’on remette à plus tard les lignes 15 et suivantes du Grand Paris Express, qu’on donne la priorité à la modernisation du réseau ferroviaire existant et qu’on limite, en un premier temps, la réalisation de nouvelles infrastructures au prolongement nord de la ligne 14 et au prolongement ouest d’Eole. Parallèlement, ils invitent la SNCF à moderniser d’urgence ses installations et ses méthodes d’exploitation.

Leur analyse du Snit n’est pas pour rien dans le changement d’état d’esprit qui a conduit à la révision préconisée par la commission Mobilité 21. Aujourd’hui, seront-ils écoutés ? Trois des auteurs du nouveau rapport s’expliquent. Martial Bellon, consultant en gouvernance territoriale, Philippe Essig, ancien directeur général de la RATP et ancien président de la SNCF, et Claude Gressier, ancien directeur des Transports terrestres et ancien directeur des Transports maritimes, des ports et du littoral.

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Ville, Rail & Transports. Vous invitez à réorienter les priorités du réseau du Grand Paris. Pourquoi le Grand Paris Express n’est-il pas à vos yeux la première des priorités ?

Claude Gressier. On a confondu une grande opération d’urbanisme avec la résolution rapide des problèmes des Franciliens. Les justifications du projet du Grand Paris sont de deux natures. D’une part, des justifications en termes d’aménagement de l’Ile-de-France. C’est un projet urbain qui peut être cohérent avec un schéma de transport. Ce projet urbain est-il doté de toutes les caractéristiques, permettant effectivement de faire les bureaux et les habitations au bon endroit et en temps idoine ? Cela peut se discuter. Du temps des villes nouvelles, on disposait d’instruments extrêmement puissants, comme les établissements publics. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas, sauf à Saclay. Il n’est pas certain que ce pari d’urbanisme soit gagné, mais on peut l’espérer.

D’autre part, pour justifier la réalisation du réseau du Grand Paris Express, on dit qu’il va décharger la ligne A du RER aujourd’hui saturée. Nous pensons que c’est largement inexact. Il faut, de plus, bien voir que si l’augmentation de fréquentation des transports en commun a été de 20 % entre 2001 et 2010 selon la dernière enquête globale transport d’Ile-de-France, à l’heure de pointe cette fréquentation n’a augmenté que de 4 %. Cela ne peut pas être une justification du Grand Paris Express. Nous pensons de plus qu’il y a d’autres voies pour améliorer la situation à l’heure de pointe. Il faudra sans doute faire le moment venu le Grand Paris Express, qui est une opération d’urbanisme, mais est-ce la priorité des priorités ? Notre sujet n’est pas de dire : il faut tout arrêter. Mais commençons par nous préoccuper des Franciliens.

 

VR&T. Le programme du nouveau Grand Paris arrêté par Jean-Marc Ayrault, puis confirmé par Manuel Valls, comporte cependant le plan de mobilisation de la région, destiné à répondre aux besoins urgents des usagers…

Claude Gressier. Mais la régénération du réseau ferroviaire n’est pas complètement acquise ni suffisante. Il faudrait mettre plusieurs centaines de millions de plus chaque année pendant une dizaine d’années. En fait, même le financement d’aujourd’hui n’est pas assuré. Quant au plan de financement du prolongement du RER E, il n’est actuellement pas bouclé. Or, si l’on commence les programmes d’Ile-de-France par le Grand Paris Express et qu’on fait le reste s’il y a de l’argent – car dans la réalité, c’est ainsi que cela se passe –, la vie quotidienne des Franciliens n’en sera guère améliorée.

Philippe Essig. Le projet du Grand Paris Express est annoncé à 25 milliards. Mais on sait bien ce qui va se passer. Dans la réalité, cela va monter à 35 ou 40 milliards. C’est absolument énorme. Et il faut ajouter à cela les coûts de fonctionnement.

Claude Gressier. S’il n’y a pas de progrès de productivité significatif, ils se monteront à 4 milliards de plus. Déjà, indépendamment du Grand Paris Express, le Stif va devoir financer d’ici 2020 un milliard d’euros de fonctionnement de plus…

Martial Bellon.Nous avons déjà essayé d’attirer l’attention sur les coûts de fonctionnement il y a deux ans et demi, dans notre travail sur les grands programmes d’infrastructure et notamment de TGV. On mesure à peu près bien les coûts d’investissement. Mais pas les coûts de fonctionnement. Le message ne passe pas. Et l’on observe la même dérive en Ile-de-France qu’au plan national, avec les mêmes conséquences sur le contribuable, en taxant fortement les entreprises, contrairement à ce qu’on fait à Londres. L’usager n’est jamais conscient du prix d’un service qu’il paie. Il faudra au moins que les décideurs en prennent conscience, et qu’ils comprennent que les coûts de fonctionnement accroissent la dette publique. C’est la petite musique qu’on voudrait faire entendre.

 

VR&T. Si l’on remet à plus tard le Grand Paris Express, cela veut dire qu’on va se reposer longtemps sur le réseau existant. Est-ce possible ?

Philippe Essig. C’est un réseau superbe, qui couvre bien l’ensemble de la région Ile-de-France. Il a des faiblesses, mais il n’en a pas beaucoup. Le métro fonctionne bien, et tout le monde nous l’envie. Le problème de saturation sur la ligne 13 va être résolu avec le prolongement de la ligne 14 à Saint-Ouen. Le RER A a un gros problème, entre Châtelet et La Défense. La généralisation du matériel à deux niveaux va soulager la ligne. Mais il faut absolument prolonger comme prévu le RER E à l’ouest. Sinon, il n’y a pas d’insuffisance flagrante. Même sur la section la plus chargée du RER B, Cité Universitaire – Denfert-Rochereau, la demande ne représente que 70 % de l’offre. C’est la même chose sur les lignes du Transilien.

En revanche, au-delà d’une certaine distance de Paris, il n’y a plus de maillage et les gens sont prisonniers de ces lignes, à la différence de Londres, où il y a un énorme réseau de bus. Certes, dira-t-on, les rocades du Grand Paris assureront ce maillage. Mais elles le feront en petite couronne uniquement. Il faudrait, pour l’assurer dans l’ensemble de la région, un puissant réseau de bus.

 

VR&T. Ce réseau ferroviaire « superbe » peut-il tenir face à la croissance ? On dit pourtant qu’il craque !

Philippe Essig. Face à la croissance du trafic, les opérateurs ont dit : il faut agrandir le réseau. La pointe, c’est ce qui dimensionne. Supposons donc, au doigt mouillé, que la demande à la pointe augmente de 20 % d’ici 2030. Pouvons-nous y répondre ? La réponse théorique est : aucun problème. D’une part, il y a des marges sur beaucoup de lignes. D’autre part, le matériel va être renouvelé. Quand on passe à du matériel à deux niveaux, on augmente la capacité de 40 %. Et pour accroître la capacité des tramways, on peut ajouter un élément.

Ensuite, il faut passer au pilotage automatique. Sur les lignes SNCF, on a les contraintes du KVB et les 10 à 15 secondes de confort qu’on donne au conducteur pour la lecture d’un signal. Cela disparaît avec le pilotage automatique. Le potentiel de gain en capacité est de l’ordre de 30 à 40 %.

 

VR&T. Tout le monde au pilotage automatique ?

Philippe Essig. Non seulement il faudrait installer le pilotage automatique sur les lignes B, C, D et sur la ligne E bien sûr, avec Nexteo, mais aussi sur une dizaine de lignes du Transilien. Il faut entendre, par pilotage automatique, ce qui a été mis en place sur le métro dans les années 70, non pas l’automatisme intégral. On prend le matériel tel qu’il est, on garde le conducteur. Naturellement, le système des années 70 est obsolète, mais on peut recourir, par exemple, au pilotage automatique Octys mis en place sur les lignes 3, 5 et 9 du métro, qui donne toute satisfaction. Peut-on développer pour des trains à missions différentes ce système conçu pour des métros ? C’est à voir. Sinon, on aura recours à un autre système.

Nexteo, prévu pour la ligne E, c’est le maximum, mais nous n’avons pas besoin de Nexteo partout. Et il faut aller vite. Une première ligne, cela peut être fait en quatre ou cinq ans… A condition que la SNCF se dote d’un outil Ingénierie-maîtrise d’ouvrage qu’elle n’a pas aujourd’hui.

Claude Gressier. Aujourd’hui, la SNCF n’a pas ces compétences. Elle est en train de s’en doter, pour faire Nexteo, avec l’aide de la RATP.

