Je me connecte

E-mail*
Mot de passe*

> Mot de passe oublié?

Je m'inscris

*Champs obligatoires

Conformément à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée en 2004, vous bénéficiez d’un droit d’accès et de rectification aux informations qui vous concernent.
1. Mon Compte
2. Mes activités
3. Mes Newsletters

Vous devez lire et accepter nos conditions générales de vente et d’utilisation *

* Mentions obligatoires

Je souhaite recevoir la newsletter :

Je m'enregistre

Mot de passe oublié ?

Ewa

Les nouveaux entrepreneurs du rail

Club Janvier 2023

Le Train, Midnight Trains, Kevin Speed et Railcoop, quatre nouveaux acteurs du monde ferroviaire, sont venus présenter, le 24 janvier, leur projet devant le Club VRT. Et leur parcours du combattant qui passe par la levée de fonds, des partenariats avec des investisseurs, l’acquisition du matériel, le recrutement de personnel…

Ils sont apparus en quelques années sur la scène ferroviaire française : Le Train, Midnight Trains, Railcoop, Kevin Speed… Et peu à peu, ils avancent leurs pions même si les obstacles sont nombreux sur leur chemin.  Ce foisonnement d’initiatives constitue-t-il un phénomène franco-français ? « Le cadre légal français est intéressant pour les entrepreneurs. Il permet de voir émerger de nouveaux opérateurs », constate Stéphane Coppey, sociétaire de Railcoop. Adrien Aumont, l’un des fondateurs de Midnight Trains nuance ses propos. « L’herbe est quand même plus verte ailleurs. En Belgique, il existe une loi qui permet aux trains de nuit de ne payer ni infrastructure, ni l’énergie, pour aider les entreprises à s’implanter. En France, il existe effectivement un cadre légal, mais son application ne suit pas. Le gestionnaire d’infrastructure fait le moins d’efforts possible et le gouvernement pas grand-chose. On a le droit de se lancer, mais il faut se débrouiller », estime l’entrepreneur. Qui rappelle aussi la situation aux Pays-Bas : « Pour aider le lancement d’une compagnie de train de nuit privée dans ce pays, l’Etat lui accorde des garanties pour le leasing du matériel ».

Acquérir du matériel, étape clé

Une étape importante a été franchie par la société Le Train : le 23 janvier, elle a annoncé avoir choisi, au terme d’un appel d’offres européen, le constructeur espagnol Talgo pour lui commander dix rames. En souhaitant à l’avenir aller encore plus loin, au gré des besoins et des développements, car « lancer une compagnie ferroviaire uniquement avec dix rames n’aurait aucun sens », commente Alain Getraud, le directeur général du Train. La commande représente plus de 300 millions d’euros,. 

Les rames seront issues de la plateforme Avril développée par Talgo. Elles seront aménagées de façon à pouvoir embarquer des pièces de grande taille, par exemple des planches à voile, et disposeront de 40 places de vélo par rame. « Nos ingénieurs travaillent avec ceux de Talgo sur un aménagement intérieur complètement différent de celui qu’on connaît en France et en Espagne », précise le dirigeant. Une antenne R&D sera basée sur le Ferrocampus à Saintes en Charente-Maritime.

 » LANCER UNE COMPAGNIE FERROVIAIRE AVEC SEULEMENT DIX RAMES N’AURAIT AUCUN SENS  » Alain Getraud

Le partenariat signé avec Talgo comprend la maintenance de la flotte pour 30 ans. « Nous visons une pénétration du marché ferroviaire du Grand Ouest en 2025 », ajoute Alain Getraud, qui espère toujours conclure les négociations engagées avec la SNCF sur la cession de dix rames qui pourraient ensuite être rétrofitées. Des discussions ont aussi  lieu avec d’autres opérateurs.

« Pourquoi construire du neuf quand on peut réutiliser du matériel ? », interroge d son côté Stéphane Coppey. Le projet de Railcoop s’appuie sur l’acquisition de matériels d’occasion. « Sur des trajets d’une à deux heures maximum, le confort de véhicules d’occasion réaménagés sera suffisant », assure le porte-parole de Railcoop. D’autant, constate-t-il, qu’il n’y en pas énormément de disponible sur le marché. « Nous n’avons pas eu la partie facile avec la SNCF, mais la région Auvergne-Rhône-Alpes a joué le jeu en nous donnant accès à ses rames » , ajoute-t-il. Les rames X 72500, récupérées par la société coopérative, n’ont pas bonne presse, en raison des problèmes de fiabilité qu’elles ont accumulés. Des travaux de remise à niveau ont été effectués avec succès, affirme Railcoop.

Trouver des trains de nuit s’avère peut-être encore plus compliqué. Ou plus exactement trouver un industriel qui en construit encore. « Nous avions d’abord envisagé d’acquérir du matériel d’occasion, mais avons finalement décidé de l’acheter neuf », raconte de son côté Adrien Aumont. Un investissement conséquent mais qui permet une exploitation pendant 40 ans. 

Après avoir fait le tour des constructeurs en Europe, l’entrepreneur affirme avoir trouvé la perle rare. Mais refuse d’en dévoiler le nom pour le moment. Les actifs seront portés par une rosco qui louera les trains à la compagnie. La prochaine étape sera une levée de fonds pour un lancement, espèrent ses fondateurs, d’ici 2025. « On communiquera lorsqu’on aura réussi, probablement avant l’été ».

La start up cherche aussi le partenaire adéquat sur la maintenance. « Le mieux, c’est que le constructeur en prenne la responsabilité, mais cela peut aussi être dans la main dune Rosco, ou être confiée à des experts », poursuit Adrien Aumont. Selon lui, le vrai problème pour un opérateur qui prévoit de partir de Paris, c’est le foncier. « Nous voulons opérer depuis la gare de Lyon et cherchons un dépôt de maintenance à proximité de cette gare. Pour les trains de nuit nous avons besoin de maintenance de jour, là ou des trains roulant de jour sont entretenus la nuit », souligne-t-il.

Frilosité des investisseurs

Pour aller plus loin, Railcoop a besoin de 43 millions d’euros. Mais, si les sociétaires sont enthousiastes, les investisseurs sont frileux. Pour avancer, la coopérative travaille sur fonds propres. Elle a abondé à hauteur de 5,7 millions d’euros son capital social, via des titres participatifs. Elle a aussi obtenu des garanties d’emprunt venant de régions. L’Occitanie lui a donné son feu vert, à hauteur de 4,5 millions d’euros et la coopérative attend la réponse de quatre autres régions. En guise d’assurance, Railcoop souhaiterait obtenir des engagements de long terme sur les sillons. « Nous avons besoin d’engagements dans le temps pour pouvoir construire un business plan à l’abri des incertitudes », indique Stéphane Coppey.

 » NOUS SOMMES EN DISCUSSION AVEC SNCF RÉSEAU POUR SIGNER UN ACCORD-CADRE DE LONGUE DURÉE  » Laurent Fourtune

Pour acquérir les trains dont elle a besoin, la société Kevin Speed est en discussion avec des fonds d’investissement. Elle souhaite un train équipé de nombreuses portes latérales, pour pouvoir circuler rapidement, et étant capable de rouler à 300 km/h, tout en résistant à des accélérations et freinages rapides pour être omnibus. Laurent Fourtune affirme avoir signé un protocole d’exclusivité avec un constructeur français. « Le train est prêt, mais il faut des rails pour le faire circuler et nous sommes en discussions avec SNCF réseau pour signer un accord-cadre de longue durée », ajoute-t-il.

Recrutements sur fond de pénurie

Pour attirer des candidats dans un marché en tension, Alain Getraud veut jouer la carte de la séduction. « Il faut être sexy, car nous ne sommes pas la SNCF. Nous n’avons pas sa capacité à offrir un statut ou un parcours professionnel. Heureusement nous arrivons à embaucher car le ferroviaire a du sens : nous sommes vus comme une entreprise engagée éthiquement ».

Comme il ne compte pas déshabiller son voisin pour trouver le personnel dont il aura besoin, « cela ne serait pas sain », Alain Getraud a mis en place des formations avec Getlink. « Nous avons adapté les modules pour former sur simulateur dans un premier temps, et demain sur le rail » Le DG du train assure être capable de former à la conduite en 9 à 12 mois. Il souhaite aussi féminiser les métiers du rail, y compris les métiers techniques. « Nous avons l’ambition de parvenir à la parité, à terme. Pour cela, nous travaillons sur la reconversion de personnel venant, notamment, de la santé »

 » IL FAUT ODNNER EN VIE AUX MEILLEURS DE VENIR CONDUIRE DES TRAINS, PARCE QUE C’EST UN MÉTIER DE DINGUE «  Adrien Aumont

« Au démarrage nous n’aurons pas besoin de beaucoup de conducteurs », assure Adrien Aumont. Pour les attirer, le salaire peut être une réponse. L’attractivité de l’entreprise en est une autre. « Des talents, des rock-stars du métier viennent vers nous et acceptent nos grilles salariales », constate le créateur de Midnight Trains qui souhaite contribuer à transformer l’image du conducteur, pour créer des vocations. « Il faut donner envie aux meilleurs de venir conduire des trains, parce que c’est un métier de dingue. Nos formations sont importantes, mais nous devons aussi rendre ce métier cool, générer de la passion pour les jeunes générations » Midnight Trains veut mettre en place une culture d’entreprise qui lui permette de recruter des collaborateurs experts et passionnés à tous les niveaux, à l’instar de Nicolas Bargelès (ex de RFF, de Thello et d’Eurostar) qui a rejoint l’entreprise en tant que directeur des Opérations.

