Je me connecte

E-mail*
Mot de passe*

> Mot de passe oublié?

Je m'inscris

*Champs obligatoires

Conformément à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée en 2004, vous bénéficiez d’un droit d’accès et de rectification aux informations qui vous concernent.
1. Mon Compte
2. Mes activités
3. Mes Newsletters

Vous devez lire et accepter nos conditions générales de vente et d’utilisation *

* Mentions obligatoires

Je souhaite recevoir la newsletter :

Je m'enregistre

Mot de passe oublié ?

Ewa

Les premiers succès de Modalis, le MaaS à l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine

conf nouvelle aquitaine 2024 19 copie

Présenté comme le Graal en matière de mobilité, le MaaS (Mobility as a Service) est une réalité en Nouvelle-Aquitaine avec Modalis. Un outil évolutif déjà adopté par 100 000 abonnés. Renaud Lagrave, le président de la Région, en a tiré les enseignements et présenté ses objectifs au cours d’une conférence co-organisée le 23 janvier avec VRT.

L’histoire remonte à 2017 lorsque la région Nouvelle-Aquitaine a pris la compétence sur la gestion des transports scolaires et interurbains, en plus des TER. Une réflexion a alors été lancée avec les autres collectivités, aboutissant à la création du Syndicat Nouvelle-Aquitaine Mobilités (Nam), qui regroupe aujourd’hui 34 autorités organisatrices de transport et 40 réseaux. Son objectif : coordonner les offres de transport, créer un billet unique interopérable et mettre en place un système d’information unique. Une démarche innovante qui a permis de lancer Modalis, un MaaS (Mobility as a Service) à l’échelle de la région.

conf nouvelle aquitaine 2024 58 copie
Renaud Lagrave

« Nous avons entamé les discussions pour créer cet outil avant la loi Mobilités de 2019 », rappelle Renaud Lagrave, le président du syndicat, également vice-président chargé des transports de la région. Les discussions visaient à simplifier la vie du voyageur tout en organisant les actions des différentes autorités organisatrices de mobilité (AOM). « Les briques ont été assemblées progressivement, avec des coups d’accélérateur liés à des évènements comme le Covid qui, en interdisant la vente des billets dans les cars, a poussé le syndicat Nam à trouver une solution de vente de billets sur Modalis en trois semaines », raconte l’élu.

Modalis, mode d’emploi

Le système est simple. Après avoir chargé l’application Modalis sur son smartphone, l’usager peut saisir une origine et une destination et se voit proposer tous les modes de transports possibles, ainsi que les horaires, pour faire son choix. Il peut acheter son billet en carnet ou à l’unité, même s’il emprunte plusieurs réseaux. « A ce jour, 65 % des réseaux de Nouvelle-Aquitaine sont référencés. Ce taux passera à 85  % dans un an », précise Jérôme Kravetz, directeur de Nam. Parallèlement, le syndicat coordonne le déploiement de la carte Modalis sur les réseaux membres, afin de mettre progressivement en place un support unique de mobilité sur l’ensemble du territoire régional.

Montée en puissance

« Le système est perfectible, nous travaillons avec les AOM pour l’améliorer, qu’il s’agisse de la billettique, de l’interopérabilité, de la remontée en temps réel des informations ou de l’intermodalité », détaille Renaud Lagrave. D’ores et déjà, le succès de Modalis s’observe à travers les hausses de trafic enregistrées sur tous les réseaux urbains et une progression de + 40 % en quatre ans sur les lignes TER. Pour inciter les automobilistes à laisser leur voiture au garage et utiliser les transports publics, l’élu prévoit de travailler sur l’intégration tarifaire pour bénéficier d’offres plus attractives. Pour l’heure, Modalis ne peut que proposer une superposition tarifaire.

conf nouvelle aquitaine 2024 106 copie
Michel Germaneau

Une intégration à pousser

Modalis intègre déjà les transports par cars, les TER, les réseaux urbains, l’autopartage, le covoiturage, les vélos. Bientôt, le transport à la demande (TAD) pourrait faire son apparition. Ainsi que les TGV et les Intercités dès qu’un différend avec la SNCF sera réglé. « La SNCF ne veut pas que nous vendions des billets pour ses trains car nous serions une agence de voyages », déplore Renaud Lagrave. « Comment expliquer que nous pourrions vendre tous les modes de transport sauf les TGV et les Intercités ? », interroge-t-il, s’en remettant aux services de l’État pour lever ce point de blocage. Il se dit prêt à saisir l’Autorité de régulation des transports s’il n’obtient pas gain de cause. « Nous refuser la possibilité de vendre ces billets est contreproductif. La SNCF a 122 distributeurs automatiques de billets dans les gares en Nouvelle-Aquitaine. Nous en installons 265 sur lesquels on pourra vendre les billets de tout le réseau. Y compris ceux des TGV et des Intercités si on trouve un accord. Tout le monde y gagnerait », ajoute-t-il.

Une coopération renforcée

Michel Germaneau, vice-président chargé des mobilités du Grand Angoulême, qui regroupe 38 communes et dispose d’un réseau de 11 lignes de bus, estime que la création du syndicat a permis de réduire les méfiances entre territoires. « Nous sommes passés d’un système de concurrence, à un système de partage ». Adhérer au projet Modalis permet à l’agglomération de profiter de solutions « sur étagère » pour offrir des services nouveaux ou harmonisés. Le Grand Angoulême va ainsi pouvoir tester en avant-première les applications Covoit Modalis pour du covoiturage de courte distance et Vélo Modalis, un service de location de vélos électriques proposé dans toutes les gares de la ligne TER Royan – Angoulême.

Des financements à trouver

Pour améliorer l’offre de transport régionale, le syndicat veut déployer une vingtaine de lignes de cars express. « Une première, Bordeaux-Créon, a déjà été mise en place en 2019 et nous venons d’ouvrir celle reliant Blaye et Bordeaux en début d’année. Nous sommes en train de finir les comités de pilotage pour en démarrer trois autres lignes sur Poitiers, La Rochelle et dans le Sud Aquitaine », précise Renaud Lagrave. Pour financer ces projets, l’élu régional compte sur les collectivités, les recettes fiscales, mais aussi sur la participation des usagers. Par ailleurs, le syndicat Nam a instauré, depuis le 1er janvier, le versement mobilité (VM) additionnel sur l’ensemble des communes de son territoire. L’aménagement de la ligne de bus à haut niveau de service entre Bordeaux et Blaye a ainsi pu être cofinancé à hauteur de 25 % par la Région, 25 % par Bordeaux Métropole et 50 % par Nam. Renaud Lagrave s’autorise toutefois une réserve, constatant que des entreprises situées dans des communes centre sont moins mises à contribution que d’autres moins riches, et en conclut que cette taxe additionnelle n’est pas adaptée au déploiement d’une offre de transport périurbaine.

Valérie Chrzavzez

Ewa

Où en sont les applis MaaS ?

La conférence s’est tenue le 24 mai, au 8 rue d’Athènes dans le 9e arrondissement de Paris.

Outil à tout faire, l’appli MaaS idéale couvre l’ensemble des besoins de mobilité, depuis l’information voyageur jusqu’au paiement, en passant par le calcul d’itinéraire. Elle organise instantanément un déplacement en offrant une alternative efficace au véhicule individuel. L’article 28 de la LOM incite à la création d’une telle appli sans réellement l’imposer, ni préciser à qui incombe son développement. Dans le contexte bouillonnant de création de 500 nouvelles AOM créées par la LOM et d’émergence d’un titre de transport unique, les experts réunis le 24 mai par Ville, Rail & Transports, lors d’une conférence, dressent un état des lieux entre volonté politique et réalité du marché des applis.

Où en sont les projets de MaaS (Mobility as a service) qui doivent offrir demain aux voyageurs une solution clé en main pour se déplacer grâce à un titre de transport unique ? La conférence organisée le 24 mai par Ville, Rail & Transports a cherché à faire le point, en réunissant à la fois des opérateurs proposant des solutions, ainsi qu’un expert, un élu et une représentante du gouvernement pour une confrontation de leurs visions, constats et attentes. En introduction, Claire Baritaud, sous-directrice de la SDMINT (Agence de l’innovation pour les transports, ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires) reconstitue le contexte : « Jusqu’à l’apparition de l’article 28 de la Loi d’orientation des mobilités (LOM), le code des transports était orienté vers la régulation et le contrôle. Avec la LOM, le code des transports permet la création d’un service d’information, à l’intention des usagers, concernant l’ensemble des modes de déplacement sur le territoire des autorités organisatrices de mobilité (AOM) », rappelle-t-elle.

Des acteurs privés ou publics peuvent donc développer des services numériques multimodaux (SNM, communément appelés « applis MaaS ») chargés de faciliter le voyage multimodal. À l’échelle européenne, l’article 28 de la LOM inspire les travaux en cours à propos du MDMS (Multimodal Digital Mobility Services). Contribuant à la mise en place de SNM et incitant aux parcours multimodaux, le titre de transport unique, annoncé pour 2025, par le ministre délégué chargé des Transports, Clément Beaune, compte parmi les grands chantiers en cours. Ce titre pourrait se concrétiser grâce aux lauréats du hackathon « titre de transport de demain » de février 2023 que sont la carte LEM (carte physique ou dématérialisée sur portable) et l’appli France Moov’ qui détecte les trajets par géolocalisation et s’accompagne d’un paiement à l’usage.  Éloignée d’échéances électorales, la période actuelle est favorable aux évolutions motivées par les pouvoirs publics. Il faut en profiter et aller vite pour concrétiser les SNM en ayant à l’esprit que la LOM a créé 500 AOM sur des territoires où il préexistait 200 systèmes billettiques différents. « Le niveau d’exigence est légitime, mais il est important de considérer la situation actuelle avec toute sa réalité historique », tempère Jean-Luc Gibelin, le vice-président chargé des Mobilités de l’Occitanie.

