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Ewa

«Le gouvernement a fait des promesses intenables sur les LGV», selon Yves Crozet

Yves Crozet

Dans sa lecture « entre les lignes » du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI), le spécialiste de l’économie des transports y voit une interrogation des choix de l’Etat. Autrement dit, le COI met le gouvernement face à ses responsabilités après le revirement politique de Jean Castex puis d’Emmanuel Macron en 2021, en faveur des nouvelles LGV.

Villes, Rail & Transports : Vos premières réactions à la lecture du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI) ?
Yves Crozet :
Je vais emprunter une formule suisse : je suis déçu en bien !

VRT : Si l’on traduit, cela signifie que vous êtes agréablement surpris par les choix d’investissements préconisés au gouvernement ?
Y. C : Oui, car au nom des grandes orientations stratégiques, le risque était de donner l’impression d’écrire une lettre au Père Noël ! Comme l’avait d’ailleurs fait le COI en mars 2022, en interpelant le gouvernement sur le « mur d’investissements » qui devait être surmonté en France. Il était alors retombé dans la logique du SNIT [Schéma national directeur des infrastructures de transports, remplacé par le COI en 2021, ndlr], c’est-à-dire une liste des courses intenable budgétairement. J’étais donc méfiant avant la sortie du rapport censé orienter l’Etat sur presque deux quinquennats. Et au final très surpris. Car les élus du COI prennent nettement leur distance avec eux-mêmes en disant que leur document de mars 2022 n’était pas raisonnable. Et ils sont assez cash en écrivant que le scénario d’investissements le plus ambitieux, le troisième à 98 milliards d’euros sur quatre quinquennats, n’est pas raisonnable et n’emporte pas la majorité des membres du COI, dont les élus.

VRT : Vous y devinez la plume du ministère ?
Y.C :
A mon avis, cette prise de conscience vient à la fois de tous ceux qui, au ministère des Transports, ont encadré le travail du COI : les membres du conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) autour de Pierre-Alain Roche, et de la DGITM qui a rédigé la revue de détail des projets. Il suffit de lire entre les lignes…

VRT : Qu’est-ce que vous y lisez ?

Y.C : Une sorte de critique interne. Je m’explique : le COI confie sa préférence pour le scénario 2, à 84,3 millions d’euros sur 2023-2027, tout en soulignant que la marche financière est trop haute. Au final, la réalité sera donc sans doute proche du cadrage budgétaire à 54,8 milliards d’euros [c’est le choix de Bercy, ndlr], avec une petite rallonge au profit de la régénération du réseau ferré et des transports du quotidien. En écrivant cela, il glisse discrètement que le gouvernement a fait des promesses intenables sur les LGV. Le COI dit aussi au gouvernement que s’il en reste au scénario 1, dit de « cadrage budgétaire » alors il faudra repousser de cinq ans les travaux sur tous les projets de lignes à grande vitesse.

VRT : Allusion au revirement d’Emmanuel Macron en 2021 sur les LGV, et des promesses budgétaires de Jean Castex, son premier ministre d’alors ?
Y.C : Ce rapport met le gouvernement face à ses responsabilités. Il dit : vous avez changé de logique et avez renoué avec les vieilles traditions des grands élus en donnant votre feu vert sur des projets qui dévorent tous les fonds. A la lecture des chiffres du rapport, on voit bien que les coups partis et les grands projets LGV aspirent tout. C’est sidérant ! Sur les 54,8 milliards d’euros budgétairement cadrés, il y en déjà 17 pour le métro du Grand Paris. Sur les 14 milliards dévolus au réseau ferré, une grosse partie va aux LGV. Et si on ajoute les coups déjà partis, on s’aperçoit que 10 milliards de l’Afit France vont au tunnel Lyon-Turin, au canal Seine-Nord, au nœud ferroviaire lyonnais. Les subventions de l’Europe pour les grands projets et les LGV sont des pousse-au-crime. C’est ce qu’on appelle le rendement décroissant de la dépense publique (lire l’encadré ci-dessous).
Dans son rapport courageux, le COI souligne entre les lignes que si l’on veut répondre aux besoins de sobriété, de transports du quotidien, alors il faut en finir avec cette logique bien française de courir après les grands projets. Les fonds disponibles vont principalement au métro du Grand Paris et aux transports collectifs d’Ile-de-France.

