La démarche est inédite : à partir du 14 juillet et jusqu’au 25 août 2012, Thalys a décidé de se mettre au régime estival. La démarche est inédite : à partir du 14 juillet et jusqu’au 25 août 2012, Thalys a décidé de se mettre au régime estival. Concrètement, le plan de transport va être allégé. Le nombre de fréquences sur la route Paris – Bruxelles sera réduit et les dorsales wallonne (Mons – Charleroi – Namur) et flamande (Gand – Bruges – Ostende) seront supprimées, une solution alternative étant proposée aux clients souhaitant rejoindre ou quitter l’une de ces gares. Ensuite, et jusqu’en décembre, les mesures d’allégement concerneront Paris – Bruxelles – Amsterdam, qui passera d’une fréquence de 10 à neuf allers-retours par jour, et la liaison Paris – Bruxelles, dont le nombre de fréquences sera également revu à la baisse.
Cette sérieuse mise au régime correspond à une bonne raison : c’est le renforcement du programme de maintenance qui conduit à libérer des rames. Un programme ambitieux, qui doit être le garant d’une meilleure régularité, comme en témoigne Franck Gervais, directeur général de Thalys : « Ce programme vise à accomplir un saut de performance opérationnel à long terme. En planifiant l’essentiel des interventions au cours de l’été, nous faisons en sorte de limiter au maximum l’impact de ce programme pour les clients. » Ainsi, entre juillet et décembre, les 26 rames Thalys feront l’objet d’un contrôle de maintenance approfondi. Cette « chaîne de fiabilité » mobilisera une équipe dédiée de 30 techniciens au technicentre du Landy, à Saint-Denis en région parisienne. Et un millier d’heures de travail sont déjà planifiées sur chaque rame.
Un test grandeur nature a été réalisé par Carex, une association de promotion du TGV Fret, qui a fait circuler une rame postale entre Lyon et Londres les 20 et 21 mars. Une étape avant tout symbolique car le modèle économique de ce système de transport reste à inventer. Symboliquement, après avoir embarqué quelques marchandises, le TGV Euro Carex n° 27274 a quitté à 16 h 42, le 20 mars, l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry, pour rouler à 270 km/h et arriver en début de soirée à la gare TGV de Roissy-Charles-de-Gaulle. Puis il a relié le lendemain, à 100 km/h, la gare londonienne de Saint Pancras via le tunnel sous la Manche. Soit un test grandeur nature sur un parcours de 900 km. La rame utilisée, un TGV postal pelliculé aux couleurs de Carex, le promoteur du projet, et de ses partenaires, devait faire la démonstration qu’un TGV peut transporter du fret express et des palettes qui passent généralement par la route et les airs.
L’association Carex (Cargo Rail Express) avait réuni ce jour-là tous les partenaires potentiels, SNCF, Eurotunnel, Réseau ferré de France, Air France ou Fedex pour n’en citer que quelques-uns. Leur objectif est de relier par train les grandes plateformes aéroportuaires européennes, sur des distances comprises entre 300 et 800 km, pour se substituer aux pré et post-acheminements routiers. « Nous avons voulu tester un certain nombre d’obstacles et nous voulions valider l’engagement de tous les partenaires », a expliqué Yanick Paternotte, le président d’Euro Carex. « Nous voulons aussi prospecter pour voir si on ne pourrait pas trouver d’autres utilisateurs potentiels. Aujourd’hui, nous pourrions remplir les rames à 65 %. Il nous faut aller au-delà de 75 %. »
C’est précisément l’une des données de cette équation, séduisante sur le papier, mais difficile à résoudre : qui sera prêt à se lancer dans l’aventure qui s’annonce onéreuse ? Le système nécessite en effet de concevoir de nouvelles rames permettant de charger et décharger les marchandises au plus vite (30 minutes au maximum) et de rouler à 300 km/h. Alstom et Siemens ont travaillé sur le sujet dans le cadre d’un dialogue compétitif. Alstom propose d’utiliser le volume d’une rame TGV Duplex, dont le plancher bas permet de se mettre au niveau des transpalettes et d’assurer des embarquements rapides. « Si le projet est lancé, Alstom se positionnera peut-être avec une version totalement nouvelle. Nous travaillons sur une évolution de notre gamme TGV, qui vise à augmenter les capacités d’emport », souligne Hubert Peugeot, vice-président « business développement et ventes » chez Alstom.
Carex estime qu’il faudrait huit trains dans un premier temps, au coût d’une trentaine de millions d’euros l’unité. A terme, il faudrait 25 rames pour couvrir toutes les destinations du réseau Carex (Paris-Roissy-CDG, Amsterdam, Lyon, Londres, Liège et Cologne dans un premier temps ; plus tard, Bordeaux, Marseille, Francfort, puis l’Italie et la péninsule ibérique). Toujours selon l’association, les études menées jusqu’à présent évaluent à 700 000 t par an les volumes de fret express et cargo à acheminer sur ce réseau.
Mais on reste toujours dans le vague pour savoir qui achètera les rames : les entreprises ferroviaires ou un pool de chargeurs qui les louerait à des tractionnaires et s’engagerait sur des volumes de fret minimum à acheminer ? Pour l’heure, un groupement de chargeurs (GEC Carex), avec Air France-KLM Cargo, Fedex, La Poste, TNT, UPS et WFS, a été créé. Il a élaboré un « cahier d’expression des besoins, spécifiant les caractéristiques communes requises pour le transport ferroviaire du fret à grande vitesse et servant de base de discussion avec les entreprises ferroviaires intéressées par l’exploitation du service », explique Carex.
Si tous saluent l’initiative, chacun reconnaît qu’il faudra encore du temps pour qu’elle devienne réalité. « C’est une belle idée, j’y crois. Mais je ne sais pas quand », a résumé Guillaume Pepy, le président de la SNCF. Avant d’ajouter : « Tout dépendra de l’environnement réglementaire européen. » En clair, tant qu’il n’y aura pas de politique européenne soutenant clairement les modes alternatifs (par exemple, en faisant supporter à la route ses coûts externes, comme la pollution), le TGV, produit haut de gamme, aura du mal à concurrencer la route si souple et si bon marché. Mais beaucoup de paramètres sont appelés à évoluer, affirment les promoteurs de Carex. Ils citent l’écotaxe, plusieurs fois repoussée, désormais attendue en 2013 en France. Ou encore la poursuite de la hausse du prix du carburant, la raréfaction des créneaux aériens ou de possibles restrictions de circulation des poids lourds, qui vont aussi dans le sens d’un renchérissement du prix de la route à l’avenir.
En attendant, deux nouvelles études ont été commandées à des cabinets d’expertise pour définir le business model de Carex. Les résultats de la première étude sont attendus pour début avril. Une seconde étude a été commandée par SNCF Geodis et Europorte, qui ont annoncé avoir créé une joint-venture pour travailler ensemble sur le projet. Les résultats sont attendus avant juin. Le calendrier pour le lancement de Carex vise désormais l’horizon 2015-2017. Mais sans que l’on ait encore résolu l’éternelle question : qui mettra la main à la poche ?