Pour lancer son offre, Kevin Speed aura besoin de recruter 500 cheminots d’ici à 2027. « Nos conducteurs seront actionnaires et nous mettrons en place un plan de participation. Car même si on a affaire à des passionnées, ils exercent des métiers exigeants avec des contraintes. Il faut le compenser et que cela paye », souligne Laurent Fourtune.

Création de valeurs

« L’Europe doit aussi jouer un rôle, aider le développement du rail en garantissant les emprunts et en facilitant l’accès au marché d’entreprises comme les nôtres », plaide Stéphane Coppey qui en attend aussi une harmonisation des réseaux, tant du point de vue technique, que de l’organisation. « Les douanes restent un handicap majeur au développement du rail. On parvient à passer les frontières facilement en avion et en camion, c’est encore compliqué en train », déplore-t-il. « On n’a jamais eu autant besoin de trains, les gens en réclament, mais on n’arrive pas à en acheter. C’est pour cela que les entrepreneurs du rail sont importants », affirme Laurent Fourtune. « Il y a de la demande de la part des clients, de la place sur le rail, c’est l’occasion de re développer le chemin de fer. Ce qu’a fait la SNCF en France est remarquable, mais on a besoin de faire encore mieux et différemment. Chacun dans notre domaine, nous sommes des aiguillons qui serviront à faire progresser le système, même si nous resterons petits. »

 » L’EUROPE DOIT JOUER UN RÔLE, AIDER LE DÉVELOPPEMENT DU RAIL EN GARANTISSANT LES EMPRUNTS ET EN FACILITANT L’ACCÈS AU MARCHÉ D’ENTREPRISES COMME LES NÔTRES  »  Stéphane Coppey

Il faut faire comprendre que les nouveaux entrants ont un rôle à jouer dans le développement du rail, ajoute Adrien Aumont. Il se souvient que, lorsqu’il a commencé à annoncer ses intentions de lancer une entreprise ferroviaire, personne n’y croyait. « Il faut  accélérer le mouvement et comprendre qu’il n’y aura pas que des gros opérateurs. Il y aura aussi des petites entreprises créatrices de valeur. On sait que ce ne sera pas facile, mais ne nous plaignons pas trop et continuons ».

Valérie CHRZAVZEZ


Le Train vise le Grand ouest

L’ouverture à la concurrence doit être l’occasion de créer un choc d‘offres, de manière à engendrer un report modal et augmenter la part du fer, explique Alain Getraud, directeur général de la société Le Train. « Partout où il y a eu ouverture à la concurrence, il y a eu un effet d’induction bénéfique à l’opérateur historique », rappelle-t-il. Les nouveaux entrants arrivent en effet avec des services et des positionnements différents de ceux de l’entreprise historique.

Relevant des besoins de dessertes insatisfaits dans le Grand Ouest, l’entreprise née en Charente en 2020, veut lancer des liaisons à grande vitesse entre Bordeaux-Angoulême, Bordeaux-Nantes ou encore Bordeaux-Rennes. Alain Getraud prévoit de faciliter les réservations et les échanges de billets et de travailler sur les connexions, afin de rendre le voyage le plus simple possible. Le Train n’aura pas de classe à bord, mais des ambiances différentes et promet une qualité de service équivalente à Inouï. S’il n’est pas question de jouer la carte du low cost, Le Train assure que ses tarifs seront moindres que ceux de l’opérateur public. Après une période de montée en puissance de 3 à 5 ans, Le Train vise un marché de 3 à 5 millions de passagers, avec une dizaine de lignes.


Railcoop veut faire revivre les lignes abandonnées

Née il y a trois ans, Railcoop est une coopérative qui a obtenu sa licence d’opérateur et son certificat de sécurité, et compte aujourd’hui 13 700 sociétaires. Mais elle peine à convaincre les investisseurs à la suivre : elle dispose d’environ 8 millions d’euros. Il lui en faudrait près de 43 millions.

En attendant de pouvoir se positionner sur le marché des voyageurs (entre Bordeaux et Lyon pour commencer, avant d’enchainer avec un Lyon-Nancy ou Thionville, puis un Toulouse-Rennes), Railcoop a lancé une première ligne de fret palettisé entre Capdenac et St Jory,.

« Une ligne qui n’a pas décollé et qu’on a réorientée sur du transport de bois pour la société Fibre Excellence », reconnaît Stéphane Coppey, l’un des sociétaires de la coopérative.

 « Le choix des lignes tient compte de critères écologiques, économiques et d’aménagement du territoire, mais vise aussi à faciliter le report modal, par rapport à l’avion et la voiture. Une dizaine de lignes ont été déclarées à l’ART », précise encore Stéphane Coppey.


Kevin Speed travaille sur la grande vitesse low cost

La toute jeune société Speed Kevin veut être l’easy.Jet du ferroviaire et proposer une vingtaine de trains omnibus pour les déplacements domicile-travail en les rendant accessible à tous. « Notre objectif est de prendre des parts de marché à la voiture en s’adressant à ceux qui se déplacent quotidiennement pour aller travailler. La plupart le font en voiture, car pour être « commuters » en TGV aujourd’hui, il faut pouvoir consacrer 6 000 à 7 000 euros à ses déplacements. Seuls les plus riches et les cheminots qui ne payent pas le train peuvent se le permettre », constate le concepteur de Speed Kevin, Laurent Fourtune. Cet ancien directeur des Opérations d’Eurotunnel (qui est aussi passé par IDFM et la RATP) veut jouer sur les prix en s’inspirant de l’expérience italienne. « En baissant les tarifs de commuting de 30 %, il a été possible d’y doubler le trafic des commuters », rappelle-t-il.  

Avec cette offre, Laurent Fourtune entend apporter sa pierre à l’édifice et contribuer au doublement de la part du ferroviaire comme le souhaite Jean-Pierre Farandou. « Comme les autres nouveaux entrants, nous allons aiguillonner SNCF voyageurs et la pousser à faire mieux », dit il, persuadé que la demande est là. « Malgré le prix élevé des trains, ils sont complets. Il faut en ajouter. Et comme l’argent public manque, il y a un vrai enjeu à trouver de l’argent privé »,  conclutt le patron de Kevin Speed.


Midnight Trains rêve d’hôtels sur rail

Après avoir vendu sa société KissKissBankBank, Adrien Aumont souhaitait lancer un projet compliqué. Il ne pouvait pas mieux trouver que le secteur ferroviaire, affirme-t-il aujourd’hui. A cela s’ajoute sa volonté de faciliter ses voyages en Europe (son amie a peur de l’avion) tout en ayant le moins possible d’impact environnemental. D’où l’idée de relancer des trains de nuit, plus exactement de les réinventer avec des couchages privatifs, une literie confortable, une bonne sonorisation et des lieux de vie à bord : restaurant, bar…, le tout avec une fréquence quotidienne, permettant de connecter les grandes villes d’Europe situées entre 800 et 1 500 km de Paris.

Adrien Aumont mise aussi sur le digital pour la distribution… et tout le reste. « En cas de retard, nous voulons pouvoir rembourser les voyageurs avant même qu’ils n’arrivent à destination, sans formalités à réaliser » Ces « hôtels ferroviaires » seront proposés à un prix compétitif. « Un tarif équivalent à ce qu’un voyageur dépense en avion, en prenant en compte les options (bagages en soute et réservation des sièges) et le prix du taxi pour se rendre à l’aéroport. Le train de nuit étant cher à produire, nous ne pouvons pas le vendre à bas prix, mais voyager avec nous ne coûtera pas plus cher qu’en avion », promet le fondateur de Midnight Trains.

La future compagnie table aussi sur la clientèle d’affaires qui pourrait représenter 30 % des voyageurs. « Voire davantage. Car si le choix d’un voyage bas carbone est un choix moral pour le particulier, pour les sociétés, c’est une obligation. Nous avons la sensation que le voyage professionnel sera un marché important et allons proposer un produit de qualité pour y répondre »

Ewa

Selon David Valence, Grand Est a reçu « davantage de marques d’intérêt que prévu » pour ses TER

David Valence

Grand Est fait partie des régions les plus avancées en matière d’ouverture à la concurrence des TER, à côté du Sud, des Hauts-de-France et des Pays de la Loire. Nous publions ci-dessous l’interview de David Valence, vice-président de Grand Est chargé des Transports, qui fait le point sur la procédure en cours dans sa région. Découvrez aussi qui sont les opérateurs en lice et retrouvez notre dossier complet dans le numéro de mai de Ville, Rail & Transports.

Ville, Rail & Transports. L’ouverture à la concurrence des lignes TER dans le Grand Est a été annoncée début 2020. Votre projet a-t-il avancé ?

David Valence. Il suit son cours. Nos appels à candidatures ont porté sur deux lignes. La première, Nancy – Contrexéville, porte précisément sur la section entre Pont-Saint-Vincent et Contrexéville. La seconde ligne, l’axe Strasbourg – Saint-Dié – Epinal, accueille deux dessertes au départ de Strasbourg : vers Sélestat par le piémont vosgien et vers Saint-Dié. Dans les deux cas, nous avons choisi une procédure d’intégration verticale, portant à la fois sur l’infrastructure et les circulations. Le périmètre de ces appels à candidatures a été plus important que prévu. Il n’était pas prévu, initialement, d’intégrer les infrastructures sur Strasbourg – Saint-Dié.