 

VR&T. Aucun problème alors une fois qu’on est passé au pilotage automatique ?

Philippe Essig. N’allons pas si vite. Au plan théorique, le réseau existant peut supporter une augmentation de 20 % à l’heure de pointe. Mais, au plan pratique, le bât blesse. Le réseau ne marche pas. Les indicateurs de régularité du Stif ne reflètent pas le ressenti des voyageurs. Voyez le blog du RER B, « Le blog d’en face ». Les usagers disent qu’un jour sur deux ça ne marche pas ! En tout cas, l’exploitation du système ne répond pas aux ambitions qu’on avait quand on a créé le réseau RER il y a quarante ans. On pensait qu’il serait exploité de façon très précise et performante… Il faut commencer par régénérer le réseau d’Ile-de-France comme on régénère tout le reste. Par exemple, la moitié des aiguillages a plus de 35 ans. Il faut 4 à 5 milliards d’euros pour remettre le réseau à niveau.

Claude Gressier. 1,5 milliard par an est prévu pour la régénération, payé par RFF – aujourd’hui SNCF Réseau – pour tout le réseau national. Il en arrive 10 % en Ile-de-France. Il faudrait 300 ou 400 millions de plus par an. Où les trouver ? Nous proposons que les recettes affectées de la Société du Grand Paris soient banalisées, et puissent aller à l’ensemble des investissements en Ile-de-France. Commençons par la régénération. Ensuite on continue sur la modernisation de l’exploitation, enfin on réalise les nouveaux investissements.

 

VR&T. En a-t-on fini dans l’amélioration du réseau une fois qu’on a effectué la régénération et installé le pilotage automatique ?

Philippe Essig. Non. Le système de supervision de l’exploitation à la RATP est grosso modo adapté. En revanche celui de la SNCF ne l’est pas. C’est vrai, les trains du Transilien ont des missions différentes, et sur le réseau francilien circulent aussi des TGV, des trains Grandes Lignes, des TER, des trains de fret. Mais la situation actuelle est incompatible avec l’exploitation performante d’un réseau urbain et suburbain. Il faut des centres opérationnels analogues aux PCC de la RATP, un endroit où l’on puisse savoir où sont les trains et où l’on puisse commander les aiguillages. Et il faut du personnel affecté par ligne, comme à la RATP.

Il faut d’autre part une réflexion sur le renouvellement du matériel roulant. Le matériel roulant du RER D est totalement inadapté à une exploitation RER. Il n’a que deux portes par voiture, et c’est un « veau », qui n’a pas de puissance et qui ne freine pas !

Un nouveau matériel va être commandé pour d’un matériel 2 N et à trois portes. Pourquoi ne pas commander 170 éléments au lieu de 70, afin de renouveler le matériel du RER D ?

 

VR&T. Vous avancez un constat et proposez de nombreuses pistes. Comment être sûr que ce soit les bonnes ?

Martial Bellon. Nous proposons qu’un audit d’experts internationaux indépendants fasse un travail plus approfondi pour prendre du recul.

Claude Gressier. L’audit qu’a réalisé l’EPFL de Lausanne a porté sur l’infrastructure nationale. Nous demandons un futur audit en Ile-de-France qui porte sur les méthodes d’exploitation. Il pourrait être confié à un grand opérateur incontestable, du niveau de MTR, l’opérateur du métro de Hong Kong. Faisons réaliser un audit, par un grand exploitant. Ensuite on en tirera les conséquences.

Propos recueillis par François DUMONT

Ewa

Politique ferroviaire. « Mauvais signal »

Favin Leveque

 

Par Jean-Claude Favin-Lévêque  

C’est l’expression utilisée par la ministre de l’Ecologie pour qualifier la hausse des tarifs de la SNCF pour 2015. Cette hausse arrivait à un bien mauvais moment, celui où entrait en vigueur la mère de toutes les réformes, cette réforme ferroviaire supposée relever les défis du XXIe siècle. Elle envoyait un message pessimiste, que SNCF ne pouvait contenir une dérive de ses coûts, notamment de main-d’œuvre, que ce grand groupe public n’était pas en mesure de dégager des gains de productivité suffisants pour compenser une inflation historiquement faible et qu’enfin il ne pariait pas sur les effets de cette réforme pour pouvoir le faire.

Mais faisant suite à ce mauvais signal envoyé par l’entreprise avec l’accord du ministère, ce dernier en envoie deux autres. L’ensemble montre à quel point le ferroviaire français tourne en circuit fermé et affiche son manque de stratégie.

 

Autre mauvais signal en effet que le feu vert gouvernemental à la déclaration d’utilité publique de la ligne nouvelle Poitiers – Limoges. Ce gouvernement avait dénoncé un prétendu tout TGV, supposé coupable des malheurs des trains du quotidien et de la dette du système ferroviaire. Un slogan désastreux. Dans ce contexte, la décision gouvernementale apparaît aujourd’hui d’autant plus ubuesque. Car s’il y a du bon et du mauvais TGV, le Poitiers – Limoges fait indéniablement partie de la deuxième catégorie. Un projet ruineux pour un service injustifié à un coût d’exploitation rédhibitoire. L’avis est unanime et a été documenté par la commission Mobilité 21 et la Cour des comptes : Poitiers – Limoges était l’exemple de ce qu’il ne faudrait plus faire. Le mauvais signal s’adresse aux responsables des collectivités territoriales qui peuvent impunément continuer à défendre des projets dispendieux dont ils ne supporteront pas les charges financières. Il décrédibilise l’action publique en soulignant le manque de courage de l’Etat central qui, pour des raisons politiciennes, n’ose pas dire non à des projets déraisonnables. On voudrait tuer le TGV qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

 

Mauvais signal enfin que cette information, ni officialisée ni démentie, que la prochaine attribution du contrat des Trains d’équilibre du territoire se ferait sans appel d’offres. Information discrètement occultée par une nouvelle commission Duron sur les trains du quotidien et un zeste de concurrence avec les cars longue distance dans la loi Macron. Mais le conservatisme reste total quant à l’ouverture du rail pour cause de corporatisme syndical. La France continue à entrer dans l’Europe ferroviaire à reculons. La victime en sera tout d’abord les finances publiques qui continueront à payer des trains du quotidien 30 % plus chers que chez nos voisins. Ce sera ensuite l’entreprise publique qui, surprotégée trop longtemps, devra finir par basculer sans transition dans le grand bain de la concurrence sous la pression de voisins exaspérés par le double langage. Le résultat est connu d’avance car notre pays a déjà utilisé cette triste recette pour le fret : le trafic marchandises a chuté dans notre pays de 30 % pendant qu’il augmentait de 40 % en Allemagne.

 

Le mauvais signal, c’est que la France poursuit son chemin ferroviaire, indifférente au monde extérieur, selon son habitude, ses mauvaises habitudes.

Ewa

Le face-à-face Bussereau/Savary. Le réseau après la réforme

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La réforme ferroviaire est votée. Reste à affronter de sérieuses difficultés. Le modèle TGV est contesté.  Quelle consistance, demain, doivent avoir les dessertes ? Quelle répartition entre les TGV, les TER, les TET et les cars ?   

Le ferroviaire en difficulté

Par Dominique Bussereau 

Député UMP de Charente-Maritime, président du conseil général de Charente-Maritime, vice-président du Gart

Depuis l’alternance politique de 2012, notre système ferroviaire et son environnement économique sont mis en danger par des décisions contestables qui seront pour certaines abrogées si une alternance nouvelle survient en 2017.

– Le rapport Mobilité 21 ou rapport Duron : il a proposé de renoncer au Schéma national des infrastructures de transport (Snit) pourtant adopté à la quasi-unanimité par le Parlement. Il condamne ainsi la Normandie, Toulouse, remet en cause nos accords diplomatiques avec l’Espagne et nuit gravement à l’aménagement du territoire.

Il est d’ailleurs de bon ton aujourd’hui, dans la majorité, de condamner les quatre grands chantiers de LGV : Tours – Bordeaux, Le Mans – Rennes, Lorraine – Strasbourg, Nîmes – Montpellier. Mais quelle serait la situation de l’emploi sans ces chantiers ? Que vont devenir les 60 000 futures victimes de licenciements que la Fédération nationale des travaux publics prévoit dans les années proches ?

– La réforme ferroviaire : étatiste, « de gauche » comme l’a qualifiée le Premier ministre Manuel Valls, anticoncurrentielle, antieuropéenne avec des décrets d’application déjà remis en cause par l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf), elle devra être abrogée pour partie dès 2017.

