L’intelligence artificielle au service de la maintenance prédictive est la grande attente des transporteurs. Pour preuve, l’incident « exceptionnel » survenu sur la ligne 4 du métro parisien, le soir même de l’ouverture à Paris de VivaTech. De nombreux voyageurs sont restés bloqués pendant près de deux heures dans des rames automatiques bondées et surchauffées.
Sur le grand salon européen de la tech installé pendant trois jours à la Porte de Versailles, avec Emmanuel Macron et Elon Musk en guest stars, c’est une pluie d’innovations, plus ou moins abouties, accélérées ou pas par des business angels. Voici quelques exemples vus et entendus sur les stands de la SNCF et de la RATP.
Une laisse numérique à la place de l’odomètre, ce compteur kilométrique qu’il faut faire (difficilement) rouler sur les rails pour les inspecter. L’an passé à VivaTech, la RATP avait déjà présenté son chien Perceval, un robot canin acheté à l’entreprise américaine Boston Dynamics et qu’elle utilise, depuis, pour inspecter les parties du réseau de métro et de RER difficilement accessibles aux humains. Cette année, SNCF Réseau a annoncé se servir de Robby (nom du code de son chien robot) pour les mêmes usages. Et notamment pour mesurer la corrosion des rails, explique Benoit Besson, responsable de l’Agile Studio chez SNCF Réseau. Il présentait différents cas d’usage d’innovations développées dans le cadre du Rail Open Lab, laboratoire d’idées qui associe les principaux acteurs du transport pour accélérer des projets technologiques et numériques de la filière ferroviaire française. Et les rendre industrialisables.
Robot thermomètre
La PME grenobloise Moïze a pu ainsi faire un « sprint » (période test dans le jargon des start-uppers) de quatre mois pour développer un petit module autonome alimenté par énergie solaire thermique pour surveiller la température des fils caténaires (au-delà de 60 degrés Celsius, il y a risque de rupture ). Testée sur le réseau ferré, à Vaires-sur-Marne en Seine-et-Marne, la sonde qui s’accroche grâce à des griffes dans la gorge du fil de contact est déployée depuis avril 2022 sur la ligne classique entre Lyon et Saint-Etienne. Moïze a déposé un brevet et teste une technologie un peu différente sur la ligne à grande vitesse Atlantique avec un système qui, cette fois, encercle le câble de la caténaire. La sonde thermique permet aussi de monitorer l’échauffement du fil de contact lors de la préparation rapide des trains, à l’arrêt, explique son concepteur Hervé Deslandes, accueilli sur le stand du groupe SNCF, dans le village des start-up.
Détection de mouvement de foule
Non loin, XXII (prononcez Twenty two), pépite de la French Tech qui a fait une levée de fonds de 22 millions d’euros en mars 2023 et dans laquelle la SNCF est récemment entré au capital, présentait son logiciel d’analyse en temps réel des flux sur vidéos. Il permet de détecter un mouvement de foule, un départ de feu, une intrusion sur les voies, un bagage abandonné, par exemple. Un outil à base d’intelligence artificielle dont entend bien se servir le transporteur pendant les JO de Paris 2024.
Sur le stand de la RATP et son village de start-up, plein d’outils high-tech également, dont certains sont testés ou en cours de déploiement sur le réseau francilien dans le but d’améliorer le quotidien des voyageurs ou des agents de maintenance. Le Gravipack, par exemple un sac a dos exosquelette conçu par une PME française, déjà commercialisé en version loisirs et dont une version pro a été développée pour la RATP pour ses agents de maintenance itinérants qui parcourent plusieurs kilomètres avec des charges lourdes sur le dos.
Endormi dans le métro
Ou bien, DetectIA, un algorithme de détection de voyageur resté dans la rame au terminus des lignes automatiques. Donc, sans conducteur. Les agents du poste de commande centralisé (PCC) vérifient à distance l’intérieur des rames grâce aux caméras embarquées, mais ils ne peuvent pas tout voir. Surtout aux heures de pointe, quand le ballet des métros est intense : « Il reste à peine 20 secondes à l’agent au poste PCC pour inspecter les images », explique Côme Berbain, l’actuel directeur de l’innovation du groupe RATP. Un délai trop bref pour éviter les erreurs, et c’est là que DetectIA intervient et détecte 99 % des situations, « sans conserver aucune donnée : il ne repère que des silhouettes et ne sert que d’aide à la décision », insiste le porte parole de la RATP. Cnil oblige. DetectIA est déjà utilisé aux terminus de la ligne 14, ligne stratégique pour les JO 2024, avec ses prolongements jusqu’à Saint-Denis au nord et l’aéroport d’Orly.
Nathalie Arensonas