Je me connecte

E-mail*
Mot de passe*

> Mot de passe oublié?

Je m'inscris

*Champs obligatoires

Conformément à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée en 2004, vous bénéficiez d’un droit d’accès et de rectification aux informations qui vous concernent.
1. Mon Compte
2. Mes activités
3. Mes Newsletters

Vous devez lire et accepter nos conditions générales de vente et d’utilisation *

* Mentions obligatoires

Je souhaite recevoir la newsletter :

Je m'enregistre

Mot de passe oublié ?

Ewa

Montpellier fait le pari de la gratuité des transports publics pour ses habitants

Tramway Montpellier gratuité

Difficile d’avoir une approche laïque de la gratuité des transports publics, pour reprendre l’expression de Jean-Pierre Orfeuil, professeur émérite à l’Université Gustave Eiffel. Alors que Montpellier, septième ville de France, va basculer juste avant Noël, les transports gratuits font toujours débat.

A Montpellier, les élus ont décidé de plonger dans le grand bain de la gratuité. La promesse de campagne de Michaël Delafosse, maire et président socialiste de la métropole (500 000 habitants), finit par se réaliser : jeudi 21 décembre, l’ensemble des habitants monteront sans payer à bord des tramways, des bus et bientôt des bus à haut niveau de service. Un passe gratuité en poche. La mesure était en place pour les résidents, les week-end depuis 2020, puis tous les jours depuis 2021 pour les moins de 18 ans et les plus de 65 ans. « Nous osons maintenant la gratuité universelle », s’enorgueillit Julie Frêche, vice-présidente de la collectivité locale (lire son interview). Les non-métropolitains continueront d’acheter des billets ou un abonnement.

A gauche, à droite, le sujet de la gratuité a fini par s’imposer pour les transports publics et ne s’embarrasse plus des étiquettes politiques des élus locaux. La mesure est électoralement payante et immanquablement, il y a davantage de passagers dans les bus et les tramways quand ils sont gratuits. A Aubagne, la fréquentation a doublé. A Dunkerque, elle a bondi de 125 % en cinq ans. Il est vrai que la ville du Nord partait de loin.
Pour Arnaud Passalacqua, coprésident de l’Observatoire des villes du transport gratuit, « C’est clairement une marque politique. A Dunkerque, la différenciation par la gratuité a permis au maire de l’époque, Patrice Vergriete (nommé en juillet 2023 ministre du Logement, NDLR), de prendre la lumière. ça plaît à l’électeur alors que ce n’est pas vraiment une demande des usagers », avance-t-il. Quand Bruno Bernard, vice-président écologiste de la métropole de Lyon rejette la gratuité, estimant qu’elle mettrait en péril les investissements nécessaires au développement des transports (la billetterie rapporte 55 % des ressources du réseau), Joanna Rolland, maire et présidente socialiste de la métropole de Nantes s’interroge sur son extension au-delà des week-end, et n’ira finalement pas plus loin.  A Paris, Anne Hidalgo y avait pensé, Valérie Pécresse, présidente de région et d’Ile-de-France Mobilités, avait vite éteint l’étincelle avec une étude affirmant que le coût serait énorme pour les contribuables :  500 euros par an pour chaque ménage francilien. Un an avant les élections municipales de 2020, la maire de Paris s’était contentée de rendre les transports publics gratuits aux enfants de 4 à 11 ans ainsi qu’aux Parisiens handicapés de moins de 20 ans. Aujourd’hui, une quarantaine de villes ont fait le choix de la gratuité, à 100 % ou partiellement (voir la carte ci-dessous).

Objectiver le débat

Ses détracteurs affirment que la mesure est injouable si l’on veut préserver le fragile équilibre financier de ce service public déjà fortement subventionné. Elle serait même contre-productive car là où les villes ont opté pour des bus gratuits, ce sont les piétons et les cyclistes qui se sont rués à bord. Pas les automobilistes.
Une étude conduite en 2020 par Frédéric Héran, maître de conférence à l’université de Lille, sur les effets de la gratuité dunkerquoise, révélait que la voiture avait reculé de 3 % en un an dans la ville nordiste, la marche de 3 %, et les déplacements à vélo de 12 %. Bref, les transports gratuits auraient un impact sur le report modal, mais pas celui que l’on escomptait… « Pour avancer des vrais chiffres sur le report modal, il nous faut attendre la prochaine grande enquête ménage prévue en 2024.
Et dans tous les cas, les changements de comportement, c’est du temps long », rétorque Vanessa Delevoye, directrice de l’innovation à l’Agence d’urbanisme de Dunkerque. Insistant sur le motif avant tout social de la gratuité mise en place en 2018 : « On ne lui demandait pas de changer les comportements en faveur des transports publics, mais selon la dernière étude de l’Observatoire, en 2022, on s’aperçoit qu’il y a enfin des cadres dans nos bus : pas parce que c’est gratuit, mais parce que c’est plus simple », ajoute-t-elle. Wojciech Keblowski, chercheur en urbanisme à l’Université libre de Bruxelles et membre du comité scientifique de l’Observatoire des villes du transport gratuit, ose quant à lui des comparaisons extrêmes : après tout, les ascenseurs urbains, ou les parcs publics sont gratuits, peut-on lire dans ses articles.
De leur côté, les anti-gratuité craignent qu’elle ne tue les transports publics en les paupérisant, alors qu’un mur d’investissement et de dépenses de fonctionnement se dressent devant les autorités organisatrices de la mobilité. « Au final, si vous n’avez pas une vision complète, une stratégie et un programme d’investissement pour permettre d’augmenter la qualité des transports publics, alors introduire uniquement la gratuité n’est pas une bonne idée », affirmait mi-2023, François Bausch, ancien vice-premier ministre du Luxembourg. Le pays est passé en 2020 à la gratuité totale de tous les transports ! Il en a les moyens… En attendant, pour les Montpelliérains, le cadeau de Noël de leur maire, ce sont des transports 100% gratuits. 