VRT. Qui sont les candidats ?

D. V. Nous avons arrêté les candidatures fin 2020, et nous avons reçu davantage de marques d’intérêt que prévu. Les grands opérateurs nationaux ont répondu. Il y a aussi une candidature européenne. Le calendrier a pris un peu de retard. Les dossiers de candidature sont en cours d’élaboration. Ils contiendront cette fois un cahier des charges précis, et sortiront cette année avant la fin du premier semestre. Les lots attribués seront opérationnels en 2024.

VRT. La ligne Nancy – Contrexéville n’est plus exploitée dans sa section vosgienne. L’infrastructure est en mauvais état. La région évoquait, pour cette ligne, la reconstruction d’une plate-forme légère, pour des trains légers. Est-ce toujours d’actualité ?

D. V. Sur Nancy – Contrexéville, nous partons sur un contrat de concession de 22 ans. C’est la durée maximale autorisée par les règles françaises et européennes. Pendant la première moitié de la concession, c’est-à-dire pendant onze ans, on sera sur du matériel roulant classique. Ensuite, nous ouvrirons un relais pour permettre la circulation de matériel léger à partir de la douzième année. Le Grand Est fait partie des régions qui demandent que l’on définisse assez vite les caractéristiques de ce nouveau type matériel roulant. Pour nous, c’est l’avenir, y compris pour l’hydrogène.

TER grand Est
TER X 76500 ligne Strasbourg – Saint-Dié – Epinal.

VRT. Vos lignes transfrontalières seront-elles aussi concernées par cette ouverture à la concurrence ?

D. V. Nous ciblons sept lignes transfrontalières qui desservent notamment Trèves, Karlsruhe ou Fribourg. Elles ne seront concernées que dans un deuxième temps par nos appels à candidatures. Ces lignes demandent un matériel roulant spécifique pour éviter les arrêts prolongés dans les gares de part et d’autre de la frontière. Le Conseil régional a passé une commande de matériel ferroviaire en commun avec les Länder voisins de Sarre, de Rhénanie-Palatinat et le Bade-Wurtemberg. J’ai établi un groupe de coordination politique avec les secrétaires d’Etat des Länder voisins. C’est une affaire suivie de près. Mais cela prendra encore un peu de temps.

VRT. L’ouverture à la concurrence pour l’exploitation des lignes TER risque de devenir un sujet de débats cette année pendant la campagne des élections régionales. Etes-vous déterminé à mener votre projet à son terme ?

D. V. Nous n’en faisons pas un enjeu politique. Le transfert du personnel de la SNCF est encadré par la loi. C’est très précis. Nous allons agir dans le cadre de l’article 172 de la loi d’orientation des mobilités. En pratique, la question que vous soulevez demeure sensible du côté de SNCF Réseau.

Il faudra définir précisément les personnels en charge de l’entretien de l’infrastructure. Pour le personnel roulant et les contrôleurs, tout sera plus simple.

Certains y voient pourtant un enjeu de service public. On ne parle pas de prendre la main pour gagner de l’argent. Le Conseil régional attend une augmentation de l’offre. Nous n’avons pas entamé cette démarche pour des raisons d’idéologie, mais bien pour des raisons pratiques. Cela fait du bien à la SNCF d’être stimulée.

Propos recueillis par Olivier Mirguet

Les candidats en lice

Nancy-Contrexéville

Durée du contrat : 19,5 ans

CA annuel : 15 millions d’euros

Selon nos informations, sont en lice : Régionéo, Renfe, Transdev, Keolis

BVP

Durée du contrat : 19,5 ans – CA annuel : 30 millions d’euros

Selon nos informations, sont en lice : Régionéo avec Colas, Renfe avec Vinci, Transdev avec NGE et Caisse des Dépôs, et SNCF

Ewa

Alpha Trains n’exclut pas de se positionner sur le marché des trains à grande vitesse

pouyet e1620137672429

Trois ans après avoir répondu à l’appel à manifestation d’intérêt sur les TER lancé début 2018 par la Région Sud, Vincent Pouyet, le directeur France d’Alpha Trains fait le bilan. Les propositions du loueur de matériel roulant ferroviaire n’ont pas – pour le moment – été retenues par les régions en pointe dans l’ouverture à la concurrence de leurs TER. Mais d’autres perspectives sont possibles, comme l’a expliqué à VRT Vincent Pouyet.

Ville, Rail & Transports. Alpha Trains avait répondu à l’appel à manifestation d’intérêt de la région Sud sur l’exploitation des TER. Comment voyez-vous votre rôle maintenant ?

Vincent Pouyet. Aujourd’hui, dans aucune des régions, nous n’avons la possibilité de proposer nos services puisque les régions veulent soit acheter elles-mêmes le matériel roulant, soit mettre le matériel existant à disposition des nouveaux opérateurs. Nous avions formulé un certain nombre de propositions mais aucune n’a été retenue.

VRT. Vous êtes donc déçu des conditions d’ouverture à la concurrence des TER ?

V. P. Nous ne sommes pas déçus, c’est aux régions de définir les modalités de l’ouverture. Nous avons essayé d’expliquer qu’il fallait que les opérateurs puissent prendre la main sur le matériel et sa maintenance et qu’ils sachent dans quel état il est, en disposant d’audits, de plans de maintenance visés, d’une bonne visibilité sur les contraintes d’exploitation, sur les pièces détachées…

Aujourd’hui, les premiers appels d’offres sont lancés mais on ne peut pas dire qu’il y ait une équité totale entre les informations dont disposent l’opérateur historique et les candidats alternatifs. Les conditions ne sont pas optimales.

VRT. Quel rôle souhaitiez-vous jouer ?

V. P. Dans le cas du lot Intermétropole (Marseille – Toulon – Nice) ouvert par le Sud, la région a besoin d’un nouveau matériel. Inspirons-nous de ce qui s’est fait en Allemagne : les autorités organisatrices ont demandé aux opérateurs de proposer une offre complète comprenant le matériel roulant. Alpha Trains, comme d’autres, est intervenu en tant que fournisseur de matériels. Cette organisation a fait ses preuves, permettant de réduire les prix de façon importante. Elle a aussi suscité une concurrence vive avec l’arrivée de petits opérateurs.

La région Sud préfère choisir le matériel, le financer pendant 30 ans, pour le confier à un opérateur qui sera là pendant dix ans. C’est une prise de risque car la région n’a pas la compétence technique d’évaluer si tel ou tel matériel est pertinent, et s’il sera bien entretenu. Et plus tard, est-ce que ce matériel sera encore adapté ou bien ne sera pas obsolète pour les vingt années suivantes ? La région n’est pas capable d’assurer la gestion patrimoniale du matériel. Il va lui falloir acquérir cette compétence.

VRT. Cela va-t-il avoir une conséquence sur le développement de vos activités en France ?

V. P. Nous sommes implantés en France depuis 2003. Notre activité liée au fret fonctionne bien. Elle est pérenne. Nous venons par exemple de livrer des locomotives à Captrain France.

Nous savions que l’ouverture à la concurrence serait un long processus en France et qu’il faudrait des solutions originales qui répondent de façon spécifique aux demandes des régions.

Notre objectif est de proposer des solutions qui apportent de la valeur ajoutée.

Ainsi, nous avons proposé aux régions de racheter leurs flottes et de les rénover puis de les louer. Nous pensons qu’il est possible ne pas tout démonter, tout changer, comme c’est le cas lors des opérations de rénovation à mi-vie réalisées par la SNCF.

Nous pensons que l’on pourrait dépenser moins et dépenser mieux, et apporter une plus-value. Nous avons fait des propositions dans ce sens à la région Pays de la Loire. Nous leur avons proposé de racheter leur parc de 17 AGC pour les rénover et les louer. Mais la région a décidé de devenir propriétaire et gestionnaire de son matériel roulant.

VRT. Comptez-vous vous positionner sur les trains de nuit qui pourraient être relancés, ou les trains Intercités de jour ?

V. P. Oui, nous nous positionnons aussi sur ces sujets. Nous essayons de proposer des solutions aux autorités françaises. Nous verrons si elles sont retenues. Les matériels roulants sont un des sujets majeurs de performance dans le ferroviaire mais c’est aussi souvent une barrière entravant l’entrée de nouveaux opérateurs.

Ce sera aussi une clé de la réussite des trains de nuit. Nous avons déjà des locomotives aptes à tirer des voitures de voyageurs. Nous réfléchissons à faire l’acquisition des voitures voyageurs… si les conditions sont réunies.

Nous intervenons beaucoup sur le transport conventionné mais nous n’excluons pas d’aller sur le marché de l’open access, y compris la grande vitesse. Notre approche sera opportuniste.

VRT. Comment prendre en compte la demande croissante des élus qui souhaitent des trains moins polluants ?

V. P. Le remplacement des trains diesel sur les petites lignes par des trains hybrides et à batteries est un sujet sur lequel nous fondons beaucoup d’espoirs. Il s’agit plus précisément d’autorails diesel de petite capacité, avec deux ou trois voitures offrant de 120 à 150 places : ce sont les 72 500 et les 73 500 qu’il faudra changer dans les années à venir. Nous sommes prêts à acheter des parcs complets de trains hybrides et à batteries. Nous nous positionnons sur ce type de sujet en Europe. Nous sommes prêts à le faire en France.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

Ewa

« Il faut mieux lisser la fréquentation aux heures de pointe et rassurer les voyageurs »

Club Sylvie Charles

Après avoir fait une grande partie de sa carrière dans le secteur du transport de marchandises et de la logistique, Sylvie Charles est depuis mars 2020 à la tête de Transilien. Invitée du Club VRT le 18 février, cette diplômée de Sciences Po et de l’ENA a expliqué comment elle compte transformer la crise sanitaire en opportunités pour le transport de voyageurs en Ile-de-France.