Par Thierry Bonté, vice-président d’Amiens Métropole, chargé des transports et des déplacements Monsieur le Président,
Dans un entretien accordé au dernier numéro de la revue Ville, Rail & Transports, vous déclarez à propos du projet de SNIT (schéma national des infrastructures de transports) : « Le seul projet que je considère comme devant être revu, c’est le doublement par Amiens de la ligne conduisant au tunnel sous la Manche. Il faut profiter de la ligne nouvelle normande vers Caen, Rouen et Le Havre, qui pourra être ensuite prolongée jusqu’au tunnel, ce qui fait que cette ligne ne sera pas en cul-de-sac. »
Je dois vous dire ma stupéfaction. Vous connaissez parfaitement le contexte picard et amiénois. Vous savez donc pertinemment qu’Amiens, capitale régionale, est l’une des seules de France à ne pas être desservie par le TGV. La seule gare TGV sise en Picardie est celle de Chaulnes, qui n’assure que des trajets longue distance essentiellement à destination ou en provenance de Lille. La Picardie a été délaissée et oubliée dans l’aménagement ferroviaire du territoire. C’est un fait difficilement contestable. La perspective d’une liaison au réseau TGV via la construction du barreau Picardie – Roissy, dont la mise en service est prévue en 2020, ne viendra que réparer partiellement cette injustice. Lors des séances de la commission du débat public qui se sont déroulées jusqu’au début du mois de janvier, Amiens Métropole et le Pays du Grand Amiénois ont soutenu le projet de la ligne nouvelle Paris – Normandie. Nous avons publié un cahier d’acteurs pour expliquer notre position.
Il convient tout d’abord de considérer avec lucidité et responsabilité la perspective d’une nouvelle ligne à grande vitesse sur l’axe nord. Cet aménagement n’interviendra que lorsque la ligne TGV Nord actuelle sera saturée, c’est-à-dire dans un délai que l’on s’accorde à imaginer vers 2030 ou 2040.
La pertinence d’un aménagement de ce type doit ensuite se concevoir dans une approche globale de l’offre à grande vitesse sur tout le secteur nord-ouest français et européen. La réalisation probable de la nouvelle ligne Paris – Normandie va évidemment offrir un débouché maritime au Grand Paris et assurer le désenclavement nécessaire d’une partie de la région normande, en particulier de l’agglomération rouennaise.
Vous suggérez qu’à partir de Rouen une ligne doublant la ligne TGV Nord actuelle parte directement vers Calais pour joindre Londres. Vous évitez donc Paris, La Défense et l’aéroport Charles-de-Gaulle… Autrement dit, tous les pôles d’activité les plus importants de la capitale et singulièrement le secteur économique et financier européen le plus important, avec la City de Londres, je veux parler de La Défense, tout le contraire d’un « cul-de-sac » ! Nous pensons que la question à poser est donc plutôt de savoir qu’elle sera la destination du TGV en provenance du Havre une fois parvenu à la porte ouest de Paris ?
Certainement pas vers la gare du Nord, aujourd’hui complètement saturée. La gare Saint-Lazare suit la même évolution.
En revanche, La Défense offre toutes les opportunités d’un projet de grande gare bis à l’entrée de Paris, permettant de connecter les TGV normands avec le reste du réseau parisien RER et métro, et assurant une liaison directe à grande vitesse avec la City de Londres, en passant par Amiens. Ainsi, la nouvelle ligne TGV Normande et une nouvelle ligne Nord seraient interconnectées, complétant le réseau à grande vitesse dans l’intérêt de la Grande-Bretagne (qui lance les études pour la réalisation de sa deuxième High Speed reliant le nord du Royaume-Uni à Londres) et de la France.
Cette hypothèse, qui n’exclut pas un embranchement avec l’aéroport Charles-de-Gaulle, nous semble beaucoup plus cohérente en matière de politique de transports et d’aménagement du territoire que votre idée première évitant Paris et ne desservant que des agglomérations peu denses.
Amiens, capitale régionale, ne passera pas une nouvelle fois à côté de son histoire. Après avoir vu le TGV défiler à 40 km à l’est, il serait impensable de persévérer dans l’erreur. Les élus locaux sauront se rassembler pour faire entendre leur voix, sans ostracisme politique, afin de porter l’intérêt des populations locales qui ne comprendraient pas que notre territoire soit à nouveau exclu des schémas d’avenir.
Nouveau plan gouvernemental, le Pitvi maintient le principe des grands projets, mais reporte à 2024 la réalisation d’un réseau dense à grande vitesse, sans se donner de calendrier précis. Elle est finie, l’époque des chantiers pharaoniques : avec ces mots, Ana Pastor a voulu tourner une page de la grande vitesse espagnole (lignes AVE). Devant les députés, la nouvelle ministre des Transports a, le 9 février, fait les comptes et repoussé à 2024 la réalisation de nombreux projets. Avec 40 milliards d’euros de dettes pour son ministère, l’élue du Parti populaire (conservateurs) ne pouvait qu’évoquer le (lourd) « héritage de son prédécesseur socialiste ». Ce chiffre inclut 20,7 milliards pour le ferroviaire, dont 14,6 pour Adif (le RFF espagnol), 5,2 milliards pour l’opérateur Renfe et 530 millions pour les voies étroites Feve. Et il faudrait 28,1 milliards simplement pour mener à terme les chantiers amorcés. Cependant, Renfe, qui perd quelque 120 millions par an (même avec la subvention d’Etat de 660 millions pour le service public), a réussi en 2011 à renverser la vapeur : pour la première fois depuis 2008, la tendance est à la hausse du trafic avec 468 millions de voyageurs transportés (+ 3 %) et 17,3 millions de tonnes de fret (+ 7,8 %).
Les parlementaires attendaient Ana Pastor sur les grosses opérations ferroviaires en cours : elle s’est montrée rigoureuse, mais toujours ambitieuse pour le rail. Et d’esquisser un « Plan des infrastructures, des transports et du logement » (Pitvi) sur la période 2012-2024, financé par le budget d’Etat, les fonds européens et la participation du secteur privé via des partenariats public-privé (PPP). Si 20 milliards vont à la route, la voie ferrée obtient la plus grosse part avec trois objectifs : achever le réseau à grande vitesse (25 milliards), améliorer les lignes conventionnelles et la qualité des services de banlieue (1,5 milliard par an).
Suit une longue liste que ne désavouerait pas José Blanco, l’élu socialiste de Galice qui précéda Ana Pastor aux commandes. Ainsi figurent des lignes à terminer : Madrid – Galice pour 8,5 milliards, Madrid – Asturies (1,7 milliard), Valladolid – frontière française avec le Y basque (4,3 milliards), le corridor Méditerranée depuis Alméria pour 6,5 milliards, y compris Barcelone – Figuerès, la liaison avec le Portugal (2,6 milliards), etc. D’autres chantiers sont confirmés, qui n’en sont parfois qu’au stade des études, comme Palencia – Santander.
Mais, dans tous les cas, la première mouture du Pitvi évite le moindre calendrier précis. Le chiffrage et les échéances devraient être à l’ordre du jour d’un conseil des ministres en juillet prochain : « Basé sur l’examen rigoureux des nécessités de la société espagnole, il fixera (alors) les priorités et un programme à l’horizon 2024. » Malgré un grave contexte économique et un changement de majorité politique, l’Espagne ne remet pas en cause son modèle économique de grande vitesse ferroviaire. Simplement, elle étale dans le temps des projets qui restent pour l’essentiel les mêmes. Rappelons que le plan du gouvernement Zapatero voulait 10 000 km de lignes à grande vitesse ou « à prestations élevées » pour 2020.
A l’inverse, des consultants ou des universitaires pointent ce qui leur paraît être des investissements injustifiés ou des opérations peu rentables. A côté de travaux menés par des laboratoires catalans d’économie des transports, la fondation Sustrai Erakuntza, issue de l’Université du Pays basque (UPV-EHU) a rendu publique son analyse cet automne, lors du lancement du chantier de la grande vitesse en Navarre.