VRT : La route est moins bien servie.
Y.C : C’est sûr, on ne lit pas un soutien particulier à la route. Des passages du rapport expriment clairement qu’il faut arrêter de vouloir construire des deux fois-deux voies. L’heure n’est pas à la générosité mais, le plus intéressant, c’est la volonté du COI de revoir les modèles économiques de financement des transports : celui des transports collectifs comme celui des concessions autoroutières. Même si, pour les concessions, la réflexion ne me semble pas assez poussée.

VRT : Comment ça ?
Y.C :
Le COI réfléchit à périmètre constant. Que dit le rapport ? Soit on renouvelle les concessions en réduisant leur taille et leur durée pour ne plus se faire avoir. Et c’est en gros ce que va pointer l‘Autorité de régulation des transports dans son prochain rapport quinquennal sur les concessions d’autoroutes qui doit être publié fin janvier. Soit on crée une société d’Etat pour les gérer. De mon point de vue, la fin des concessions autoroutières doit être l’occasion de repenser la tarification du réseau routier, au-delà des 10 000 kilomètres d’autoroutes concédées. C’est la tarification des 25 000 kilomètres de réseau routier à gros trafic qu’il faut repenser entièrement, dans la logique de l’Eurovignette. Plutôt que de se polariser uniquement sur le réseau autoroutier concédé.

Propos recueillis par Nathalie Arensonas

La mobilité, un bien commun

Dans son étude « Engagements climatiques et mobilités : à la recherche du bien commun », rédigée pour le laboratoire d’idées TDIE (transports, développement intermodalité, environnement) et présentée mi-janvier à la presse, Yves Crozet décortique le concept de « rendement décroissant » des grands projets d’infrastructures de transport. L’économiste spécialiste des transports constate qu’au cours des quinze dernières années, et malgré les nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse (LGV Est, Sud-Europe Atlantique, Bretagne-Pays-de-la-Loire, Méditerranée), la part du train a très peu progressé – elle est passée de 10 à 11% des déplacements en France, et a cédé deux points pour le fret, reculant de 10 à 8%. En ligne avec ses voisins européens, puisque le réseau de LGV a triplé en Europe, alors que le trafic a seulement doublé.
Yves Crozet qui préside aussi l’Union routière de France, un autre think tank, défend la mobilité sur route, qui représente entre 75% et 85% des usages. Sans se focaliser sur la voiture électrique car, compte tenu de son prix, le renouvellement du parc automobile sera encore modeste à l’horizon 2030, selon lui. Avec cette étude, TDIE, commanditaire de l’étude, s’interroge sur l’avenir du droit à la mobilité dans le contexte du changement climatique, des impératifs de décarbonation des transports et de sobriété. Ce droit à la mobilité instaurée il y a 40 ans par la loi d’orientation sur les transports intérieurs (Loti) et rappelé avec force en 2019 par Elisabeth Borne, alors ministre des Transports, dans sa loi d’orientation des mobilités (LOM). Le mouvement des gilets jaunes contre le projet de taxe sur les carburants a montré combien la taxation de la route est un sujet explosif, l’entrée en vigueur à tâtons des zones à faible émissions le rappelle aujourd’hui. Pour Yves Crozet, qui fait partie du conseil scientifique de TDIE, les mobilités doivent aujourd’hui être pensées par les citoyens et les politiques comme un bien commun qu’il faut préserver, économiser. Et payer plus ? La mobilité ne peut plus être considérée comme un droit individuel et sans limites : « L’ambition des engagements climatiques est telle que la valeur mobilité doit désormais s’inscrire dans une nouvelle logique : celle du bien commun qui donne la priorité à l’intérêt général sur les intérêts particuliers », s’attache à souligner le rapport de TDIE.
N.A

Lire la note en détail : « Engagements climatiques et mobilités : à la recherche du bien commun »

Ewa

Avant les LGV, le COI propose de s’attaquer en priorité aux nœuds ferroviaires

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Dans son nouveau rapport d’orientation sur les choix d’investissements que l’Etat devra consentir pour les infrastructures de transport sur les 10 ans à venir, le COI défend un scénario dit de « planification écologique ». Priorité est donnée à la régénération du réseau ferré et aux transports du quotidien. Les nouvelles LGV sont décalées dans le temps, voire reportées aux calendes grecques.