– L’abandon de l’écotaxe, mettant en œuvre le principe pollueur payeur, permettant le financement des infrastructures autres que la route et le développement des transports de proximité est une faute politique très grave et la victoire d’une démagogie irresponsable et insupportable.

De plus les responsables publics qui ont pris cette décision coupable sont aujourd’hui en situation d’être accusés du grave délit de concussion, pour ne pas percevoir une ressource pourtant votée par le Parlement.

60 000 emplois en moins dans les travaux publics, 10 000 menacés dans l’industrie ferroviaire du fait du quasi-arrêt de commandes de matériel : le bilan est lourd, les perspectives catastrophiques.

Parallèlement, d’autres grands dossiers sont en déshérence :

– Le fret ferroviaire de la SNCF se consume chaque jour comme une bougie chancelante, seuls quelques opérateurs privés émergeant dans la déroute et la politique de report modal étant quasiment abandonnée.

– Les TGV : après les avoir adorés, la SNCF a tendance à les brûler. Pis, elle renâcle à devoir exploiter demain de nouvelles lignes à grande vitesse, préférant il est vrai payer des péages maigrelets sur des voies ferrées construites au XIXe siècle et électrifiées au XXe, que de transporter vite et confortablement les clients du XXIe !

Relayée par la Cour des comptes qui, avec une approche purement comptable dans un rapport marqué par la méconnaissance du système ferroviaire et des nécessités d’aménagement du territoire – à juste titre dénoncé dans ces colonnes en décembre dernier par Jean Sivardière, président de la Fédération nationale des usagers du transport (Fnaut) –, la SNCF prend peur : devant la concurrence du low cost aérien, du covoiturage, bientôt de l’autocar ! Pourquoi ? Parce qu’à part la réussite de Ouigo, elle n’a pas amélioré suffisamment depuis 1981 la qualité de son service à bord et, à quelques rares et remarquables exceptions, transformé ses gares en véritables centres commerciaux attractifs et dégageant des profits.

– Les TER : l’heure de vérité approche. Les Régions renâclent à payer, ne respectent pas leurs engagements d’achat de matériels neufs tandis que les clients sont souvent insatisfaits du service. Dès 2016, aussitôt après les élections régionales, nombreuses seront les nouvelles équipes (quelle que soit leur sensibilité) à décider d’ouvrir leur réseau à la concurrence, de manière expérimentale ou plus globale, et à faire baisser le coût parfois jusqu’à 40 %.

– Les TET : la situation est catastrophique. Les trains de nuit sont à bout de souffle, les lignes transversales comme radiales toutes déficitaires. Sur ce dossier, le Gouvernement a pris le taureau par les cornes et nous travaillons au sein d’une Commission présidée par Philippe Duron, à essayer de proposer des solutions concrètes en termes de financement, de dessertes ou de matériels. J’espère que nous y parviendrons.

Le ferroviaire est-il en difficulté ? Hélas oui, à cause de mauvaises décisions politiques et malgré la qualité des hommes qui s’efforcent malgré tout de le faire fonctionner et de continuer à développer le rail, vaille que vaille.

 

L’insoutenable vulnérabilité du chemin de fer

Par Gilles Savary 

Député PS de la Gironde et ancien vice-président de la commission Transport du Parlement européen

Enfant de la révolution industrielle du XVIIIe siècle pour acheminer du fret lourd, le chemin de fer s’est reconverti avec bonheur au XXe pour accompagner les congés payés et le développement fulgurant de la mobilité des personnes.

Depuis lors, les ménages s’étant largement motorisés, le chemin de fer a une nouvelle fois démenti les augures de son déclin, grâce à la grande vitesse sur longue distance et aux développements des trains express régionaux sous l’impulsion, particulièrement dynamique, d’une décentralisation confortée par la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire.

Pour autant, son environnement socio-économique s’est spectaculairement modifié depuis les débuts de la crise financière de 2008 :

− adoption par les usagers de stratégies adaptatives à la baisse de leur pouvoir d’achat visant à préserver leur mobilité par le recours à des solutions « low cost » difficilement soutenables pour un mode de transport lourd à coûts fixes considérables ;

− simultanément, la corne d’abondance de l’Etat et des subventions sans limite qui servaient d’ajustements automatiques et insouciants aux investissements malencontreux ou aux déficits d’exploitation, s’est durablement tarie ;

− enfin l’adaptation technologique spectaculaire de l’automobile et de ses motorisations aux défis environnementaux, et plus encore les perspectives ouvertes par les motorisations électriques, souffrent désormais la comparaison avec le chemin de fer sur le plan de l’empreinte écologique.

La conjonction de ces évolutions débouche sur un constat bouleversant : Le train ne dispose plus d’avantage indiscutable que dans l’accès aux centres d’agglomération denses.

Son avenir le plus assuré, mais aussi le plus stimulant, est probablement celui du mass transit, dans une perspective résolument intermodale qui mêlera tout à la fois des considérations de mobilité et d’urbanisme.

Dans tous les autres registres de la mobilité – longue distance grande vitesse, Intercités moyenne distance, TER de rase campagne et fret – il est confronté à de redoutables challenges.

L’exemple de l’Europe du Nord suggère que l’avenir du fret ferroviaire, dans des pays où l’industrie lourde se fait rare, ne peut s’envisager que comme une prestation de service intégrée à des transports multimodaux, routiers et surtout maritimes.

Il est coutumier d’objecter que l’avenir du rail dépend de choix politiques. Autrement dit, de plus de subventions d’investissement et d’exploitation, nonobstant les 13 milliards dont il bénéficie bon an mal an. Et conjointement de toujours plus de taxation de la route qui en acquitte déjà plus de 30 milliards par an.

Mais l’état de nos finances publiques, comme la résistance à l’impôt qui s’est notamment manifestée par le fiasco de l’écotaxe, montrent suffisamment les limites de l’incantation politique.

Comme tout organisme vivant, dans un monde en évolution permanente, c’est par son adaptation aux réalités qui l’entourent (marché, attentes des usagers, nouvelles concurrences…) que le système ferroviaire trouvera son salut.

A cette condition, il restera un grand atout de la France, en matière de mobilité de service public, mais aussi de capacité à exporter son inestimable savoir-faire, auprès des milliards d’êtres humains qui accèdent tout juste à la liberté de mouvement, de par le vaste monde.

 

Ewa

Exclusif : la Cour des Comptes recommande de supprimer des trains de nuit et des Intercités

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Dans le cadre d'un rapport qui sera présenté le 11 février, la Cour des Comptes s'apprête à recommander de réduire le nombre de trains d’équilibre du territoire (TET), d’en transformer certains en TER et de mettre des cars à la place des trains sur certaines liaisons très déficitaires

Dans le rapport (1), que Ville, Rail & Transport s’est procuré,… les auteurs mettent à plat la situation inquiétante de ces trains déficitaires que ni la SNCF ni l’Etat n’ont réussi à redynamiser. Ils taclent avec sévérité la « réforme en trompe l’œil » de 2010. Cette année-là, en effet, l’Etat est devenu l’autorité organisatrice des trains d’équilibre du territoire et a passé une convention avec la SNCF pour qu’elle les exploite.

 

Pour la Cour des Comptes, la nouvelle organisation mise en place en 2010 « n’a pas changé grand-chose ». Jusqu’à cette date, c’était la SNCF qui finançait ces trains déficitaires en ponctionnant une partie des recettes des lignes à grande vitesse, alors florissantes. Depuis, c’est toujours la SNCF qui finance, pour l'essentiel, mais via un habillage comptable habile qui consiste à lui faire payer des taxes ferroviaires servant elles-mêmes à alimenter un compte affecté au financement des TET. Autrement dit, la SNCF reprend d’une main ce qu’elle donne de l’autre. « Le dispositif ne répond pas aux objectifs fixés. Il est même caricatural en matière d’incitation à la qualité de service», commente le rapport.

 

 

 

En 2014, le déficit s’est élevé à 309 millions. Il était de 210 millions en 2011. Les pertes s’accroissent tandis que l’activité TGV, censée alimenter le système, est en pleine régression.« Le déficit d’exploitation des TET va représenter un poids de moins en moins supportable pour la SNCF », estime la Cour des Comptes qui affirme que « ce statu quo n’est plus possible ».

 

Selon elle, la seule solution pour réduire « substantiellement » le déficit des TET ne peut passer que par une réduction de l’offre. « Dans cette perspective, la question devra être posée du maintien de certaines lignes, radiales ou transversales, dont les trains présentent sur certains tronçons des taux de remplissage inférieurs à 30 % et des taux de subventionnement élevés », écrit-elle.