L’étude compare le trafic par ligne et les ratios retenus par la Commission européenne. Sauf cas exceptionnel, « une demande de 9 millions de voyageurs est probablement le minimum nécessaire pour justifier une nouvelle ligne AVE » en tenant compte du temps gagné et des coûts de construction. Ce dernier point fait qu’en Espagne « ce seuil de rentabilité peut être abaissé entre 6 et 8 millions de passagers par an ». Or les lignes AVE sont loin de cette demande minimale recommandée : « Barcelone – Madrid transporte 5,7 millions de personnes en année pleine. Madrid – Séville a une moyenne de 2,79 millions par an. » Et Alejo Etchart, Roberto Bermejo et David Hoyos de conclure : « Aucune ligne à grande vitesse en Espagne n’est économiquement rentable. » Après la construction, chacune requiert en permanence des subventions publiques, vu l’offre de trains mise en place et les coûts de maintenance.
Le 10 janvier, Justine Greening, secrétaire d’Etat britannique aux Transports, a annoncé que le gouvernement a approuvé le projet de deuxième ligne à grande vitesse britannique (HS2, pour High Speed 2), destinée à relier Londres et Birmingham, Leeds et Manchester, dans le nord-ouest de l’Angleterre et à se connecter avec le réseau classique plus au nord. Le 10 janvier, Justine Greening, secrétaire d’Etat britannique aux Transports, a annoncé que le gouvernement a approuvé le projet de deuxième ligne à grande vitesse britannique (HS2, pour High Speed 2), destinée à relier Londres et Birmingham, Leeds et Manchester, dans le nord-ouest de l’Angleterre et à se connecter avec le réseau classique plus au nord. Cette ligne nouvelle autorisée à 250 mph maximum (400 km/h) doit être construite en deux phases, en commençant par une section de 225 km qui doit être terminée en 2026. Outre une relation entre Londres et Birmingham (170 km) en 45 minutes (contre 1 heure 24 actuellement), cette première étape verrait l’établissement d’un raccordement entre la HS2 et la HS1, qui relie déjà Londres au tunnel sous la Manche. Puis, lors de la deuxième étape, qui devrait être achevée d’ici 2033, la HS2 devrait être prolongée au nord vers Manchester et Leeds, alors qu’au sud une branche serait ouverte vers l’aéroport de Heathrow. Tout ceci à condition que le projet soit approuvé par le Parlement, fin 2013. La consultation officielle pourrait alors débuter début 2014, le tracé final devant être fixé fin 2014.
Ce projet ne fait toutefois pas l’unanimité, en particulier chez les 172 000 personnes habitant à proximité du tracé ou de la part des défenseurs de l’environnement. Pour informer les résidents, le ministère britannique des Transports (DfT) a organisé une campagne sur le terrain. Et en réponse aux écologistes il a été annoncé que 36 km au total seraient en tunnel, contre 23 km prévus auparavant, au nord-est de Londres. Quelques réserves ont été émises par des acteurs de la vie économique britannique, qui tiquent devant un total de quelque 32,7 milliards de livres (40 milliards d’euros) pour une rentabilité incertaine (en particulier la desserte de Heathrow). Mais la plupart des décideurs d’outre-Manche accueillent favorablement un investissement qui fournira du travail et modernisera un réseau d’infrastructures qui devrait être saturé en 2025. Appelée à capter 4,5 millions de voyages annuels par avion et 9 millions de voyages par la route, en plus des voyages par le rail en constante augmentation depuis quinze ans, la HS2 est également le seul grand projet épargné par les mesures d’austérité du gouvernement Cameron…
Plus de trois fois le coût annoncé au départ, l’inauguration initialement prévue en 2020 repoussée de treize ans, les Républicains contre les 840 km de la LGV californienne peinent à avancer. Un premier chantier de 210 km est néanmoins programmé. class= »rtejustify »>
Réalisme ou téméraire fuite en avant ? Alors que les Républicains font tout pour faire capoter le programme de renaissance ferroviaire du président Obama, l’agence chargée du futur TGV californien a jeté un joli pavé dans la mare, le 1er novembre, en publiant une nouvelle feuille de route avec un phasage des travaux. Elle n’envisage désormais plus l’achèvement des 840 km de ligne à grande vitesse entre Los Angeles et San Francisco avant 2033, tandis que la facture a grimpé à 98 milliards de dollars. Et peut-être 19 milliards de plus si les variantes les plus chères sont retenues. Cette annonce a de quoi déconcerter les électeurs de l’Etat qui ont donné leur feu vert au projet lors d’un référendum, il y a trois ans. On leur promettait alors une inauguration vers 2020, pour une trentaine de milliards…
La California High-Speed Rail Authority (autorité californienne de la grande vitesse) entend néanmoins entamer les travaux dès l’an prochain. Pour 6 milliards de dollars, il s’agit de construire, d’ici 2017, 210 km de ligne nouvelle dans la campagne de la vallée centrale, du nord de Bakersfield au nord de Fresno. Pourquoi commencer par la partie la moins dense du corridor ? Parce que c’est justement là que le chantier posera le moins de problème. Or, il faut aller vite si l’on ne veut pas perdre les quelque 3,5 milliards donnés par Washington dans le cadre du plan de relance ! Le premier tronçon de la LGV californienne devrait donc surtout servir de base d’essai. Il ne sera a priori parcouru à son ouverture que par quelques trains – diesel – de la ligne San Joaquin d’Amtrak (qui va de Bakersfield à Oakland et à Sacramento), et leur permettra de gagner trois quarts d’heure.
Les TGV ne devraient entrer en lice que dans une deuxième phase qui verrait en 2021 l’électrification du tronçon initial et son prolongement soit au nord jusqu’à Merced et San José (dans la Silicon Valley, au sud de la zone urbaine de San Francisco), soit au sud jusqu’à San Fernando (à l’entrée de l’agglomération de Los Angeles). Dans le premier cas, on aurait une LGV de 475 km avec des trains directs de San Francisco à Bakersfield qui emprunteraient la ligne du Caltrain (San Francisco – San José, 75 km), en passe d’être électrifiée. Dans le second cas – un scénario plus rentable que le précédent, selon les études, d’autant qu’il n’y a actuellement aucun service de passagers dans le coin –, la longueur de la LGV atteindrait 485 km entre Merced et San Fernando, où il faudrait changer pour rejoindre Los Angeles en train de banlieue (diesel). La troisième phase prévoit la construction d’ici 2026 de la partie nord ou sud qui n’aura pas été retenue précédemment, la LGV atteignant alors les 660 km entre Merced ou San José et San Fernando. Ce n’est enfin qu’au terme d’une quatrième phase, envisagée entre 2030 et 2033, que les TGV entreraient dans Los Angeles – dont la gare centrale serait atteinte en 2 heures 40 depuis San Francisco, grâce aussi à une reconstruction du couloir du Caltrain –, avant de poursuivre un peu plus loin à Anaheim, chez Disney, dans l’Orange County. Soit 840 km en tout.
Le nouveau programme doit passer devant le parlement local début 2012. L’agence chargée du TGV estime que cette montée en puissance progressive de la grande vitesse devrait rassurer les investisseurs privés, appelés à jouer un grand rôle dans le financement à partir de la deuxième phase. Rappelant que construire la LGV coûtera moins cher aux Californiens que les élargissements d’autoroutes ou les agrandissements d’aéroports dont elle les dispensera, elle assure toujours que l’exploitation sera rentable. Les concepteurs du projet ne disent en revanche plus un mot sur le coût de la cinquième phase, qui doit encore ajouter au nord un prolongement de Merced à Sacramento et au sud une branche de Los Angeles à San Diego. Le système, achevé, ferait alors 1 300 km de long. Vers 2050 ?