Transilien, qui exploite les trains et RER de banlieue en Ile-de-France, est l’un des plus importants systèmes de mass transit du monde. L’entreprise transporte 70 % des voyageurs de la SNCF sur seulement 10 % du territoire. Soit 3,4 millions de voyageurs chaque jour dans 6 200 trains.

Depuis les années 2000, l’Ile-de-France connaît une concentration des emplois. Le quartier des affaires à Paris en compte 600 000, La Défense 300 000. Ces pôles d’emplois très localisés, que l’on trouve aussi à Plaine Commune ou à Issy-Boulogne, se caractérisent par un poids prépondérant des cadres et sont touchés par une baisse de fréquentation des transports publics plus importante qu’ailleurs dans la région. « On a une polarisation de l’emploi à Paris et en première couronne, tandis que le logement se développe en petite et grande couronne. D’où un énorme besoin de transports capacitaires pour faire fonctionner la région », rappelle Sylvie Charles.

Les Franciliens utilisent les transports publics pour se rendre au travail ou aller étudier, profitant d’une solution rapide et fiable. Une étude de l’Institut Paris Région, réalisée avec Transilien avant la Covid, a démontré, en suivant des voyageurs avec les données GPS de leur smartphone, qu’ils mettaient 17 minutes de plus en voiture qu’en train pour se rendre d’Argenteuil à Paris. Pour être sûrs d’être à l’heure, les automobilistes doivent prévoir 40 minutes de marge. Cette performance explique la part de marché du transport public : de 65 à 80 % le matin. Mais les Franciliens utilisent moins les transports pour sortir ou faire leurs courses. Sylvie Charles l’explique par la surfréquentation de certaines branches aux heures de pointe, qui a un effet désincitatif. Elle voit dans la crise sanitaire et l’expansion du télétravail, des possibilités d’évolution positive. « Dans une région où 45 % des emplois sont télétravaillables, nous avons la conviction que le recours au télétravail pourrait avoir des effets bénéfiques pour les voyageurs sur leurs trajets quotidiens, et qui auront peut-être envie de prendre le train pour d’autres usages le week‑end, pour leurs loisirs par exemple », commente-t-elle.

Télétravail et lissage des pointes

Depuis le premier confinement, l’opinion sur le télétravail a évolué : 90 % des adhérents du Medef Ile-de-France affirment désormais vouloir l’appliquer deux jours par semaine. « La généralisation de deux jours de télétravail répartis sur la semaine, pourrait faire baisser la pointe du matin de 6 à 13 % », assure Sylvie Charles.

LA GÉNÉRALISATION DE DEUX JOURS DE TÉLÉTRAVAIL, RÉPARTIS SUR LA SEMAINE, POURRAIT FAIRE BAISSER LA POINTE DU MATIN DE 6 À 13%.

Sans remettre en cause la nécessité de certains investissements, cela permettrait de réduire la surfréquentation à certaines heures et offrirait la possibilité à Transilien de proposer de meilleures conditions de transport. Pour plus d’efficacité, la directrice de Transilien souhaite, en complément, lisser les heures d’arrivée et de départ du travail. « Les DRH qui travaillent sur la qualité de vie au travail, ne regardent que ce qui se passe au bureau. Nous discutons avec eux pour les inciter à prendre également en compte la façon dont les salariés s’y rendent. »

Parvenir à décaler les arrivées implique de modifier les habitudes. L’époque y semble favorable. Forts de l’expérience du confinement, les cadres ont pu se rendre compte que, pour certaines tâches, leurs équipes travaillaient mieux chez elles, au calme.

De leur côté, les salariés apprécient de gagner en qualité de vie, en limitant leurs déplacements domicile-travail. Associer télétravail et lissage des horaires de travail, en jouant sur des arrivées reculées d’une demi-heure par exemple, ferait la différence. « Si seulement 10 % des salariés décalaient leurs heures, cela permettrait de réduire le trafic aux heures de pointe, et donc de bénéficier d’un voyage beaucoup plus agréable », affirme Sylvie Charles, convaincue que certaines pratiques mises en place avec la Covid-19 vont perdurer. Transilien prévoit notamment de poursuivre ses efforts en matière de propreté. « Actuellement, pas une rame ne sort sans être nettoyée et désinfectée. » Les mesures de désinfection des trains coûtent 15 millions d’euros par an à l’entreprise. « Mais nos rames sont aussi plus propres en raison de l’interdiction de manger et de boire et en raison de l’obligation du port du masque. » La directrice de Transilien s’interroge sur la poursuite de cette interdiction, qui continuerait à rendre le transport public plus propre et confortable. Cette réflexion est en cours avec les associations d’usagers.

Le voyageur peut aussi être cofacteur d’un déplacement plus agréable, en participant à la baisse du trafic en heure de pointe : Transilien travaille en effet sur une expérimentation de type « Waze » des transports sur la ligne L. « Cette application leur permet de connaître la fréquentation des trains, afin qu’ils puissent éventuellement laisser passer un train trop chargé et prendre le suivant. La généralisation des espaces de coworking dans les gares permet d’y travailler confortablement, en attendant l’arrivée d’un train moins fréquenté, pour voyager dans de meilleures conditions », explique Sylvie Charles.

Reconquête des voyageurs

Malgré ses forces et son évidence en Ile-de-France, le transport de masse vit une période difficile. Avec 45 % de recettes en moins, la crise a lourdement impacté la fréquentation des trains et donc le financement des opérateurs de transports. « En septembre et octobre, le trafic est remonté à 70 % de son niveau habituel. Mais, avec le deuxième confinement et le couvre-feu, nous sommes retombés à 50 % de fréquentation », rappelle la dirigeante. Le Versement mobilité, qui représente 52 % du financement du transport public, a aussi chuté en raison de l’activité partielle et du chômage. Toutefois, en 2020, après négociation de Valérie Pécresse, l’Etat a accepté de le compenser et de réaliser une avance remboursable à IDFM pour la perte des recettes.

Sur les premiers mois de 2021, Sylvie Charles s’attend à une baisse des recettes de 35 à 40 % et espère un rebond par la suite, tout en prévoyant que la situation restera compliquée jusqu’à la généralisation des vaccins. Elle rappelle que les recettes voyageurs contribuent à hauteur de quatre milliards d’euros aux 10 milliards nécessaires au fonctionnement des transports franciliens et revient sur les déclarations sur la gratuité. « Il faudrait compenser ces recettes. Les concitoyens doivent être conscients du fait que rien n’est gratuit. Si on les supprime, il y aura soit moins d’offres, soit plus d’impôts. »

Pourrait-on envisager une nouvelle tarification prenant en compte le télétravail ? « Lorsqu’on va trois jours par semaine au bureau, un pass Navigo reste intéressant », répond Sylvie Charles. L’objectif reste la reconquête des voyageurs. Pour les convaincre que le train est plus sûr et performant que la voiture, Transilien sécurise les transports, veille aux gestes barrières et incite à mieux se répartir dans les rames.

L’entreprise n’hésite pas non plus à verbaliser ceux qui ne respectent pas le port du masque.  « Il est de notre devoir de rassurer, car les transports publics ont été suspectés d’être des lieux de contamination, alors que toutes les études réalisées en France et à l’étranger ont démontré que ce n’était pas le cas », assure la directrice.

Nouveau contrat avec IDFM

En fin d’année dernière, Transilien et IDFM ont (enfin) signé un nouveau contrat d’exploitation et d’investissements qui les engage jusqu’en 2023. Un contrat de 12 milliards d’euros, conclu avec un an de retard. « Il était bon de mettre fin à cette situation », souligne Sylvie Charles, qui justifie le temps pris pour y parvenir : « l’Autorité organisatrice avait des demandes légitimes, mais l’exploitant a dû lui expliquer le contexte dans lequel il exerce son activité, afin qu’il soit pris en compte. »

Ce nouveau contrat affiche de fortes ambitions en matière de production et de qualité de service. Avec un système de bonus-malus plus important que précédemment. « Nous étions d’accord sur le fait de viser la régularité à 95 %. Mais IDFM nous demandait de prendre cette responsabilité en grand. » Transilien souhaitait que soient prises en compte les causes d’irrégularité liées à tout ce que l’exploitant ne maîtrise pas, comme l’infrastructure ferroviaire vieillissante ou le contexte sociétal.

« Nous avons obtenu une augmentation de la contribution qui nous est versée, car, en 2019 IDFM a développé de nombreuses innovations et, en 2020, nous avons eu un effet année pleine. Il s’agit aussi de compenser le fait que le nouveau matériel roulant coûte plus cher en maintenance que l’ancien, en raison de la présence de plus d’électronique et de la climatisation notamment », détaille Sylvie Charles. Elle ajoute : « la discussion a été longue mais nous avons trouvé un équilibre satisfaisant pour tout le monde. »

LE CHALLENGE DE L’OUVERTURE À LA CONCURRENCE FERROVIAIRE POSE LA QUESTION DE L’ÉQUILIBRE QUE L’ON CHERCHE : VEUT-ON CONTINUER À AVOIR DES EXPLOITANTS AYANT LA CAPACITÉ DE FINANCER DES SAVOIR-FAIRE ET À INNOVER ? OU VEUT-ON CES SAVOIR-FAIRE DU CÔTÉ DE L’ORAGNISME QUI A LA CHARGE D’ORGANISER LES TRANSPORTS ? 

