Nouvel acte dans la bataille engagée par des associations contre le projet de transformation de la gare d’Austerlitz à Paris. Trois associations membres du Collectif Austerlitz qui s’opposent à la construction du futur bâtiment le long de la gare ont annoncé, le 25 mai, avoir déposé plainte contre X pour détournement de fonds publics. Dans le viseur : la promesse d’achat de l’Agence française de développement (AFD) qui souhaite installer son siège social dans ce bâtiment.InCOPruptibles, SOS Paris et France Nature Environnement (FNE) Paris rappellent que l’AFD, un établissement public mettant en œuvre la politique de développement et de solidarité internationale de la France dans les pays étrangers, « a signé une promesse de VEFA [Ndr : vente en l’état futur d’achèvement] en 2020 pour acheter la totalité des surfaces de bureaux ». Soit 52 146 m2 sur 91 000 m2 de surface de plancher . L’AFD aurait acquis ces surfaces de bureaux pour « un total de 924 millions d’euros », estime Jérôme Karsenti, l’avocat des associations, en se basant sur l’avis très critique du Conseil immobilier de l’État rendu en juin 2021.« Un coût exorbitant », juge le Collectif Austerlitz. « En intégrant les frais d’aménagement, le coût complet pour l’AFD est de près de 18 500 €/m2, contre une alternative moins chère de 250 millions d’euros à Saint-Ouen ».Le Collectif compare également le montant d’acquisition des futurs bureaux avec celui de la vente « en 2020, l’année de la signature du VEFA, de l’immeuble Natixis, situé à moins de 300 mètres se vendait pour 11 881 €/m2 ». De plus, pour le Collectif, « ce déplacement d’1 km du siège social de l’AFD, de la gare de Lyon à la gare d’Austerlitz, n’est justifié par aucune étude coût/bénéfice. »Autre problème pointé par le Collectif : « En se portant acquéreur de 50 000 m2 de bureaux, l’AFD va se retrouver avec 40 % de surfaces excédentaires, qu’elle devra vendre ou louer. Or, l’activité de marchand de biens à Paris n’entre en rien dans la mission de l’AFD ».Les aspects environnementaux du projet doivent aussi être pris en compte. « Si l’on considère que la construction d’un bâtiment représente 60 % des dégagements de gaz à effet de serre, le choix d’un site à construire interroge », écrivait aussi en juin 2021 le Conseil immobilier de l’État. S’appuyant sur ces conclusions, le Collectif rappelle que « l’AFD affirme être la première agence “100 % Accord de Paris », s’engageant à n’investir que dans des trajectoires de développement sobres en carbone et résilientes au sens de l’Accord de Paris ». Il estime qu’en finançant le projet immobilier de la Semapa (Société d’Etude, de Maitrise d’Ouvrage et d’Aménagement Parisienne) et de Gares & Connexions, l’AFD « porte directement atteinte à la crédibilité de ses engagements« . Rappelons que le projet immobilier comprend notamment 52 146 m2 de bureaux, 11 563 m2 de logements et 6 562 m2 d’hébergements hôteliers. Il est porté par cinq maîtres d’œuvre, dont SNCF Gares & Connexions et la Semapa, la société d’aménagement de la Ville de Paris.Y.G.
La polémique enfle autour du projet de transformation de la gare d’Austerliz. Les opposants prônent la défense du patrimoine et dénoncent une place trop importante accordée aux commerces.
Après la gare du Nord, le projet de transformation de la gare d’Austerlitz pourrait devenir un nouveau champ de bataille. Il est en effet prévu que, dans quelques années, s’érige sur un terrain aujourd’hui nu, le long de la halle de la gare, un bâtiment de plus de 91 000 m2. Le projet immobilier comprend notamment 52 146 m2 de bureaux, 11 563 m2 de logements et 6 562 m2d’hébergements hôteliers. Il est porté par cinq maîtres d’œuvre, dont SNCF Gares & Connexions et la Semapa, la société d’aménagement de la Ville de Paris.
Il y a encore pas si longtemps, le projet ne semblait pas soulever de fortes oppositions, les quelques demandes d’aménagements demandés lors de l’enquête publique (qui s’est achevée le 31 juillet 2020) ayant été pris en compte par les promoteurs. La Drac (la direction des affaires culturelles de la région qui doit être consultée pour les chantiers faisant l’objet de fouilles) a donné sont feu vert. Tout comme le Conseil de Paris qui, par trois fois, en 2011, en 2018 et en 2019 a approuvé le projet.