A force de voir sa date de publication repoussée de semaines en semaines, le nouveau rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI) qui oriente le gouvernement sur une trajectoire d’investissements dans les transports et définit les grandes priorités sur la prochaine décennie, a fini par fuiter. Dans la version de mi-janvier publiée par nos confrères de Contexte.com, le collège d’élus et d’experts du COI préconisent d’augmenter fortement les budgets de l’Etat consacrés aux transports, en insistant sur le réseau ferroviaire.

Un scénario à 84,3 milliards d’euros d’ici à 2027 tient la corde

Le COI avance trois scénarios d’investissements. Et d’emblée, il « propose d’écarter » le premier qui suit le cadrage financier inscrit dans la Loi d’orientation des mobilités (LOM) votée fin 2019 pendant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Avec près de 55 milliards d’engagements de crédit de l’AFIT France, l’agence de financement des infrastructures, sur la période 2023-2027.

Le deuxième scénario, dit « de planification écologique », est considéré en revanche comme « un socle indispensable » par les membres du COI. Il donne la priorité à la modernisation du réseau ferré et aux transports du quotidien. Il veut également rénover les routes, les voies d’eau, mais exclut la réalisation rapide de « projets structurants très attendus par certains, (…) routiers ou autoroutiers« . Ce scénario prévoit une franche augmentation des moyens consentis par l’Etat dès cette année et jusqu’en 2042, avec 84,3 milliards d’euros dégagés sur la seule période 2023-2027.

Mais pour autant, le COI propose de « différer de deux ans environ les lignes nouvelles Bordeaux-Toulouse [dans le cadre du projet ferroviaire GPSO, ndlr] et Montpellier-Béziers (…) Pour ne pas mobiliser trop rapidement des enveloppes supérieures à celles prévues par la LOM », le COI propose de reporter la branche Bordeaux-Dax de la LGV Bordeaux-Toulouse, sans date précise. Les autres projets de lignes nouvelles à grande vitesse (Paris-Normandie, Ouest Bretagne-Pays de la Loire) seraient quant à eux étalés dans le temps. Enfin, il renvoie les accès au Lyon-Turin à dans vingt ans… : « Les études des nouvelles lignes et tunnels d’accès au Lyon-Turin seraient reportées au quinquennat 2028-2032, pour un engagement des travaux nécessaires sur la période 2038-2042 », lit-on. .

Privilégiant avant tout les opérations de désaturation des lignes existantes et des nœuds ferroviaires, ce scénario maintient le calendrier des aménagements au Sud de Bordeaux et au Nord de Toulouse et sur la ligne nouvelle Provence Côte d’Azur qui permettront de faire passer des RER métropolitains. Le COI conforte aussi le développement du fret sur l’axe rhodanien, et le « déploiement aussi rapide que possible » du réseau express métropolitain de Lyon. Ces RER chers au président Macron. Et ce, d’ici à la fin de son dernier quinquennat.

Un troisième scénario « de priorité aux infrastructures » exige encore plus de moyens financiers (98 milliards d’euros entre 2023 et 2027), mais il n’emporte pas la préférence du COI car il signifie l’accélération de grands projets ferroviaires et « davantage de projets routiers à la demande des collectivités« .

Quel arbitrage de l’Etat ?

Le gouvernement suivra-t-il le scénario médian, déjà très ambitieux ? Ce rapport  » sera un outil d’objectivation des choix publics. Ce sera beaucoup, ce sera peu : les vraies décisions reviendront bien au gouvernement et au Parlement « , a tweeté le président du COI, le député des Vosges David Valence (Renaissance).

Après moult reports, le rapport officiel devrait être remis « fin janvier, début février » à la Première ministre Elisabeth Borne. Le gouvernement entend faire adopter « une programmation d’ici l’été« , a dit Clément Beaune lors de la cérémonie des vœux de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP), le 12 janvier. Le ministre des Transports a souligné que le scénario dit « de planification écologique », donnait « une direction précieuse » à ses services, remarquant toutefois en aparté que le COI réduisait « peut-être un peu trop » les investissements consacrés aux routes, y compris pour des projets déjà engagés.

Pour assurer une visibilité suffisante de la programmation que le gouvernement retiendra, [le rapport] recommande qu’elle trouve sa traduction par une loi de programmation, au minimum sur deux quinquennats », lit-on dans la synthèse du document.

  • Lire le rapport du COI : ici
  • Lire les programmes et le détail des projets : ici

Nathalie Arensonas