Ce contrat court jusqu’à 2023, date du début effectif de la concurrence. « Les trams-trains seront les premiers ouverts à la compétition, parce que leur exploitation est plus facilement « détourable ». La partie plus compliquée arrivera après », prédit la directrice de Transilien. Elle poursuit : « ce sera un challenge intéressant, qui pose la question de l’équilibre que l’on cherche : veut-on continuer à avoir des exploitants ayant la capacité de financer des savoir-faire et à innover ? Ou veut-on ces savoir-faire du côté de l’organisme qui a la charge d’organiser les transports ? », souhaitant éviter de « transformer les exploitants en useurs de pneus ».

Les promesses des systèmes de commandement

Si l’implantation de NExTEO est du ressort de SNCF Réseau, Transilien s’intéresse à ce système d’automatisme de contrôle et de supervision qui devrait permettre d’améliorer la régularité et de faire passer davantage de trains. Son premier terrain d’application sera le tronçon central du futur RER E, entre Nanterre et Pantin.

Pour la patronne de Transilien, l’intégrer dans le système est un challenge. « Il faudra faire correspondre entre eux plusieurs systèmes de communication différents. En tant qu’exploitant, on suit cette possibilté de près, car cela aura un impact sur l’exploitation. Notamment sur les gestes de conduite. On est intéressé, car c’est une des briques qui permettra d’améliorer notablement les lignes B et D à partir de 2027. »

Deux lignes le long desquelles sont construits 25 000 logements nouveaux par an et dont la fréquentation a beaucoup augmenté ces 10 dernières années. Posant des problèmes de régularité quand les arrêts prévus pour durer 30 secondes dépassent la minute. « Le RER NG qui devrait arriver pour la ligne B fin 2025, si Alstom devient raisonnable, permettra aussi d’améliorer le service. »

Cette ligne B est coexploitée par la RATP et la SNCF, tandis que la D est uniquement gérée par Transilien. Mais toutes deux ont la particularité d’avoir un tunnel commun entre Gare de Lyon et Gare du Nord. « Le tunnel dispose de trois gestionnaires, ce qui complique la situation pour l’exploitant : il y a la RATP, au Sud il y a SNCF Réseau Sud et au Nord SNCF Réseau Nord. Un centre de commandement unique faciliterait la situation », estime Sylvie Charles. « Quand il existe différentes parties prenantes, il faut qu’elles travaillent ensemble pour bâtir des scénarios en fonction de différents aléas », ajoute-t-elle.

Le défi des JO

En 2024, Paris accueillera les JO. A cette occasion, Transilien sera soumis à une forte croissance de trafic durant quelques semaines. « C’est une grande responsabilité. Nous devons travailler à bien accueillir une clientèle atypique, parlant toutes les langues. Nous devrons aussi faciliter les accès pour les Jeux paralympiques », prévoit Sylvie Charles, qui précise que ces efforts serviront au-delà des Jeux. Ce challenge est finalement habituel en Ile-de-France, première région touristique au monde. « Relever des défis, c’est notre quotidien. J’ai la chance d’avoir une équipe de très bons professionnels pour y répondre. Et c’est ensemble que nous voulons faire de la pandémie une chance pour le transport public », conclut-elle.

Valérie  Chrzavzez-Flunkert


Place aux vélos !

En Ile-de-France, les trains roulent sur des lignes déjà quasiment toutes électrifiées. Pour réduire encore son impact carbone, une démarche est mise en place par Transilien, allant de l’écoconduite, à l’écostationnement en passant par l’isolation des bâtiments ou le retraitement des eaux des stations de lavage.

Côté intermodalité, Sylvie Charles souhaite favoriser l’accès des vélos en gares. Elle reconnaît qu’un gros travail reste à faire. Car si 90 % des habitations et des emplois sont à moins de trois kilomètres d’une gare, seuls 2 % des Franciliens y vont à vélo. La marge de progrès est donc large et passe notamment par la mise à disposition d’abris sécurisés et la création de pistes cyclables pour organiser le rabattement vers les gares.

Ewa

« Le manque à gagner dû à la crise s’élève à 50 millions d’euros pour Systra »

Didier Traube

Malgré la crise, Systra a réussi à finir l’année dernière avec un résultat positif, autour de 500 000 euros. Dans une interview accordée à VRT, Didier Traube, le directeur général adjoint de Systra SA, explique que la société française d’ingénierie est en train de modifier sa structure juridique, en particulier en France pour créer une filiale qui s’appellera Systra France et qui concernera toutes les activités sur le territoire français. Il en deviendra le président.

Ville, Rail & Transports. Quel bilan tirez-vous de 2020 ?

Didier Traube. Malgré la crise sanitaire, 2020 a été une année de croissance pour Systra. Notre activité a augmenté de 8 % pour le groupe et de 6 % en France. Notre chiffre d’affaires s’élève à 670 millions d’euros (196 millions pour la France). En termes de résultat net, nous sommes tout juste positifs, autour de 0,50 M€.

En termes d’impact, la crise a représenté, pour le Groupe, une baisse de CA de 50 millions d’euros par rapport à son budget (et de 10 à 11 millions d’euros pour la France). Cela s’explique par une spécificité française : durant le premier confinement, les chantiers ont été totalement arrêtés, ce qui n’a pas été le cas ailleurs. Cela nous a particulièrement touchés puisque nous supervisons de nombreux chantiers en France.

Nous avons toutefois continué à prendre des commandes, de l’ordre de 730 millions pour le Groupe, ce qui nous procure une charge d’activité sur un an et demi.

VRT. Comment se répartit votre activité entre la France et l’international ?

D. T. En France, l’activité représente le tiers du chiffre d’affaires total, les 2/3 étant réalisés à l’international. Mais la France participe aussi à l’activité internationale avec 350 000 heures de production réalisées pour l’exportation.

VRT. Quelles sont les perspectives pour cette année ?

D. T. Nous prévoyons une hausse de l’activité de 5 % pour le groupe, autour de 700 millions d’euros. En France, nous nous attendons à une augmentation de 7 %.

Je ne crois pas à un monde d’après qui serait différent du monde d’avant. On observe une attente du retour au monde d’avant quand on sortira de la pandémie. Les infrastructures de transport retrouveront des seuils d’utilisation proches du passé même si les impératifs environnementaux s’exprimeront plus fortement et pourraient s’accélérer. On le ressent déjà dans les discours : tout le monde parle d’un urbanisme plus durable, d’économie circulaire…

VRT. Par quoi l’activité va-t-elle être plus précisément portée en France ?

D. T. Un effet de rattrapage devrait se produire car des décisions n’ont pas pu être prises l’année dernière, non seulement en raison de la crise Covid mais aussi avec le report des élections municipales en juin 2020, ce qui a retardé d’autant la mise en place de l’exécutif et donc des décisions.

De plus, de grands projets structurants sont en cours : nous sommes concernés par tous les projets de métro dans les grandes métropoles, notamment à Marseille, à Toulouse ou à Paris avec les prolongements de métro et le Grand Paris Express (la SGP est un de nos grands clients). Citons aussi les projets ambitieux de la métropole de Lyon qui prévoit un budget transport de plus de 2,5 milliards d’euros.

Nous sommes également engagés sur les chantiers de remise à niveau du réseau ferré, sur Eole, sur la ligne nouvelle Provence Côte d’Azur, ou sur l’ERTMS entre Paris et Lyon. Plus globalement, les projets d’amélioration des trains du quotidien et le renouvellement par la SNCF de l’ensemble de ses contrats-cadres sont pour nous des enjeux majeurs. Je rappelle que le ferroviaire représente 30 % de notre activité.

Nous sommes aussi partie prenante dans de nombreux projets de tramways dans des villes, comme à Lille, à Nice, à Tours ou à Brest… Le marché est particulièrement dynamique.

VRT. Et à l’international ?

D. T. Nous sommes très impliqués sur la grande vitesse en Grande-Bretagne et en Suède, sur l’ensemble des projets urbains en Inde ou sur le marché très porteur du Canada. Beaucoup de régions nous offrent de fortes perspectives de développement.

VRT. Quelle est votre stratégie pour les prochaines années ?

D. T. Depuis les deux dernières années, notre stratégie a consisté à nous renforcer dans les pays où nous avons une présence pérenne. Nous pensons en effet que l’ingénierie est une activité de proximité. Pour pérenniser notre présence, nous devons avoir une base locale forte et connecter entre eux nos centres pour tirer profit du meilleur. Nous conservons cette stratégie de croissance.

VRT. Votre taille n’est-elle pas un handicap face à certains de vos concurrents ?

D. T. Nous n’avons peut-être pas la taille de certains géants mondiaux en termes de chiffre d’affaires, mais ces derniers sont pluridisciplinaires. Ce n’est pas le cas de Systra qui a une spécificité dans la mobilité et les transports et qui est fort dans son domaine.

VRT. Allez-vous poursuivre vos acquisitions ?

D. T. Ces dernières années, nous avons mené une forte stratégie d’acquisitions qui a abouti au Systra d’aujourd’hui. Ces acquisitions ont notamment été réalisées en Inde, dans les pays nordiques, au Brésil et, pour la dernière en date, fin 2019, au Royaume-Uni.