Mais le 15 avril dernier, trois groupes politiques, les Verts, Les Républicains (Changer Paris) et La République en marche (Indépendants et progressistes) ont chacun déposé un vœu contre ce projet. Et si le groupe de La France insoumise n’en a pas déposé, c’est uniquement parce qu’elle ne peut le faire qu’une fois par session. Mais sa représentante, Danièle Simonet, a annoncé qu’elle avait voté pour chacun des vœux déposés contre ce projet.
La société civile est aussi montée au créneau à travers le Collectif Austerlitz qui réunit des riverains et des commerçants, mais aussi d’autres collectifs et des associations, comme SOS Paris, les inCOPruptibles, France Nature Environnement, Extinction Rébellion, Attac, etc. Une pétition sur internet avait déjà récolté 33 600 signatures début mai. Et le collectif a déposé en février un recours devant le tribunal administratif de Paris demandant la révision du projet « de la modernisation de la gare d’Austerlitz ».
Il compte aussi déposer un référé-suspension afin de figer le chantier en attendant de connaître le jugement, ce qui prend toujours du temps.
Que reprochent ses détracteurs au projet ? D’être trop grand, de proposer trop de bureaux et de commerces, et de ne pas se soucier assez de l’environnement. « Nous sommes tous amoureux de la grande halle de la gare d’Austerlitz. Donc on ne veut pas qu’elle disparaisse derrière un mur ! », indique le porte-parole du Collectif Austerlitz, Olivier Le Marois. Il est vrai qu’elle est particulièrement visible en ce moment depuis le boulevard de l’Hôpital puisque tous les bâtiments qui l’entouraient ont été rasés.
À la place, les promoteurs prévoient de construire, parallèlement à la gare, un bâtiment de 300 m de long et de 37 m de haut, soit 11 étages. « Bien plus haut que tous les bâtiments autour. À commencer par la gare elle-même ! », fustige le porte-parole. C’est vrai pour les parties les plus hautes, mais le bâtiment ne sera pas d’un seul bloc comme les vues d’artistes des documents de promotion ont pu, à tort, le laisser penser. Il y aura différents niveaux et l’immeuble sera traversé en hauteur par le viaduc de la ligne 5 du métro, et il y aura un cheminement piéton.
Pas de quoi calmer la colère des élus et des collectifs. Pas plus que les aménagements proposés comme la zone publique libre de construction qui a doublé en cours de route, passant de 8 000 à 16 000 m2. Ou le nombre d’emplacements pour vélos qui passera de 177 aujourd’hui à 911, dont 200 sécurisés. Auxquels s’ajouteront près de 1 000 autres places pour vélos réservées aux occupants de l’immeuble à construire.
Les opposants ne veulent tout simplement pas de ce futur ensemble immobilier. « Il y a déjà 3,1 millions de m2 de bureaux disponibles à Paris. Les professionnels disent qu’entre 3 et 6 millions de plus vont arriver sur le marché à la sortie de la crise sanitaire », détaille Olivier Le Marois. « Or, les habitudes du télétravail vont perdurer et la demande de bureaux ne va pas reprendre. »Pourtant, tous les bureaux ont déjà trouvé preneurs, affirme la SNCF. L’Agence française de développement doit en effet y regrouper ses différentes implantations.
« Quitte à construire un immeuble autant qu’il soit destiné à des habitations », estime de son côté Nour Durand-Raucher, conseiller de Paris qui a porté le vœu pour le groupe EELV. Certes, Elogie, un des bailleurs de la Ville de Paris, y construira 11 500 m2 de logements pour étudiants, ou jeunes actifs, « mais ce n’est pas assez », selon lui.
Le projet doit aussi accueillir 25 000 m2 de commerces. « Cela fera une concurrence énorme aux commerçants du quartier, notamment ceux de la rue Mouffetard ! », s’emporte Olivier Le Marois. (la rue Mouffetard est une rue très commerçante du 5e arrondissement de Paris, ndlr). « Pourquoi construire un centre commercial, alors qu’Italie 2, place d’Italie, est mal en point et Quai d’Ivry, à Ivry, a fermé un étage entier ? », s’étonne Nour Durand-Raucher.