 

appli du trajet aux transports proposes copie
Une appli MaaS est d’abord un outil d’incitation à la multimodalité afin de limiter l’autosolisme.

 

Comment l’appli MaaS peut-elle réduire l’autosolisme ?

« Á l’exception des très grandes villes comme Paris, les déplacements du quotidien nécessitent en général un véhicule personnel. L’incitation à l’emploi des transports publics peut s’appuyer sur des offres combinées, y compris celles incluant à la fois le stationnement des voitures particulières et le recours aux transports collectifs ou partagés. Le parking-relais est un moyen d’établir le lien entre véhicule personnel et transport public. Notre appli cible les autosolistes et lie parking et transports publics », explique François Mottet, le directeur marketing opérationnel de Flowbird. Pour changer les comportements, il faut informer, mais aussi inciter. Dans ce but, l’appli MaaS est un canal de communication à la disposition des AOM pour renseigner à propos de l’impact environnemental de chaque mode de transport. « Nous constatons que les usagers n’ont qu’une connaissance partielle de l’offre de transports sur leur territoire », ajoute François Mottet.  La communication doit donc progresser, non seulement à propos des offres, mais aussi au sujet des aides mises en place par les collectivités et le gouvernement, comme moB (mon compte mobilité). François Mottet rappelle que « quand on voyage, il y a des raisons. C’est pourquoi l’appli MaaS Flowbird intègre des activités comme des places de cinéma ou au stade. L’incitation à l’emploi des transports publics peut prendre la forme d’un tarif réduit pour ces activités. Avec un même compte et un même moyen de paiement, notre appli donne accès à la fois aux transports publics, aux parkings, aux vélos en libre-service, mais aussi aux cinémas, aux musées, aux expos ou aux stades, tout en permettant des offres combinées. »

 

Qu’en dit le code des transports ?

Modifié par la loi n° 2019-1428 « LOM », le Code des transports stipule que « les autorités organisatrices [de mobilité] veillent à l’existence d’un service d’information, à l’intention des usagers, portant sur l’ensemble des modes de déplacement dans leur ressort territorial » (art. L. 1115–8). « Un service numérique multimodal est un service numérique qui permet la vente de services de mobilité, de stationnement ou de services fournis par une centrale de réservation. […]. Les solutions de déplacement proposées en réponse à la requête de l’usager sont présentées de manière claire et insusceptible de l’induire en erreur. Les critères utilisés pour la sélection et le classement de ces solutions, y compris les critères liés directement ou indirectement au profil de l’usager, sont explicites et aisément identifiables par l’usager. Ils sont appliqués de façon non discriminatoire à tous les services dont le service numérique multimodal propose la vente » (art. L. 1115–10. – I). Les textes prévoient le partage des informations et incluent le covoiturage (y compris interrégional) dans le bouquet de solutions de transport soumis à l’usager.

 

Quelle est la réalité du marché ?

« L’appli idéale se fonde sur un compte et un mode de paiement uniques qui donnent accès à tout avec une facturation unique en fin de mois et un paiement à l’usage. En pratique, ce n’est pas ce que nous constatons », explique Yann Hervouët, le PDG d’Instant System, qui ajoute : « Notre client est un opérateur de transport qui pourrait voir l’appli MaaS comme une transformation de son service d’arrêt à arrêt, en service d’adresse à adresse, en s’associant à des solutions de micromobilité pour le dernier kilomètre. Mais pourquoi un opérateur de transport public, déjà contraint par ses bus, ses chauffeurs et les plaintes de ses passagers se chargerait-il de distribuer des services privés tiers dans sa propre appli au risque de voir sa responsabilité étendue ? C’est pourquoi on nous commande des applis d’information voyageurs et de billettique, éventuellement multimodales, centrées sur le transport public. On parle beaucoup de l’élargissement au covoiturage, aux trottinettes et aux vélos, mais la véritable demande concerne l’intégration du transport à la demande (TàD) pour les zones d’habitat diffus ou les PMR. La demande actuelle s’oriente donc vers des applis réunissant lignes régulières et TàD. » Alors que l’appli MaaS est présentée comme la clé universelle de tous les modes de transport publics et privés, l’appli effectivement disponible se contente souvent de réunir l’ensemble de l’offre de l’opérateur de transport, dont les systèmes billettique et ticketing sont parfois différents.

Qui doit mettre en place l’appli MaaS?

Les régions sont cheffes de file pour l’organisation des mobilités. « L’État n’est pas responsable du développement des mobilités alternatives à la voiture individuelle au niveau local. Son rôle est d’interconnecter les réalisations de chaque territoire », précise Claire Baritaud. Selon Jean-Luc Gibelin : « Les choses sont claires. De fait, la création des applis MaaS incombe aux régions, car elles jouent un rôle de coordination des mobilités. Ce n’est pas simple pour autant, car les intervenants sont nombreux et toutes les entreprises n’ont pas intégré qu’il faut travailler en partage d’informations. Un réseau urbain n’a pas toujours été conçu pour communiquer avec un réseau interurbain, mais il faut travailler ensemble, communiquer et partager les données. C’est une obligation. »

Qui freine la création des SNM ?

Á la différence de l’Allemagne, la France n’envisage pas le titre de transport unique à un tarif unique. L’accès aux tarifs de tous les systèmes de transport compte parmi la dizaine de briques technologiques sur lesquelles travaillent l’État et les AOM.Des annonces sont attendues en octobre à l’occasion des Rencontres nationales du transport public (RNTP). Claire Baritaud insiste sur la nécessité de faire respecter des standards d’interopérabilité pour l’ensemble de ces briques en dialoguant avec le secteur privé et les AOM, sans omettre les dimensions techniques et politiques. Cette interopérabilité est déjà en place en Autriche et aux Pays-Bas. Á propos des choix technologiques, il est nécessaire d’arbitrer entre l’utilisation d’une technologie actuellement disponible et l’attente d’une hypothétique innovation qui serait plus performante. Cette seconde option aurait tendance à repousser indéfiniment l’apparition des services attendus.

Quel modèle économique ?

La LOM oblige au partage des données et autorise la distribution des titres de transport par des tiers. Si aucun acteur ne demande le partage de données ou la distribution de titres de transport, la LOM n’impose ni à la collectivité ni au secteur privé de créer une solution peu ou pas rémunératrice. Le modèle économique apparaît donc fragile face aux coûts de mise en place et de maintenance d’une plateforme MaaS.  « Nous avons une vision claire du MaaS, mais son plein déploiement est sans cesse repoussé. Pour qu’une appli décolle, il faut qu’elle ait un sens économique. Dans le cas du MaaS, c’est l’équation économique qui pose un problème. Les applis se sont imposées immédiatement dans le cas des VTC et celui du covoiturage longue distance, car l’intérêt économique est évident. En revanche, le TàD est un geste politique qui coûte cher à l’opérateur subventionné et à la collectivité, ce qui bride son développement. Du point de vue de l’équation économique, on ne voit pas qui porte, finance et porte la responsabilité du MaaS vis-à-vis des utilisateurs », explique Yann Hervouët.

 

pub pour appli stas copie
L’utilisation des applis nécessite de les faire connaître. Leur développement doit donc être suivi d’une communication adaptée.

 

Le paiement est au cœur du MaaS

Dans le cadre d’une approche SNM, le smartphone est vu à la fois comme moyen de transaction et comme support de titre. D’autres supports doivent toutefois être prévus pour les utilisateurs dépourvus de smartphone, ce qui suppose le maintien de bornes ou de guichets avec présence humaine.

Pour qu’un système MaaS fonctionne, il est nécessaire de coordonner les tarifs entre plusieurs niveaux d’AOM (villes, départements et régions). En cas de tarification unique, celle-ci pose le problème de la répartition des revenus entre les opérateurs et les collectivités, tout en intégrant les secteurs privés (vélos ou trottinettes en libre-service, etc.), voire associatifs (covoiturage, etc.).

L’opérateur de paiement occupe toujours une position centrale. Il connaît la prestation facturée et les clients, car un paiement n’est pas anonyme s’il n’est pas effectué en espèces. Une négociation est par ailleurs nécessaire entre les opérateurs de paiement, de transport et de télécommunication afin de déterminer les rémunérations de chacun. Dans le cas de l’Open Payment, le paiement sans contact avec une carte bancaire auprès d’un valideur vaut validation d’un titre de transport. Commode pour les voyageurs occasionnels, l’Open Payment est également coûteux puisqu’il impose l’installation de valideurs compatibles avec les normes de sécurité des paiements électroniques.

 

Quels financements?

Selon Arnaud Aymé, consultant expert des transports au sein du cabinet SIA Partners, « la première façon de financer une appli MaaS consiste à la considérer comme un service public. La collectivité doit, dans ce cas, lancer un appel d’offres, éventuellement inclus à un appel d’offres de délégation de service public (DSP) de transport. Un autre mode de financement peut s’appuyer sur un opérateur privé. Celui-ci peut être rémunéré par l’insertion de publicités géolocalisées sur son appli ou sur d’autres canaux d’interaction avec le client. Il peut également l’être en valorisant les données collectées à propos du client ou encore, par une commission de distribution. Dans ce dernier cas se pose le problème des billets gratuits ». Yann Hervouët ajoute que « quand on parle de MaaS, on pense d’abord à la mobilité urbaine qui repose sur du transport public subventionné. Un modèle économique comme Uber, qui percevrait une commission sur des services subventionnés, est difficilement acceptable ».

« Les seules initiatives MaaS qui fonctionnent sont celles payées par la collectivité ou par de grands groupes de transport qui ont des capacités d’investissement. Ces derniers voient le MaaS sans perspective de profit évidente, mais comme un moyen défensif face aux acteurs de la tech anglo-saxons qui risqueraient de les désintermédier en leur faisant perdre l’interaction directe avec le client final », explique Arnaud Aymé. Hors préoccupation vis-à-vis de cette désintermédiation, les opérateurs de transport n’ont pas de raison de financer une plateforme MaaS, car ils ont accès aux données du transport sans celle-ci.

