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Ewa

Le nouveau plaidoyer de Jean-Pierre Farandou pour le ferroviaire

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Quelques mois avant la fin de son mandat à la tête du groupe SNCF – il aura atteint la limite d’âge (68 ans) en mai prochain – Jean-Pierre Farandou prend la plume et publie Le Fer avec les territoires, aux éditions de la Fondation Jean Jaurès. Celui qui a passé 44 ans de sa vie professionnelle à la SNCF et n’a jamais caché son envie d’y rester un peu plus longtemps, livre en une quinzaine de pages « son vécu et sa vision personnelle sur le rôle du train dans les territoires ».

Il emprunte à Michel Houellebecq La carte et le territoire (Goncourt 2010), en y ajoutant bien sûr le train « qui dessine la France ». Carte du réseau ferré national à l’appui.

Lui, le Béarnais pur sucre, fan de rugby qui avait marqué les esprits en 2019 et martelé avec son accent chantant que le système ferroviaire a besoin de 100 milliards d’euros, est un infatigable défenseur du ferroviaire. Il avait déjà publié une première contribution sur le rôle du ferroviaire dans la transition écologique. Il met aujourd’hui en avant la puissance d’intégration du train dans l’aménagement du territoire, « mission historique de la SNCF », écrit-il dans sa contribution en forme d’adieu. Clin d’œil au débat en cours sur les obligations de dessertes auxquelles est soumise la SNCF sur ses lignes TGV quand ses concurrents, Trenitalia, Renfe et peut-être d’autres demain, y échappent. Du moins pour le moment.

« La mobilité comme antidote à l’enclavement, l’isolement, la relégation, l’oubli, l’assignation à résidence » : dans ce 15 pages écrit avec emphase, il est question de « réconciliation dans les territoires ». Avec les élus régionaux aussi ? Jean-Pierre Farandou a démarré un road show à Lyon il y a quelques semaines. Il va poursuivre à Strasbourg, Marseille, Le Havre, Nantes ou Rennes. Gros employeur local, gros acheteur des industries locales, gros gestionnaire de parc immobilier en région, « l’argent de la SNCF ruisselle dans les territoires, elle a une responsabilité vis-à-vis des territoires, dit son président. Après la RSE, la RTE pour Responsabilité territoriale de l’entreprise. Comme un message à son ou sa successeur.e dont il ne dessinera pas le portrait-robot.

Le fer avec les territoires. Réflexions personnelles sur le rôle du train au service des territoires et de la qualité de vie.

Ewa

Président de la SNCF : peut-être le poste de dirigeant « le plus difficile en France! », selon David Valence

Jean-Pierre Farandou

« Un grand président ». C’est l’hommage rendu le 23 mai lors d’un Club Ville Rail & Transports, par David Valence à Jean-Pierre Farandou qui a appris début mai qu’il ne serait pas reconduit à la tête du groupe SNCF.

Selon le député des Vosges, qui est l’un des élus connaissant le mieux le secteur des transports, le patron de la SNCF a rempli avec succès la mission que le gouvernement lui avait confié : apaiser le climat social de l’entreprise qui s’était dégradé lorsqu’il est arrivé aux commandes en novembre 2019. Et redresser les comptes : le groupe a engrangé 2,3 milliards d’euros de bénéfices en 2022, puis 1,3 milliard en 2023.

David Valence esquisse le portrait-robot du successeur de Jean-Pierre Farandou : il devra« savoir parler à tout l’écosystème ferroviaire et pas seulement aux cheminots ». Il devra aussi, poursuit-il « savoir gagner des arbitrages à Bercy. Et surtout avoir du temps pour pouvoir mener une politique de long terme…» Pour David Valence, la présidence de la SNCF est peut-être le poste de dirigeant « le plus difficile » en France.

MH P

 

Ewa

Jean-Pierre Farandou sera remplacé après les Jeux olympiques

Jean-Pierre Farandou

Sitôt la page des Jeux olympiques tournée en septembre, le pdg de la SNCF rendra sa casquette de premier des cheminots. Mesure de rétorsion de la part de l’Etat suite à l’accord du 22 avril sur les fins de carrière des cheminots ? Ou mise en scène ?

Fin de match après les JO. Après une convocation à Bercy, très scénarisée, de Jean-Pierre Farandou, le gouvernement siffle brutalement la fin de la partie. Deux heures avant l’audition du patron de la SNCF, le 7 mai, par le Sénat pour évoquer « les conséquences de l’accord » sur les fins de carrière, un communiqué officiel répétait ce que l’on savait déjà : le premier des cheminots à la tête des 150 000 salariés du groupe ferroviaire restera en poste jusqu’en septembre. Son mandat s’achevait le 13 mai et comme prévu, il est prolongé de quelques mois, le temps que la SNCF passe l’épreuve du feu des Jeux Olympiques.
Mais, la sanction est tombée : après la compétition, Jean-Pierre Farandou ne sera pas reconduit pour un deuxième mandat, a annoncé le gouvernement. Sitôt la page des JO tournée, l’Elysée proposera aux parlementaires le nom d’un (e) successeur(e).

Jean-Pierre Farandou avait jusqu’ici toujours fait savoir son intention de rempiler. Il fêtera ses 67 ans cet été, sera donc bientôt frappé par la limite d’âge fixée pour le pdg de la SNCF et aurait dû quitter ses fonctions en juillet 2025.

Manque de transparence ? Fusible ?

Signé le 22 avril avec les syndicats, l’accord sur les fins de carrière a mis le feu aux poudres, semble vouloir faire croire le gouvernement. Mais qui a allumé la mèche ? Début mai, Bruno Le Maire convoquait Jean-Pierre Farandou pour « qu’il rende des comptes », l’accord engageant, selon le ministre de l’Economie et des Finances, les équilibres de la réforme des retraites et les équilibres financiers de la SNCF ». Laissant entendre que son ministère qui a en partie la tutelle de la SNCF, notamment financière, n’avait pas été averti de cet accord… Lequel a été validé par le ministre des Transports, Patrice Vergriete. Selon les termes de cet accord social signé par les quatre organisations syndicales de la SNCF, à compter de janvier prochain, l’ensemble des cheminots pourront, dix-huit mois avant la fin de carrière, travailler neuf mois payés à 100 % puis effectuer neuf mois non travaillés rémunérés à 75 %, quand l’ancien système valait pour une durée d’un an dont un semestre payé à 60 %.