L’ouverture de la ligne Euroairport (Bâle-Mulhouse – Marseille), le 2 octobre, sur une fréquence quotidienne confirme le changement de stratégie d’Air France face au TGV : la compagnie, qui a perdu 885 000 passagers au départ de Strasbourg et de l’Euroairport depuis la mise en service du TGV Est, n’entend pas répéter le même scénario de réduction de l’offre et de tarifs d’appel non compétitifs avec le Rhin-Rhône. L’ouverture de la ligne Euroairport (Bâle-Mulhouse – Marseille), le 2 octobre, sur une fréquence quotidienne confirme le changement de stratégie d’Air France face au TGV : la compagnie, qui a perdu 885 000 passagers au départ de Strasbourg et de l’Euroairport depuis la mise en service du TGV Est, n’entend pas répéter le même scénario de réduction de l’offre et de tarifs d’appel non compétitifs avec le Rhin-Rhône. « Cette nouvelle ligne vers Marseille s’inscrit dans le cadre de l’ouverture de notre première base en province. La meilleure productivité à l’escale nous permet de proposer un Marseille – Euroairport à partir de 51 euros taxes comprises », annonce Eric Fuchsmann, directeur d’Air France pour la région Est. La classe tarifaire la plus avantageuse sur la ligne existante Strasbourg – Marseille s’alignera sur les prix pratiqués à l’Euroairport.
Air France conforte également sa ligne Strasbourg – Lyon , opérée depuis l’hiver dernier sur des avions jugés plus confortables. « La desserte en TGV de la région Rhône-Alpes et de la Provence me semble peu adaptée à la clientèle affaires », poursuit Eric Fuchsmann. Lors de la mise en service du TGV Rhin-Rhône, le 11 décembre, les six relations quotidiennes Strasbourg – Lyon s’effectueront en 3h40. Avec le raccordement de Mulhouse, fin 2012, les trains directs réaliseront le parcours en 3h15. « Ces temps de parcours intéresseront essentiellement la clientèle loisirs », juge Eric Fuchsmann. La SNCF n’a pas encore dévoilé sa politique tarifaire sur le Rhin-Rhône.
Avec cette offensive régionale, la crainte d’une disparition d’Air France à Strasbourg en 2016, pour la mise en service de la deuxième phase du TGV Est, tend à s’estomper. « A moins de deux heures en TGV, l’aérien va encore perdre une part de trafic », reconnaît Eric Fuchsmann. « Mais si RFF pratique le juste prix sur ses lignes à grande vitesse, nos tarifs auront tendance à se rapprocher. En 2016, qui sait, l’aérien sera peut-être l’offre la moins chère. »
Trente ans après ses débuts, le train à grande vitesse est quasiment arrivé au bout de la fonction qui lui était assignée : desservir à 300?km/h les grandes métropoles au départ de Paris. Pour le compléter, Jean-Marc Delion envisage des relations offrant d’autres atouts que la vitesse, une complémentairté TGV?TER, l’ouverture au fret et au trafic régional de certaines LGV. Ville Rail & Transports : On voit s’affirmer, dès l’origine du TGV, une sorte de doctrine française de la grande vitesse, marquée par la spécialisation voyageurs et un souci de la vitesse maximale entre grands pôles… Aujourd’hui, le concept évolue. Pour la Normandie, par exemple, on ne parle plus de LGV mais de ligne nouvelle. La grande vitesse à la française se modifie-t-elle donc ?
Jean-Marc Delion. Le premier point fort de notre système à grande vitesse, c’est qu’il s’agit d’un réseau en étoile autour de la région capitale. L’Europe du Nord, l’Allemagne relèvent beaucoup plus d’une logique de maillage. Notre réseau en étoile vient de l’hypercentralisation autour de Paris et de grandes distances entre les métropoles. Ceci nous rapproche du réseau espagnol. Deuxième point fort, c’est un réseau purement voyageurs et à très grande vitesse : 300-320 km/h. Donc, c’est un réseau en étoile et qui va vite, pour couvrir des distances le plus souvent comprises entre 300 et 800 km. C’est le territoire qui le veut, et c’est ce qu’il fallait commencer par faire, mais faut-il continuer sur cette lancée ? Il faut parler de complémentarité TGV et TER. Sur la LGV Tours – Bordeaux, un cinquième des voyageurs de la grande vitesse viendra des trains régionaux. Pour la LGV Le Mans – Rennes, la virgule de Sablé devrait être ouverte à la circulation des TER Rennes – Laval – Sablé – Angers, empruntant la ligne nouvelle afin de mieux utiliser cet investissement. Ensuite, on découvre que tout n’est pas tourné vers Paris et qu’il y a un enjeu considérable des TGV province – province. Le TGV Med a induit un potentiel de trafic entre Marseille et Lyon. Quant au TGV Rhin-Rhône, son nom montre bien qu’on n’est plus sur une logique purement radiale. En un sens, on est au bout du système car on n’est pas loin d’avoir desservi toutes les grandes métropoles françaises : il ne manquera plus en 2017 que Toulouse et Nice. Au-delà, on « attaque » des zones qui ont leur intérêt. Car si cela a du sens de payer très cher quand il s’agit de rapprocher des grandes villes, pour des villes de 50 000 habitants, il faut trouver un modèle adapté. Si on a rapproché les grandes villes de Paris, à l’inverse, il y a des villes restées hors du réseau grande vitesse, comme Amiens ou Rouen. C’est à l’origine de projets comme Roissy – Picardie, Paris – Normandie ou Paris – Troyes, et c’est encore un aspect important du projet Paris – Orléans – Clermont. A-t-on besoin pour toutes ces villes de la très grande vitesse ? Certaines d’entre elles, proches de Paris, ne justifient pas qu’on aille à 300 ou 320 km/h. C’est le cas de Rouen, où la vitesse de pointe n’est pas le sujet central. Tout cela met en cause une poursuite continue du développement en étoile du réseau à grande vitesse et nous éloigne d’une logique de tout TGV.
VR&T : Déjà, on envisageait une ligne mixte voyageurs-fret sur le Rhin-Rhône, on va la réaliser pour le contournement de Nîmes et Montpellier. Se rapproche-t-on d’une vision plus allemande ?
J.-M. D. : Si les Allemands acceptent la mixité des trafics, les lignes sont assez peu utilisées en vraie mixité intégrale. Ce n’est pas commode de faire cohabiter des trains à 300 km/h et des trains à 100 km/h. Mais on cherche à mieux rentabiliser les investissements. Pourquoi ne pas faire passer du fret et du service régional à grande vitesse ? Il y a un projet qui avance bien, c’est la ligne mixte Nîmes – Montpellier. L’idée, c’est de mettre Paris à moins de 3 heures de Montpellier, en prolongement de la LGV Méditerranée, tout en améliorant le service fret, en cohérence avec l’axe de la vallée du Rhône. Le modèle en ce cas devrait fonctionner par ségrégation horaire : à telles heures les trains de fret, à telles autres les TGV.
VR&T : Quelle est votre contribution au projet de schéma national des infrastructures de transport ?
J.-M. D. : Nous avons encore des modèles économiques très sensibles à la valorisation du temps gagné. Ce sont des modèles qui poussent à la grande vitesse. Or nous savons que le voyageur attend de plus en plus des performances en termes de confort, de régularité, de fréquence, de prix. Il nous faut passer d’une logique centrée sur la vitesse à une autre prenant en compte l’ensemble des attentes des clients. Certes, RFF est né avec les grands projets de lignes nouvelles, aime les grands projets. En même temps, nous gérons un système ferroviaire de près de 30 000 km, dont un peu moins de 2 000 km en LGV. D’ailleurs, les trois quarts du réseau utilisé par les TGV ne sont pas des lignes à grande vitesse. Or nous avons des besoins aujourd’hui insatisfaits. Je pense aux besoins de remise en état et de rajeunissement du réseau, c’est le plan de modernisation que nous avons lancé en 2006. Les systèmes de signalisation et de commande du réseau sont souvent anciens. Et il y a des zones auxquelles on a accordé insuffisamment d’attention. Je pense notamment aux RER en Ile-de-France. Le Snit prend en compte tout cela à notre grande satisfaction : il ne porte pas que sur les LGV, il est aussi dans une logique de qualité de service et de diversification de l’offre pour l’ensemble du système ferroviaire.