 

 

 

Autre critique formulée, les TET sont un véritable fourre-tout où l’on trouve aussi bien des Corail, des Intercités sans réservation, des Téoz à réservation obligatoire que de poussifs trains de nuit. Le tout exploité sous l’appellation Intercités, représentant aujourd’hui une bonne trentaine de lignes empruntées quotidiennement par quelque 100 000 voyageurs.

 

 

 

Dans ce mélange des genres, les missions peuvent se confondre ou s’imbriquer les unes aux autres. Certains TET, explique la Cour, effectuent en réalité des missions de TER, ou bien deviennent des TER sur certains tronçons, comme c’est le cas par exemple sur les lignes Paris-Nevers, Paris-Mulhouse ou Hirson-Metz à certaines heures. « Il est en définitive difficile de trouver une logique dans le fait par exemple que Paris-Cambrai et Hirson-Metz sont des lignes TET tandis que Paris-Bar-Le-Duc et Lille-Rouen sont des lignes TER », relève le rapport.

 

Pour le gardien des finances publiques, « la logique économique pousse à une clarification de l’offre des TET qui devrait être recentrée sur les liaisons de moyenne distance  comportant peu d’arrêts intermédiaires et sur un nombre limité de liaisons de longue distance complémentaires à la grande vitesse ». Plus précisément, « il s’agirait, selon la SNCF, de créer une nouvelle offre de transport grandes lignes sur les destinations non desservies par la grande vitesse, avec des trains à réservation obligatoire, et dont l’attractivité commerciale bénéficierait de la mise en service de matériels roulants fournissant un niveau de confort et des services améliorés et une gamme de vitesse atteignant 200 km/h ». Les Sages s’interrogent toutefois sur le coût qu’engendrerait le développement de ce segment particulier, notamment du point de vue du matériel.

 

Il faudrait, ajoutent-ils, «regrouper au sein des TER les lignes assurant du transport de cabotage, pendulaire ou interrégional, exploitées au profit d’une clientèle locale et requérant un matériel de masse ».

 

Autres cibles de la rue Cambon : les trains de nuit. « La question spécifique du maintien de l’ensemble des lignes de nuit doit être posée : toutes déficitaires et inégalement justifiées en termes de desserte territoriale, elles sont, pour certaines, très peu fréquentées, tandis que leur activité subit en priorité l’impact des travaux de maintenance du réseau, et que leur matériel roulant nécessitera à échéance rapprochée des investissements élevés de rénovation ».

 

Enfin, la Cour suggère de recourir dans certains cas à la route. « Le remplacement de certaines dessertes par des liaisons routières moins coûteuses doit au minimum être étudié », à partir d’un bilan socio-économique des lignes les moins fréquentées.

 

La Cour des Comptes, qui pointe la défaillance de l’Etat qui n’a pas endossé son rôle de stratège, aborde enfin la question du matériel vieillissant, voire obsolescent. Une situation « inquiétante » qui ne pourra être réglée qu’une fois que le champ d’action des TET sera précisément défini. 

 

Les suggestions de la Cour des Comptes, notamment celles de transférer la responsabilité de certains TET aux régions, ne sont pas nouvelles. Il y a quatre ans, la SNCF avait déjà fait une première tentative. Mais elle s’était heurtée à une levée de boucliers de la part des élus locaux.

 

Cette nouvelle tentative sera-t-elle la bonne ? La Cour des comptes rappelle que des échanges ont eu lieu récemment sur la question de ce transfert aux régions mais qu’à l’été 2004, un groupe de travail mis en place avec l’ARF a été suspendu, faute notamment de parvenir à déterminer les conditions financières d’un transfert. La perspective du redécoupage des régions ne facilite pas non plus les discussions.

 

Reste maintenant à attendre les conclusions d’un autre groupe de travail, celles de la nouvelle commission Duron sur l’avenir des TET. Le gouvernement a annoncé qu’il attendrait leur présentation avant de prendre toute décision.

 

Philippe Duron a déjà récemment présidé une autre commission, la commission Mobilité 21 chargée de hiérarchiser les projets d’infrastructures de transports à réaliser dans les prochaines années. Le point de vue de la commission sur cette question du réseau était précis : elle avait retenu que quatre grandes lignes structurantes TET relèveraient de cette offre et auraient vocation à demeurer sous la responsabilité de l’Etat : Paris-Clermont-Ferrand, Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, Paris-Caen-Cherbourg et la transversale sud Bordeaux-Marseille-Nice, rappelle la Cour.

 

Interrogé par Ville, Rail & Transports, le président socialiste de la commission Transports de l’ARF (Association des régions de France), Jacques Auxiette, rappelle qu’un groupe de travail a été mis en place pour représenter les régions face à la commission Duron. « Nous ne sommes pas bornés et sommes prêts à admettre que certains trains peuvent être considérés comme des trains interrégionaux », affime l’élu, également président de la région Pays de la Loire. Mais, ajoute-t-il, « on s’est vite aperçu que ceux qui pilotaient le dispositif n’étaient pas les services du ministère des Transports mais ceux de Bercy. Et que leur seul objectif est que ces trains ne soient  financés ni par le budget de la SNCF ni par celui de Bercy. Nous, nous voulons insister aussi sur la nécessité de moderniser les TET dans le cadre d’une politique nationale d’aménagement du territoire. C’est notre responsabilité d’élu au suffrage universel ». Le débat est relancé.

 

 marie-helene.poingt@laviedurail.com

 

(1) Rapport particulier sur « Les trains d’équilibre du territoire », 

juillet 2014.

Ewa

Spécial Innotrans. Analyse : « La filière aéronautique montre la voie à suivre »

Innotrans2010

 

Bertrand Mouly-Aigrot et Stéphane Albernhe du cabinet Archery Strategy Consulting nous livrent leurs réflexions sur la situation de l’industrie ferroviaire française.  

La filière ferroviaire française a eu ces derniers mois une actualité très riche, dossier Alstom Transport-GE, tensions sociales autour de la réforme ferroviaire, polémique sur le gabarit des trains régionaux… Le marché français connaît de surcroît des difficultés, conséquence de trois défis majeurs :

• un déficit structurel de financement du réseau ferré, de l’ordre de 1,5 milliard d’euros par an, auquel s’ajoute à court terme un déficit conjoncturel de l’ordre de 1 milliard d’euros par an, compte tenu des grands projets lancés ;

• un modèle économique du TGV, « moteur » de l’économie du transport ferroviaire, déstabilisé ;

• des contraintes de budgets aux niveaux national et régional/local, qui pèsent fortement sur la commande publique (aussi bien vis-à-vis des industriels que des opérateurs).

Face à ces défis qui font planer de nombreuses incertitudes sur les futures commandes de matériel roulant et sur la réalisation des projets d’infrastructure, la filière ne peut compter que sur elle-même et est condamnée à trouver des leviers de compétitivité d’offre et de coûts pour assurer sa rentabilité et par là même sa pérennité.

 

Les marchés internationaux, s’ils ne manquent pas de potentiel, sont de plus en plus concurrentiels et les coûts de réponse à appel d’offres s’envolent.

Le marché chinois par exemple a gagné en maturité et en capacités locales, et ses acteurs sont fortement montés en puissance – à commencer par les constructeurs de matériel roulant CNR et CSR, aujourd’hui n° 1 et n° 2 mondiaux.

La filière ferroviaire allemande gagne des parts de marché sur l’ensemble des segments et exporte cinq fois plus d’équipements et de matériel roulant que la filière française. Elle est soutenue comme dans de nombreux autres secteurs par un tissu d’ETI robustes (le plus gros équipementier allemand, Knorr-Bremse, a réalisé un CA de 4,3 milliards d’euros en 2013. Son équivalent en France, Faiveley, a réalisé un CA d’un peu moins de 1 milliard d’euros).