Dans ce qui ressemblait un peu à une cérémonie d’adieu devant des sénateurs plutôt conquis par le style et le bilan Farandou, le pdg – pour encore quatre mois – de la SNCF s’est donc soumis le 7 mai après-midi aux questions des membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat. Il a dit ne pas comprendre les accusations d’opacité avancées par Bercy notamment.

Morceaux choisis :

Qui a donné la directive d’ouvrir des négociations sur la pénibilité et les fins de carrière ?
« Matignon », répond Jean-Pierre Farandou. « C’est Matignon qui conduisait la réforme des retraites, qui avait les contacts avec les partenaires sociaux et qui a voulu ouvrir une perspective de sortie de crise, en disant que les branches et les entreprises seraient bienvenues à ouvrir ce genre de négociations. Ce que l’on a fait. Ça tombait bien, on avait un vieil accord de 2008, le moment n’était pas mauvais de tenir compte des trois réformes de retraites successives, Fillon, Touraine et celle de 2023, pour simplifier et améliorer le dispositif sur la pénibilité des métiers (…) Dans leur carrière, deux cheminots sur trois sont amenés à exercer un métier pénible…, ajoute le pdg de la SNCF. Le 22 février, dans une interview publiée dans Le Monde, dix lignes mentionnaient l’ouverture des négociations sur cet accord ! »

Quel est le prix de l’accord pour la SNCF ? « 35 millions d’euros par an », calcule Jean-Pierre Farandou. Je m’engage à compenser le coûts de cet accord, il ne coûtera rien aux contribuables, ni aux voyageurs (cela signifierait augmenter le prix des billets de 29 centimes d’euros…), j’ai de l’argent, les résultats de la SNCF sont bons, je peux financer cet accord ».

Quel bilan social tire-t-il de son mandat ? « Je suis un infatigable du dialogue social. Quand je suis arrivé à la SNCF fin 2019, il y avait une rupture, une glaciation des relations sociales. J’ai rétabli le dialogue, il a été nourri et réussi. Concurrence, discontinuité de Fret SNCF…, les enjeux sociaux sont énormes. On ne peut pas embarquer 150 000 cheminots dans un projet de transformation sans les représentants du personnel. Sinon, c’est la porte ouverte aux collectifs et alors là, c’est très compliqué… Ils sont impalpables ».

Le préavis de grève du 21 mai ? « Nous avons une table ronde de convergence calée le 22 mai, on a le droit à un petit mouvement social d’encouragement la veille… »

Nathalie Arensonas

 

Jean-Pierre Farandou avait été nommé en novembre 2019 avec comme mission première le rétablissement des comptes de la SNCF et la mise en œuvre de la réforme ferroviaire de 2018. Sous son mandat, le statut des cheminots a disparu en janvier 2020 – conséquence de la réforme – et son entreprise a été confrontée à deux mouvements de grève importants contre la réforme de la SNCF en 2019-2020 puis celle des retraites en 2023. Il a aussi dû affronter la crise du Covid-19 et l’arrêt total des TGV puis l’organisation de trains sanitaires pour transporter les malades et décharger les hôpitaux de certaines régions particulièrement touchées.
Il est aussi celui qui a ramené les comptes de la SNCF dans le vert avec des résultats historiques en 2022 et 2,4 milliards d’euros de bénéfice puis 1,3 milliard d’euros en 2023. La SNCF fait face à des fréquentations record dans les trains, mais aussi une pénurie de rames TGV, à l’heurte où les Français ont une envie de train. Occasionnant une hausse du prix des billets.

Ewa

L’avenir de Jean-Pierre Farandou en suspens

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Le mandat de Jean-Pierre Farandou s’est en théorie terminé en décembre 2023. Mais dans les faits, il restera à son poste jusqu’à la prochaine assemblée générale qui doit clôturer l’année échue et sera convoquée lors du conseil d’administration prévu fin avril.

Et après ? Plusieurs hypothèses sont évoquées, sachant que l’âge limite à ce poste est fixé à 68 ans, que le PDG de la SNCF atteindra en juillet 2025. Dans ces conditions, soit le gouvernement décide de le remplacer en mai. Soit il choisit, ce qui paraît plus probable, de le laisser à ce poste jusqu’à la fin des JO. Soit encore il prolonge son mandat jusqu’à ce qu’il atteigne ses 68 ans. Il pourrait aussi dissocier la fonction de président du conseil de surveillance et de celui de directeur général. Dans ce cas, Jean-Pierre Farandou pourrait accompagner le ou la directeur (trice) général(e) pendant deux ans. Ne reste plus qu’à attendre un signal du gouvernement….

Ewa

Interview exclusive de Jean-Pierre Farandou : « Je suis un infatigable du dialogue social »

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Alors que le gouvernement ne s’est toujours pas prononcé sur sa reconduction à la tête du groupe ferroviaire, le PDG de la SNCF a accepté de passer en revue tous les sujets chauds du moment. Difficultés du dialogue social interne, risques de grève, préparation des JO, polémique Ouigo en Espagne, prix des billets, attente aux guichets, méga-camions : une interview-vérité en forme de bilan mais pleine de projets.

Ville, Rail & Transports. L’amélioration du dialogue social au sein de la SNCF était une de vos priorités lorsque vous en avez été nommé PDG en novembre 2019. Le climat s’était alors effectivement apaisé. Mais récemment il y a eu les grèves ou menaces de grève des contrôleurs, il y a des préavis pour le mois de mai, il y a des alertes pour les JO… Peut-on toujours dire que vous avez réussi ?

Jean-Pierre Farandou. Je voudrais d’abord rappeler le contexte assez exceptionnel et les enjeux du moment. Depuis quatre ans, il y a eu une combinaison de crises externes que l’on n’avait jamais connue auparavant. Il y a eu la Covid, avec un enjeu important de baisse d’activité, de chômage partiel et de protection des salariés. Puis la guerre en Ukraine a entraîné une crise de l’énergie et une inflation qui pose des problèmes aigus de pouvoir d’achat. Il y a eu également deux réformes des retraites, avec une forte résistance syndicale au sein et en dehors de la SNCF, la fin du recrutement au statut, et l’arrivée de la concurrence, suite à un règlement européen qui nous a obligé à des transformations importantes pour l’entreprise, en créant une société mère et des SA filles de plein exercice. Si on rajoute les JO cet été, qui portent eux aussi des enjeux lourds en termes d’organisation et de contreparties financières pour les salariés concernés, on voit que le contexte n’est pas banal.

J’ai abordé ces sujets par un dialogue social nourri. Oui, je pense que j’ai retissé les liens du dialogue. Il est très riche et très dense à la SNCF, y compris à mon niveau. J’ai vu les représentants syndicaux et les délégués du personnel près de 70 fois l’année dernière, au niveau central et en région à chaque fois que je faisais une tournée sur le terrain.

VRT. Comment se passe le dialogue social?

J-P.F. Nous essayons de combiner trois principes. Le premier est un credo personnel: nous devons trouver l’équilibre entre l’économique et le social. Quand on a de bons résultats, comme en 2023, il est normal qu’il y ait un retour pour les salariés. Nous venons ainsi de verser 400 euros de gratification exceptionnelle à tous les cheminots en plus d’une prime de 400 euros déjà accordée fin 2023.

Nous avons augmenté les rémunérations de façon importante : + 17 % de hausse en moyenne sur trois ans, et jusqu’à 21 % pour les salaires les plus bas, alors que l’inflation était de 13 %. Ce qui a fait croître la masse salariale de la SNCF de 1,5 milliard d’euros sur cette période.

Je rappelle aussi que 3000 promotions supplémentaires ont été actées en 2024 et que l’indemnité de résidence a été portée à 100 euros minimum mensuels en Ile-de-France.

Mais le social doit tenir compte des contraintes économiques, et c’est ce que nous disons dans le cadre du dialogue avec les syndicats.

Second principe, nous cherchons à protéger et à développer. La promotion interne est une réalité : je rappelle que 70 % de nos cadres sont issus du collège exécution.

Enfin, je suis le président de tous les cheminots et quand il y a des revendications catégorielles, je veille à ce qu’elles s’inscrivent dans des ensembles plus larges. Je fais très attention à la cohésion sociale. Quand il y a des progrès sociaux, ils doivent concerner tous les cheminots. Et après on regarde s’il y a, pour telle catégorie, telle ou telle spécificité qu’il faudrait prendre en compte.

VRT. Vous venez de lancer une «plateforme de progrès social ». La formule est assez techno. Qu’est-ce que ça va vraiment changer?  

J-P.F. Les mots ont été choisis : c’est une plateforme, un espace dans lequel des thématiques de progrès social très concrètes vont être discutées avec les organisations syndicales. Nous nous mettrons d’accord sur les sujets qu’il faudra regarder en priorité et il y aura un agenda social. A chaque fois, l’entreprise s’engagera à faire mieux que la situation existante.

Faire mieux, ce n’est pas forcément satisfaire 100 % des revendications, parce qu’on peut être rattrapé par des contraintes économiques ou de cohésion sociale. Mais il y a une logique de progrès continu. Je veux qu’on apporte du plus par la négociation, par une culture du compromis, par le mouvement. Et j’espère que les syndicats reconnaîtront les progrès effectués. Un climat social apaisé et constructif permettra d’éviter les mouvements sociaux. Ce qui change, c’est le fond et la méthode.

VRT. Quels seront les premiers sujets traités ?

J-P.F. Nous sommes en train de négocier deux projets d’accord. A chaque fois, le processus est le même : nous commençons par des bilatérales pour terminer par une table ronde de convergence.

Le premier sujet concerne les fins de carrière. Suite à la réforme des retraites, les cheminots sont appelés à travailler deux ans de plus comme tout le monde. Il n’est pas anormal de regarder comment aménager les fins de carrière pour permettre aux cheminots soit de partir plus tard avec une retraite améliorée, soit de bénéficier de dispositifs anticipés. Les discussions se termineront par une table ronde le 10 avril. J’espère qu’elle sera conclusive.

Le deuxième projet d’accord concerne l’emploi. Nous regardons les grands équilibres à l’échelle nationale puis leur déclinaison au niveau régional et des établissements.

Je rappelle que nous avons décidé de faire 1100 embauches de plus cette année, ce qui conduira à un total de 8400 recrutements à la SNCF en 2024. C’est un effort considérable.

VRT. Faut-il pourtant craindre une grève en mai ? Sud Rail a déposé un préavis pour les chefs de bord…

J-P.F. C’est aux syndicats qu’il faut poser la question!  Nous faisons parfois face à des préavis de préavis! Ce n’est pas la meilleure façon d’aborder le dialogue social. Je ne vois pas pourquoi il faudrait en passer par la grève pour améliorer la situation. Je rappelle que la grève, ça pénalise les cheminots qui perdent de l’argent, l’entreprise alors qu’elle a besoin d’argent pour investir dans le réseau ferré et acheter des TGV et pour payer les cheminots, et surtout nos clients, voyageurs et fret, qui peuvent partir chez nos concurrents. Quand un chargeur passe au camion, c’est très difficile de le faire revenir au train. Attention à ne pas galvauder la grève !

VRT. Le Sénat vient d’approuver en commission une proposition de loi visant à interdire la grève certains jours. Qu’en pensez-vous?

J-P..F. Le travail politique ou législatif n’est pas de mon ressort. Mon travail c’est le dialogue social dans l’entreprise. Je suis convaincu qu’on peut avancer grâce à lui. Nous avons pu conclure récemment plusieurs accords, par exemple un sur la mixité qui a été signé par les quatre organisations syndicales représentatives, ou d’autres encore sur les classifications et sur les revalorisations annuelles (NAO), signés par deux syndicats. Cela montre que le dialogue social fonctionne au sein de la SNCF, il est fructueux et il apporte des résultats très concrets. C’est ma priorité.

VRT. Mais la SNCF fait partie de l’Union des Transports Publics qui réclame une évolution législative pour mieux encadrer les préavis de grève illimités ou les grèves de 59 minutes… 

J-P.F. Ce sont des sujets du secteur, ce ne sont pas les sujets de la SNCF. La question posée, c’est celle de la proportion entre les modalités choisies pour faire grève et l’impact sur le service. On sait qu’une grève de 59 minutes impacte le service pendant bien plus que pendant 59 minutes, mais plutôt pendant une demi-journée voire toute la journée, puisqu’elle perturbe les roulements des trains et les journées de travail. Quant aux préavis à répétition ou aux préavis très longs, ils sont légaux. La SNCF en a quelques-uns qui vont jusqu’en 2040, voire 2045. Je ne conteste pas leur légalité mais on peut se demander si ces modalités sont fidèles à l’esprit du droit de grève, qui est un droit collectif sur une revendication précise. Ce n’est pas à moi de répondre à cette question mais au gouvernement et au Parlement.

VRT. Vous êtes en train de discuter des primes qui seront versées aux agents les plus concernés par les JO. Pourquoi ne sont-elles pas encore décidées ?

J-P.F. C’est un bon exemple du nouveau dialogue social mature que nous voulons mettre en place. Un groupe de travail se réunit tous les mois avec les quatre syndicats représentatifs depuis novembre dernier. Il s’agit d’une revue de projets dans laquelle nous discutons de deux grands sujets : le premier porte sur les ressources, l’organisation, l’emploi, l’utilisation du matériel roulant et les conditions de travail pendant les JO. Cela permet de pointer des sujets intéressants qui sont ensuite travaillés dans les établissements.

Le second sujet porte sur la prime. Nous avons mis des propositions sur la table en janvier. C’est une bonne base, appréciable, sous laquelle nous ne descendrons pas. Nous verrons s’il y a lieu de l’améliorer et comment. Nous avons encore le temps de finaliser ces discussions. Il faut comprendre que nous avons beaucoup d’autres sujets fondamentaux dans l’entreprise. Les JO s’ajoutent mais ne sont pas le cœur du dialogue social. Nous devrions finaliser les négociations en mai ou en juin.

VRT. Les syndicats disent que la disparition des CSE a éloigné la direction des cheminots qui sont sur le terrain. Qu’en pensez-vous?

J-P.F. L’écoute sociale n’est pas l’apanage des organisations syndicales. Dans les établissements, les managers, les directeurs d’établissement, les dirigeants de proximité sont aussi là pour écouter et dialoguer avec les agents. C’est d’ailleurs ce que je demande. Nous avons aussi commencé à travailler avec les syndicats sur le dialogue social de proximité et nous avons donné carte blanche aux SA et aux établissements pour le renforcer.

VRT. Le ministre espagnol des Transports accuse Ouigo Espagne de faire du dumping sur les prix. Que répondez-vous ? 

J-P.F. Je n’ai pas de commentaire à faire sur ce que dit le ministre espagnol.

VRT. Mais on constate que Ouigo Espagne et Iryo, une autre compagnie liée à Trenitalia, ont déjà pris plus de 40 % du marché quand ils sont en concurrence face à la Renfe. Un tel scénario est-il envisageable en France ? 

J-P.F. Je ne connais pas les stratégies commerciales de nos concurrents mais je vois les faits. Les Italiens sont venus sur l’axe Milan- Chambéry-Lyon-Paris avec cinq allers-retours entre Lyon et Paris pour le moment. Cela n’a pas eu d’effet sur la fréquentation de nos trains. Entre Lyon et Paris, SNCF Voyageurs propose 20 allers et retours et le trafic a même progressé.

De leur côté, les Espagnols se sont lancés sur la liaison Lyon-Barcelone et entre Madrid et Marseille. Je ne sais pas quelles sont leurs intentions pour la suite.

Nous n’avons pas de soucis avec la concurrence pour le moment. Nous continuons à nous développer. La fréquentation de nos trains n’a jamais été aussi élevée. Donc tout va bien pour les TGV et SNCF Voyageurs.

VRT. En voyant les prix très bas pratiqués par la SNCF en Espagne, les Français ne vont-ils pas réclamer la même chose chez nous ?

J-P.F. Le montant des péages n’est pas le même. Ceux que payent les trains circulant en France sont parmi les plus élevés d’Europe. Quand vous payez votre trajet 50 euros, il y en a 20 qui vont au péage. En Espagne, c’est beaucoup plus bas. L’écart de coûts explique l’écart de prix.

VRT. N’y a-t-il pas aussi un modèle d’exploitation différent?

J-P.F. La seule réponse que je peux apporter en tant que PDG du groupe, c’est que SNCF Voyageurs et Ouigo sont sur leur feuille de route, et que les résultats sont en ligne avec le plan d’affaires proposé au moment de la décision du lancement en Espagne.

VRT. Suite notamment à votre lobbying, le gouvernement a promis 100 milliards pour le ferroviaire. On n’y est toujours pas. Et aujourd’hui, le gouvernement cherche plutôt des économies partout. Vous êtes déçu ? 

J-P.F. Moi, je constate que les lignes bougent. Dans son discours de politique générale, le Premier ministre Gabriel Attal a parlé d’investissements massifs dans le ferroviaire. La volonté politique est toujours là. Au-delà des discours, on voit qu’il va y avoir plus d’argent pour la rénovation du réseau avec 2,3 milliards d’euros supplémentaires entre 2024 et 2027.

Les projets de services express régionaux métropolitains (SERM) sont également emblématiques de cette volonté de faire plus de ferroviaire en France. Des sociétés de projet se créent, il y a une labellisation des projets. Dans les contrats de plan Etat-région, l’Etat est prêt à financer la phase des études. Sur le fret, on s’organise pour remettre en état les grands triages. Les lignes bougent. L’élan est donné pour les années qui viennent.

VRT. En devenant PDG, vous aviez également affirmé que vous ne vouliez plus d’attente aux guichets. Ce sera le cas cet été ?

J-P.F. Oui, nous avons réussi à réduire les attentes pour qu’elles ne dépassent pas la demi-heure. En mettant en place des appareils qui acceptent la monnaie et des agents pour aider les clients. C’est installé dans toutes les grandes gares et ça fonctionne.

VRT. La SNCF n’a-t-elle pas été trop loin dans la suppression des agents et des vendeurs en gare ?

J-P.F.  C’est une question qui se pose aux autorités organisatrices avec lesquelles nous discutons. Quel niveau de service souhaitent-t-elles? Avec quelle présence humaine? Pour quel coût? Tout cela est précisé dans les contrats de délégation. La SNCF est un opérateur qui réalise le service que lui demandent les autorités organisatrices dans le cadre de contrats. Ils vont être mis en concurrence. On verra bien ce qu’il y aura dans les cahiers des charges.

VRT. Alstom multiplie les retards de livraison de matériels roulants. Vous êtes fâché? Il y aura des pénalités? 

J-P.F. Les retards sont pénalisants pour nos clients. Si nous avions plus de trains, nous les remplirions sur de nombreuses destinations, comme la Bretagne ou le Sud Ouest, où nous manquons de trains. La livraison des TGV M aurait dû commencer à la fin de l’année dernière. C’était la date prévue dans le contrat d’achat. Désormais, on nous annonce mi-2025, c’est donc un an et demi de retard.

On sait aussi que les grosses commandes de RER pour l’Ile-de-France, les MI20 et le RER 2NNG, vont être livrés en retard. Cela nous embarrasse. Sur la ligne B par exemple, nous sommes obligés avec la RATP d’exploiter avec du matériel très ancien : le M I84 date de 1984… Un matériel de 40 ans est forcément moins fiable qu’un neuf. Il y a même des MI 79, vieux de 45 ans…  Alstom est confronté à des problèmes industriels. Espérons qu’ils seront résolus rapidement. Les pénalités prévues par les contrats en cas de retard s’appliquent.

VRT. Finalement il y aura un Pass rail pour les jeunes cet été. Qu’en pensez-vous ?

J-P.F. Tout ce qui peut contribuer à amener des voyageurs dans les trains est une bonne idée mais le montage de ce produit tarifaire entre l’Etat et les régions ne nous regarde pas. Nous nous organiserons pour offrir dans nos systèmes de distribution le tarif décidé.

VRT. Les projets de commande centralisée du réseau peuvent-ils être un facteur de fragilité, notamment en cas de grève ou de cyber-attaque ?

J-P.F. La SNCF est une entreprise d’innovation. Le principal objectif des CCR est d’obtenir une vraie réduction des pannes d’aiguillage grâce aux données recueillies, à l’intelligence artificielle et à la maintenance prédictive qu’elles permettront. Nous pourrons aller vers le zéro panne. Cela ferait gagner quatre ou cinq points de régularité. C’est beaucoup. Cela améliorera la fiabilité et l’attractivité du ferroviaire.

VRT. Chaque année, des plans d’économies sont mis en place qui aboutissent notamment à des suppressions de postes dans les fonctions support…

J-P.F. La productivité n’est pas un mot tabou à la SNCF. Comme toutes les entreprises, elle doit chercher à produire moins cher. Pour les clients d’abord qui attendent que les prix n’augmentent pas ou très peu. Et parce que, dans la concurrence, vous devez maîtriser vos coûts pour dégager des résultats. Je rappelle que nos résultats sont réinvestis à 95 % dans le ferroviaire. Tout l’argent qu’on gagne grâce à la productivité est réinvesti dans l’infrastructure, dans l’achat de TGV et dans la création de nouveaux ateliers.

Nous voulons avoir des effectifs qui correspondent à la charge de travail de chaque établissement. Il peut y avoir des méthodes pour ajuster les effectifs mais on ne trichera pas avec l’emploi.

Après, des efforts de productivité peuvent porter sur les fonctions support mais ils sont réalisés comme dans toutes les entreprises. Ils nous permettent d’atteindre les objectifs de cash flow libres fixés lors de la réforme ferroviaire. Depuis 2022, nous réalisons un cash flow positif et le budget 2024 est aussi construit sur un cash flow positif. La performance économique est absolument nécessaire, ne serait-ce que pour la qualité de service que nous devons aux Français. L’argent investi dans l’infrastructure et le matériel roulant fera le service de demain. C’est peut-être ce qui n’a pas été suffisamment fait dans les décennies précédentes. Nous réalisons désormais de gros efforts financiers grâce à l’argent gagné qui dépend aussi de nos efforts de productivité.

VRT. Clément Beaune était un ministre des Transports très interventionniste. Son successeur arrive avec un nouveau style. Qu’est-ce que cela peut changer pour la SNCF ?  

J-P.F. Le ministre vient d’arriver, il est en train de construire son analyse. Il a une formation de polytechnicien, c’est donc un ingénieur rationnel qui va devoir intégrer le facteur finances publiques dans les politiques qu’il définira après une période d’observation. Il semble intéressé par l’impact de la mobilité sur l’aménagement et le développement des territoires. Je suis convaincu que le ferroviaire aura toute sa place parce qu’elle est importante dans la vie des Français et des territoires.

VRT. Et vous dans tout cela, comment voyez-vous la suite? Vous n’avez jamais caché votre envie de continuer.

J-P.F. La décision ne m’appartient pas, je travaille, et les sujets sont nombreux. J’accepterai la décision du gouvernement, quelle qu’elle soit.

VRT. Qu’est-ce que vous aimeriez plus particulièrement avoir réussi lorsque vous ferez le bilan ?

J-P.F. Je n’en suis pas là. Ce n’est pas mon état d’esprit actuel. Mon état d’esprit, c’est de faire avancer cette entreprise. En quatre ans, on a fait bouger les lignes, le cap est donné. Le cap, c’est celui du développement qui passe par le développement du réseau. Je me suis beaucoup impliqué sur ce sujet. Les premiers résultats sont là, il y a plus d’argent pour le réseau. Les Français nous récompensent car ils ont plus envie de prendre le train. Un cercle vertueux se met en place. Plus d’offre, c’est plus de demande.

Nous nous battons aussi sur le dossier fret. Il vaut mieux avoir plus de trains et moins de camions, et surtout pas des méga-camions qui seraient une vraie erreur. Je me bats pour le développement du ferroviaire et je n’oublie jamais le social. Je suis un infatigable du dialogue social, en associant les cheminots aux progrès de l’entreprise à travers leurs syndicats.

VRT. Pour conclure, qu’avez-vous envie de dire aux cheminots ?

J-P.F. Je suis l’un des vôtres. J’ai commencé à travailler à la SNCF début 1981 et je connais bien l’entreprise. J’ai exercé vos métiers. J’ai été aiguilleur, régulateur, j’ai conduit des trains, j’ai été chef d’établissement exploitation, chef de PC, chef de dépôt, chef d’établissement, directeur de région… Je sais que cette entreprise est attachée à des valeurs. Certes la SNCF se transforme mais ce n’est pas une entreprise comme une autre et elle reste fidèle à ces valeurs : nous voulons être utiles aux Français et aux territoires.

Je veux aussi les remercier les cheminots pour le travail qu’ils réalisent. Ce sont eux qui font rouler les 15 000 trains quotidiens et qui travaillent sur 1600 chantiers par an.

Je suis convaincu que le ferroviaire fait partie de la solution face aux enjeux environnementaux, d’aménagement du territoire et de pouvoir d’achat.

C’est aussi une formidable industrie. Nous avons un rôle de leadership pour la filière qui est porteuse d’emplois.

Nous avons de la chance. Nous faisons un beau métier.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

Ewa

Jean-Pierre Farandou appelle à un « acte II » de la politique ferroviaire pour doubler la part du rail

JP Farandou

Jean-Pierre Farandou prend de plus en plus souvent clairement position dans la sphère publique. En cette période préélectorale, il présente le programme qu’il soutient pour le ferroviaire, via une tribune publiée depuis ce matin sur le site de la Fondation Jean Jaurès, pour dire l’urgence d’investir massivement dans le ferroviaire. C’est la « clef », selon lui, « de la mobilité décarbonée de demain ».

Après l’acte 1 de la réforme ferroviaire (avec la création de la nouvelle SNCF en 2020 et la reprise de la dette de SNCF Réseau à hauteur de 35 milliards d’euros), il faut désormais, explique le président du groupe SNCF, passer à l’acte 2 pour atteindre la neutralité carbone, d’ici 2050, et s’attaquer au premier poste d’émissions de gaz à effet de serre : les transports qui représentent 31 % du total en France (25 % dans le monde).

Faire passer la part de marché du train de 10 % à 20 %

Dans ce total, le train ne représente que 0,3 % des émissions (10 % dans la part des transports). « Pour un même trajet, un TGV émet 50 fois moins de CO2 qu’une voiture diesel ou essence », résume le patron de la compagnie nationale. Selon lui, « le calcul est simple : le report de 10 % de part modale (fret et voyageurs) de la route vers le ferroviaire dans notre pays – passant ainsi de 10 % à 20 % de part de marché de l’ensemble des transports – permettrait une réduction des émissions entre 8 et 12 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an (entre 6 % et 10 % des émissions du secteur des transports). Nous aurons ainsi fait de 22 % à 33 % de l’effort global de décarbonation des transports auquel s’est engagée la France d’ici à 2030, ce qui rendra possible et crédible l’objectif majeur du ZEN (zéro émission nette, ndlr) en 2050 ».

En se présentant comme le patron du système ferroviaire français, Jean-Pierre Farandou esquisse ce que pourrait être le ferroviaire dans 10, 15 ou 20 ans, décrypte son entourage. Il propose sa contribution pour mettre en œuvre le Traité de Paris. « C’est son rôle, il contribue au débat public », indique-t-on.

Son objectif est de multiplier par deux la part globale du ferroviaire dans dix ans (celle de la SNCF mais aussi des autres opérateurs). C’est le grand programme X2 porté par ses équipes. D’où ses propositions d’étendre le réseau à grande vitesse sur la transversale Sud (de Toulouse à Marseille jusqu’à Nice) en lui donnant de la cohérence, de lancer des RER dans 13 métropoles (« seul moyen de décongestionner les grandes capitales régionales et de capter des flux massifs aujourd’hui sur la route »), de débloquer des nœuds ferroviaires, de remettre en état et de développer les accès au réseau fret ou encore d’assurer l’avenir du wagon isolé, « lequel n’est pas rentable, mais essentiel pour préserver la substance industrielle partout en France et éviter que des marchandises dangereuses ne se retrouvent sur la route ».

Pour rendre le réseau ferré beaucoup plus moderne et performant, à l’unisson de Luc Lallemand, PDG de SNCF Réseau, il souhaite le lancement de deux grands chantiers : le déploiement du système de signalisation européen ERTMS (permettant de faire passer plus de trains sur les lignes) et la généralisation des commandes centralisées du réseau (CCR), en passant de 2000 postes d’aiguillage aujourd’hui à 15 CCR.

L’Allemagne a prévu 86 milliards d’euros sur dix ans

Un tel programme nécessite d’énormes moyens financiers. Tellement loin de ce que le gouvernement a prévu. Les besoins seraient en ligne avec les montants annoncés par l’Allemagne, qui compte consacrer 86 milliards d’euros à son réseau sur dix ans (trois quarts étant à la charge de l’Etat fédéral, un quart à la charge des Länder), soit 8,6 milliards d’euros par an sur 2021-2030, « pour un réseau qui est pourtant deux fois plus jeune que le nôtre ».

Pour tenir cet ambitieux programme, Jean-Pierre Farandou propose de mettre en place une structure nationale de financement de l’investissement ferroviaire, qui pourrait reposer sur l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), ou sur une nouvelle agence pour la durée des travaux. « Des investissements privés recherchant une rémunération « verte », sur le long terme, à rendement modeste sur la base des péages à venir sur ce réseau rénové, pourraient également être envisagés », ajoute-t-il.

Outre les bienfaits environnementaux attendus, le développement du ferroviaire permettrait d’être un créateur d’emplois encore plus puissants (des emplois non délocalisables) et de bénéficier au BTP et à toute la filière industrielle, petits et grands acteurs, qui font face à une concurrence accrue « face à l’Allemagne, au Japon, à la Chine ou à la Corée qui sont en train d’accélérer sur le ferroviaire ».

Ce message lancé par Jean-Pierre Farandou est partagé par de nombreux professionnels du secteur et, bien au-delà, porte une importante question sociétale. Malheureusement, les candidats à la présidentielle n’en sont pas encore là.

Marie-Hélène Poingt

Ewa

Pour Jean-Pierre Farandou, ce n’est pas le train qui est cher, c’est l’avion qui ne l’est pas assez

Portraits du Comité de Direction de Keolis.
Pour l'agence Meanings.

Auditionné hier matin devant la Commission du développement durable de l’Assemblée nationale, Jean-Pierre Farandou a été interpellé par un député sur les prix des billets de train trop élevés à ses yeux. Ce n’est pas la SNCF qui est chère, c’est l’avion qui ne l’est pas assez, a répondu le patron de la SNCF. Et de s’interroger : « Comment des compagnies arrivent-elles à proposer des billets d’avion à 30 euros ? Les Ryanair et d’autres dont on connaît les façons d’agir… C’est cette question qu’il faut poser. »

Principale réponse, selon le PDG de la SNCF : l’avion ne paye pas de taxe sur le kérosène, alors que la SNCF paye des taxes sur l’énergie qu’elle consomme, des redevances pour l’utilisation du réseau et l’usure des voies… « Or, un TGV pollue 80 fois moins que le même voyage en avion. Et 50 fois moins que la route. »

Plaidant pour le ferroviaire, mode qui devrait jouer un rôle décisif dans la politique de décarbonation des transports, il a également réclamé plus de moyens financiers pour tenir les objectifs. « Le réseau est la mère de toutes les batailles », a-t-il expliqué aux députés en rappelant que, si la Suisse est citée en exemple pour ses performances ferroviaires, c’est parce qu’elle consacre depuis des années des investissements massifs à son réseau.

« En France, l’âge moyen des voies est de 37 ans, mais certains axes peuvent avoir 60 ans, voire 70 ans. En Suisse, tous les rails sont changés tous les 30 ans ! Ce qui donne une moyenne d’âge globale de 15 ans », a-t-il rappelé.

Selon lui, si on veut doubler les volumes transportés par le train, il faudra plus d’argent. « J’espère que, dans dix ans, on aura deux fois plus de marchandises et deux fois plus de voyageurs dans les trains. Si on a des ambitions de volume, le réseau doit être adapté. » Faute de quoi, le réseau ne pourra pas supporter ces afflux de circulations. Or, si le renouvellement des voies est en cours, en revanche, rien n’est prévu pour moderniser les équipements également vieillissants. Pour disposer d’un réseau performant, il faudrait renouveler aussi le système d’aiguillage et la signalisation. Mais le contrat de performance que doit signer dans quelques mois l’Etat avec SNCF Réseau ne prévoit pas de financement pour la modernisation…

Marie-Hélène Poingt

Ewa

SNCF : plus de 5 milliards d’euros de pertes et confirmation de cessions

Portraits du Comité de Direction de Keolis.
Pour l'agence Meanings.

Un an après sa première audition devant le Parlement, qui était déjà appelé à se prononcer sur sa nomination à la tête de la SNCF, Jean-Pierre Farandou s’est livré au même exercice, le 2 décembre, en vue du renouvellement de son mandat à la tête du groupe SNCF dont le statut a été transformé le 1er janvier 2020. Un exercice dans lequel il excelle mais qui s’est déroulé cette fois-ci dans des conditions qui étaient inimaginables à l’époque : une chute brutale et inédite du trafic ferroviaire due à la crise sanitaire, survenue juste après la longue grève contre la réforme des retraites de décembre 2019 à février 2020. « On est passé de 15 000 trains par jour à 3 500 trains par jour et de cinq millions de voyageurs par jour à 150 000 voyageurs par jour », a résumé Jean-Pierre Farandou, en rappelant qu’à la fin octobre, les pertes se montaient à 5 milliards d’euros.  « Et on sait que cela va encore s’aggraver ».

Conséquence, c’est tout le modèle ferroviaire qui est remis en cause. Ce modèle repose sur le succès du TGV, dont les lignes rentables (une sur deux) financent toutes les autres lignes qui ne le sont pas (dont les trains d’équilibre du territoire). Or, pour la première fois, l’activité TGV s’effondre. La SNCF a notamment perdu « 10, 15 ou 20 % » de sa clientèle d’affaires, celle qui est la plus rémunératrice. Le système repose aussi sur les péages versés à SNCF Réseau et à Gares & Connexions, également en chute libre.

« Ma réflexion sur le nouveau modèle est au cœur de ma stratégie. Il appartient aussi au public, aux Français », lance le dirigeant aux députés, en vantant une fois de plus l’intérêt du train, mode vertueux pour l’environnement, et en rappelant tous les efforts réalisés par l’entreprise vers des flottes et des procédures plus écologiques.

Le contrat de performance repoussé à l’été 2021

Pourtant, l’Etat tarde à se positionner. On attend toujours la signature du contrat de performance qu’il doit signer avec SNCF Réseau pour définir la stratégie ferroviaire. Ce contrat est désormais attendu à l’été 2021, indique Jean-Pierre Farandou, en rappelant que le niveau des péages (en France, l’un des plus élevés d’Europe) est un déterminant essentiel. « Il faut se poser la question sur la capacité du TGV à financer les péages (…) Il faut intégrer la nouvelle donne », souligne-t-il.

En attendant, pour surmonter la crise, la SNCF a déjà économisé 1,8 milliard d’euros de dépenses avec des reports d’investissements, le recours à du chômage partiel… « Nous poursuivrons cet effort de gestion en 2021. Le budget 2021 en préparation sera inévitablement un budget de crise », indique le PDG du groupe. « Une société anonyme, même si elle a 100 % de capitaux publics, doit équilibrer sa dette et la financer. Quand la dette s’emballe, il faut prendre des mesures. Nous allons tout faire pour préserver nos grands équilibres financiers », ajoute-t-il.

La vente de Ermewa confirmée

Ces mesures passeront par des cessions. Jean-Pierre Farandou a confirmé le lancement de la vente de Ermewa, la filiale à 100 % de la SNCF, spécialiste de la location de wagons. Il en attend 2,5 milliards d’euros. Mais il faudra aller plus loin.  « Il y a une discussion à ce sujet avec l’actionnaire. Mais je me suis clairement opposé à toute cession du capital de Keolis ou de Geodis. Keolis, car cette entreprise fait clairement partie intégrante de la stratégie du groupe. Geodis car si la SNCF ne va pas bien, Geodis va bien. Et c’est un sujet de souveraineté nationale : c’est le dernier grand logisticien français. Il a permis d’acheminer un milliard de masques en France quand on en avait besoin ». Reste que cela n’empêcherait pas d’ouvrir une partie du capital. C’est d’ailleurs déjà le cas de Keolis qui n’appartient pas à 100 % à la SNCF (mais à 70 %, la Caisse de dépôt et placement du Québec en détenant 30 %). Selon plusieurs organisations syndicales, Geodis ferait bien partie de la réflexion (mais pas à court terme), et la SNCF souhaite en garder le contrôle.

Une politique tarifaire de conquête

Pour se préparer à l’après-crise, Jean-Pierre Farandou demande à ses équipes d’inventer de nouveaux services et d’aller chercher du « volume » en mettant en place une politique tarifaire « de conquête ». En clair, la SNCF travaille sur une nouvelle logique tarifaire permettant de trouver des petits prix même au dernier moment. « Il faut changer le logiciel tarifaire, assouplir le yield management », indique Jean-Pierre Farandou. « Il faut changer l’impression que le train est cher et peut-être réfléchir à un prix maximum en seconde classe ».

Le patron de la SNCF cite une autre piste explorée : cibler les seniors, les retraités « actifs ». « Nous ne sommes pas encore assez orientés sur ce segment de clientèle », commente-t-il. Le groupe proposera aussi l’année prochaine une appli nouvelle, offrant aux voyageurs des solutions de déplacement de bout en bout. La nouvelle trame tarifaire est attendue l’été prochain.

Reste qu’il faudra du temps pour inverser la tendance. Jean-Pierre Farandou rappelle que « les économistes estiment désormais qu’il faudra attendre 2023 avant de retrouver les niveaux de trafic de 2019 ».

Marie-Hélène Poingt 

A noter : Les deux Assemblées, le Sénat puis l’Assemblée nationale, ont chacune leur tour approuvé, le 2 décembre, le projet de nommer Jean-Pierre Farandou au poste de PDG de la SNCF.

 

 

Ewa

Jean-Pierre Farandou devrait de nouveau être nommé PDG de la SNCF

Jean-Pierre Farandou.

Relançant une procédure retardée par la crise sanitaire, l’Elysée a annoncé le 23 novembre qu’Emmanuel Macron envisage de renommer, sur proposition du Premier ministre, Jean-Pierre Farandou au poste de président du directoire-directeur général de la SNCF. Jean-Pierre Farandou a déjà été désigné à l’automne 2019 pour diriger la SNCF, dont il est devenu le PDG quand celle-ci a été transformée en une société anonyme à capitaux publique le 1er janvier. L’Elysée avait alors précisé que sa procédure de nomination serait « transitoire« , et qu’elle devait être « suivie par une nouvelle procédure, au cours du 1er semestre 2020, une fois la nouvelle architecture de la SNCF mise en place« . Or, la pandémie a retardé la mise en place de cette nouvelle architecture. Les élections des représentants des salariés au conseil d’administration ont été retardées à début décembre –avec un vote électronique–, tandis que le gouvernement prolongeait jusqu’au 31 décembre l’organisation temporaire.

La procédure prévoit que Jean-Pierre Farandou soit entendu par les commissions du développement durable du Sénat et de l’Assemblée nationale –comme il l’a déjà été en octobre 2019–, lesquelles devront valider le choix du président Macron. L’Etat proposera à nouveau qu’il soit désigné administrateur de la SNCF, afin qu’il (re)devienne PDG, indique l’Elysée.

Ewa

La SNCF promet plus de lisibilité dans ses tarifs

Jean-Pierre Farandou.

Dans un entretien au quotidien Les Echos, du 18 septembre, Jean-Pierre Farandou annonce une étude pour « imaginer un nouveau mode de tarification, plus lisible« . Et le PDG de la SNCF d’ajouter : « Nous devons prendre six mois à un an pour étudier sérieusement la question car la réponse nous engagera pour des années« .

Depuis les années 90, la SNCF a abandonné le principe de la tarification kilométrique et recouru au yield management basé sur l’offre et la demande, comme le pratique notamment le transport aérien. Conséquence, au fil du temps, le TGV s’est donné une image d’un train cher, ce qui pose « un problème« , reconnaît Jean-Pierre Farandou, et cela alors même que le prix moyen d’un billet de TGV, aujourd’hui autour de 45 euros, a tendance à baisser avec le développement de Ouigo. « Mais une partie de notre clientèle qui achète ses billets au dernier moment les jours de grands départs n’a pas accès à nos meilleurs tarifs« , souligne le patron de la SNCF. Selon lui, « il faut réinventer le modèle TGV. Pendant des années, la demande dépassait l’offre, mais aujourd’hui nous avons de la place dans les TGV, l’offre dépasse la demande. Le moment est venu de se remettre en question« .
Le dirigeant lance ce nouveau chantier dans un contexte difficile : la SNCF avait prévu une marge opérationnelle de 5 milliards d’euros, elle en a enregistré 3 milliards de moins avec la crise sanitaire. Le trafic repart, mais lentement, et les voyages d’affaires, les plus rémunérateurs, sont à la peine. Jean-Pierre Farandou estime qu’il faudra environ deux ans pour retrouver les courbes de trafic antérieures à la crise.

MH P