VR&T : Que faites-vous des critiques portant sur le privilège que vous auriez accordé aux LGV au détriment du réseau existant ?
J.-M. D. : Elles sont sans objet. Nous avons complètement isolé le budget des investissements de renouvellement et le budget des lignes nouvelles. Pour le renouvellement, nous avons une enveloppe en très forte croissance, 13 milliards d’euros, fixée avec l’Etat pour la période 2008-2015. Le budget que nous allouons à une ligne nouvelle résulte pour sa part d’un calcul de la rentabilité de chaque grand projet. Prenons Tours – Bordeaux. D’abord, la ligne va permettre d’accroître le trafic en prenant des voyageurs à la voiture et près d’un million de passagers à l’aérien, ou en suscitant une nouvelle demande de transport. Ensuite, pour les trafics existants, on va gagner une heure sur Paris – Bordeaux. Cela vaut quelque chose : le service change et il est légitime qu’il soit plus cher. Troisième effet, la grande vitesse représente de la productivité pour la SNCF, un temps de parcours réduit lui permettant d’accroître son offre avec le même outil de travail. Ces trois effets, on cherche à les capter sous forme de péages que RFF ou, dans le cas de Tours – Bordeaux, le concessionnaire remettent au pot pour financer le projet. La différence entre le coût du projet et ce que rapportent les péages futurs doit enfin être apportée par des subventions. Il n’est donc jamais question de prendre de l’argent prévu pour le réseau existant pour le mettre sur les LGV. C’est fondamental. Cela dit, on peut penser que les collectivités auraient pu mettre ailleurs l’argent public investi sur une LGV. Les élus et les pouvoirs publics veulent le TGV parce qu’ils y voient un service de qualité dans un réseau qui ne l’offre pas toujours. Il ne faut plus qu’il y ait cette équivalence : « je veux la qualité » égale « je veux le TGV ». Il faut que RFF comme la SNCF puissent dire : on peut vous faire de la qualité sans être forcément au coût du TGV.
VR&T : Le coût du TGV ? C’est-à-dire ?
J.-M. D. : Une LGV, hors zone montagneuse ou urbaine, se situe entre 18 et 28 millions d’euros du kilomètre, acquisitions comprises. Ce sont des investissements extrêmement coûteux, et je ne parle pas des lignes dans un tunnel où l’on atteint 100 millions du kilomètre. On doit s’intéresser à l’équilibre économique des nouveaux projets dans un contexte d’argent public rare. Il faut donc voir ce que cela nous rapporte, par le biais d’une tarification demandée au transporteur ferroviaire, qui les impute sur le prix du billet. Nous envisageons la même question que la SNCF, qui est celle de la soutenabilité de l’effort demandé au voyageur et celui demandé au contribuable. Ce sera une question de plus en plus importante. Le modèle TGV est un modèle cher, en infrastructure pour le gestionnaire, en prix du billet pour le client et en conditions de production pour l’opérateur.
VR&T : On dit que la grande vitesse est à l’échelle du continent européen. Mais l’effet frontière ne s’efface pas partout. Comment les gestionnaires d’infrastructure peuvent-ils travailler ensemble pour donner des caractéristiques communes aux réseaux ? Va-t-on voir naître un concept européen de LGV ?
J.-M. D. : Il y a une vingtaine d’années, la première route aérienne mondiale était Paris – Londres ! Vous voyez bien avec le succès d’Eurostar qu’on y arrive de temps en temps. Je suis persuadé que, à long terme, cet effet frontière va s’estomper, qu’aller faire ses études à Barcelone sera aussi banal pour nos enfants qu’aller aujourd’hui, pour un Lyonnais, faire ses études à Paris. Cet effet reste assez net, surtout au sud de la France, du fait d’obstacles naturels, bien plus qu’au nord où, de plus, la taille des métropoles n’est pas le même, ni la distance entre elles. Intuitivement, on voit bien qu’il y a quelque chose de majeur qui se dessine entre Londres, Bruxelles, Lille, Paris, Cologne, Amsterdam, soit cinq pays et, compte tenu d’Eurotunnel, six gestionnaires d’infrastructure. Mais cela nécessite des règles d’interopérabilité et des règles communes de gestion des sillons. Nous avons déjà les EIM, qui ne rassemblent pas tous les gestionnaires d’infrastructure européens, nous avons aussi Rail Net Europe, et la Commission nous pousse à créer des corridors de fret : nous avons quelques outils de coopération qu’il faut développer. Il faut encore une standardisation des équipements. On a signé, il y a un an et demi, le premier PPP pour basculer notre radio sol-train sur le système de communication GSM-Rail, qui est une norme européenne. Parallèlement, nous devons implanter le système de signalisation européen ERTMS sur notre réseau grande vitesse d’ici 2020. Tous nos nouveaux projets prévoient l’équipement natif en ERTMS. Mais il faut rééquiper le réseau à grande vitesse existant. La LGV Est, qui fonctionne aujourd’hui avec la TVM, recevra l’ERTMS en 2013.
VR&T : Quand RFF a pris les rênes, on est passé d’un système simple (SNCF-Etat) à un système complexe, avec de nombreux financeurs, de nombreux décideurs, et un recours à des solutions financières nouvelles. Quel changement…
J.-M. D. : La LGV Sud-Est avait été faite sur fonds propres par la SNCF, et le TGV Med n’avait reçu que 10 % de subventions. Il restait à faire des lignes moins rentables. Pour Tours – Bordeaux, la subvention requise est de 40 %, pour Le Mans – Rennes, de 57 %, pour Dijon – Mulhouse, 67 %. Car une des raisons de la création de RFF, c’est la quasi-faillite de la SNCF du fait du poids des investissements et de l’échec financier du TGV Nord. D’où l’idée d’inverser un modèle qui reposait sur l’emprunt et de ne plus faire de l’emprunt que sur la partie qui sera remboursée par les péages, le reste étant payé par la subvention.
VR&T : RFF, après s’être saisi de l’infrastructure, va-t-il se saisir des gares ?
J.-M. D. : D’ores et déjà, nous avons des intérêts majeurs dans les gares. Nous vendons des capacités, nous vendons donc l’accès à la voie à quai. C’est décisif dans un système où l’on va vers l’articulation de différentes missions ferroviaires, TGV-TER, voire de différents opérateurs. Dans la gestion des voies à quai ou des avant-gares, nous avons des investissements majeurs à faire pour améliorer la fluidité des circulations. Ensuite, il y a la gestion du « bâtiment-voyageurs ». La loi de 1997 dit : l’existant et l’investissement sur l’existant, c’est la SNCF. Par contre, en ce qui concerne le développement du réseau, la gare tout entière fait partie de l’infrastructure. Sur Nîmes – Montpellier, sur Bordeaux – Toulouse, les gares nouvelles font partie du projet. RFF peut alors soit utiliser les capacités d’ingénierie du groupe SNCF, soit recourir à d’autres prestataires. Nous voulons travailler avec Gares & Connexions, par exemple, pour réussir ensemble l’adaptation de Paris-Montparnasse dans la perspective de l’arrivée des lignes nouvelles vers Bordeaux et Rennes dans moins de six ans. Mais nous n’excluons pas, sur quelques gares nouvelles, de les réaliser en maîtrise d’ouvrage directe, voire en partenariat public-privé. Notre enjeu est aussi de développer le partenariat avec les agglomérations. Les gares sont des objets ferroviaires mais aussi des objets urbains. Ainsi, selon le projet de l’agglomération, la gare de Montpellier sera interconnectée au tram ; pour les gares de Nice-Manduel ou de Montauban, on va se servir de l’interconnexion avec la ligne TER.