Pourtant, les acteurs français sont bien présents sur tous les segments de la chaîne de valeur ferroviaire (cf. figure 1) avec une palette de savoir-faire complète :

• Alstom Transport, 4e constructeur mondial et leader sur le segment des tramways, a renforcé son carnet de commandes avec le contrat du métro de Riyad (1,2 milliard d’euros) et le méga contrat de 600 trains pour les chemins de fer sud-africains (4 milliards d’euros) ;

• la situation est plus contrastée pour les équipementiers du matériel roulant. D’un côté, Faiveley remporte des contrats importants (fourniture de portes à Hong Kong, au Vietnam, au Chili et en Suède) et se développe industriellement à l’international (huit sites de production en Asie). De l’autre, Frein Rail et Valdunes ont respectivement été rachetés par Knorr-Bremse et MA Steel ;

• les ingénieries (Systra, Egis, Setec, Ingérop) sont en pointe au niveau mondial, et leur taille modeste au regard des géants de l’ingénierie tels qu’Aecom ou SNC Lavalin ne les empêche pas d’afficher des taux de croissance entre 5 et 10 % tirée par les études du Grand Paris, avec des niveaux de rentabilité qui restent cependant modestes ;

• les constructeurs de systèmes de signalisation bénéficient de la conversion des réseaux européens au standard ERTMS (contrats, en Espagne, de 210 millions d’euros pour une joint-venture Thales/Siemens et de 220 millions d’euros pour Alstom Transport). Par ailleurs, l’apport des activités de signalisation de GE représente, pour Alstom Transport, une opportunité réelle de prendre le leadership sur ce segment ;

• sur le transport de passagers enfin, les opérateurs français (SNCF, Transdev, RATP et Keolis) sont des références mondiales et remportent de beaux succès : à Séoul pour Transdev, à Rio de Janeiro pour RATP et à Boston et Londres pour Keolis.

 

C’est le segment « Mass Transit » (métros, tramways et ferroviaire suburbain) qui tirera pour les prochaines années la dynamique de la filière ferroviaire française.

Ceci est vrai aussi bien en France qu’à l’international. Les études et les premiers chantiers du Grand Paris mobilisent toutes les ingénieries. Par son envergure (26 milliards d’euros pour 205 km de lignes et 72 nouvelles gares et stations), ce projet doit permettre de mettre en avant la filière à l’international. Cette dynamique du « Mass Transit » est en fort contraste avec les difficultés de la grande vitesse :

• un modèle économique à réinventer en France et une dynamique de croissance limitée à l’international ;

• des perspectives de commandes très incertaines pour Alstom Transport, aussi bien pour le TGV que pour l’AGV ;

• une niche technologique au plan mondial – la grande vitesse représentant 6 à 7 % du marché mondial du matériel roulant – et un segment de plus en plus concurrentiel, avec 11 constructeurs présents, contre 4 il y a 20 ans.

C’est pourquoi une collaboration renforcée entre le nouvel Alstom Transport et son client de référence SNCF paraît indispensable, pour mettre en place les conditions de succès du train à grande vitesse du futur, qui outre la performance, la sécurité et le confort, passera par des coûts d’acquisition, d’exploitation et de maintenance réduits. Il faut être vigilant à ne pas laisser un segment de marché stratégique sans remise en question, car cela peut conduire à l’émergence de nouveaux entrants agressifs et bénéficiant de business models innovants, à l’instar d’easyJet dans le low cost aérien, ou de SpaceX dans le lancement de satellites.

La filière ferroviaire française a fort à faire pour assurer sa compétitivité future, en France comme à l’international. Les Assises du ferroviaire avaient en 2011 identifié trois axes de travail prioritaires qui restent d’actualité :

• la structuration de la filière, à l’image de la filière aéronautique ;

• le renforcement de la filière sur le maillon des ETI ;

• la compétitivité et l’innovation.

Sur la structuration, la création de Fer de France, articulée avec la FIF, est indéniablement une première étape importante et positive pour fédérer les acteurs de la filière et mieux coordonner les efforts à l’export (par exemple via le partenariat avec UbiFrance). Il lui reste maintenant à trouver un ancrage sur le terrain, au niveau local et auprès des ETI et PME pour relayer son action. Le développement des Pôles de compétitivité n’en est qu’à ses débuts. L’impulsion ne peut venir que des grands donneurs d’ordre, qui dans l’aéronautique ont été les artisans de cette structuration. Par ailleurs, il manque sans doute à la filière française son salon du Bourget, à forte valeur symbolique et dans laquelle toute la filière aéronautique est emportée dans le sillage d’Airbus. Aujourd’hui, force est de constater qu’InnoTrans a éclipsé les salons français.

 

Pour poursuivre la comparaison avec l’aéronautique, davantage de coopération sera nécessaire entre les acteurs de la filière. 

Pour que la « Maison France » gagne, il faut que tous les acteurs gagnent et pas seulement un maillon de la chaîne en particulier. Cette coopération, dans le strict respect des règles de la concurrence, doit porter sur trois niveaux :

• entre les opérateurs et les constructeurs de matériel roulant ;

• entre les grands donneurs d’ordre et les équipementiers tant sur le matériel roulant que sur l’infrastructure (construction et maintenance) ;

• entre les industriels et les instituts de formation et de recherche.

Certains partenariats ont déjà été mis en place, comme par exemple Metrolab, entre RATP et Alstom Transport, sur les métros automatiques.

Le renforcement des ETI est un enjeu majeur. Pour pouvoir se positionner à l’international, les entreprises doivent avoir une taille critique qui fait souvent défaut aux entreprises françaises. Seules 16 entreprises françaises de la filière ont un CA supérieur à 250 millions d’euros (cf. figure 2).

La création récente du fonds Croissance Rail, doté de 40 millions d’euros est une première initiative à saluer. Il est possible d’aller plus loin, comme en témoignent ACE Management et ses fonds Aerofund, fonds de Private Equity spécialisé dans l’Aéronautique avec initialement un Aerofund I à 36 millions d’euros, et aujourd’hui un Aerofund III à… 300 millions d’euros. Là encore, les grands donneurs d’ordre tels qu’Airbus, Safran, Airbus Helicopters, Thales, ou encore DCNS sont moteurs puisque pourvoyeurs de fonds.

Concernant les gains de compétitivité et l’innovation, les Pôles de compétitivité ont de nouveau un rôle à jouer dans les synergies industrielles et les coopérations. L’exemple des pôles aéronautiques : Aerospace Valley en Midi-Pyrénées et Aquitaine, Astech en région parisienne, Pégase en Paca, montre la dynamique vertueuse de ces regroupements géographiques.

Par ailleurs, les contraintes de financement public ne laisseront pas d’autre choix aux acteurs de la filière que de gagner en efficacité et de réduire leurs coûts. Cela ne peut que pousser à mieux structurer la filière et nécessitera de rationaliser son organisation industrielle, afin de maximiser les effets d’échelle et d’expérience en optimisant notamment les schémas de sous-traitance et en faisant émerger les tailles critiques nécessaires.

Ewa

Spécial Innotrans. L’espoir qui vient des clusters

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ETI ou clusters ? Le groupe ou la grappe ? La fusion ou l’articulation ? Sans avoir d’approche théorique tranchée, à la Fédération des industries ferroviaires, on se dit fort intéressé par la démarche clusters. Ceux-ci se sont développés sur une base régionale. On en dénombre quatre.  

La démarche commence par de l’information mutuelle sur les opportunités de contrat. 

La formation aussi peut être prise en compte. La phase suivante de l’intégration, c’est la 

démarche commerciale, qui peut conduire à la livraison de sous-ensembles réalisés par diverses entreprises du cluster.

 

• Le plus avancé des quatre est Mecateamcluster, ancré dans le bassin du Creusot et de Montceau-les-Mines. Le cluster est avant tout placé sur les questions de maintenance de la voie et sur la modernisation des engins de travaux.

 

• Néopolia Rail est la sous-partie d’un 

cluster présent sur des marchés comme l’aéronautique ou le maritime. Implanté dans les Pays de la Loire, surtout en Loire-Atlantique, il est très présent dans l’aménagement intérieur, sans pour autant s’y limiter.

 

• Mipyrail, le plus récent, est basé à Toulouse. Dérivé de l’aéronautique, il a une forte compétence en connectique et dispose d’un savoir-faire très complet. Il en est pour l’instant à la première phase : le partage de l’information.

 

• L’Association des industriels ferroviaires, AIF, est le plus vaste et le plus ancien des clusters. Il prend place dans le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie, grands territoires du ferroviaire.

 

Les clusters sont désormais reliés par un réseau mis en place à l’occasion du Sifer, à Lille, en mars 2013. A ces quatre clusters régionaux pourrait bien s’ajouter un jour un groupement d’entreprises en Alsace et dans le Territoire de Belfort. L’industrie ferroviaire alsacienne est née avec le chemin de fer. L’Alsace n’a pas été épargnée par les crises et les restructurations. Mais elle reste un centre majeur de l’industrie ferroviaire française. C’est à Reichshoffen qu’Alstom développe et assemble les nouveaux TER Régiolis et que Vossloh Cogifer a installé son centre technologique à proximité de son site de production d’appareils de voie. A Duppigheim, Lohr a développé son wagon Modalohr, ainsi que le tram sur pneus repris récemment par NTL. Et à Colmar, Geismar a développé une des gammes les plus complètes d’équipements pour la pose, la maintenance et le contrôle de la voie et des caténaires. Autant de locomotives pour un tissu de PME locales.

