En pleine grève des transports, la SNCF aborde un tournant dans son existence après avoir été éclatée, le 1er janvier, en cinq nouvelles sociétés anonymes. SNCF Mobilités a ainsi absorbé l’EPIC de tête et est devenue la SA SNCF de tête. Et tout ce qui touche à la mobilité (TGV et Intercités, TER, Transilien, devenant chacun des BU (business unit) auxquelles s’ajoute la direction industrielle) a été confié à la nouvelle filiale SNCF Voyageurs, SA elle-même détenue à 100 % par la société de tête.
Geodis est également détenu à 100 % par la SNCF de tête, ainsi que Keolis à 70 % (les 30 % restant appartenant à la Caisse des dépôts et placement du Québec)
De son côté, SNCF Réseau est transformée en SA avec un périmètre inchangé. Et la nouvelle SA Gares & Connexions devient sa filiale.
Enfin, une société anonyme Fret SNCF, qui vient d’être recapitalisée à hauteur de 175 millions d’euros, est créée. Dans le même temps, elle a été allégée de sa dette, de pas moins de 5,2 milliards d’euros, qui reste dans les comptes de la maison mère. « Or, la société mère n’aura quasiment pour ressources, à part les dividendes remontant des autres SA. On peut penser qu’elle pourrait prélever des dividendes exceptionnels à Voyageurs pour compenser une bonne partie de la dette de Fret SNCF », commente un membre du conseil d’administration du groupe.
Celui-ci fait aussi remarquer que les filiales fret (VFLI, Captrain, Naviland Cargo, Logistra devenue Forwardis) ne sont pas rattachées à Fret SNCF. « On les a logées dans une toute petite société holding à l’intérieur de SNCF Participations, elle-même rattaché à la SA de tête », précise-t-il. « Ce qui montre l’optimisme des dirigeants sur l’avenir de Fret SNCF ! », ajoute-t-il. La dirigeante de Fret SNCF doit aussi diriger cette petite société.
Une nouvelle équipe
Jean-Pierre Farandou, le nouveau président de la SNCF de tête, est en train d’imprimer fortement sa marque en procédant à des nominations à des postes stratégiques. Il a décidé fin décembre de nommer Christophe Fanichet, au poste de PDG de la nouvelle SA SNCF Voyageurs. Ce poste clé revient donc à un de ses très proches, qui est depuis plus de dix ans à la SNCF, où il a notamment été directeur de la communication, directeur de la stratégie ou encore des trains Intercités.
Par ailleurs, après avoir indiqué vers la fin novembre qu’il souhaitait une SNCF « moins parisienne » et plus tournée vers les territoires, Jean-Pierre Farandou a nommé Frank Lacroix, l’actuel directeur général des TER, au poste de directeur général adjoint chargé d’animer la politique ferroviaire territoriale dans la holding de tête (lire aussi ci-dessous).
Pour piloter le futur projet d’entreprise baptisé Transition ferroviaire, Jean-Pierre Farandou a retenu Mikaël Lemarchand, actuellement directeur marketing de Transilien, après avoir été notamment directeur général France d’Eurostar.
Autre décision forte, Jean-Pierre Farandou a choisi de se séparer de Stéphane Volant, « qui n’a pas trouvé sa place dans la nouvelle équipe SNCF », indique Mobilettre du 3 décembre qui a dévoilé l’information. Stéphane Volant, dans la maison depuis 23 ans, était jusqu’alors l’homme des réseaux, chargé des relations avec les élus. Proche de Guillaume Pepy, il avait peu à peu étendu ses missions en coiffant les Affaires européennes, la Suge, le Développement durable, l’Accessibilité et la Fondation SNCF. « Il restera secrétaire général honoraire de la SNCF et directeur général de la société d’exploitation du TER de Dakar », a-t-il précisé à Mobilettre.
Toujours selon notre confrère, c’est Luc Lallemand (l’administrateur-délégué d’Infrabel, le gestionnaire des infrastructures belges) qui va prendre la présidence de SNCF Réseau, succédant à Patrick Jeantet qui part chez Keolis.
De son côté, Marlène Dolveck devrait diriger Gares & Connexions et succéder à Claude Solard, l’actuel président intérimaire. A 44 ans, cette diplômée d’un executive MBA à l’Edhec et d’un master à HEC, a fait une partie de sa carrière à la Banque Postale. Un profil très financier qui fait craindre aux syndicalistes l’ouverture du capital de Gares & Connexions assez rapidement. Quant à Claude Solard, il sera chargé d’une mission de préfiguration de la représentation régionale.
Le nouveau projet Transition ferroviaire
En arrivant à la tête de la SNCF, Jean-Pierre Farandou a annoncé un moratoire de six mois dans les réorganisations pour prendre le temps de la réflexion. Ce qui signifie aussi la fin des suppressions de postes, alors qu’elles ont atteint entre en 2019 de source syndicale.
Pour tenir ses objectifs d’une SNCF moins parisienne, plus tournée vers les territoires, il a décidé de nommer, dans chaque région, un délégué territorial qui doit devenir l’interlocuteur unique vers qui se tourner quand on ne sait pas à qui s’adresser. Ce délégué territorial interviendra aussi sur les questions de mobilité professionnelle entre les différentes entités de la SNCF à l’intérieur d’une même région, dans un objectif de décentralisation.
En plus d’avoir demandé à Frank Lacroix d’animer la politique des territoires, il va demander à chaque membre du comité de direction générale de superviser une région pour arbitrer tout litige qui pourrait subvenir entre deux entités en région (par exemple TGV et Gares & Connexions) et que le délégué territorial ne parviendrait pas à résoudre. Et il a écrit une lettre à tous les présidents de région, sauf à l’Ile-de-France, pour leur expliquer le nouveau dispositif mis en œuvre.
Enfin, Jean-Pierre Farandou s’est aussi engagé à aller au moins une fois par an à la rencontre des présidents de région pour construire une stratégie ferroviaire commune.
La fin des embauches au statut
Autre changement radical depuis 1er janvier : c’est la fin des embauches à statut. La SNCF signe déjà des contrats de droit commun avec ses salariés qui ne sont pas sous statut. A l’avenir, la société nationale veut faire évoluer ce contrat de travail pour le « moderniser », avait expliqué il y a quelques mois la direction des Ressources Humaines. Il s’agit, par exemple, de revoir la question de la liberté du salaire d’embauche et d’envisager de nouvelles clauses, comme une clause de non-concurrence.
M.-H. P.