Ces acquisitions se sont faites sur notre cœur de métier. Aujourd’hui, on pourrait imaginer des acquisitions dans des entités très centrées autour de la mobilité et de l’aménagement du territoire. D’ailleurs, en 2019, nous avons acheté en France, C&S Conseils, une société reconnue en matière de concertation dans les domaines de l’aménagement, de l’énergie et de l’environnement, qui entre totalement dans cette stratégie. Nous voulons devenir un acteur de l’aménagement du territoire. Nous sommes déjà présents sur ce créneau puisque 200 personnes travaillent dans la division conseil et aménagement chez Systra. Mais nous souhaitons renforcer nos compétences dans ce domaine. Aujourd’hui, nous regardons les opportunités en France et à l’international.

VRT. Quel soutien vous apporte vos actionnaires, la RATP et la SNCF ? 

D. T. Entre 2011 et 2019, la croissance de Systra s’est faite en autofinancement, mais elle a atteint ses limites. Nos actionnaires ont alors procédé à une augmentation de capital de 70 millions d’euros, le portant de 27 millions à 33 millions d’euros. Ces deux actionnaires détiennent désormais chacun 43,4 % de parts. Il y a toujours eu un soutien plein et entier de la part de nos actionnaires, ce qui a permis de consolider notre bilan. Nous sommes également très bien accompagnés par notre pool bancaire.

VRT. Vous êtes en train de créer une nouvelle filiale en France…

D. T. Systra est en train de modifier sa structure juridique, en particulier en France pour créer une filiale qui s’appellera Systra France et qui concernera toutes les activités sur le territoire français. Systra sépare donc la fonction siège et la fonction opérationnelle en créant cette filiale. C’est un des aboutissements du mouvement de relocalisation puisque nous avons une quinzaine de pays clés intégrés par filiale. En France, ce n’était pas le cas et la France était confondue avec Systra SA, qui emploie actuellement 2150 personnes. La nouvelle filiale Systra France est envisagée pour la fin mai-début juin. Elle emploiera alors 1 800 personnes.

Pour poursuivre notre croissance, nous continuerons à embaucher : 100 personnes ont été recrutées en 2020, ce devrait être sensiblement pareil cette année.

VRT. Vous serez le président de Systra France?

D. T. Oui. Et Pierre Verzat reste le président du groupe.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

Ewa

« Je crois profondément au modèle économique, juridique et d’aménagement de ce projet »

Club VRT Thierry Dallard
Thierry Dallard
Thierry Dallard, président du directoire de la Société du Grand Paris.

Depuis 2020, la réalisation du Grand Paris Express connaît une phase d’accélération : actuellement, une vingtaine de tunneliers sont entrés en action pour creuser le métro de 200 km qui doit encercler la capitale en desservant 68 gares. Thierry Dallard, le président du directoire de la Société du Grand Paris (SGP) était l’invité du Club VRT le 28 janvier à Paris. Face à un public nombreux, il a fait le point sur l’avancée du projet du siècle et les perspectives.

Ingénieur des ponts et chaussée et ancien élève de l’Ecole normale supérieure, Thierry Dallard a pris en mai 2018 la présidence du directoire de la Société du Grand Paris, succédant à Philippe Yvin. Chargé de piloter ce projet souvent qualifié de pharaonique, il nuance cet adjectif : si certains critiquent son coût et son intérêt, d’autres mettent en avant le challenge technique et les défis à relever.

« Lorsque j’ai pris mon poste, il y avait encore des Parlementaires qui s’interrogeaient sur la nécessité de mener ce projet », raconte Thierry Dallard, en rappelant que Paris ne se place qu’au 19e rang sur 20, au classement des métropoles, établi en fonction de la taille de leur métro. « Si le Grand Paris Express (GPE) était livré aujourd’hui, nous nous placerions à la cinquième place. Mais lors de sa livraison, en 2030, notre capitale ne sera que neuvième dans ce classement. » Dans une logique de compétition internationale, ce projet lui paraît donc « urgent et nécessaire ». Pour en relativiser le gigantisme, il précise : « sur le marché mondial de la création de lignes de métros automatiques, le GPE ne représente que 7 % de ce qui se fera dans les 10 ans ».

Selon lui, l’importance du projet de transport masque sa dimension urbaine, qui va être réalisée via l’aménagement des quartiers de gares. « En compilant ces aménagements, on arrive à 1,5 fois la superficie de Paris. Réaliser l’aménagement d’une telle superficie, c’est bien plus compliqué que ce qu’à fait Haussmann au XIXe siècle. »

Le dirigeant se réjouit des réalisations en cours, rendant irréversible ce projet, qui se fera en moins de 15 ans, avec des leaders français et européens, comme Thalès, Alstom-Bombardier et Siemens.

Peu impacté par la crise jusqu’à présent

Prévu pour être achevé en 2030, le chantier du Grand Paris Express avance. L’année 2020 a été très dense, malgré la crise sanitaire. C’est la période où il y a eu le plus grand nombre de tunneliers en action sur les chantiers. Vingt tunneliers en même temps en 2020, cela correspond au pic du nombre de tunneliers à l’échelle du projet. A partir de maintenant, un certain nombre d’entre eux vont s’arrêter, notamment sur le tronçon de la ligne 15 où la fin du creusement est prévue fin 2021.

Malgré la crise sanitaire, une enquête publique a été engagée, permettant d’effacer les derniers obstacles administratifs pour réaliser le premier tronçon de la ligne 18. « Nous avons signé pour la création des deux premiers lots de génie civil, pour la section Orly Massy-Palaiseau et la section aérienne de Palaiseau jusqu’à l’arrière gare du CEA Saint-Aubin. Et le troisième lot de génie civil sous terrain est lancé pour Saint-Quentin – Versailles », détaille Thierry Dallard. Les travaux ferroviaires ont également démarré. Les premiers rails ont commencé à être posés sur plusieurs kilomètres en octobre dernier, sur la ligne 15, à partir de la gare de Noisy-Champs en Seine-et-Marne. L’impact de la crise sanitaire sur les lignes qui n’étaient pas encore en travaux sera limité, de l’ordre de quelques mois.

Les lignes déjà en travaux vont, en revanche, subir un retard de six à huit mois, en raison de l’arrêt total des chantiers lors du premier confinement, puis de la désorganisation complète de la chaîne logistique. « Nous avons connu une baisse de productivité lors du redémarrage en avril, du fait de la fermeture des écoles, des hôtels… et de la difficulté de maintenir des chantiers 24 heures sur 24, quand les gens étaient confinés chez eux. »

Le reconfinement de novembre n’a heureusement pas eu de conséquences analogues car les entreprises avaient mis en place un protocole sécurité très rigoureux sur leurs chantiers.

La Société du Grand Paris recherche, avec ses maîtres d’oeuvre et les entreprises de travaux, les moyens de résorber le retard et surtout de ne pas l’accroître. Cela dépendra de la façon dont la crise sanitaire évoluera. « Pour le moment, à l’échelle de l’enjeu du projet, l’impact est  cependant modeste, en comparaison à certains secteurs de l’économie, fortement sinistrés. », assure Thierry Dallard.

La crise n’a pas, non plus, arrêté les appels d’offres. « Ils ont été signés aux dates prévues et les lancements de procédure n’ont pas été impactés. » Les appels d’offres les plus importants seront lancés cette année et au plus tard au premier trimestre 2022.

L’aubaine des taux très bas

La crise qui a fait baisser les taux d’intérêt, a permis à la SGP de bénéficier de conditions financières excellentes. « On a fait une émission obligataire en plein confinement, avec des modalités favorables », rappelle Thierry Dallard.

De plus, tout récemment, le conseil de surveillance a autorisé un volume d’emprunt maximum de 10 milliards d’émissions vertes si les conditions de marché le permettent. Ce qui permet ainsi de poursuivre la sécurisation du financement du projet.

Rappelons qu’en 2017, un rapport de la Cour des comptes avait mis en cause l’équation financière de la SGP et s’inquiétait « d’une trajectoire financière non maîtrisée » qui pourrait « faire entrer la SGP dans un système de dette perpétuelle ».

Pour renforcer les moyens de la SGP et lui permettre de mener à bon port le chantier dont le coût prévisionnel avait alors été réévalué à 35 milliards d’euros en 2017 (alors qu’il était censé coûter 25 milliards en 2013), le député LR Gilles Carrez, chargé de trouver une solution, avait en effet proposé d’accroître les recettes fiscales de la Société du Grand Paris, en les faisant passer de 200 à 250 millions, dès 2018. « Avant la Covid-19, nous n’avions que 50 % de ce montant. Les taux très bas que nous avons obtenus, nous ont permis de présenter au Parlement fin 2020, une trajectoire recalée, permettant de rembourser notre dette, sans avoir à remonter la fiscalité », se félicite Thierry Dallard.

Dans un but de consolidation, la SGP prévoit d’emprunter, en 2021, à une hauteur supérieure à ses besoins, comme elle l’a déjà fait en 2020. De manière à avoir deux années de réserve et de disposer fin 2021, d’un encours de dette de 80 % de ses besoins, afin d’être capable de financer le projet jusqu’à la fin du prochain quinquennat. Ce qui donne de la visibilité aux entreprises : la robustesse du projet est démontrée via sa capacité d’affronter l’avenir de manière sereine avec l’assurance de disposer de fonds.