 

Deux programmes concrets pour aider les PME à exporter

Il y a Fer de France, drapeau du ferroviaire et de l’interprofession. Il y a aussi Ubifrance, qui assure à des entreprises nationales une présence dans des salons internationaux. Les deux organismes ont signé une convention de partenariat le 21 mars dernier, partenariat visible pour cette édition d’InnoTrans. Ambition affichée : augmenter les exportations ferroviaires de 30 % d’ici à 2017.

Parallèlement, la Fédération des industries ferroviaires s’est emparée de deux sujets plus concrets, afin d’aider les PME à exporter. Deux types d’actions ont été retenus, dans le cadre d’appels à projets des investissements d’avenir. Un plateau support export PME. Et un démonstrateur d’échanges de données informatisées.

Raison du premier programme ? Comparées à l’industrie allemande, rappelle Jean-Pierre Auger, conseiller industriel de la FIF, les entreprises françaises sont moins structurées, de plus petite taille. Or, les petites sociétés n’ont pas les moyens de constituer des équipes export. Il faut donc les 

aider, explique-t-il, « à trouver à l’étranger des clients de même type que les leurs, à cibler les pays, à identifier les bons interlocuteurs d’un pays, à comprendre son système normatif. »

L’idée, c’est de « tenir la main » des PME sur des sujets très concrets. Vont être mis 

à contribution des jeunes retraités ayant une forte expérience de l’international, comme Bernard Gonnet, ancien patron d’Alstom pour la Russie et la CEI, ou des cadres en activité d’un grand exportateur, qui peuvent consacrer un « temps très partiel » à cette mission. Parallèlement, des clubs pays permettront la mise en réseau des entreprises françaises intéressées par un même pays cible.

L’aide donnée à ce programme dans le cadre du grand emprunt se monte à 900 000 euros sur trois ans. Avant la fin de l’année, dit Jean-Pierre Auger, « doit être mise en place une structure opérationnelle, qui doit fonctionner jusqu’à la fin 2016, dans l’espoir qu’à cette date les entreprises seront autosuffisantes. »

Autre programme, l’échange de données informatiques. Le groupe de travail démarre en septembre. Les grandes entreprises ont chacune leur portail destiné à leurs fournisseurs. Bombardier en a même deux. Les PME doivent s’interfacer avec quatre ou cinq portails différents. Des softwares existent, permettant de traduire les langages des portails. Un démonstrateur va être mis en place, avec, précise Jean-Pierre Auger, « trois ou quatre donneurs d’ordre, une quinzaine de fournisseurs de plusieurs rangs pour valider l’intérêt économique et technique d’une traduction ». A terme, l’idée serait d’avoir un même langage pour tous les portails. C’est ce qui a été accompli dans l’aéronautique et dans l’automobile. La mise au point d’un tel « espéranto » ne peut se faire qu’au niveau européen, avec l’Unife et les grands opérateurs. Un tel dispositif a fait ses preuves avec Airbus. Pourquoi pas dans le ferroviaire ?

F. D. 

 

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Why clusters are promising

 

Which is preferable – ETI (intermediate-sized enterprises) or clusters? The group or the cluster? Merger or grouping? Without having any distinct theoretical approach, the Fédération des industries ferroviairees (French Railway Industry Federation) is said to be very interested in the cluster approach. They have been developed on a regional basis and there are four of them.

The procedure starts by exchanging information about the opportunities offered by the contract. Training may also be involved. The next phase of the integration process is the commercial aspect, which may result in the delivery of sub-assemblies made by various businesses in the cluster.

 

• The most advanced of the four is Mecateamcluster, firmly established in the Creusot and Montceau-les-Mines region. The cluster mainly deals with matters associated with maintaining the track and modernising plant. 

 

• Neopolia Rail is the side business of a cluster active in markets such as the aeronautics and maritime sectors. Based in Loire-Atlantique, it specialises in interior design.

 

• Mipyrail, the newest on the scene, is based in Toulouse. With its strong history of aeronautics, it has vast knowledge of connector technology and a very wide-ranging skill-set. It is currently in the first phase: that of sharing information.

 

• The Association des industriels ferroviaires (Railway Industry Association), AIF, is the biggest and longest-standing cluster. It is based in Nord-Pas-de-Calais and Picardie, an important railway area. 

 

The clusters are now linked by a network which was set up at Sifer (International Trade Fair for Rail Transport) in Lille, in March 2013.

 

These four regional clusters may eventually be joined by a consortium in Alsace and the Territoire de Belfort. Rail industry in Alsace is as old as railway operations. Alsace has been no stranger to crises and restructuration. However it remains a major centre of the French rail industry. Alstom is developing and assembling the new TER Régiolis (next-generation regional train) at Reichshoffen works and this is where Vossloh Cogifer has set up its technology centre alongside its site manufacturing track equipment. Lohr developed its Modalohr wagon in Duppigheim, as well as the “tram on tyres” recently improved by NTL (New Translohr). And in Colmar, Geismar has developed one of the most complete ranges of equipment for laying, maintaining and checking track and overhead lines. Quite a lot of “locomotives” for a local SME network.

 

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Two practical programmes to help SMEs with exporting

 

There is Fer de France, the flagship for the rail industry and the joint trade organisation. There is also Ubifrance, making sure national businesses are present at international shows. These two organisations signed a partnership agreement on 21 March last, and this partnership can be seen at this year’s Innotrans. Its ambition is to increase rail exports by 30% by 2017.

Alongside this, the Fédération des industries ferroviaires (French Railway Industry Association) has taken up two more specific initiatives to help SMEs with exporting. They have chosen two ways of taking action, in relation to future investment projects. A support platform for SME exports. And a computerised data exchange demonstrator. 

What is the reason behind the first programme? In comparison with the German industry, says Jean-Pierre Auger, an industrial adviser with the FIF, French businesses are smaller and less structured. And small companies do not have the means to set up export teams. So, he explains, they must be helped “to identify the same type of foreign customers as they have at home, to target countries, to identify the right contacts within a country, and understand its regulatory system.”

The idea is to “hold the hands” of the SMEs in highly specific initiatives. 

Help will come from people who have recently retired, but who have extensive international experience, such as Bernard Gonnet, the former boss of Alstom for Russia and the CIS (Commonwealth of Independent States), or executives working for large exporters, who are able to devote “a very small amount of time” to this task. Alongside this, country-focused clubs will allow French companies interested in the same target country to network with each other. 

The aid given to this programme in the form of a major loan amounts to 900,000 euro over three years. Before the end of the year, says Jean-Pierre Auger, “an operational structure must be put in place, which will operate until the end of 2016, by which time it is hoped that the businesses will be self-sufficient.”

Another programme involves exchanging computerised data. The working group is due to start operating in September. The major companies each have their own portal intended for their suppliers. Bombardier even has two of them. SMEs need to interface with four or five different portals. There are software programmes available to translate the languages used in the portals. A demonstrator will be set up with, says Jean-Pierre Auger, ”three or four principals, around fifteen suppliers of various levels in order to validate the economic and technical value of a translation”. The ultimate aim would be to use the same language in all the portals. This has been done in the aeronautic and automotive industry. This kind of “esperanto” can only be developed at European level, with the Unife (European Rail Industry) and the major operators. A device like this has proved its worth with Airbus. Why not for railways? F. D.

Ewa

Spécial Innotrans. i-Trans et Railenium Un pôle de compétitivité et un institut de recherche technologique pour le nord de la France

Dans le nouveau monde de la recherche ferroviaire française, pas toujours évident de savoir qui est qui, d’autant plus que les limites des domaines d’activités respectifs de ces nouveaux acteurs sont encore assez mouvantes.  

Dans le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie en particulier, deux nouveaux acteurs ont vu le jour : i-Trans et Railenium, mettant à profit un réseau de PME côtoyant les usines Alstom ou Bombardier du Valenciennois, ainsi que des institutions comme l’Agence 

ferroviaire européenne, Certifer, l’EPSF et le Centre d’essai ferroviaire (CEF), le tout à proximité des centres universitaires de Valenciennes et de Villeneuve d’Ascq.