VR&T : Pour développer le réseau, vous avez eu recours à la concession comme au PPP. Tirez-vous déjà un enseignement de ces formules de financement ?
J.-M. D. : L’Etat nous a demandé de mener quatre projets à la fois. On ne l’avait jamais fait. Nous ne pouvions pas monter quatre équipes de projets en maîtrise d’ouvrage. Sur les quatre projets, on a lancé une concession (SEA), deux contrats de partenariat (BPL et CNM) et assuré une maîtrise d’ouvrage classique (LGV Est 2e phase). On a exploré toutes les méthodes de montage et de gestion contractuelle. La place de Paris a de quoi assurer ce type de projets en termes d’outil juridique, d’ingénierie, de grands groupes de travaux publics. Nous avons réussi à monter ces appels d’offres malgré une crise financière sans précédent. Ce n’était pas gagné. C’est un grand sujet de satisfaction. Le volet industriel de ces appels d’offres a été entre correct et bon. On a eu des réponses en ligne avec ce qu’on attendait, et plutôt meilleures que ce qu’on attendait, alors qu’on transférait le risque du côté du partenaire privé. Le risque de mise en service de Rhin-Rhône, c’est RFF qui le porte. Celui de mise en service de SEA, ce sera le groupement attributaire, qui peut encourir des pénalités et des pertes de péages. D’un point de vue financier, la crise a eu des impacts négatifs sur les conditions de rémunération des banques et des fonds propres. Comme les coûts financiers sont bien supérieurs à ce qu’ils étaient avant la crise, ceci nous a amenés sur le projet BPL à réduire l’exposition à ces coûts. On a raccourci la durée du contrat (les crédits longs sont chers, les crédits courts moins chers), on a payé une part importante du projet en subventions lors de la phase de construction, de l’ordre de 70 %, pour ne laisser que 30 % au financier, et on a fait venir des prêteurs comme la BEI ou la Caisse des dépôts pour réduire encore un peu plus le coût financier. On a ainsi réajusté notre modèle pour réduire l’impact post-crise des coûts financiers. Mais l’histoire des PPP n’est pas achevée. Il reste à faire vivre ces contrats qui sont des véhicules puissants, gros et compliqués.? Il n’était pas mal qu’on commence par le PPP de GSM-Rail, de taille modérée, sur un système de télécommunications et non sur une ligne nouvelle. Nous avons ensuite validé le modèle sur deux lignes nouvelles. Aujourd’hui, on se demande : le PPP peut-il s’appliquer à d’autres objets ? Des objets technologiques comme les télécoms, mais aussi des petites lignes régionales, de fret, voire de voyageurs ? Ou des gares ? A la condition, toujours, et c’est une exigence absolue, de rechercher l’intérêt de la sphère publique en termes de prix, de risque et de service.
Pour le numéro 2 de la SNCF, on a peu à peu dérivé du modèle initial en utilisant très largement la compatibilité du TGV?avec le réseau classique. Résultat, un système très consommateur en capital, que la tarification d’infrastructure ne permet pas de corriger. Ville, Rail & Transports. Michel Walrave, en revenant sur la période où on inventait la première ligne TGV, a dit un jour : « Si on se limite à des trains Paris – Lyon s’arrêtant à Lyon, point final, on passe certainement à côté de choses intéressantes. » Mais n’a-t-on pas mis ainsi le doigt dans un engrenage dangereux ? Ce à quoi on assiste aujourd’hui, dans la crise du modèle, n’est ce pas un retournement de l’effet réseau ?
David Azéma. Il fallait aller au-delà de Lyon, mais je ne sais pas dire exactement où il aurait fallu s’arrêter dans l’extension des dessertes. Entre le seul Lyon ou toutes les dessertes que nous assurons aujourd’hui, la vérité économique du seul point de vue de l’opérateur est sans doute entre les deux, et la vérité du point de vue de la politique des transports se trouve encore ailleurs. D’un point de vue de pur opérateur, y compris d’opérateur intégré, il y a dans le réseau TGV, comme dans tous les réseaux ferroviaires, un point d’extension au-delà duquel on rencontre une rentabilité décroissante. C’est ce qui s’est passé à la fin du XIXe siècle pour les compagnies ferroviaires qui sont allées au-delà de cette limite : les investissements marginaux ne produisaient pas de revenus suffisants. Il y a un point au-delà duquel il devient extrêmement difficile de justifier l’infrastructure et les besoins de parc supplémentaires.
Si d’un point de vue strict d’opérateur on ne peut pas justifier qu’on couvre l’ensemble des dessertes actuelles, cela se présente autrement d’un point de vue collectif, public. Pour la part du réseau qui sera sous-utilisée, ou utilisée par des gens qui ne seront pas prêts à le payer entièrement, il s’agit d’une décision d’arbitrage entre clients et contribuables. Cet arbitrage en France a été placé assez loin en faveur du client par les pouvoirs publics, sans que le contribuable soit sollicité pour combler l’écart. C’est alors la dette des établissements publics qui fait la soudure.
VR&T. Fallait-il imaginer un produit mixte voie classique-voie à grande vitesse ?
D. A. C’est l’originalité du modèle français par rapport à son prédécesseur, le modèle japonais. Le modèle japonais, c’était un réseau dédié, neuf, qui dans l’équivalent japonais allait bien au-delà de Lyon. Ce n’est pas Tokyo – Osaka seulement, c’est Tokyo – Osaka – Kobe – Kyushu. Par contre, les trains ne vont pas plus loin, ils ne sortent pas de cette ligne nouvelle. Les voyageurs qui en ont besoin ont alors recours aux correspondances, à partir de ces grandes métropoles.
D’un point de vue d’opérateur, en France, on est sans doute allé trop loin dans la suppression des correspondances. On a cherché à capter le maximum de volumes en réduisant au maximum l’effet correspondance, en offrant le plus d’origines – destinations directes possibles. C’est le contraire de la stratégie aérienne : on ne rassemble pas à un point de correspondance, ou hub, des flux de taille faible pour faire un gros flux qu’ensuite on rééclate. On a de ce fait un système très consommateur en capital. Cela m’a beaucoup frappé quand j’ai comparé le nombre de rames au Japon et en France. JR Central réalise un trafic annuel de 42 milliards de voyageurs-kilomètres et nous de 45 milliards. Mais JR le fait avec 103 rames quand nous en avons 475. Le fait qu’elles soient moins capacitaires n’explique pas tout l’écart. On a longtemps dit qu’on était le premier pays TGV parce qu’on avait le plus de rames, mais ce n’est sans doute pas le bon critère d’appréciation de la performance économique.
VR&T. Un peu comme les Espagnols, qui ont le kilométrage le plus conséquent…
D. A. … alors qu’il n’y a pas beaucoup de voyageurs dessus ! Eh bien, si nous sommes nettement meilleurs que les Espagnols dans l’optimisation du « capital lignes », nous sommes beaucoup moins bons que les Japonais dans l’optimisation des rames.
Cela dit, si les pouvoirs publics jugent qu’il faut maximiser les volumes qui utilisent les infrastructures, maintenant qu’elles sont construites, alors, il n’est pas idiot de faire le plus possible de dessertes directes. Car, on le sait, moins il y aura de correspondances, moins on mettra de temps, et plus on aura de voyageurs qui prendront le train. Mais du coup il faut concevoir la tarification d’infrastructure en fonction de cet objectif politique. Il faut que la tarification d’infrastructure intègre la désoptimisation de flotte que suppose ce type de desserte pour l’opérateur.