Nathalie Arensonas

Interview. « Devant l’urgence des crises, il faut oser la gratuité des transports »

Julie Frêche, vice-présidente de la métropole de Montpellier, chargée des transports et des mobilités actives.

Ville, Rail & Transports. Juste avant Noël, la 7e ville de France basculera vers la gratuité totale des transports publics. Ce n’est plus un épiphénomène réservé à quelques petites villes : comment l‘expliquez-vous ?
Julie Frêche. Le réchauffement climatique n’est plus une perspective mais une urgence et la question du pouvoir d’achat est la priorité numéro un des Français. Les politiques publiques doivent arriver à concilier la défense de l’environnement et la protection du pouvoir d’achat. La gratuité des transports répond à ces deux défis. Le XIXe siècle a été celui du combat pour l’école publique, laïque et gratuite. Le XXe, celui du combat pour la Sécurité sociale. Le XXIe doit être celui du droit à la mobilité, avec la gratuité des transports. Parce que nos déplacements ont un impact trop fort sur la qualité de l’air. Et si à Montpellier, nous défendons une gratuité universelle, c’est parce que la classe moyenne, cœur battant de notre pays, ne sera plus exclue des aides, comme elle pouvait l’être avec une tarification sociale et solidaire. C’est une mesure écologique non punitive et universelle.
Entre 1994 et 2019, les parts modales n’ont pas bougé  : il y a toujours 79 % de Français qui prennent la voiture pour se déplacer, 23  % qui marchent, 9 % qui prennent les transports collectifs et 2 % le vélo. Devant l’urgence des crises, économique, sociale, climatique, il faut oser des choix innovants. La gratuité des transports en est un.

VRT. Passé l’effet waouh de la gratuité, juste avant Noël, quelles sont vos attentes ? Une hausse importante de la fréquentation des trams, des bus ? Sur la durée ?
J. F. La gratuité n’est pas un acte isolé, elle est intégrée dans une stratégie mobilités qui actionne plusieurs leviers à la fois : plan de circulation anti-transit, voitures repoussées vers des axes de contournement, zone à faible émissions, site propre pour les bus à haut niveau de service, réseau express vélo, covoiturage gratuit, aide de 500 euros pour l’achat d’un vélo à assistance électrique.La gratuité n’aurait aucun sens si elle n’était pas corrélée à une augmentation du service de transport public. Avancer de chiffres de fréquentation post-gratuité serait hasardeux. Les réseaux n’ont toujours pas récupéré leur niveau de fréquentation d’avant Covid, et ceux qui s’en sortent le mieux sont ceux qui pratiquent la gratuité…

VRT. A Dunkerque, la gratuité a pris des parts de marché aux mobilités douces, marche, vélo, vous ne craignez pas le même écueil à Montpellier ?
J. F. L’Observatoire des villes du transport gratuit montre qu’un an après la gratuité, 48 % des Dunkerquois interrogés déclaraient prendre le bus pour certains des trajets qu’ils faisaient en voiture, et 8 % avaient complètement renoncé à la voiture. Un tiers envisageait de s’en passer dans les cinq à dix ans à venir. Cela montre qu’il y a progressivement un report modal de la voiture vers le transport collectif. Tallin, la ville estonienne qui pratique la gratuité depuis dix ans, n’a pas de problème de congestion automobile.

VRT. A Montpellier, une part importante des automobilistes vivent hors de la métropole, ils ne sont pas concernés par la gratuité.
J. F. Oui, c’est un problème. En 2005, le projet d’extension de ce qui était alors la communauté d’agglomération de Montpellier a été refusée par le Préfet, pour des raisons purement politiciennes. Le périmètre de la métropole ne correspond pas à l’aire urbaine et aux déplacements. Le temps n’est peut-être plus à l’extension des périmètres, mais nous proposons aujourd’hui de créer des coopérations renforcées avec les intercommunalités voisines, afin qu’elles participent et financent la gratuité des transports pour leurs habitants. Pourquoi pas une gratuité à la carte : parking + tram, gratuité pour les séniors, les moins de 18 ans, les étudiants ? Nous sommes prêts à engager des réunions techniques avec ces intercommunalités pour trouver des solutions pour les habitants qui effectivement, résident hors de la métropole, mais viennent y travailler en voiture.
Plus on est volontaristes, plus on nous reproche de creuser des inégalités avec des territoires dont on ne gère pas les gouvernances !