Cette proximité entre industriels, institutions et enseignement supérieur a donné naissance dès 2005 au pôle de compétitivité i-Trans. Un pôle qui ne se limite pas au secteur ferroviaire, même si celui-ci est à son origine, car il s’intéresse aussi aux systèmes de transports intelligents et à l’automobile. Globalement, i-Trans fédère l’ensemble des acteurs de l’industrie (450 entreprises et industriels), de la recherche (33 laboratoires) et de la formation (19 organismes) dans les domaines des transports terrestres durables et de la logistique. Associant les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie, i-Trans et ses partenaires ont pour ambition de devenir « un pôle d’excellence mondiale référent pour la conception, la construction, l’exploitation et la maintenance de systèmes de transports durables et de répondre aux besoins croissants de transport de fret et de voyageurs par le développement de solution co-modales » : voie d’eau, route, fer. Dans ce dernier domaine, on retrouve Alstom, Bombarbier et plus d’une trentaine d’autres acteurs industriels (Centre d’essais ferroviaires, Certifer, Faiveley, Hiolle Industrie, Info TER, Neu SF, Odice, Railtech, RATP, RFF, SNCF, Eurotunnel, Sambre et Meuse, Sofanor, Stratiforme, Valdunes…). 

En près de dix ans d’existence, i-Trans a pu voir les plus anciens de ses 193 projets labellisés (pour un total de 1,04 milliard d’euros) s’acheminer vers leur industrialisation. Des projets qu’il s’agit désormais d’accompagner, parmi lesquels trois ont été présentés lors du deuxième Innovation Day, en juillet 2014 (voir encadré). A l’occasion, Jean-Marie Vanzemberg, Directeur général du CEF, a déclaré que « i-Trans fait du Shift2Rail avant Shift2Rail ».

Présidé par Jean-Marie Delbecq, i-Trans est également porteur de l’Institut de recherche technologique (IRT) Railenium, dont le délégué général est Jean-Marc Delion. Depuis son lancement en 2011, Railenium a élargi son domaine d’activité : d’IRT « dédié à l’infrastructure ferroviaire » à son lancement en 2011, il est devenu un IRT « filière ferroviaire », impliquée dans Shift2Rail. Cet institut regroupe huit organismes publics de recherche et de formation (dont l’Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis, l’IFSTTAR, l’Université de technologie de Compiègne et l’Université des sciences et technologies de Lille, membres fondateurs), le pôle de compétitivité i-Trans, trois opérateurs et gestionnaires de réseaux ferroviaires (SNCF, RFF, Eurotunnel), 19 entreprises industrielles, de construction et de services (dont Alstom, Vossloh-Cogifer et Bouygues), représentatives de la filière ferroviaire. Le tout en partenariat avec les régions Nord-Pas-de-Calais et la Picardie.

Railenium a pour objet « la définition et la mise en œuvre d’une stratégie scientifique de coopération dans le but de conduire un projet d’excellence scientifique dans le domaine des équipements, des infrastructures et des systèmes de transports ferroviaires ». Il couvre les systèmes ferroviaires urbains, conventionnels (fret et voyageurs) et grande vitesse. Pour ce faire, un budget de 350 millions d’euros a été alloué sur 10 ans, partagé entre les programmes de R&D et les investissements en moyens d’essais d’ici 2019 (au plus tôt), implantés dans le Val de Sambre au sein d’un Centre européen d’essais ferroviaires (anneau ferroviaire de 5,9 km, anneau tramway, manège de fatigue, bancs d’essai rail-roue, plateformes de simulation numérique).

 

Trois nouvelles innovations portées par i-Trans

Lors de la deuxième édition de son « Innovation Day », le 3 juillet, le pôle de compétitivité i-Trans a présenté trois nouveaux projets innovants, portés par trois consortiums. Trois projets consacrés au matériel roulant, alors que les trois innovations présentées lors de la première édition, en novembre dernier (armement caténaire en matériaux composites, New Ballastless Track et Track Train System Availability) concernaient l’infrastructure.

 

• Réduire la masse du matériel roulant

Le projet Ultimat (acronyme d’Utilisation Innovante des nouveaux MATériaux) porte sur une caisse de train multi-matériaux – notamment composites – avec pour objectif de réduire de 20 % la masse du matériel roulant ferroviaire. Alléger permet non seulement de diminuer la charge par essieu ou d’économiser de l’énergie ; mais cette démarche permet aussi d’intégrer des équipements, voire d’accueillir plus de voyageurs, comme l’a montré en son temps le TGV Duplex.

Aujourd’hui, le passage d’une structure métal aux matériaux composites pose à l’industrie ferroviaire des problèmes identiques à ceux rencontrés il y a 20 ans par l’aéronautique. Cette dernière possède donc un retour d’expérience en la matière, l’avion d’aujourd’hui étant un mixte composite/métallique. Résultats : absence de corrosion, meilleure tenue en fatigue, 5 à 10 fois moins de pièces (gain de 25 à 30 % en maintenance et opérations) et doublement du pas des visites.

Airbus, qui a eu une approche progressive en passant de 10 à 52 % de composites dans ses avions civils, participe à ce projet via Airbus DS (EADS Composites Aquitaine), aux côtés d’Alstom Transport, ArcelorMittal, Cybernetix (ex-AETech) et Stratiforme Industries. Sont associés à ce projet lancé en 2007 les laboratoires de l’Ecole des Mines de Douai (Armines), de l’Université technologique de Compiègne et de l’Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis.

En partant de la caisse aluminium de 3,3 t du métro parisien MP05 produite par Alstom, on a estimé qu’une fabrication en acier HLE (haute limite d’élasticité) ArcelorMittal aurait une masse de 2,7 t, contre 1,9 t en composite Stratiforme et 2,2 t en associant un pavillon acier avec un châssis et des faces en composites. Un chaudron a ainsi été réalisé sans liaison mécanique, avec assemblage par collage.

Reste à rassurer les futurs clients avec un démonstrateur afin de connaître l’impact sur l’exploitation et la maintenance. Il faudra également vaincre les habitudes et établir un juste prix : si les clients étaient prêts à payer 100 euros par kilo gagné dans le domaine de l’aviation (et bien plus en spatial !) ce montant serait plutôt de 20 euros dans le marché ferroviaire.

 

• Détecter et diagnostiquer les pannes

A l’échelle du réseau Transilien, le moindre pour-cent de gagné en disponibilité se traduit par une économie de trains à service égal. C’est dans cette optique que le projet Surfer (SURveillance FERroviaire active) propose un système de diagnostic et de détection des pannes embarqué pour développer une maintenance prédictive et augmenter la disponibilité du matériel, en commençant par le Francilien de Bombardier. Le constructeur est logiquement présent dans ce projet labellisé en 2009 et démarré en 2010, avec Hiolle Industries, Prosyst (spécialiste des logiciels de surveillance et diagnostics dont c’est le premier projet ferroviaire), l’IFSTTAR (Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux) et l’université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis.

Intervenir sur les pannes avant qu’elles se produisent repose sur des modèles prédictifs utilisant les données obtenues au niveau des capteurs embarqués en détectant les éléments annonciateurs. En commençant par les portes et accès voyageurs, qui représentent « 5 % du coût et 30 % des défaillances », selon Guillaume Branger, ingénieur fiabilité chez Bombardier : « une augmentation du frottement d’un galet est une signature annonciatrice d’un blocage de porte ».

Système non intrusif, Surfer peut être installé sur des trains neufs ou en rénovation. Après un premier équipement concluant, la SNCF a confirmé l’installation de Surfer sur une « mini-flotte » de dix rames Francilien, qui permettra de valider la partie diagnostic. Et tous les participants au projet d’en souhaiter la généralisation sur le Francilien ! Parallèlement, à Londres, un déploiement est prévu sur les futures rames Bombardier pour Crossrail, dans le cadre du cahier des charges (portes, climatisation, contrôle-commande).

 

• Reprofiler les roues au plus vite

W3M cet acronyme-ci est en anglais – Wheel Mobile Milling Machine – c’est-à-dire « fraiseuse de roue mobile ». Sur une idée de Sogema Engineering, développée avec un étudiant Ensam Lille (Ecole nationale supérieure d’Arts et Métiers) en fin d’études, ce dispositif innovant initié en 2010 est né d’un problème très classique : l’endommagement des roues de wagons de fret lors d’incidents de freinage. L’idée est ici de reprofiler ces roues plus rapidement (en moins de quatre heures, contre huit heures en moyenne actuellement) et avec des moyens légers (le système se compose de modules ne dépassant pas 25 kg chacun).