 

appli smartphone en main tac annemasse copie
Les applis MaaS sont généralement conçues à l’échelle d’un bassin de transport ou d’une conurbation.

 

Le MaaS peut-il décevoir les élus ?

Arnaud Aymé souligne que « le MaaS a parfois un effet déceptif sur les pouvoirs publics et les élus qui achètent une plateforme MaaS auprès d’un prestataire. Les voyageurs trouvent leur intérêt dans les applis MaaS pour la recherche d’itinéraires, mais les pouvoirs publics n’en tirent pas encore tous les enseignements possibles alors qu’ils en attendaient beaucoup au profit des politiques publiques et notamment pour la conception des réseaux. Actuellement, les applis MaaS renseignent peu les élus sur les évolutions souhaitables de leurs réseaux dans le but de mieux répondre aux besoins, de réduire le nombre de correspondances ou d’adapter à la fois les dessertes et l’amplitude horaire des services. En particulier, il manque souvent une synthèse des demandes insatisfaites, c’est-à-dire les recherches d’itinéraires qui n’ont pas été suivies d’achat de titre de transport. »

L’informatique du transport doit inclure l’informatique décisionnelle

Le MaaS manque encore d’outils de restitution pour les élus et les AOM sous la forme de rapports issus de l’informatique décisionnelle (BI, business intelligence). La mise en place de celle-ci se heurte au fréquent anonymat du voyageur qui complique la connaissance de ses habitudes et de ses demandes. Sur ce point, François Mottet précise que « l’usager final doit indiquer ses préférences. Les besoins et contraintes d’un jeune adulte qui se déplace seul ne sont pas les mêmes que s’il voyage avec de jeunes enfants. » Á propos des collectivités locales, il ajoute : « Les applis MaaS sont entre leurs mains. C’est aux collectivités de choisir les comportements, activités et services qu’elles veulent promouvoir. Il peut s’agir de limiter la circulation de véhicules particuliers devant les écoles ou de favoriser les commerces de proximité en centre-ville. » Une autre difficulté réside dans l’obtention de données d’historique, y compris hors transport (météo, événements locaux, etc.) afin d’établir des prévisions de trafic fiables. Enfin, l’informatique des transports publics fait cohabiter au moins deux systèmes issus de cultures différentes. Il y a d’une part le système billettique qui est souvent propriété de la collectivité et n’évolue que lentement en raison du coût de renouvellement du matériel (automate de vente, valideur, etc.). On trouve d’autre part des systèmes plus agiles apportés par l’attributaire (CRM de gestion de la relation client, recherche d’itinéraires, etc.). La communication entre ces deux ensembles est souvent incomplète (écrêtage des données), ce qui limite les possibilités BI fondées sur les demandes des clients et sur les voyages effectivement réalisés.

Les applis MaaS n’en sont – toujours – qu’à leurs débuts

Les applis MaaS (SNM), qui permettent la mobilité par association de services, émergent dans certains bassins de mobilité (Mulhouse, Saint-Étienne, etc.) ou au niveau régional (KorriGo en Bretagne, etc.). Le déploiement de SNM dépend clairement des initiatives et des investissements réalisés soit par de grands groupes, soit par des collectivités locales. Il en résulte des différences flagrantes que peut ressentir l’usager qui ne s’intéresse généralement pas à l’organisation administrative nationale. Enfin, Jean-Luc Gibelin rappelle que SNM ou pas, le transport ne peut pas exister sans ses infrastructures : « Les usagers ont d’abord besoin de transports fiables. Il y a un besoin d’investissements massifs sur les infrastructures afin d’améliorer les mobilités. Ce besoin est bien plus important que la mise en commun de données. Le projet de titre de transport unique ne doit pas empêcher d’avancer sur la question des infrastructures. La concomitance est nécessaire. » Les SNM et leurs applis apparaissent donc à ce jour comme de vastes chantiers en cours, à des états d’avancement inégaux, selon les territoires.

Loïc Fieux

Ewa

Inclusivité : la dernière roue du MaaS ?

visuel conf maas font

L’essor du MaaS porte de nombreux espoirs d’une mobilité plus fluide et plus durable. Mais fluide et durable pour qui ? Cette tribune interroge les enjeux sociaux soulevés par le développement du MaaS, la digitalisation et la dématérialisation des services de transport. Par Nicolas Louvet, Léa Wester

 

Dans un contexte de multiplication des offres de services de mobilité, le MaaS a pour objectif de fournir à l’usager une solution multimodale fluide accompagnant l’usager, du stade de l’information à celui de la réalisation du trajet. En intégrant également l’achat et l’utilisation de services de mobilité (validation du titre ou déverrouillage des véhicules), les applications MaaS se présentent comme des supports numériques complets pour les déplacements. Les pionniers du développement de telles solutions sont des acteurs privés qui agrègent aujourd’hui plusieurs services de transport publics et privés dans des abonnements. Par exemple, l’application Whim, présente à Vienne, Anvers, Helsinki, Tuk, Tokyo et Birmingham, développée par MaaS Global, intègre à la fois les transports en commun, les modes en free-floating et les taxis.

En France, la plupart des MaaS sont développés dans le cadre de marchés publics, par l’opérateur de transport en commun ou un acteur tiers. Il s’agit d’une infrastructure supplémentaire dans le système de transport public, au même titre qu’un tramway ou une ligne de bus : le MaaS est une sorte d’infrastructure numérique.

Le déploiement de telles solutions dans le cadre du secteur public qu’est celui des transports urbains en France soulève un certain nombre de questions concernant l’inclusivité de ces services : les territoires sont-ils tous intégrés ? L’ensemble des habitants ont-ils accès au service quelles que soit leurs caractéristiques sociales ou économiques ? En effet, la construction du MaaS implique à la fois la digitalisation des transports et l’association dans un même système de transport de services publics et privés. Quels sont les impacts de ces deux processus sur l’inclusivité globale du MaaS ? Comment ses enjeux digitaux ?

 

Le MaaS ne crée pas le transport mais il peut en améliorer son usage en combinant offre publique et privée au service de l’inclusivité

La Loi d’Orientation des Mobilités1 prévoit un cadre pour éviter d’éventuelles conséquences négatives du développement du MaaS au niveau territorial. L’article 28 oblige les opérateurs de MaaS à référencer l’ensemble des services à l’échelle du bassin de mobilité. Il s’agit ici de limiter l’apparition de zones exclues du MaaS malgré la présence de services de mobilité.

Au-delà de cet article, peu d’obligations existent pour les opérateurs de MaaS en matière d’inclusion sociale et territoriale. Pourtant d’autres actions sont possibles. Les transports privés inclus dans le MaaS pourraient avoir des contraintes similaires à celles des transports publics, qui agissent pour l’inclusivité à la fois sociale (aménagements pour les personnes à mobilité réduite, tarification sociale…) et territoriale (création de lignes pour désenclaver certains territoires…). Les transports privés inclus dans le MaaS pourraient mettre en oeuvre des actions similaires. Par exemple, Transport for London a mis en place un programme d’évaluation d’impact sur l’égalité (equality impact assessment) qui incite les opérateurs privés à favoriser l’accès à leurs services grâce à des tarifications sociales. En Amérique du Nord, les services de micromobilité intègrent des mesures pour l’égalité à travers une communication ciblant les femmes (moins utilisatrices de ces services).

 

Digitalisation, dématérialisation et inclusivité

Un frein à l’inclusivité des MaaS actuels est qu’ils ne proposent que rarement un support physique. Les différentes étapes du déplacement (calcul d’itinéraire, choix des modes, achat de titres et validations pendant le trajet) sont toutes accompagnées via une application smartphone. Par ailleurs, si les services autour des transports publics inclus dans le MaaS conservent une version physique en dehors du MaaS (guichets, carte ou ticket de transport…), les opérateurs privés ont souvent des offres 100 % numériques. Dans ce contexte, les utilisateurs du MaaS doivent être capables d’utiliser ces services numériques ce qui implique un équipement adapté et un certain nombre de compétences.

Selon le baromètre numérique 2021, 35 % des Français ne sont pas à l’aise avec le numérique. Si on s’intéresse plus précisément au smartphone, 16 % de la population ne possède pas de smartphone et 27 % n’utilise pas de smartphone quotidiennement2. Une solution d’inclusion au MaaS en dehors du smartphone devrait donc être envisagée pour cette part non négligeable de la population. Par ailleurs, la possession d’un smartphone ne signifie pas la mobilisation de toutes ces potentialités. Il convient de dissocier dans l’analyse du rapport au numérique l’accès au matériel et les motivations et attitudes quant à son utilisation3. Dans ce contexte, associer un guichet physique au MaaS permet l’inclusion de tous les usagers à l’information, aux abonnements existants et à un soutien technique par du personnel formé. Par ailleurs, des solutions existent pour faciliter l’interopérabilité des supports de billettique cartes et smartphone et lever le frein constitué par la billettique dématérialisée : le MaaS viennois a fait une tentative de support sur une carte en 2015 qui n’a pas été concluante et en 2019, Citymapper a lancé une carte à Londres qui est toujours en circulation.