Par analogie, si on voulait que les habitants de Memphis (Tennessee) bénéficient d’un vol direct en A380 en prolongement de Paris – New York, il faudrait sacrément modifier les taxes d’aéroport ou les redevances de route pour trouver un équilibre économique à cette desserte.
D’où notre exigence d’un taux de marge opérationnelle sur chiffre d’affaires pour l’activité TGV de minimum 20 % (sur la base d’un mix de dessertes constant), très supérieur à celui d’une compagnie aérienne dont l’utilisation du capital, bien qu’il soit beaucoup plus cher, est beaucoup plus optimisée. Une compagnie aérienne adapte ses tailles d’avions aux tailles de marchés, les fait tourner plus vite puisqu’ils vont plus vite et fait du hub. Nous n’avons pas toutes ces souplesses.
VR&T. C’est un choix qui a été fait au début du TGV et qui d’ailleurs n’allait pas de soi…
D. A. Ceux qui ont inventé le TGV l’avaient conçu sur un modèle plus compact et ne prévoyaient sans doute pas le contournement de Paris et la démultiplication des origines – destinations longues qui en résulte. Ils prévoyaient encore moins qu’on ferait des Brive – Lille, ou qu’il y aurait une desserte permanente entre la côte d’Opale et Paris.
Ils n’avaient pas anticipé le fait que le TGV soit devenu la seule expression de la modernité ferroviaire à longue distance en France. Je suppose qu’ils avaient anticipé le risque de demande d’arrêts intermédiaires et la nécessité dans leur modèle d’y résister autant que faire se peut, mais pas l’extension actuelle, ni le TGV d’aménagement du territoire. On avait au départ un concept cohérent et compact, né de l’alliance de la recherche économique et de la recherche technique, visant à exploiter avec des navettes hyperdenses et hyperfréquentes des O-D (origines – destinations) particulièrement appropriées avec de gros volumes.
VR&T. Si vous aviez fait l’aérotrain, vous n’auriez pas eu ces soucis d’extension. Vous ne regrettez pas ?
D. A. J’en doute un peu, car je crois que si cette technologie avait été réellement au point, elle aurait réémergé quelque part. Et puis, la technologie compatible avec le réseau classique que nous avons choisie présente de très grands avantages, comme la possibilité d’un phasage dans la réalisation des lignes nouvelles, ou comme la possibilité d’entrer dans les gares existantes.
Ce que je regrette, c’est autre chose. On aurait pu à l’origine penser les gares – leur architecture, leurs plans de voie, leurs flux – plus comme des lieux de correspondances. Ce qu’on n’a pas fait. N’a-t-on pas ainsi complètement raté l’occasion de réaliser, en région parisienne, ce qu’ont les Japonais à Tokyo ? Plutôt que d’avoir un contournement, et de très longs parcours de bout en bout, on a une gare centrale où il n’y pas d’interconnexion. La gare est un hub entre les Shinkansen du Nord, de JR East, et les Shinkansen du Sud, de JR Central. Toute personne qui veut aller de Sendai à Nagoya changera de train en gare de Tokyo Central. Il y a moins de risque de contamination par les incidents d’exploitation et on maximise les emports.
Peut-être que la bonne idée aurait été de faire une grande gare de correspondances par exemple sous la place de la République ou à Roissy ou Marne-la-Vallée. Pour poursuivre cet exercice de rail-fiction, je formulerai un autre regret, c’est que la gare de Roissy n’ait pas été placée sur l’itinéraire entre Paris et Londres, ce qui empêche de faire de Roissy-CDG, grâce à l’Eurostar, l’aéroport du sud-est de l’Angleterre. Ce qui aurait été bon à la fois pour Eurostar, pour Aéroports de Paris et pour Air France.
VR&T. Le modèle TGV aujourd’hui est en crise. On entend dire que vous auriez 150 rames de trop. Vous confirmez ?
D. A. Ce que nous disons, c’est que nous avons plus de 30 % de dessertes TGV qui ne couvrent pas leurs charges de capital. Si nous étions un acteur normal et rationnel, nous aurions revendu les rames utilisées pour ces dessertes aux Espagnols ou pourquoi pas aux Chinois. 30 % du parc, cela fait environ 150 rames. Dire qu’on a 150 rames de trop, c’est un peu un effet de manche, mais ce n’est pas loin de la vérité. Avec la dynamique de péages actuelle, si la branche SNCF Voyages (transport ferroviaire de voyageurs grande vitesse) était une entité autonome, elle ne pourrait pas obtenir d’un banquier le financement pour renouveler la totalité de sa flotte à partir de 2020.
VR&T. Si vous étiez un opérateur normal, quelles dessertes arrêteriez-vous ?
D. A. Nous ne sommes pas un opérateur « normal », et c’est pourquoi cette question est assez virtuelle, une forme de démonstration par l’absurde. En fait, nous savons que la restauration du modèle économique TGV par le seul ajustement des dessertes à la baisse serait impossible. Je vais prendre un exemple qui me semble très révélateur : les liaisons TGV dont le temps de trajet n’excède pas une heure, qui deviennent des trains de banlieue pour leurs clients. Lorsqu’on habite en province à une heure de TGV de la capitale, on peut organiser sa vie pour travailler à Paris et s’y rendre chaque jour en TGV. La distance est importante, 300 km, tout en ayant un temps de parcours de grand banlieusard. Or, en l’espèce, l’abonnement payé par les clients de ce type de liaisons TGV ne couvre parfois même pas le péage que nous payons à Réseau Ferré de France ! Est-ce concevable que nous fermions ces trains à ces clients « commuteurs » ? Sans doute pas, c’est pourquoi nous réclamons une politique de péages d’infrastructures raisonnée qui permette le maintien d’une certaine péréquation entre les TGV.
VR&T. Vous évoquiez la desserte de la Normandie. On a l’impression que pour cette ligne comme pour la ligne nouvelle Paca, si on les fait un jour, la SNCF n’a pas la bonne réponse, qu’il faut inventer quelque chose d’autre que le TGV pour ces dessertes en chapelets de villes, à l’allemande.
D. A. Il revient d’abord aux constructeurs de trains d’inventer le produit. Un train conçu pour une relativement longue distance et la très grande vitesse n’est pas adapté à des interdestinations de moins de 100 km : ni dans son temps d’accélération, son temps de freinage, ni dans la conception même de caisse, la façon d’y monter ou d’en descendre. Nous avons, nous aussi, à apporter une réponse, mais nous ne sommes plus aujourd’hui, institutionnellement, le seul penseur du système ferroviaire français. S’il devait y avoir un nouveau concept pour Paris – Rouen – Le Havre ou pour Marseille – Toulon – Nice, il devrait y avoir une réflexion collective. Ces projets de ligne seraient, c’est vrai, un bon support pour faire évoluer le concept.
VR&T. Nous avons évoqué deux facteurs qui déséquilibrent le système, certaines dessertes trop longues et les coûts de l’infrastructure. Un autre va s’ajouter : la concurrence.
D. A. A ce sujet, il y a un argument que je réfute toujours, c’est qu’il faudrait augmenter nos péages pour notre bien, pour nous aider à faire face à la concurrence ! Je préfère affronter les concurrents en étant vivant et en bonne santé plutôt que fragile. Car la vraie menace, ce n’est pas l’écrémage, c’est l’étranglement de SNCF Voyages par un niveau de péages trop élevé et une qualité opérationnelle qui se dégrade. J’espère que les pouvoirs publics définiront des modalités d’ouverture du marché qui n’auront pas pour effet d’affaiblir le système ferroviaire, à la fois financièrement et opérationnellement. Il faut que l’ouverture à la concurrence domestique longue distance n’ait pas pour effet de transférer massivement au contribuable les bénéfices restitués au client par la baisse des prix offerte par la concurrence : le système coûte aussi cher, le client paye moins cher et c’est le contribuable qui fait la différence.