Un prototype a été réalisé et testé à Tergnier (Technicentre SNCF de Picardie) et s’est révélé facile d’installation. Une deuxième phase de développement est que W3M permette de repartir directement en ligne après le reprofilage effectué in situ, plutôt que de devoir repasser au tour en fosse en atelier. Mais pour ce faire, il faudra garantir les conditions géométriques des deux roues de chaque essieu traité. En tout cas, la SNCF montre un vif intérêt et il apparaît déjà que W3M est quatre fois moins cher qu’un équipement d’atelier.

 

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i-Trans and Railenium

A competitive cluster and a technological research institute for northern France

 

In the new world of French railway research, it is not always obvious who is who, especially as the boundaries of the respective areas of operation of these new players are still fairly fluid. In Nord-Pas-de-Calais and Picardie, in particular, two new protagonists have come to light: i-Trans and Railenium, taking advantage of an SME network based around the Alstom and Bombardier factories near Valenciennes, as well as organisms like the European Rail Agency, Certifer, the EPSF (Établissement Public de Sécurité Ferroviaire – Public Institution of Rail Safety) and the Centre d’essai ferroviaire (Railway Test Centre or CEF), all very close to the university centres of Valenciennes and Villeneuve d’Ascq.

In 2005 this proximity between manufacturers, associations and higher education gave rise to the i-Trans competitive cluster. This cluster is not limited to the railway sector, even if this was how it began, since it also has an interest in intelligent transport systems and cars. As a whole, i-Trans unites all those involved in the industry (450 companies and manufacturers), research (33 laboratories) and training (19 organisations) in the fields of sustainable land transport and logistics. Bringing together the Nord-Pas-de-Calais and Picardie Regions, i-Trans and its partners aim to become “a world-class benchmark centre of excellence for designing, constructing, operating and maintaining sustainable transport systems and for meeting the growing needs for freight and passenger transport by developing co-modal solutions” involving waterways, roads and railways. This last field includes Alstom, Bombardier and over thirty other industry players (Centre d’Essais Ferroviaires, Certifer, Faiveley, Hiolle Industrie, Info TER, Neu SF, Odice, Railtech, RATP, RFF, SNCF, Eurotunnel, Sambre et Meuse, Sofanor, Stratiforme, Valdunes, and so on.)

In the ten years or so that it has been in existence, i-Trans has seen the longest-standing of its 193 approved projects (totalling 1.04 billion euro) heading for release on the mass market. These projects now require added skills, with three of them being presented at the second Innovation Day, in July 2014 (see inset). At the time, Jean-Marie Vanzemberg, the CEO of CEF, stated that “i-Trans is creating Shift2Rail before Shift2Rail itself”.

Chaired by Jean-Marie Delbecq, i-Trans also sponsors the Institut de recherche technologique (IRT) Railenium, whose CEO is Jean-Marc Delion. Since it was set up in 2011, Railenium has expanded its field of activity: from IRT “dedicated to the railway infrastructure” when it was established in 2011, it has become a “railway sector” IRT, involved in Shift2Rail. This organisation brings together eight public research and training organisations (including the University of Valenciennes and Hainaut-Cambrésis, IFSTTAR (Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux – French institute of science and technology for transport, development and networks), Compiègne University of technology and Lille University of science and technology, founder members), the i-Trans competitive cluster, three operators and administrators of railway networks (SNCF, RFF, Eurotunnel), 19 industrial, construction and services businesses (including Alstom, Vossloh-Cogifer and Bouygues), representing the rail sector. This is all in partnership with the Nord-Pas-de-Calais and Picardie Regions.

Railenium’s aim is to “define and implement a cooperative scientific strategy in order to conduct a project of scientific excellence in the field of rail transport equipment, infrastructures and systems”. This covers urban rail systems, conventional systems (freight and passenger) as well as high-speed systems. A budget of 350 million euros has been earmarked for use over 10 years in order to achieve this aim, split between the R&D programmes and investments in test methods by 2019 (at the earliest), established in the Sambre Valley within a European Centre for rail tests (5.9 km railway test ring, tramway ring, fatigue test bench, rail-wheel test benches, digital simulation platforms).

 

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i-Trans backs three innovations

 

On its second “Innovation Day” on July 3, the i-Trans competitive cluster presented three innovative projects, led by three consortia. These three projects involved rolling stock, whereas the three innovations presented last November (composite reinforced overhead line suspension, New Ballastless Track and Track Train System Availability) were infrastructure-related.

 

ULTIMAT

This project, an acronym for UtilisaTion Innovante des nouveaux MATériaux (Innovative Use of new Materials), concerns multi-material train bodywork – mainly involving composites – aimed at reducing the mass of railway rolling stock by 20%.

Nowadays, moving from a metal structure to composite materials poses the same problems to the rail sector as the aerospace industry encountered 20 years ago. Consequently this industry can provide feedback on the subject, as today aeroplanes are a mixture of composite materials and metals. This results in no corrosion, better fatigue resistance, 5 to 10 times fewer parts (saving 25 to 30% in maintenance and operational costs) and doubling the inspection rate.

Airbus, which took a progressive approach by moving from 10 to 52% composite materials in its civil aircraft, is participating in this project via Airbus DS (EADS Composites Aquitaine), alongside Alstom Transport, ArcelorMittal, Cybernetix (formerly AETech) and STRATIFORME Industries. The laboratories at the Ecole des Mines de Douai (Armines), the Compiègne University of Technology de and the University of Valenciennes and Hainaut-Cambrésis (LAMIH) are also involved in this project which began in 2007.

In concrete terms, based on Alstom’s 3.3 t aluminium bodywork used in the Paris MP05 metro, it was estimated that manufacturing in ArcelorMittal HLE (high limit of elasticity) steel would give a mass of 2.7 t, as opposed to 1.9 t in Stratiforme composite material and 2.2 t if a steel roof was combined with a chassis and sides in composite materials. In this way a body shell could be made without any mechanical connection and assembled by bonding.

All that remained was to reassure future customers with a demonstrator so they could see the effect on operations and maintenance. Habits also had to be overcome and the right price formulated: if customers were prepared to pay 100 euro per kilo saved in the aviation sector (and much more if we are talking about space!), this amount would be more likely to be 20 euro in the railway market.

 

SURFER

At the Paris suburban rail (a.k.a. Transilien) network scale, the slightest percentage gain in terms of availability translates into a saving on trains while providing the same level of service. With this in mind the SURFER (SURveillance FERroviaire active – Active Railway Monitoring)) project offers an on-board system for diagnosing and detecting breakdowns in order to develop predictive maintenance to increase rolling stock availability, starting with the Francilien EMUs produced by Bombardier. Naturally the manufacturer was active in the course of this project which received approval in 2009 and was launched in 2010, together with Hiolle Industries, Prosyst (error control and diagnostics software specialist for whom this was the first railway project), IFSTTAR (The French Institute of Science and Technology for Transport, Development and Networks) and the University of Valenciennes and Hainaut-Cambrésis.

Predictive models use data obtained from on-board sensors which detect signs that an event may occur, enabling breakdowns to be intercepted ahead of the event. Diagnosis begins with doors and access control, which represent “5% of the cost and 30% of the faults”, according to Guillaume Branger, reliability engineer at Bombardier, who knows that ”the increased friction of a roller is a sign that a door is about to jam”.

SURFER, which is a non-intrusive system, can be installed on new or refurbished trains. After tests on the first set of equipment proved conclusive, SNCF confirmed that it would be installing SURFER on a “mini-fleet” of ten Francilien trains, so that the diagnostic aspect could be substantiated. In parallel, there are plans to use the system on future Bombardier Crossrail EMUs for London  (doors, HVAC and control-command).

 

W3M

This acronym stands for Wheel Mobile Milling Machine. It is based on an idea from SOGEMA Engineering, developed with a final year student at Ensam Lille. This innovative device launched in 2010 aims to identify a solution for a classic problem: freight wagon wheel incidental damage when braking. The idea here is to have these wheels lathe-turned more quickly (in under four hours, as opposed to the current average of eight hours) using lightweight resources (the system consists of modules, none of which exceeds 25 kg).

A prototype was produced and tested at Tergnier works (Technicentre SNCF Picardie) and proved easy to install. A second phase of development involved W3M allowing the train to set off again on track after carrying out wheel lathing in situ, instead of having to go back to the workshop lathe. However, to achieve this, the geometrical conditions of both wheels on each axle being treated must be guaranteed. In any event SNCF is extremely interested and it already seems that W3M is four times cheaper than workshop equipment.