Selon les promoteurs du projet, les commerces d’Austerlitz ne devraient toutefois pas faire de concurrence aux commerçants du quartier : le projet ne prévoit que 14 commerces pour 1 000 habitants, alors que la moyenne en Île-de-France est de 28, affirment-ils. « À Austerlitz, il y aura 25 000 m2 de commerces pour 23 millions de voyageurs par an. Alors qu’à Saint-Lazare, la SNCF a aménagé 10 000 m2 de commerces pour 135 millions de voyageurs par an. Comment pourrait-elle rentabiliser ces commerces avec si peu de voyageurs ? », s’interrogent les détracteurs.
Sur ce projet comme pour les autres rénovations de gares parisiennes, SNCF Gares & Connexions compte sur les redevances perçues sur les futurs commerces mais aussi sur la vente d’une partie du terrain à un autre promoteur pour rembourser les 900 millions d’euros qui seront investis dans la transformation de la gare d’Austerlitz.
Yann Goubin
La bataille autour de la verrière de la gare d’Austerlitz va-t-elle bientôt connaître son épilogue ? Lancé il y a plus d’un an, le chantier de la rénovation de la grande verrière de la gare d’Austerlitz est bloqué depuis le 4 septembre. En cause, un niveau de pollution « extrêmement préoccupant » sur le chantier selon Masci, l’entreprise spécialisée retenue par Gares & Connexions pour retirer le plomb de la structure.
C’est Le Parisien du 1er octobre, qui a dévoilé l’affaire, alerté par Masci. La direction de l’entreprise, que nous avons essayé à notre tour de contacter mais sans succès, a expliqué au Parisien avoir voulu tirer le signal d’alarme, la pollution ayant atteint un niveau mettant en péril la santé des ouvriers travaillant sur le site, mais aussi, au-delà, des commerçants et des voyageurs.
« Les mesures effectuées pour la PME spécialisée par un laboratoire indépendant, sous PV d’huissier, révèlent des taux jusqu’à 40 fois supérieurs à la normale, y compris dans des espaces publics, sur les quais, près des sandwicheries… », écrit le quotidien, qui évoque un taux de 17 094 microgrammes de plomb/m2 alors que le seuil réglementaire est de 1 000 microgrammes/m². « Pour la palissade à côté du Relay, c’est même plus de 25 000 microgrammes/m² et 37 000 dans la balayette d’un agent de propreté », indique encore Le Parisien qui a pu consulter les mesures.
Pour Gares & Connexions, c’est l’entreprise chargée de déplomber la verrière de plus de 100 ans et donc recouverte de peinture au plomb (comme on le faisait à l’époque) qui est défaillante et n’arrive pas à conduire le chantier dans de bonnes conditions. « Cette entreprise méconnaît de manière grave et répétée ses obligations contractuelles », a indiqué à l’AFP Benoît Brunot, le directeur des grands projets chez SNCF Gares & Connexions. Des manquements sur les procédures de confinement du chantier ont notamment été constatés.
Le maître d’ouvrage du projet affirme avoir réalisé régulièrement depuis un an des analyses sur le chantier de la gare d’Austerlitz. Sur les quelque 250 mesures effectuées à ce jour, seules cinq montrent un léger dépassement au-dessus de 1 000 microgrammes/m² et correspondent à chaque fois à des manquements de la part de l’entreprise. Il a également mandaté un expert pour effectuer des mesures et formuler des préconisations. Cette surveillance avait d’ailleurs donné lieu à deux autres suspensions de chantier avant l’arrêt du 4 septembre.
La branche de la SNCF chargée des gares s’apprêtait à envoyer une lettre recommandée à Masci lui demandant de présenter toutes les garanties permettant la reprise du chantier, juste au moment où Le Parisien a été alerté sur la situation.
La SNCF cherche désormais à rompre le contrat pour faute grave et envisage une plainte en diffamation. De son côté Masci a déposé une demande de référé devant le tribunal administratif pour qu’un expert soit nommé et fasse des campagnes à l’intérieur et à l’extérieur de la gare. En attendant, Gares & Connexions assure « avoir mis en place toutes les dispositions permettant de garantir la sécurité des personnes et des biens sur le périmètre du chantier et ses abords » et dément toute pollution dans la gare. L’objectif sera ensuite de trouver une entreprise « sérieuse » pour reprendre au plus vite le chantier qui affiche déjà sept mois de retard.
Marie-Hélène Poingt