Opérationnellement, il faut que la concurrence soit pensée non pas dans un monde où tout le monde est identique et égal, ce qui n’est pas vrai, mais qu’elle soit un aiguillon pour que l’ancien monopole se remette en cause et progresse. Mais il faut que cette concurrence-aiguillon reconnaisse le rôle pivot que joue SNCF dans le système ferroviaire français. Faute de quoi, il n’y aura pas de concurrence car il n’y aura pas d’écosystème ferroviaire offrant le rapport nécessaire à l’exercice de la concurrence.
VR&T.?Alors comment faut-il ouvrir selon vous ?
D. A.?Je pense qu’il faut ouvrir avec un bon régulateur et des pouvoirs publics qui trouvent une balance entre de l’open access challengeant le modèle central et une forme de péréquation admise entre les dessertes phares de l’opérateur historique et d’autres dessertes qu’il assure. Les concurrents ne peuvent pas tout prendre à l’opérateur historique sur les bonnes dessertes et lui laisser le reste.
VR&T. Sur deux points déjà vous avez été bien entendus par l’Araf : le refus du péage à la silhouette et le refus d’un péage plus élevé pour les parcours sur ligne classique.
D. A. C’était tout de même étrange de vouloir nous faire payer plus cher un train qui ne consomme pas plus de sillons qu’un autre, qui est plus plein parce qu’on a fait des efforts de productivité en achetant des véhicules plus gros, et qu’on nous pique une partie de cette productivité. Ce n’est pas une incitation à faire des choses intelligentes. Etrange aussi d’introduire une tarification différenciée selon l’aptitude à la vitesse sur les voies classiques ; parce qu’il peut aller plus vite alors qu’il ne va pas plus vite, le TGV aurait payé plus cher sur les lignes classiques ! L’argument, c’est qu’il serait peuplé de clients payant plus cher. C’est une idée fausse parce que sur pas mal de dessertes terminales, la dégressivité kilométrique, plus la politique commerciale yield-managée peuvent faire que la recette moyenne TGV est moins élevée que celle du TER. Sur ces deux points, nous avons été entendus et nous en sommes heureux. Mais il faut aller au-delà pour sauver une réalisation aussi belle que le TGV.
En réponse à David Azéma, qui s’est exprimé dans notre dernier numéro dans le cadre de notre dossier spécial anniversaire « 30 journées qui ont fait le TGV », Jean-Claude Favin Lévêque, consultant indépendant, ancien cadre dirigeant de la SNCF, revient sur deux points évoqués dans l’entretien : l’extension du réseau et la concurrence.
L’entretien avec David Azéma dans votre numéro du 27 juillet illustre bien la problématique du ferroviaire français. Venant de l’homme qui passe pour connaître le mieux les paramètres du modèle économique de notre système ferroviaire, ce discours sur les limites du modèle sonne comme un avertissement. En contrepoint des célébrations officielles du trentenaire du TGV, il met en relief l’essoufflement de la grande vitesse française. C’est pourquoi j’aimerais prolonger le débat en reprenant deux éléments essentiels de cet entretien, l’extension du réseau et la concurrence.
« Il fallait aller au-delà de Lyon, mais je ne sais pas dire exactement où il aurait fallu s’arrêter dans l’extension des dessertes. » Le discours de David Azéma, qui veut un réseau compact, ne manque pas de résonner avec celui du député Mariton, qui conteste l’extension de la grande vitesse programmée dans le schéma national des infrastructures de transport (Snit). Cette déclaration renvoie à la vision traditionnelle et centralisatrice de ce grand projet. Le TGV avait pour mission de relier Paris à la province et de mettre les grandes métropoles à 3 heures de la capitale. Malgré ce déploiement par radiales, il fait plus que cela. Le TGV Méditerranée relie aussi la région lyonnaise à la Côte d’Azur et au Languedoc. Dans cette deuxième lecture, le TGV a pour fonction de relier les provinces entre elles, et notamment les grandes métropoles ou aires économiques. Gagner une heure sur Bordeaux – Toulouse a aujourd’hui plus de sens commercial qu’une heure sur Paris – Bordeaux et est mieux à même de générer des trafics donc des recettes supplémentaires. Mais cette vision reste franco-française et insuffisante en elle-même pour justifier le Snit et garantir le modèle économique des opérateurs. Car la grande vitesse ne trouve sa vraie raison d’être que dans l’Europe. Elle permet deux choses. La première est de concurrencer l’avion jusqu’à 1 200 km et la deuxième de créer des réseaux transnationaux. C’est donc la promesse de nouveaux marchés. « La société Lyon Turin Ferroviaire (LTF), promotrice de la future ligne de TGV, qui devrait mettre la capitale du Piémont à 3 heures 30 de Paris à l’horizon 202 (Le Monde du 29 juillet). » Hors parisianisme, le Piémont accorde certainement plus d’importance à la liaison sur Lyon qu’à celle sur Paris. Avec le réseau transeuropéen, la ville de Lyon sera à distance commerciale de l’Allemagne du Sud, de l’Autriche, de toute l’Italie du Nord et de la Catalogne. Donc il ne s’agit pas d’aller « au-delà » de Lyon mais bien de desservir « à partir » de Lyon et de croire que des réseaux régionaux transeuropéens « valent bien » la grande vitesse et constituent des marchés en eux-mêmes.
Un deuxième point m’a fait réagir : « Il faut que la concurrence soit pensée [de sorte] qu’elle soit un aiguillon pour que l’ancien monopole se remette en cause et progresse. » Il y a beaucoup de condescendance dans ce propos. La SNCF a-t-elle pris des parts dans NTV et Westbahn pour simplement servir d’aiguillon à Trenitalia et aux ÖBB ? J’imagine un projet stratégique d’une autre ampleur. L’aérien nous a donné en effet un bon exemple de l’impact de la concurrence. Les compagnies low-cost n’ont pas conquis 40 % de parts de marché en se contentant d’écrémer les lignes rentables. Elles ont surtout produit autre chose autrement. Elles ont produit autrement et imposé des réformes de productivité bénéfiques à tous les voyageurs et garantes de leur rentabilité. Elles ont produit autre chose en multipliant les lignes nouvelles et transverses qui ont mis les provinces françaises en relation directe – c’est-à-dire sans passer par Paris – avec l’Angleterre, les pays nordiques ou les destinations touristiques de Méditerranée. J’ignore comment et quand le modèle low-cost pourra se développer dans le ferroviaire. En revanche, je suis persuadé que la concurrence aura un impact sur deux décennies qui ira bien au-delà d’une simple stimulation des opérateurs historiques.
La conjonction de ces trois éléments, réseau européen, grande vitesse et concurrence, va profondément bouleverser le paysage du voyage grandes lignes. L’ouverture des réseaux va susciter l’innovation des acteurs, qui vont construire des marchés en refondant les modèles commerciaux et économiques. Pour la France, il ne s’agit donc plus de défendre un modèle national précurseur mais prochainement dépassé. Au contraire il faut se projeter dans cet avenir. Après avoir rapproché Paris de la province, la grande vitesse va relier la France à l’Europe et les régions françaises aux régions européennes. A rebours de ce futur, se situe un courant du microcosme ferroviaire français qui plaide pour un moindre engagement dans le TGV. Ce déclinisme repose sur un double pessimisme. Le premier est celui de penser que le ferroviaire français, effectivement en crise, n’est pas capable (voire n’a pas besoin) de se réformer et d’améliorer sa performance économique. Le deuxième est de ne pas croire en l’espace ferroviaire unique et en son potentiel de développement. La France se mettrait ainsi en marge du ferroviaire européen alors qu’elle avait vocation à être le champion du secteur de la grande vitesse.
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