Pas d’inquiétudes non plus liées aux incertitudes actuelles sur l’immobilier des bureaux et sur la façon dont le marché va évoluer. L’essentiel des recettes est calé sur le stock de bureaux existant, et non pas sur les ressources locatives.

« Aujourd’hui nous avons une trajectoire de remboursement amortissable en 2070. Si demain les recettes étaient moindres, nous n’aurions pas les problèmes majeurs que la Cour des comptes avait relevés. »

La méthode Dallard

Interrogé sur sa méthode, Thierry Dallard répond : « c’est un cocktail de mes expériences, dans le public et le privé ». Au cours des 15 années passées dans le secteur public, notamment au ministère de l’Equipement, il a « acquis la conviction que pour faire des projets complexes, la concertation doit être un acte de foi. Qu’il faut expliquer, écouter, convaincre et se remettre en cause ».

Et durant les 12 ans passés dans le privé, explique-t-il, il a utilisé « des outils qui n’existent pas dans la sphère publique et a acquis la culture de la gestion des risques ». Il a aussi été confronté à l’expérience des marchés financiers et des lancements d’émissions obligataires. « S’il y a une méthode Dallard, c’est celle de la biodiversité, y compris dans les organisations humaines ! », lance-t-il.

D’où cette conviction : pour mener à bien un projet aussi ambitieux que le Grand Paris Express, il faut réunir des talents dans tous les domaines. « Parce qu’un système monoculture ou monoformation ne marcherait pas. » Selon lui, c’est en mélangeant les expertises que l’on pourra faire aboutir le projet.

La SGP prévoit d’ailleurs de poursuivre ses recrutements pour passer de 200 salariés en 2018 à 1 000 fin 2021. L’entreprise n’a pas cessé les embauches durant le confinement. « On devait embaucher 300 personnes en 2020, nous y sommes parvenus. » Même si l’intégration, en pleine période de confinement, n’a pas toujours été aisée.

Dialogue et concertation

Comment se passent les relations, qui n’ont pas toujours été faciles, avec les élus ? « C’est grâce aux maires que le projet a vu le jour et que cela va aussi vite », estime le président du directoire. « Il n’y a pas beaucoup de grands projets publics d’infrastructure qui soient passés aussi vite du stade de concept politique, au premier coup de pioche. Cela n’aurait pas été possible sans l’adhésion des élus. »

Ce dialogue constant avec les élus se double de discussions sur le terrain avec les riverains. Une vingtaine de tunneliers qui creusent et 300 chantiers à mener rapidement pour tenir les délais, c’est en effet autant de nuisances pour le voisinage. « Quand on doit faire tourner des chantiers 24/24, il faut parfois convaincre, expliquer, accompagner, réduire les nuisances pour organiser le chantier. C’est le travail du maître d’ouvrage. Et c’est là que la SGP a mis tout son poids dès l’origine, parce que nous avions conscience que cela allait être essentiel. »

Si Thierry Dallard reconnaît qu’il peut y avoir des tensions avec les élus, il assure qu’il n’y a pas d’exemples où on n’a pas trouvé de solutions.

Et demain ?

Pour lancer les appels d’offres, qui permettront de choisir les futurs exploitants des lignes de métro, une plateforme a été mise en place, réunissant la SGP, la RATP, qui sera le gestionnaire d’infrastructure et Ile-de-France Mobilités, l’autorité organisatrice. « Ce sera plus complexe que les mises en services auxquelles on a été habitué jusqu’à présent. C’est pourquoi nous avons mis en place un plateau commun. » L’exploitant des lignes 16 et 17 devrait être choisi mi-2022.

Autre question sensible : comment financer le coût de fonctionnement du métro du Grand Paris, estimé à un milliard d’euros annuels ? « Le financement, n’est pas de notre ressort. Nous n’avons pas pour charge de définir la politique fiscale ou tarifaire. Mais c’est une question qui est devant nous », reconnaît Thierry Dallard.

Quant à l’avenir de la SGP elle-même, une fois que sa mission sera achevée, Thierry Dallard estime qu’il est trop tôt pour l’évoquer. « Nous sommes encore en phase de montée en puissance. Quand on aura franchi le cap des recrutements, puis celui de la première mise en service opérationnelle, on pourra se poser la question. » Il constate que ce n’est pas un sujet de préoccupation pour ses collaborateurs. « Sans doute parce que peu d’entre eux ont une visibilité à 10 ans. Et parce que les talents qui auront travaillé sur ce projet et auront enrichi leur expérience, pourront la valoriser. Soit de manière individuelle, en travaillant pour des sociétés ailleurs dans le monde, ou avec un spin-off du Grand Paris pour d’autres projets. »

Et de conclure :  « Ce dont je suis sûr, c’est qu’ils auront accumulé un savoir qui aura vocation à être utilisé. Je crois profondément au modèle économique et juridique de ce projet, mais aussi à son modèle d’aménagement, consistant, non pas à faire de grandes radiales sur des terres agricoles ou des forêts comme le RER, mais consistant à développer une vision structurée autour du mass transit, dans une logique de reconstruction de la ville sur la ville. Les équipes qui seront capables de gérer les relations avec les marchés financiers, de savoir gérer la gouvernance locale et la complexité contractuelle et technique des outils à mettre en place pour ce genre de projet, auront des choses à faire devant elles. Pour l’heure, ajoute leur patron, la priorité est de faire face aux challenges qui se présentent et de se mobiliser à 200 %. Quand on les aura franchis, on pourra se projeter, mais on n’en est pas là. »

Valérie Chrzavez


Un modèle transposable

Le modèle du GPE est-il transposable ? « Oui », répond Thierry Dallard, qui est allé présenter le projet à Bruxelles, où on a plutôt tendance à soutenir les projets de liaisons interurbaines. « Les nœuds urbains n’étaient pas, jusqu’à présent, dans son cœur de priorité. C’est pourtant là qu’on coche toutes les cases du développement durable. » Agir sur les nœuds urbains permet de réduire l’usage de la voiture et donc les émissions de gaz à effet de serre, de désenclaver des territoires et de limiter l’étalement urbain, en permettant à des territoires de se redévelopper, sans avoir à créer de villes nouvelles. « En termes de politique de transport, le GPE devrait être une inspiration pour l’Europe. Pas seulement en termes de trafic, mais sur l’effet structurel que cela peut avoir en termes d’urbanisme », estime-t-il.


Pas vocation à devenir aménageur

« Si on regarde le PIB, les économistes évaluent entre 10 à 20 milliards le PIB supplémentaire induit par la création du GPE, soit quatre à huit milliards de recettes fiscales induites au niveau national. La création de valeur réelle permettra donc de rembourser le métro.» Mais pour Thierry Dallard, la vraie création de valeur, c’est le développement immobilier. Une valeur qui ne sera pas captée par la société du GPE qui n’a pas vocation à devenir aménageur. « On a assez à faire comme maître d’ouvrage du GPE et on ne veut pas troubler les messages en sortant de notre rôle », justifie Thierry Dallard. La société aura tout de même un rôle dans le développement immobilier, qui se limitera, en tant que propriétaire foncier, à valoriser les parcelles non utilisées pour ne pas laisser de dents creuses. « On a évalué à un million de mètres carrés ce que l’on pourrait faire sur un potentiel de 30 à 40 à l’échelle des quartiers de gare. C’est modeste, mais c’est quand même trois à quatre fois le village olympique.»


Trois enquêtes d’utilité publique prévues en 2021

Les lignes du Grand Paris Express seront progressivement mises en service entre 2024 et 2030. Actuellement plus de 40 km sur les 200 km prévus ont déjà été creusés. Et plus de 20 milliards d’euros engagés.« Nous avons encore trois enquêtes publiques en 2021, pour décision en 2022, avant les présidentielles, pour le tronçon est de la ligne 15. Celle du tronçon ouest qui entérinera le déplacement de la gare de la Défense et celle d’utilité publique modificative du tronçon ouest de la ligne 18, intégrant le repositionnement de la gare de Saint-Quentin et la mise au sol du viaduc entre le CEA et le golf, afin de réduire l’impact sur le paysage et de réduire l’emprise foncière. Pour la ligne 18, le GPE a réduit de 20 % l’emprise sur les terres agricoles », souligne Thierry Dallard. L’abandon d’Europacity ne remet pas en cause la ligne 17, mais va demander de redimensionner la gare du triangle de Gonesse. En attendant de savoir ce que l’Etat en fera, la Société du Grand Paris a choisi d’accélérer la mise en œuvre de la gare de Villepinte, initialement prévue pour 2030, qui pourrait être mise en service au parc des expositions, en 2028.

Ewa

« Nous comptons porter l’activité internationale de Captrain France de 5 % à 25 ou 30 % »

sortie atelier

Le 1er janvier dernier, VFLI est devenu Captrain France. La filiale de droit privé de la SNCF cherche à développer son activité en Europe dans une logique de coopération avec le réseau des entreprises ferroviaires constitué autour de Captrain en Europe. Explications avec Stéphane Derlincourt, le président de Captrain France.

Ville, Rail et Transports. Pourquoi avoir changé le nom de VFLI pour celui de Captrain ?

Stephane DerlincourtStephane Derlincourt. Depuis le 1er janvier VFLI est devenu Captrain France. Ce n’est pas pour une question d’image car VFLI enregistrait des taux de satisfaction élevés.

Mais nous souhaitons désormais évoluer sur un terrain de jeu plus large que notre seul marché domestique. En effet, le terrain de jeu du ferroviaire est la longue distance. Les flux sont plutôt européens que franco-français.