VRT. La gratuité n’est pas gratuite, comment la financer ?
J. F. Je retourne la question puisque personne ne nous la pose : comment finance-t-on l’entretien de la voirie qui coûte 42 millions d’euros à notre collectivité ? Je trouve que le débat est assez déraisonnable sur la question des transports gratuits. Soyons transparents : cela coûtera entre 30 à 35 millions d’euros de recettes commerciales auxquelles va renoncer la métropole, soit 5,7 % de son budget de fonctionnement. Il restera environ six millions d’euros de recettes issus de la vente des billets aux voyageurs non métropolitains puisque seuls les habitants de la métropole bénéficieront des transports gratuits. Chez nous, le versement mobilité (VM) est très dynamique : il va passer de 90 millions d’euros en 2020 à 120 millions d’euros en 2024, grâce au pouvoir d’attractivité de notre territoire.
Et la gratuité fait partie des atouts de la métropole pour faire venir des entreprises et de la matière grise. Ces 40 millions d’euros de VM supplémentaires suffisent à compenser le prix de la gratuité des transports.

VRT. Avec la gratuité, y a-t-il un risque d’insécurité ?
J. F. Dans le sondage qualitatif réalisé par la métropole, la peur de l’insécurité liée à la gratuité n’est pas anodine. A partir des chiffres des incivilités déjà constatées sur notre réseau, nous avons décidé de créer une police des transports, avec 42 agents à terme.
Mais le lien entre gratuité et insécurité n’a jamais été démontré. Plus il y a de voyageurs, plus les transports sont sûrs.

Propos recueillis par N.A

Ewa

A Dunkerque, la gratuité des transports publics n’a pas conduit à un abandon de la voiture

Dunkerque bus
La gratuité incite-t-elle les automobilistes à choisir davantage les transports en commun ? C’est ce qui s’est passé à Dunkerque où la gratuité a été instaurée en septembre 2018, affirme l’étude menée par l’Observatoire des villes du transport gratuit.
Pendant quatre ans, et jusqu’en 2022, l’association de chercheurs VIGS (Julie Calnibalosky, Emre Korsu), a interrogé 2146 personnes, en face-à-face, aux arrêts de bus de toutes les communes de l’agglomération, pour finalement en sélectionner 589, titulaires du permis de conduire et ayant le choix entre la voiture ou le bus. Les chercheurs ont mené 23 entretiens individuels approfondis autour de trois thèmes : économies et pouvoir d’achat, habitudes de déplacement et démotorisation.
Les résultats, dévoilés en juin 2023, montrent que 72 % des automobilistes-usagers du bus interrogés déclarent que la gratuité a été le déclencheur d’une utilisation accrue du bus, même si 23 % étaient déjà des habitués du réseau.

Des économies à la clé

Les automobilistes-usagers du bus sont d’abord des « Dunkerquois.e.s en emploi et impliqués dans une vie familiale avec enfants » (35 %), puis des « actifs fragilisés par un divorce ou au chômage » (28 %), et des « retraités » (19 %). Ces usagers empruntent le bus « Tous les jours ou presque » (39,2 %), « Plusieurs fois par semaine » (38,2 %) et « Plusieurs fois par mois » (18,3 %). Pour quel motif ? Aller au travail (27,6 %), autant que faire des achats (27,3 %), mais moins pour des loisirs (13.6 %).
Près du tiers des personnes interrogées choisissent le bus pour faire des économies. Mais seules 30 % d’entre elles ont une idée précise des économies réalisées. Les propriétaires d’une voiture les évaluent à 100 euros par mois, et ceux qui n’en possèdent plus à 189 euros par mois en moyenne. Ces économies permettent notamment de maintenir le même niveau de vie (loisirs, courses alimentaires et d’habillement) en temps d’inflation.

Efficacité du réseau

Seconde raison de monter à bord des bus  pour un quart environ des sondés : les performances de ce mode de transport , plus précisément, « la rapidité et l’efficacité du réseau » qui leur « apportent un confort d’usage, une tranquillité d’esprit et le fait de n’avoir rien à penser pour prendre le bus ».

Il existe quelques cas d’usages pour lesquels la voiture reste privilégiée, en particulier pour les travailleurs en horaires décalés ou pour ceux qui multiplient les déplacements chez les clients.
C’est sans doute ce qui explique en partie le faible abandon définitif de la voiture au profit des transports en commun. Sur 589 répondants, seuls 48 ont déclaré avoir abandonné leur voiture entre 2018 et 2022, soit 8,1 % des personnes interrogées.
Les perspectives sont plus encourageantes : un tiers (33 %) des automobilistes-usagers du bus envisage de se passer de sa voiture dans les cinq à dix ans à venir. Et les rédacteurs de l’enquête de conclure : « On peut aussi faire l’hypothèse que si des mesures fortes visant à décourager la pratique automobile étaient prises, les chiffres de fréquentation du bus s’envoleraient encore davantage ».
Yann Goubin