 

UN FREIN À L’INCLUSIVITÉ DES MAAS ACTUELS EST QU’ILS NE PROPOSENT QUE RAREMENT UN SUPPORT PHYSIQUE

 

16 % DE LA POPULATION NE POSSÈDE PAS DE SMARTPHONE ET 27 % N’UTILISE PAS DE SMARTPHONE QUOTIDIENNEMENT

 

L’amélioration des services de transport pour tous : la condition sine qua non du MaaS

L’un des objectifs du MaaS est de fluidifier l’accès aux services de mobilité et favoriser ainsi des pratiques alternatives à l’autosolime. Dans ce contexte, la digitalisation est à la fois un atout et une limite. L’avénement de la mobilité numérique peut être accompagné de nouveaux facteurs d’exclusion de la mobilité pour des populations précaires qui souffrent d’un déficit d’acculturation aux usages du numérique et de matériel disponible4. La vulnérabilité face à la digitalisation des services de transport combine les inégalités d’accès au numérique et aux services de transport. Plusieurs segments de population aux facteurs de vulnérabilité transverses sont identifiables5 : femmes, personnes âgées, personnes avec un faible niveau d’éducation ou de faibles revenus, habitants de quartiers populaires ou d’espaces ruraux….

Le développement du MaaS en France s’inscrit dans la construction de solutions de mobilité plus durable : il s’agit de ne pas creuser les inégalités d’accès à la mobilité et de veiller à construire des services de MaaS inclusifs. En ce sens, la prise en compte des populations vulnérables et de leurs caractéristiques est essentielle pour la construction du MaaS. Une réflexion qui mettrait l’inclusivité au centre peut faire du MaaS un levier pour l’amélioration de l’accès à la mobilité. Ainsi, le MaaS peut participer à l’amélioration des services de transport existants en mettant ses atouts en termes de fluidité et de lisibilité au service de l’inclusivité.

1 GART, 2020, LOM : décryptage du GART, 84p.
2 Arcep, 2021, Baromètre du numérique,
3 48p. 3 Lupač, P. (2018). Beyond the digital divide : Contextualizing the information society.
4 AdCF, France Urbaine et Trasndev, 2021, Quartiers populaires et politiques de mobilités : enjeux et retours d’expériences locales, 96p.
5 Anne Durand, Toon Zijlstra, Niels van Oort, Sascha Hoogendoorn-Lanser & Serge Hoogendoorn (2022) Access denied ? Digital inequality in transport services, Transport Reviews, 42 :1, 32-57

Ewa

Mobilité verte. Pékin mise sur le MaaS et les crédits carbone

Beijing Chine Pekin pollution route voiture

La plateforme #MaaS de Pékin devient un relais actif pour encourager le changement de comportements des usagers vers une mobilité durable, à travers l’intégration d’incentives basés sur un dispositif de crédits carbone. Un système d’incitations à la mobilité durable que ne pratique pas l’Europe.

Par Jingoo Choi et Josefina Gimenez

Réduire les émissions carbone du transport est un objectif partagé par la communauté internationale. Si des innovations technologiques permettent de proposer des alternatives viables à la voiture, le passage à l’acte de l’usager demeure le facteur décisif. Ainsi, la contrainte (les embouteillages), le calcul financier (le prix du carburant versus le transport collectif) ou l’accessibilité (trouver le bon vélo au bon moment) restent les éléments en considération à l’heure de choisir le bon mode, quand le choix est possible.

Sur la base des objectifs de réduction d’émissions carbone en 2030 et de neutralité carbone en 2060, le gouvernement chinois encourage la mise en place des plateformes MaaS dans le territoire. Elles sont le levier pour accélérer l’adoption des modes doux et des nouveaux services de mobilité (free-floating, modes partagés et ride-hailing) en interaction avec les modes collectifs. C’est dans ce contexte que la commission de transport de la municipalité de Beijing et le bureau d’Ecologie et Environnement introduisent le premier système d’incitations à la mobilité durable à travers le dispositif de crédits carbone, « MaaS Mobility for Green City ». Il s’agit d’un dispositif de récompense afin d’encourager les usagers à s’engager dans une mobilité verte.

mobilite douce
Estimation basée sur le simulateur des émissions des trajets de l’Ademe.

Des incentives integrées à la plateforme MaaS de Beijing

La plateforme MaaS de Beijing a été lancée fin 2019, intégrant des services classiques du MaaS tel que le calcul d’itinéraire, les informations du transport public en temps réel ainsi que des données sur les modes doux (comme la marche ou le vélo). D’autres informations comme le taux de remplissage des transports, ou des rappels pour effectuer les changements sont aussi disponibles.

Le système de récompenses vient compléter le dispositif comme levier pour favoriser le choix des modes plus économes en énergie.

Afin de bénéficier du dispositif, les usagers doivent avoir un compte carbone personnel, possible via les systèmes de Amap ou Baidu Maps. Ainsi, lorsque l’utilisateur préfère un mode à faibles émissions pour son trajet (comme la marche, le vélo ou les transports en commun) via le système de navigation Amap ou Baidu, son compte est ‘crédité’ des crédits carbone en fonction de la distance parcourue. Ces crédits correspondent aux émissions carbone évitées pour avoir préféré un mode de transport doux plutôt que les déplacements individuels motorisés, comme la conduite d’une voiture ou le VTC.

Amap et Baidu Maps collectent ces crédits et les échangent sur le marché du carbone de Pékin. Quant à l’usager, les incentives prennent la forme de dons solidaires ou de soutien à des associations (comme le don pour la plantation d’arbres), ou encore des bons d’achat ou le rechargement de cartes de transport.

pekin paris transports
Comparaison de la part modale entre Paris et Pékin.

Le transfert modal et les émissions du transport

Combinée à ces crédits carbones, la plateforme MaaS va de pair avec la stratégie de décarbonation de la Chine. Le 16 juillet, la Chine a en effet lancé son « marché du carbone » qui permet non seulement aux autorités provinciales de fixer des quotas pour les centrales thermiques mais aussi aux entreprises d’acheter des « droits de polluer » à d’autres organisations ayant une empreinte carbone plus faible1. La première transaction fixait à 6,80 dollars la tonne de carbone, et l’application initiale de ces systèmes s’adresse aux entreprises du secteur de la production d’électricité (2 162 producteurs) qui contribuent aux émissions de CO2 les plus élevées de Chine (51% du total, IEA). Ainsi, les crédits collectés par Amap et Baidu Maps seront échangés auprès des producteurs d’électricité via le marché du carbone de Pékin.

Ce mécanisme d’incitations et d’échanges de crédits carbone pour encourager le « green travel » est une nouvelle extension des plateformes MaaS. Une manière supplémentaire de promouvoir la mobilité verte, et faciliter un changement substantiel dans les comportements de déplacements.

Selon les statistiques de 2018, le secteur de transport représente environ 10 % des émissions totales de CO2 de la Chine. C’est le troisième secteur le plus important, l’électricité et l’industrie contribuant à 80% aux émissions. Quant à la France, le secteur du transport représente 41%, mais le montant d’émissions est encore nettement plus élevé en Chine qu’en France (917 Mton versus 215 Mton, IEA).

rmob figure 3
Calcul et comparaison des émissions de carbone – Bonjour RATP d’Ile-de-France.

Dans le cas de Pékin, le recours aux différents modes de transport est globalement équitablement réparti en termes de partage modal. La part des émissions des véhicules particuliers est naturellement plus élevée due à une majeure émission de carbone par unité de distance, comparativement aux autres modes de transport (collectifs ou partagés). Par ailleurs, aussi bien à Paris qu’à Pékin, environ 20% des déplacements sont effectués en véhicule particulier. Cependant, la différence dans le volume des voitures entre les deux villes fait que les émissions de carbone des véhicules particuliers à Pékin (15 millions de tonnes), avait un poids d’environ 75% sur le total des émissions de carbone du secteur du transport en 2012.

Et ce malgré la forte proportion du recours à de modes actifs tels que la marche à pied et le vélo (53%) à Pékin comparativement à Paris. Le report modal de Pékin peut sembler positif, mais compte tenu de son empreinte carbone élevée, une réduction supplémentaire des émissions locales à travers la réduction du recours à la voiture peut être attendue grâce au transfert vers des modes à faibles émissions.

Ainsi, dès lors qu’on prend en compte le potentiel des modes doux dans la réduction des émissions liées au transport et à la voiture en particulier, la possibilité d’intégrer des systèmes incitatifs dans les plateformes MaaS peut être envisagée comme un nouveau levier pour accompagner le changement de comportement des usagers.

rmob figure 4
Calcul et comparaison des émissions de carbone – OURA d’Auvergne-Rhône-Alpes

Quelle place pour les incentives dans les plateformes MaaS en France ?

Si la mise en place des marchés carbone en Europe permet de mesurer et contrôler les émissions des industries, la création de systèmes de crédits personnels ne semble pas à l’heure du jour. Cependant, diverses plateformes de MaaS françaises, comme « Bonjour RATP » d’Ile-de-France, « OùRA » d’Auvergne-Rhône-Alpes ou « Fluo » de Grand-Est indiquent les émissions de carbone sur les itinéraires sélectionnés.

La question demeure de savoir si l’information suffit à l’usager pour prendre la décision dans le sens de la réduction d’émissions. Dans quelle mesure ce niveau d’information est un premier pas vers la création d’un système d’incentives ?

Même si leur poids est inférieur par rapport à Pékin, en France les émissions des véhicules particuliers représentent 51 % du secteur de transport, soit 16 % des émissions totales de gaz à effet de serre du pays en 2019 (SDES 2021). Associés à des mesures d’offre de mobilité verte comme les pistes cyclables et les aménagements piétons ou le projet du Grand Paris Express, les dispositifs incitatifs peuvent créer des synergies tout en stimulant la demande des utilisateurs.

rmob figure 5
Calcul et comparaison des émissions de carbone – FLUO de Grand Est.

Cependant, le marché des crédits carbone tel que celui de Pékin et l’application des incitations restent à étudier parmi les parties prenantes. Le marché français du carbone est conforme aux normes de l’Union européenne2 (UE) depuis 2005 et les secteurs concernés sont l’industrie (chaleur, raffineries, acier, fer, ciment et chaux, verre, céramique, pâte à papier, etc.) et la production d’électricité, qui représentent 41 % des émissions totales de carbone de l’UE. Compte tenu du niveau d’émissions du secteur du transport, une réflexion sur l’adoption du marché du carbone par les acteurs du transport pourrait être envisagée.

Actuellement, des tentatives basées sur des systèmes incitatifs voient le jour en France, comme le « Compte CO23» et la plateforme « Rob4». Ces dispositifs sont également basés sur des application smartphone et offrent des récompenses pour l’utilisation de modes de transport respectueux de l’environnement, comme des points ou de l’argent virtuel permettant des réductions d’achats ou des cadeaux éthiques.

Cependant, ces applications d’incitations sont indépendantes des plateformes MaaS existantes, ce qui peut rendre difficile l’accès aux utilisateurs, et freiner leurs utilisations. Ceci remet les acteurs du MaaS français au centre, et les interpelle sur leur capacité à mettre en place des dispositifs internes afin d’encourager et récompenser l’attitude des usagers.

1 La Chine lance officiellement son marché du carbone, 16 juillet 2021, Le Monde.
2 Marchés du carbone | Ministère de la Transition écologique (ecologie.gouv.fr).
3 Compte CO2, le service de paiement pour le climat
4 Rob | L’app qui récompense tous tes trajets responsables (rob-app.fr)

Ewa

La RATP crée une nouvelle entité pour accélérer sur le MaaS

Florence Leveel DG BU MaaS RATP

La RATP a annoncé le 30 novembre la mise sur pied d’une nouvelle BU (Business Unit) baptisée Mobility as a Service (MaaS, un concept qui doit faciliter la mobilité demain en offrant un service global). Rattachée à RATP Smart Systems, la filiale digitale du groupe RATP, cette nouvelle BU regroupe les équipes de Mappy et celles de Bonjour RATP. L’objectif est de proposer une plateforme de services s’adressant aux voyageurs mais aussi aux entreprises et aux collectivités, permettant de réserver et payer des déplacements de bout en bout sans se soucier de l’opérateur.

La direction générale de la BU est confiée à Florence Leveel, jusqu’alors directrice générale de Mappy. Rappelons que la RATP a racheté Mappy il y a tout juste un an.

Ewa

MaaS : la version 2 du Compte Mobilité de Mulhouse confiée à Monkey Factory

Gare Mulhouse et tram 1

Un calculateur d’itinéraires multimodal en temps réel et le stationnement sur voirie, tels sont quelques-unes des nouvelles fonctionnalités du Compte mobilité de Mulhouse Alsace Agglomération (m2A). Après avoir lancé ce Compte Mobilité en 2018 qui permet aux habitants et aux visiteurs d’accéder à plusieurs services de mobilité à travers une seule application sur smartphone, l’agglomération de Mulhouse (39 communes et près de 280 000 habitants) poursuit le développement de ce Compte mobilité en tenant compte de l’expérience de la première version. Mulhouse Alsace Agglomération a sélectionné, à l’issue d’un appel d’offres, Monkey Factory. En s’appuyant sur sa plateforme technologique MaaSify, la société doit déployer rapidement une nouvelle plateforme MaaS qui proposera, dans la nouvelle version, une interface utilisateur complètement repensée. Les usagers verront apparaître de nouvelles fonctionnalités au cours de l’année 2022.

Ewa

Billettique. La nouvelle donne

Billettique conférence 05-21

Il y a un an et demi, la LOM était adoptée, prévoyant l’ouverture de certaines données sur les transports. Le but : favoriser des applications MaaS d’informations et de paiements pour faciliter les déplacements des voyageurs et leur proposer un service sans couture. Dans le monde de la billettique, c’est l’effervescence car, à partir de juillet 2021, il sera possible pour toutes les entreprises quelles qu’elles soient, de demander aux autorités organisatrices de la mobilité de vendre des déplacements, via des plateformes MaaS. Comment les opérateurs de transport et les professionnels de la billettique se préparent-ils à cette échéance cruciale ? Quelles sont les innovations possibles ? Comment concilier intérêt public et privé ? Ce sont quelques-unes des questions qui se sont posées lors du débat organisé le 20 mai par VRT.

L’ouverture des données constitue une évolution « majeure » en termes d’offre de mobilité et de services, reconnaît d’emblée Thierry Falconnet, président chargé des Transports de Dijon Métropole. Mais avec la crise sanitaire, les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) ont dû gérer d’autres priorités. « Dijon métropole a dû s’adapter à 22 protocoles sanitaires successifs en l’espace de 15 mois pour assumer une continuité de services, en collaboration avec son délégataire de service. Sur l’année 2020, les recettes accusent une baisse de sept millions d’euros, et de moins de 10 millions en comptant 2021, avec des craintes importantes sur le Versement mobilité. Nos priorités n’allaient donc pas à la mise en conformité avec la LOM mais à parer au plus pressé pour continuer à proposer une offre de qualité », tient-il à rappeler en préambule. Dijon Métropole dispose toutefois d’un peu de répit pour s’y préparer, compte tenu de sa taille. « Nous avons jusqu’en 2023 pour nous mettre en conformité. Nous travaillons avec un délégataire de service public, Keolis, qui gère toutes les mobilités intégrées dans une offre globale, dans tous ses aspects, avec le transport en commun, le tram, le bus, les navettes et aussi les mobilités actives comme la location de vélo et, dernièrement, le stationnement en ouvrage et sur voiries », détaille ce responsable des mobilités, pour qui les enjeux vont tourner autour des questions d’intermodalité, et d’interopérabilité. Cette problématique s’articule notamment autour des futurs projets de MaaS, un bouquet de services pour lequel chaque prestataire présent lors de cette conférence a développé sa vision.

 » NOUS AVONS JUSQU’EN 2023 POUR NOUS METTRE EN CONFORMITÉ. NOUS TRAVAILLONS AVEC KEOLIS, QUI GÈRE TOUTES LES MOBILITÉS INTÉGRÉES DANS UNE OFFRE GLOBALE, DANS TOUS SES ASPECTS.  » Thierry Falconnet

Un service sans couture

Pour Philippe Vappereau, PDG de Calypso Networks Association, le MaaS consiste à offrir des services de mobilité de porte-à-porte et « seamless » (sans couture) : « Nous proposons vraiment une offre intégrée de bout en bout, avec le transport public et tous les nouveaux services comme la bicyclette, la trottinette ou le rabattement sur un parking. L’objectif est de faciliter l’intégration de ces différents services, comme le transport public qui fonctionne avec des solutions de cartes de transport comme nous pouvons en proposer, ou bien des services de bicyclette qui s’appuient plutôt sur des solutions de QR Code ou du paiement bancaire direct. Notre objectif est donc de proposer des solutions qui uniformisent l’accès avec la même performance quel que soit le support utilisé », expose-t-il.

La fluidité du parcours est également évoquée par Eric Alix, PDG de RATP Smart Systems. Pour lui, le MaaS doit répondre aux attentes de l’utilisateur, c’est-à-dire offrir une solution intégrée dans son téléphone, toujours à portée de main, lui permettant d’accéder à toute l’offre de transport, quel que soit le mode. « L’utilisateur va pouvoir faire ses choix en disposant de toutes les informations et de toutes les connexions dans son téléphone. Pour moi, c’est la meilleure façon de libérer le choix car il va falloir s’adapter aux nouvelles contraintes d’accès à la ville, avec la mise en place de ZFE et des interdictions temporaires de circulation. Il faudra savoir être souple et accepter de changer ses routines. Or, c’est très difficile, et l’application va justement permettre d’aider les utilisateurs à s’adapter aux changements », commente Eric Alix. « Rappelons aussi que la LOM confie à l’autorité organisatrice la gestion de l’écosystème sur son territoire. Sa politique de mobilité sera déclinée à travers les algorithmes permettant l’affichage des points d’intérêts sur une carte, les recherches d’itinéraires et la consommation des forfaits et des tickets. Le MaaS, c’est l’intégration de tout cela de manière très fluide », ajoute-t-il.

 » LE FAIT D’AVOIR UN SMARTPHONE NE GARANTIT PAS L’UTILISATION D’APPLICATIONS. D’AILLEURS, UNE MAJORITÉ D’UTILISATEURS D’ANDROID N’UTILISE JAMAIS LES APPLICATIONS DE SON TÉLÉPHONE.  » Philippe Vappereau

L’avance française

Alexandre Cabanis, directeur marketing d’Ubitransport, tient, quant à lui, à rappeler le contexte unique de la situation française par rapport au reste de l’Europe : « Nous avons l’avantage d’avoir un temps d’avance grâce à la LOM. D’ailleurs, la Commission européenne nous scrute de près. Elle s’intéresse notamment à l’article 28 qui permet l’ouverture de la distribution et la vente de titres, et il se peut que la France soit copiée », souligne-t-il. Selon le directeur de cette société spécialiste des services intelligents de mobilité, « certains acteurs vont pouvoir répondre au besoin d’information, d’un point de vue front-office, avec une ergonomie parfaite pour les usagers, tandis que d’autres acteurs seront plus à l’aise sur le côté transactionnel, donc plutôt back-office, qui demande un savoir-faire particulier ». Et il insiste sur le fait que le transport collectif doit rester l’élément central du MaaS.

Christophe Sanglier, directeur des Avants Projets Ticketing & MaaS chez Conduent, ajoute qu’il est essentiel d’orienter l’utilisateur vers les objectifs les plus vertueux. « Nous devons permettre aux collectivités de satisfaire la demande des utilisateurs, pour qui la notion de préférence reste centrale – en termes de temps, de tarifs, de modes plus ou moins écologiques –, mais nos outils doivent également orienter les utilisateurs dans le sens commun. »

Le MaaS permet de répondre à ces deux attentes, affirme de son côté François Mottet, responsable de la Gestion des produits et de la Stratégie de Flowbird Group. « Elle donne aux utilisateurs finaux un accès facile à toutes les mobilités sur un territoire, en leur permettant de planifier et de payer les différents titres de transport », précise-t-il. Mais il faut aussi répondre aux demandes des opérateurs et des collectivités qui désirent garder la main sur leur mobilité grâce à une plateforme technique qui permet de privilégier l’intérêt collectif. « Cela nous différencie par rapport à d’autres opérateurs du privé qui vont chercher à privilégier certains services au détriment des autres », prévient-il.

 » LE MAAS PERMET DE GÉRER LE PROBLÈME DE CONGESTION DANS LES VILLES, GRÂCE À LA COMBINAISON DU TRANSPORT EN COMMUN AVEC D’AUTRES MODES. «  Eric Alix

La maîtrise des données

Une allusion aux Gafa, exprimant la crainte d’une perte de la maîtrise des données utilisateurs. Cet enjeu semble majeur pour Thierry Falconnet, qui estime nécessaire « d’avoir une vision globale des dessertes pour avoir un retour sur le comportement des voyageurs afin de cibler leurs attentes ».

Selon lui, « cela demandera un accompagnement fort de la part des prestataires, car les AOM ne sont pas dans une relation entreprise-clients mais collectivité-usagers ». D’autres questions se posent, comme celle de la protection des données. « Par exemple, qui doit concentrer et analyser ces données ? Un entrepreneur privé ou bien l’autorité organisatrice ? ». Avant d’apporter une première réponse : « Les opérateurs doivent se conformer aux choix des AOM qui organisent leur mobilité sur leur propre territoire ».

Sur ce point, Christophe Sanglier se veut rassurant. « En tant que billetticien, nous pouvons donner toutes les garanties d’ouverture des données billettique, qui appartiennent déjà aux collectivités. La difficulté serait plutôt de pouvoir extraire ces données pour les mettre à disposition de tiers notamment pour la distribution afin qu’ils puissent les commercialiser sous forme d’un QR Code, ou d’un titre mobile dématérialisé, voire recharger un titre sur une carte physique », indique le responsable de Conduent.

Egalement interrogé sur des questions de souveraineté, Eric Alix indique que les AOM ont l’habitude de gérer des infrastructures de transport collectif, mais qu’avec la LOM, elles vont devoir « brasser » de nouvelles mobilités. « Cela implique de nouvelles responsabilités de régulation pour les AOM, qui vont devoir définir une stratégie et la décliner à travers un écosystème, qui existe ou qui n’existe pas encore, sur leur territoire. Plus il y aura d’acteurs de la mobilité et plus cela nécessitera de la coordination, ce qui multipliera les contrats avec un ou plusieurs acteurs, en allant plus ou moins loin avec chaque acteur mais en veillant à maintenir une équité entre tous », estime le patron de RATP Smart Systems.

Si une AOM souhaite lancer une application MaaS, elle aura besoin de créer une plateforme ainsi que des offres, tout en animant une base client et en faisant de l’acquisition. « On est bien au-delà d’un simple outillage car il faut aussi qu’il y ait de la gouvernance, la gestion d’un écosystème avec des contrats à mettre en place », souligne encore Eric Alix. Les prestataires de services sont là pour les accompagner.

 » NOUS AVONS L’AVANTAGE D’AVOIR UN TEMPS D’AVANCE GRÂCE À LA LOM. D’AILLEURS, LA COMMISSION EUROPÉENNE NOUS SRUCTE DE PRÈS.  » Alexandre Cabanis

Le défi de la confidentialité

Comment garantir la confidentialité des données usagers ? Alexandre Cabanis rappelle « qu’on ne part pas de nulle part : la RGPD offre un premier cadre qui devra être affiné dans le domaine transactionnel et billettique, on attend pour cela le décret de l’article 28 de la LOM qui devrait donner des précisions ». Et d’ajouter : « Les données appartiennent aux collectivités. On leur donne les clés pour faire ce qu’elles veulent. On met en place également des dictionnaires pour les récolter et les comprendre, afin d’adapter l’offre en fonction des usages ». Concernant la souveraineté, il évoque l’exemple de la ville de Berlin, qui a choisi d’héberger ses données MaaS chez un hébergeur américain, malgré le fait que le Cloud Act oblige potentiellement tout fournisseur américain à transmettre les données qu’il héberge à son gouvernement sur demande. « Les Allemands sont pourtant les fers de lance en Europe pour pourfendre le Cloud Act américain. Mais Berlin a préféré arbitrer en faveur de la qualité de service, quitte à tirer un trait sur sa souveraineté. » Il y a donc un arbitrage à effectuer.

D’autres soucis peuvent aussi se poser, cette fois-ci en matière de sécurisation des données. « Les incendies récents à Strasbourg chez l’hébergeur OVH ont eu des impacts directs dans le secteur en matière de continuité de services (billettique, remontées de données). Ubitransport n’a pas été concerné mais certains concurrents l’ont été durement. Cet événement a permis un réveil salutaire, qui a enclenché toute une série de garanties en matière de plan de continuité. »

 » PEUT-ÊTRE POURRA-T-ON ALLER JUSQU’À OFFRIR UN TÉLÉPHONE, CERTAINS Y ONT PENSÉ. ON RECEVRAIT UN SMARTPHONE DANS UNE AGENCE DE MOBILITÉ, C’EST UNE SOLUTION POSSIBLE.  » Christophe Sanglier

La risque de la fracture numérique

Dans un monde idéal, tous les utilisateurs de transport se serviraient de leur téléphone pour se renseigner sur les possibilités de trajets, puis pour payer leurs déplacements en s’informant, en temps réel, du moindre aléa.

Mais cela reste un vœu pieux car il faut tenir compte de la fracture numérique et ne laisser personne au bord du chemin. « Nous avons effectivement proposé ce type de service sur Dijon avec Divia Mobilités. C’est très fluide pour ceux qui ont la maîtrise de ces applications mais je suis aussi président de l’association des maires et banlieues de France, et je sais bien que tous les usagers n’ont pas forcément de smartphones et, s’ils en ont un, ne s’en servent pas forcément pour rechercher des horaires et se déplacer », souligne Thierry Falconnet. L’élu explique qu’il y a encore 5 à 7 % de ventes à bord sur Dijon Métropole, avec une population « très loin » des offres sur mobile, et qui n’est pas seulement constituée de voyageurs occasionnels. « Il ne faut pas oublier les voyageurs captifs de la mobilité. Dans le quartier de politique de la ville d’intérêt national de Chenôve, on compte moins d’un véhicule par ménage contre trois dans les quartiers les plus riches. C’est donc une population qui dépend des transports en commun pour aller au travail et faire des démarches à la CPAM. Ce n’est pas une mince question pour ces populations toujours laissées pour compte dans les grands mouvements de progrès techniques. »

Même tonalité du côté de Philippe Vappereau : « Le smartphone reste au cœur de la mobilité, mais le fait d’avoir un smartphone ne garantit pas l’utilisation d’applications. Si l’on regarde la répartition du parc, on compte 80 % de smartphones Android et 20 % de smartphone IOS (Apple), mais au niveau des usages d’applications, c’est du 50-50. Donc une majorité d’utilisateurs d’Android n’utilise jamais les applications de son téléphone ».

« Attention aux angles morts ! », prévient aussi François Mottet. « Il ne faut pas oublier les usagers occasionnels qui ont besoin de tickets, il faut savoir rester pragmatique ». Et d’évoquer des solutions qui complètent les applications mobiles, comme l’open payment, et, pour les réfractaires à la carte bancaire, l’installation de kiosques multiservices. « Flowbird en dispose de 300 000 à travers le monde. C’est plus qu’un parcmètre. Cela permet d’acheter des titres de transport ou de stationnement, de louer (ou recharger) des véhicules électriques et des vélos. Ces kiosques font également office de bornes de taxi. »

Christophe Sanglier acquiesce. « On constate une inertie phénoménale car on n’a jamais vu autant d’appels d’offres pour des systèmes conventionnels, avec le renouvellement de machines physiques pour avoir des points de rencontre avec des personnes, et ceci partout dans le monde. Peut-être pourra-t-on aller jusqu’à offrir un téléphone, certains y ont pensé. On recevrait un smartphone dans une agence de mobilité, c’est une solution possible », avance-t-il.

Pour Eric Alix, il existe de multiples façons pour ne laisser personne de côté. « L’une de nos pistes de travail consiste à faire un lien entre le MaaS numérique et le MaaS physique. Nous disposons de beaucoup d’agents en stations qui peuvent aider les voyageurs et les guider. C’est un nouveau métier : il faut aller chercher les clients car le MaaS permet avant tout de gérer le problème de congestion dans les villes, grâce à la combinaison du transport en commun et des autres modes pour le premier et le dernier kilomètre. »

Mieux vaut, en effet, ne pas oublier la finalité du MaaS qui vise avant tout à limiter l’usage de la voiture, surtout quand il n’y a qu’une seule
personne à bord. « Ce qu’on ne souhaite surtout pas favoriser, c’est l’autosolisme », lance Thierry Falconnet. « Sur Dijon, on compte 37 000 véhicules qui entrent et sortent chaque jour dans la métropole, avec, en corollaire, la pollution et des engorgements sur les points d’entrée. C’est l’une des conséquences de la crise de la Covid. On s’en rend compte notamment avec la part des recettes du stationnement en voirie qui augmente. On a vécu une année exceptionnelle en 2019 avec l’augmentation de la part du transport en commun et des mobilités actives, grâce à des opérations comme « Dijon sans ma voiture » qui montaient en puissance. Et puis, la crise sanitaire est arrivée. Il va falloir regagner des parts modales », explique-t-il.

 » CELA NOUS DIFFÉRENCIE PAR RAPPORT À D’AUTRES OPÉRATEURS DU PRIVÉ QUI VONT CHERCHER À PRIVILÉGIER CERTAINS SERVICES AU DÉTRIMENT DES AUTRES.  » François Mottet

La multiplicité des choix

La multiplicité des choix de transport sera, en partie, gérée par des algorithmes capables de faire correspondre les choix individuels aux impératifs dictés par les aléas du moment et les orientations transport définies par les collectivités. Mais peut-on faire confiance à des prestataires privés ? « On doit être garant de l’intérêt collectif », affirme François Mottet. « Uber ne se soucie pas de faire passer les voitures devant une école à 11 h 30 du matin. Alors que quand on gère les mobilités d’une collectivité via un partenariat public-privé, on cherche à limiter les passages devant les écoles entre 11 heures et midi en mettant en place des algorithmes d’intérêt collectif, qui vont pousser telle mobilité en fonction de l’heure, ou pousser pour une mobilité plus verte avec des modes doux, en fonction de la météo et de la préférence des utilisateurs, comme le choix du vélo », précise-t-il.

Pour gérer la complexité des choix de voyages sans dépendre d’un géant du calcul d’itinéraires, la RATP a ainsi racheté Mappy, troisième application de mobilité derrière Google et Waze comme se plaît à le rappeler Eric Alix. Ce rachat permet aussi de s’adresser aux 12 millions de visiteurs qui utilisent l’application chaque mois, dont 80 % le font pour des trajets en voiture : « A Paris on aura des quartiers qui seront réservés aux vélos et sans voiture à certains moments. Il faudra encourager le fait que l’automobiliste se rapproche du centre-ville mais n’y rentre pas et se gare dans un parking relais. On pourra proposer des trajets alternatifs à la voiture, ou du covoiturage pour partager un véhicule, ou bien encore suggérer un trajet en voiture à un utilisateur de transport en commun qui souhaite gagner du temps », détaille-t-il. Mais pour bien réussir, il n’y a pas de secret. « Il faudra maîtriser parfaitement la data, avec deux choses à concilier, d’abord la personnalisation des besoins individuels, la préférence des modes et aussi la suggestion liée à l’étude du comportement individuel. Mais on devra aussi s’accorder avec la politique de mobilité qui ne doit pas être trop rigide pour 80 000 ou 500 000 personnes, sinon cela risque de ne pas fonctionner. » Pour ces raisons, RATP Smart Systems a créé son propre Data Lab, « avec pas mal de datas scientists pour travailler sur ces sujets. Ce sera via l’appli Mappy et RATP et aussi dans les applis qu’on proposera en marque blanche ».

Le recours à la personnalisation des trajets signifie-t-il le glas de l’abonnement forfaitaire ? C’est l’une des tendances remarquée par Calypso. « Beaucoup d’AOM développent le « pay as you go ». On le voit en Ile-de-France notamment. Il s’agit de proposer le meilleur tarif quelle que soit la consommation de transport et cela en couvrant tous les usages. Cette tendance se développera d’autant plus après la pandémie car les gens ne seront plus enclins à payer pour un abonnement forfaitaire de transport en commun. Ils préféreront un paiement à l’usage entre le transport public et les nouvelles mobilités. On ne pourra plus les enfermer dans des schémas tarifaires », estime Philippe Vappereau.

Les dangers côté Gafa

Google, Apple ou Uber deviendront-ils les premiers vendeurs de billets de transports en France ? Les craintes sont légitimes qu’il s’agisse de pertes de données clientèles ou bien de pertes financières. Les Gafa risquent de profiter de l’ouverture de données sans participer au financement des infrastructures, s’inquiète-t-on à Dijon. « Leur métier c’est de maîtriser la donnée, mais qui va payer pour les infrastructures ? Dijon Métropole a installé 20 km de tramway (une dépense de 400 millions), et mis en place une solution d’open payment grâce à un partenariat public-privé, une solution originale à laquelle la collectivité, et donc l’usager et le contribuable, ont très largement contribué. Voir des entreprises privées s’emparer de tous ces investissements sans nécessairement des contreparties c’est une vraie question par rapport à l’argent public », souligne Thierry Falconnet. Une interrogation partagée par François Mottet : « un des points positifs de la LOM, c’est l’explosion des canaux de vente. Les Gafa pourraient avoir un certain intérêt à vendre des titres, mais comment va s’effectuer le partage des données générées ? Cela peut être dangereux si elles ne sont pas communiquées ». Selon lui, la situation sera différente selon la taille de l’agglomérations. Google pourrait se positionner à l’échelon national en se concentrant sur les plus grosses villes et proposer des billets unitaires sans tenir compte des situations particulières et leurs innombrables réductions tarifaires. « Google ne va pas s’amuser à les gérer. »

Alexandre Cabanis se veut pragmatique : il ne faudra pas craindre les plateformes si elles se contentent de vendre de titres sans opérabilité : « Dans ce cas, cela fera pschitt, mais si elles proposent un véritable parcours d’un point A à point B, cela sera très différent ».

Eric Alix estime que tout dépendra du niveau d’intégration des MaaS. « Il y a les niveaux 1 et 2 – l’information voyageurs et la vente du titre –, pour lesquels la LOM impose l’ouverture de la vente de titres. Mais il y a aussi des modèles plus ambitieux, le niveau 3 avec une logique de forfait et enfin le niveau 4, le Graal du Maas, qui consiste à combiner les titres. Si le marché du transport reste sur les niveaux 1 et 2, les gros acteurs de la mobilité risquent de prendre une bonne partie des ventes. Le salut viendra d’une intégration beaucoup plus forte en termes d’offres billettique avec la proposition de nouveaux services comme le vélo, la trottinette ou le parking. »

Mais attention, il ne faudrait pas que la part la plus « lucrative » (les niveaux 1 et 2) soit utilisée par les grands opérateurs, et que la gestion des niveaux 3 et 4 soit soutenu uniquement par les AOM, alerte Thierry Falconnet : « il faut éviter une offre à deux vitesses avec tous les investissements soutenus par les AOM tandis que le bénéfice irait uniquement aux gros opérateurs privés ». Pourtant, certaines petites agglomérations, jusqu’à 300 000 habitants, trouvent à l’inverse qu’elles ont plus à gagner à faire distribuer leurs titres par des tiers, soutient Christophe Sanglier : « cela représente des nouvelles opportunités de distribution, qui s’avèrent supérieures au risque de voir capter la maîtrise nominative de leurs clients », objecte-t-il.

Les collectivités doivent donc apprendre à s’approprier le MaaS, un marché en plein devenir et dont le business model n’est pas encore établi. « Les premiers projets mis en place en Scandinavie ne sont pas rentables. La collectivité n’est pas forcément en mesure de payer le service en totalité alors qu’elle a d’autres arbitrages à faire », rappelle Christophe Sanglier. Pour François Mottet, les AOM devront veiller à toujours donner la priorité à l’intérêt collectif tandis qu’Alexandre Cabanis estime que « l’un des enjeux pour les AOM sera de pouvoir trouver les meilleurs acteurs, capables de travailler collectivement ». Pour Philippe Vappereau, il reste encore beaucoup de questions sur la LOM, en particulier celles qui touchent à la gouvernance : « Il faut trouver un dialogue entre le public et le privé, aux objectifs différents, ce qui est loin d’être simple ». D’où ce mot de conclusion formulé par Eric Alix et largement partagé : « l’AOM a pour rôle de créer un écosystème et de le rendre vivant sur son territoire ».

Grégoire Hamon

Ewa

Et si le futur du MaaS était déjà écrit ?

Livraison

On a vu dans le MaaS une sorte d’Eldorado technologique de la mobilité durable… Mais l’information aux voyageurs est devenue un nouveau standard pour tous les moyens de transport. Le  MaaS permet aux transports en commun, à la marche ou au vélo de rester dans la course face à l’automobile. Pas de faire la différence. Là où le MaaS pourrait se développer, c’est en permettant aux plate-formes privées d’offrir des services de mobilité de toute sorte, comme le fait dès maintenant Uber. Avec des effets environnementaux et sociaux très contestables.

Par Nicolas Louvet et François Adoue

Le MaaS, de l’anglais Mobility as a Service (en français : « la mobilité en tant que service »), est certainement aujourd’hui l’acronyme le plus en vogue dans le secteur de la mobilité. Il est consacré sous l’appellation « service numérique multimodal » par la loi d’orientation des mobilités (2019) qui le définit dans son article 28 comme « un service numérique qui permet la vente de services de mobilité, de stationnement ou de services fournis par une centrale de réservation », et qui entend en faciliter le développement aussi bien par des acteurs publics que par des acteurs privés. Le MaaS apparaît ainsi promis à un grand avenir. Mais, avant de parler de son futur, offrons-nous un précieux détour par le passé.

Le MaaS succède aux systèmes d’information multimodale en tant qu’Eldorado technologique de la mobilité durable. Ces systèmes d’information multimodale, accessibles depuis un ordinateur bien avant d’être développés en tant qu’application pour smartphone, étaient censés, comme le MaaS aujourd’hui, promouvoir l’usage des transports en commun, de la marche ou du vélo, au détriment de la voiture particulière. Comment ? En offrant à leurs usagers une information multimodale complète et actualisée en temps réel, autrement dit en offrant aux consommateurs une information pure et parfaite sur les différentes offres de transport : temps de parcours, coûts monétaires et même parfois coûts environnementaux ! L’enjeu était de réduire une supposée irrationalité des choix de déplacements conduisant à l’adoption de l’automobile, en plaçant l’individu face à son erreur d’appréciation. Or ces cas de choix sous-optimaux, s’ils existent et font l’objet de nombreux travaux de recherche, s’avèrent ne représenter qu’une part marginale de la mobilité quotidienne. On feint trop souvent d’oublier que les automobilistes, dans une large majorité de situations, ne disposent tout simplement pas d’alternatives avantageuses. De plus, bien peu de personnes sont en mesure de réviser constamment leurs choix de déplacement. On ne change généralement pas tous les jours son mode de transport pour aller au travail. Aussi l’information multimodale n’est utilisée que quand elle est utile, c’est-à-dire le plus souvent pour procéder à des choix dans des situations d’incertitudes (nouvelles destinations, perturbations sur le réseau).

C’EST EN PROPOSANT DES SERVICES ADAPTÉS AUX BESOINS DES UTILISATEURS QUE LES APPLICATIONS MaaS SE DÉVELOPPERONT. ET ÇA, LE SECTEUR PRIVÉ L’A DÉJÀ COMPRIS

C’est donc à la fois la portée (l’étendue des situations) et l’efficacité (le pouvoir d’influence dans les choix) de cette solution miracle qui ont été surestimées. Est-ce à dire que les politiques en faveur du développement de systèmes d’information multimodale ont été vaines ? Pas tout à fait. L’accès à une information de plus en plus fiable sur les trajets en transports en commun, marche ou vélo permet de donner le change face à une industrie automobile qui intègre de mieux en mieux l’information en temps réel sur les conditions de circulation, et de maintenir ainsi un équilibre dans la compétition modale. L’information aux voyageurs – quel qu’en soit le véhicule – s’est imposée comme un nouveau standard, répondant à une exigence aujourd’hui triviale des voyageurs, à l’instar de la mise à disposition de sièges confortables, ou de la climatisation dans nos voitures comme dans nos bus les plus récents.

Le MaaS entend compléter ces systèmes d’information multimodal en ajoutant au calculateur d’itinéraire la possibilité de payer son titre de transport et de le valider depuis son téléphone, de manière extrêmement simplifiée, et ce quel que soit le mode choisi pour le déplacement. Afin d’inciter à des choix de mobilité plus vertueux, les applications MaaS tendent à offrir un avantage pécuniaire à l’utilisation des modes alternatifs à la voiture. Elles peuvent proposer des abonnements croisés : l’abonnement aux transports en commun emporte par exemple le droit à une réduction sur l’abonnement aux vélos en libre-service ou encore à l’autopartage. Si ce type de politique tarifaire n’est pas nouveau, le MaaS pourrait en permettre la facilitation (inscription – et désinscription – en quelques minutes depuis son téléphone) et en soutenir la diffusion dans la population.

Par ailleurs, les applications MaaS peuvent proposer une formule de post-paiement : l’usager se déplace sur les différents réseaux, puis reçoit sa facture le mois suivant, tout en étant assuré de payer ce qui correspond à l’offre la plus avantageuse qu’il aurait pu anticiper. Il s’agit alors d’offrir une mobilité 100 % alternative à la voiture particulière à prix maîtrisé. Si ces différents avantages financiers peuvent séduire de nouveaux usagers, il convient néanmoins de rappeler que, de manière générale, les modes alternatifs sont déjà moins onéreux que la voiture particulière. L’argument financier ne suffira donc pas à séduire le plus grand nombre. C’est en proposant des services adaptés aux besoins des utilisateurs que les applications MaaS se diffuseront. Et ça, le secteur privé l’a déjà bien compris.

Les plateformes agrègent, au fil d’expérimentations et de partenariats à travers le monde, des services de mobilité de différentes natures. Uber, par exemple, ne propose plus uniquement un service de transports avec ou sans chauffeur (VTC, taxi, vélo à assistance électrique), mais propose tout à la fois de la livraison express de repas, de courses alimentaires, de fleurs, et même un service de messagerie pour les particuliers : à São Paulo (Brésil), l’individu peut remettre une lettre ou un petit colis à un chauffeur qui sera ensuite récupéré par un destinataire à l’arrivée, s’économisant ainsi l’aller-retour nécessaire à une remise en main propre. Ces MaaS en gestation dans le secteur privé ne se contentent pas d’offrir des services de transport de personnes, mais proposent de « sous-traiter » la mobilité auprès de travailleurs mobiles fortement précarisés. En s’attaquant frontalement aux activités et déplacements les plus contraignants et en ambitionnant de faire économiser du temps à leurs clients, les plateformes privées dessinent un futur bien différent de la « mobilité en tant que service », potentiellement moins écologiquement soutenable et certainement socialement moins équitable.

Ewa

La RATP lance la nouvelle version de son appli pour se positionner sur le MaaS

appli RATP MaaS

La RATP lancera le 15 juin prochain, une nouvelle version de son appli, baptisée Bonjour RATP, qui proposera de nouvelles fonctionnalités liées au MaaS (Mobilité as a service), en intègrant de nouveaux modes de transports : les vélos en libre-service Vélib’, les VTC de Marcel, et les trottinettes électriques, Tier Mobility (en septembre).

A la différence d’autres applis se réclamant du MaaS, celle-ci permettra de payer le service, souligne la RATP. Autrement dit, l’utilisateur ne sera pas renvoyé vers les autres opérateurs de transports, notamment pour acquitter son achat, ce qui supposerait de nouvelles identifications. Cette possibilité, compliquée techniquement, va obliger les partenaires de la RATP à partager leurs données.  « Mais il n’y a pas d’exclusivité », assure Hiba Farès, directrice chargée de l’Expérience Clients, des Services et du Marketing au sein du groupe RATP. « Nous aurions pu travailler avec d’autres entreprises. Nous cherchions plutôt des acteurs français ou européens », ajoute-t-elle.  Et ce n’est qu’un début.

mappy velo2

L’intégration de la cartographie Mappy, rachetée en novembre dernier par la RATP à Solocal, enrichit aussi considérablement l’appli en apportant 150 000 points d’intérêt : stations de métro et de RER, bien sûr, mais aussi de Vélib’, restaurants, cinémas, les musées ou parkings. Car l’atout de Mappy, c’est aussi d’être tourné vers la route, un maillon de la chaîne du transport indispensable pour se déplacer. En proposant des solutions alternatives, avec des parkings à proximité des gares RER, la RATP affirme vouloir lutter contre l’autosolisme, et les émissions de CO2. D’autant que les restrictions de circulation se multiplient pour les véhicules les plus polluants dans une partie du grand Paris.

La RATP souhaite également vendre son MaaS « en marque blanche » à des autorités organisatrices de transports dans d’autres métropoles françaises, « parce que c’est une application capable de gérer d’importants volumes de données. Elle ne serait pas pertinente pour des villes moyennes », explique encore Hiba Farès. L’opérateur ne visera donc pas (forcément) les villes où RATP Dev est déjà opérateur de transport. Vendre son outil de MaaS à des AOM participera à la recherche de l’équilibre financier, au même titre que les négociations commerciales engagées avec les autres opérateurs. Mais sur ce point, Hiba Farès ne souhaite pas dévoiler les accords signés avec eux, et assure que « le premier objectif, c’est que ça fonctionne. Sinon, le visiteur ne reviendra pas ! ». Et sans flux, pas de monétisation.

Yann Goubin

Ewa

L’UTP se prépare à l’après-LOM

TCL Billetique

Satisfaction pour l’Union des transports publics : l’utilisation des modes collectifs progressent en France, de 10 points, selon son Observatoire de la mobilité 2019 qui se réfère à la première enquête datant de 2014. Autre tendance notée par l’organisation professionnelle patronale, si les transports publics couvrent aujourd’hui 73 % de la population française, soit 49 millions d’habitants, les différentes législations qui se sont succédés, notamment les lois Maptam (2014), NOTRe (2015) et LOM (votée le 19 novembre dernier) ont conduit à élargir les territoires desservis par les transports publics. « L’extension des périmètres à desservir à fait un bond entre 2016 et 2017 », souligne Thierry Mallet, le président de l’UTP. « Parmi les records, Cherbourg, qui a fusionné avec 8 autres communautés de communes, est ainsi passé de 6 à 132 communes à desservir ! ».

Malgré ces extensions, la population bénéficiant d’un service de transport collectif n’a augmenté elle que de 7 %. Résultat, « les extensions de réseaux pour couvrir de nouveaux périmètres peuvent conduire à délivrer un service de moindre qualité car dilué dans des zones de desserte élargies », indique l’UTP, en estimant que l’équilibre économique peut être ainsi fragilisée. Un argument, selon elle, pour ne pas aller vers la gratuité des transports, alors que le secteur a d’immenses besoins de financement pour améliorer le service. Or, avec les municipales en mars prochain, le thème de la gratuité devrait redoubler de vigueur.

 

Un des rares pays à ouvrir la billettique à la terre entière!

L’équilibre pourrait aussi être bousculé dans un avenir proche dans la distribution des billets. « La LOM va permettre aux GAFA de vendre un accès à la mobilité. Or l’intérêt des GAFA est avant tout d’élargir leurs bases de clients et d’engranger de la valeur qui ne bénéficiera pas aux transports publics », prévient Marie-Claude Dupuis, la directrice Stratégie, Innovation, Développement du groupe RATP. « Nous allons ainsi être l’un des rares pays dans le monde à ouvrir la billettique du transport public à la terre entière ! Ce sera possible à partir de juillet 2021 », ajoute-t-elle.

Deux types de plateformes sont envisagées par la loi : d’une part des plateformes de mise en relation, d’autre part des plateformes permettant d’offrir des packages de mobilité dans le cadre d’un contrat avec les AOT, explique la responsable de la RATP. « La LOM a recours à des principes qui nous vont bien, tels que transparence, neutralité, non-discrimination… Maintenant, il faut les préciser dans les décrets. L’UTP sera très vigilante sur ces décrets à venir. Il ne s’agit pas que de vendre des billets. Il faut aussi s’assurer de la qualité de service », explique-t-elle.

La Commission européenne travaille aussi sur la question de la responsabilité des plateformes numériques en matière de droits des voyageurs pour éviter par exemple qu’elles ne vendent un trajet multimodal qui ne serait pas réalisable. Qui serait alors responsable ?

« Il ne faut pas que l’intérêt général et l’intérêt des voyageurs soient oubliés », résume l’UTP qui demande « un juste partage des responsabilités et de la valeur ». Un sujet complexe. Il ne reste plus qu’un an et demi pour s’y préparer.

Marie-Hélène Poingt