La marque Captrain est un réseau d’entreprises ferroviaires en Europe, constitué depuis une dizaine d’années par le groupe SNCF. Il y en a en Allemagne, en Italie, en Belgique… et dans l’est de l’Europe. Le but est de constituer, à terme, un réseau maillé à l’échelle européenne.

Captrain France se positionne comme la pièce manquante en France dans le réseau européen. Il s’agit de donner de la visibilité à notre entreprise. VFLI était bien connue en France mais manquait de visibilité en Europe.

Nous avons changé de nom, mais nous restons les mêmes, fortement engagés avec le souhait de faciliter l’accès au rail pour nos clients, dans une logique de report modal pour respecter la planète et aider l’économie française.

VRT. Qu’attendez-vous de ce réseau européen ?

S. D. Avec Captrain France, nous ne changeons pas notre ADN, qui est avant tout d’être proches de nos clients, mais nous souhaitons nous développer à l’international. Nous disposons de 70 chefs de sites aux petits soins pour nos clients. Avec un effectif de 1 000 salariés, nous restons une entreprise à taille humaine et nous allons sur le terrain. Pour résumer, nous sommes des entrepreneurs dans une logique de start-up.

Une coopération existait déjà entre VFLI et les différentes entreprises du réseau. Aujourd’hui, nous regardons quels sont les flux pour lesquels nous pouvons proposer une offre ferroviaire, dans le cadre d’un report modal de la route vers le fer.

Sur l’activité cargo nous avons réussi à développer quelques business, comme un train combiné avec Captrain Italie pour relier la région parisienne à l’agglomération de Milan. Nous envisageons des coopérations avec l’ensemble des Captrain en Europe dans les 12 mois qui viennent.

Notre objectif est d’offrir un service sans couture, dans une logique de coopération entre les différentes Captrain en Europe.

VRT. Avez-vous des objectifs chiffrés ?

S. D. Dans les trois années qui viennent, nous comptons réaliser de 25 à 30 % d’activité internationale alors qu’aujourd’hui celles-ci ne représentent que 5 % du total. Nous le ferons en coopération avec les autres entreprises du réseau Captrain.

Nous comptons aussi profiter des différents plans de relance pour nous développer. Nous ressentons de la part des clients mais aussi la société tout entière un besoin fort en faveur du ferroviaire. Il y a aussi de plus en plus d’incitations qui poussent les entreprises à se tourner vers le rail.

VRT. Quels résultats avez-vous enregistrés en 2020 ?

S. D. Le chiffre d’affaires en 2020 s’élève à 159 millions d’euros. En comparaison, en 2019, année atypique avec un mois de décembre quasi à l’arrêt, nous avions réalisé 152 millions d’euros d’activité.

2020 a été ponctuée par des épisodes difficiles : il y a d’abord la suite des grèves contre la réforme des retraites, puis, à partir de mars, la crise sanitaire. Le premier confinement a représenté la période la plus compliquée car complexe à appréhender et anxiogène. Mais nos équipes ont répondu présents jour après jour, et on peut dire avec courage, car on ne savait rien alors sur le virus.

Beaucoup d’activités se sont retrouvées à l’arrêt car elles sont liées à notre périmètre de marché qui est composé de trois activités : notre activité cargo (que l’on appelle Captrain Cargo et qui représente les trois quarts de notre chiffre d’affaires) a été fortement touchée : si les activités liées à l’automobile et à la chimie ont fortement reculé, celles de la grande consommation, ainsi que l’eau minérale et le combiné, se sont maintenues.

Le reste de notre chiffre d’affaires se partage entre une activité de desserte et de manutention dans les ITE (installations terminales embranchées) et une activité travaux avec la mise à disposition de ressources pour que des entreprises de travaux des voies puissent mener des chantiers. L’activité travaux a été quasiment à l’arrêt pendant deux mois et nous avons dû recourir au dispositif de chômage partiel.

Aujourd’hui, Captrain France est l’une des rares entreprises ferroviaires en France à offrir ces trois types d’activités. Rares sont celles qui savent offrir du cargo, de la proximité et des travaux. Nous souhaitons poursuivre sur ces trois axes.

VRT. A combien estimez-vous votre manque à gagner du fait de la crise ?

S. D. Au-delà du confinement, l’impact sur notre business continue de se faire sentir notamment dans l’automobile et dans le combiné maritime car les récoltes de céréales n’ont pas été de bonne qualité en France, ce qui a impacté notre client Cargill et ce qui nous a affectés. Entre les différents effets de la crise et les effets du marché, il va nous manquer 20 millions d’euros de chiffre d’affaires par rapport à nos prévisions.

Nos dernières estimations ne nous laissent pas penser qu’on ne va pas dégrader le capital de Captrain France. En 2020, au-delà de nos efforts, nous avons en effet également bénéficié d’un soutien de la part de l’Etat avec la gratuité des péages au second semestre.

Les mesures d’économies que nous avons mises en place et les aides de l’Etat vont nous permettre de terminer l’année et d’avoir la capacité d’investir dans les prochaines années pour nous développer.

VRT. Votre portefeuille d’activités a-t-il évolué ?

S. D. Notre portefeuille commercial a évolué : nous avons perdu des marchés, notamment le trafic Danone qui a réduit ses volumes ferroviaires ainsi que le trafic de Cargill.

Mais depuis la mi-décembre, nous avons réussi à gagner des volumes de fruits et légumes à températures dirigés à 140 km/h pour notre client Froid Combi.

Nous avons aussi récupéré depuis début janvier un nouveau trafic opéré par Via avec un premier train semi-remorque sur autoroute ferroviaire. Nous souhaitons en effet nous développer sur les autoroutes ferroviaires car elles offrent la possibilité de transporter des camions à des prix compétitifs et facilitent l’accès au rail.

Citons encore les trains que nous organisons entre le nord-est de la France et le sud-ouest, avec trois allers-retours par semaine, pour un trafic de bois de trituration en vue de leur transformation. Ce sont des volumes nouveaux que nous avons captés et qui sont passés au train. L’intérêt du mode ferroviaire est de permettre l’évacuation rapide de ce bois qui est attaqué par les insectes.

VRT. Quelles sont vos relations avec Fret SNCF ?

S. D. Avec Fret SNCF, nous sommes parfois en compétition, parfois en coopération. Parfois, nous nous retrouvons tous deux en final sur un marché. J’en suis fier car cela montre que le groupe SNCF dispose de belles entreprises.

Dans le cadre de la coalition avec 4F (une alliance regroupant les acteurs du fret ferroviaire pour le promouvoir, dont font partie Captrain France et Fret SNCF mais aussi des opérateurs privés, ndlr), des travaux ont été menés sous l’angle des investissements à réaliser dans les infrastructures et sous l’angle des aides à l’exploitation.

Nous avons obtenu une baisse de 50 % des péages en 2021 pour l’ensemble des entreprises ferroviaires, ainsi que des mesures de soutien au wagon isolé, accordées à celles qui en acheminent, donc Fret SNCF au premier chef. S’y ajoutent des aides au coup de pince, qui vont être pratiquement doublées. Et une réflexion est en cours pour soutenir les entreprises ferroviaires qui investissent dans du matériel. Ces dispositifs vont favoriser le développement du fret ferroviaire.

Il faut aussi obtenir des aides européennes, que ce soit pour les locomotives, pour les infrastructures ou pour mettre en place des solutions de contournement des grandes agglomérations. Il faut enfin travailler avec SNCF Réseau (ce que nous faisons) pour que les travaux sur les voies aient moins d’impact pour le fret ferroviaire.

VRT. Disposez-vous de suffisamment de conducteurs ?

S. D. Il va nous falloir des moyens pour nous développer. On investit beaucoup dans nos centres de formation et nous cherchons à nous faire connaître dans le monde du travail.

Nous recevons chaque année 35 000 CV. Mais cela reste difficile de recruter et la plupart des personnes embauchées ne connaissent rien au ferroviaire. Nous recrutons annuellement en CDI 150 personnes, que nous intégrons dans nos cursus de formation. Pour former un conducteur il faut quasiment un an. C’est donc un investissement important, un vrai engagement.

Nous essayons d’adapter nos formations et de travailler nos process pour être attractifs en proposant de plus en plus de stages sur le terrain et des entraînements sur des simulateurs. Et nous proposons le plus vite possible des affectations. La visibilité sur l’affectation est importante pour nos recrues car beaucoup sont attachés à leurs régions d’origine et souhaitent y être affectés.

Chacun de nos 70 sites a un responsable. 80 % de ces chefs de site sont issus de la promotion interne. Nous faisons en sorte d’offrir à nos salariés des perspectives d’évolution dans leur parcours.

VRT. Quelle est votre politique en matière de matériel roulant ?

S. D. Nous louons nos locomotives et essayons de nous tourner vers le mode électrique. Mais nous avons aussi été les premiers en France et même en Europe à acheter une locomotive hybride que nous exploitons. Nous avons prévu d’en acheter d’autres, mais comme c’est onéreux, nous devons le faire en fonction de nos capacités.

Nous cherchons à réduire notre empreinte carbone en utilisant des biocarburants et en formant nos personnels à l’écoconduite. Nous nous intéressons aussi à la solution hydrogène.

En attendant, il ne faut pas oublier que quand on assure un transport de fret en train, on consomme six fois moins d’énergie et on émet neuf fois moins de CO2 qu’un poids lourd. Sur 1 000 km, ce sont 1 000 kg de CO2 économisés.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt