A moins d’un an des prochaines élections américaines, l’administration Biden persiste et signe en faveur du rail, à une échelle inédite depuis la création d’Amtrak, il y a un demi-siècle, pour sauver à l’époque ce qu’il restait des trains de voyageurs. Attendu depuis des décennies, le coup de pouce de 16,4 milliards de dollars récemment donné à la modernisation du Corridor nord-est (NEC), axe principal en matière de transport de voyageurs sur rail sur le réseau américain, n’était pas qu’un symbole. La réfection, voire la réouverture d’autres axes (en tiretés sur la carte), à grande vitesse ou plus classiques, devraient également contribuer à « rendre aux Etats-Unis le chemin de fer qu’ils méritent », dans le sillage du plan sur les infrastructures adopté fin 2021.
C’est ainsi que la Federal Railroad Administration (FRA) du ministère des Transports (DoT) des Etats-Unis a annoncé en décembre qu’elle a octroyé 8,2 milliards de dollars de plus pour 10 projets ferroviaires de voyageurs à travers le pays, tout en annonçant que des études étaient lancées sur plusieurs corridors.
Pour ce qui est de la grande vitesse, les projets annoncés dans le cadre de ce programme intitulé Federal State Partnership for Intercity Passenger Rail (Fed-State National) Program devraient faire avancer la ligne nouvelle dans la vallée centrale de la Californie, ainsi que le deuxième projet de l’entreprise privée Brightline, de ligne à grande vitesse entre Las Vegas et le sud de la Californie.
Partagées avec les trains de fret, les lignes classiques ne sont pas oubliées. Autour de la côte Est, cette fois, le nord de la Virginie (et le sud-est plus généralement) devrait être mieux relié au corridor nord-est, alors que la fréquence des trains du Keystone Corridor (en Pennsylvanie), entre Philadelphie et Pittsburgh, devrait pouvoir être accrue et que, plus au sud, le corridor du Piémont des Appalaches devrait être prolongé et accéléré par une ligne à reconstruire de Richmond (Virginie) vers Raleigh (Caroline du Nord). Des investissements sont également destinés à l’Union Station de Chicago, plaque tournante des corridors du Midwest, ainsi qu’aux dessertes dans le Maine, le Montana et l’Alaska (hors du territoire desservi par Amtrak pour ce dernier Etat).
Parallèlement, la FRA annonce que 69 corridors ont été sélectionnés dans 44 États, dans le cadre du nouveau programme d’identification et de développement des corridors (Corridor ID), rendu possible par la loi bipartisane sur l’infrastructure votée fin 2021. Ces sélections portent non seulement sur la mise à niveau de 15 lignes existantes, mais aussi sur l’accroissement ou la réouverture de dessertes sur 47 lignes, tout en faisant avancer 7 projets de trains à grande vitesse. Ces projets impliqueront une coopération étroite entre la FRA, les États, les Agences de transport de ces Etats, les réseaux privés de chemins de fer concernés et les collectivités locales.
P. L.
En Espagne, le gestionnaire du rail, l’Adif, autorise les opérateurs ferroviaires des lignes à grande vitesse à installer des stations de production d’électricité renouvelable pour alimenter leurs trains eux-mêmes. C’est ce qu’a confirmé le 13 septembre la Commission nationale des marchés et de la compétence (CNMC). Renfe, mais aussi ses concurrents Ouigo et Iryo pourront ainsi soulager les coûts liés à la traction des trains, qui ont explosé avec la flambée des prix de l’énergie ces deux dernières années. Le chemin de fer est le plus gros consommateur d’électricité en Espagne. Juste pour ses lignes grande vitesse, la Renfe a vu sa facture augmenter de 158 % en 2022 par rapport à 2019.
Aujourd’hui, c’est l’Adif qui gère l’approvisionnement du réseau. Les opérateurs lui paient ensuite l’électricité en fonction de leur consommation. Désormais, les MWh que les opérateurs produiront eux-mêmes seront décomptés de leur facture finale.
Chaque entreprise pourra avoir ses propres stations de production, a priori photovoltaïques, à proximité des points de connexion électrique sur les sections du rail qu’elle exploite. Pour chaque point de connexion, la quantité d’énergie maximum qui pourra être décomptée correspondra à la consommation des trains de l’entreprise. Si une quantité supérieure au besoin de ses trains est produite, l’entreprise devra le gérer elle-même. Si elle décide d’envoyer ces MWh supplémentaires dans le réseau, ils seront assignés à l’équilibre général du chemin de fer espagnol, et feront diminuer le prix de l’électricité pour tout le monde.
Alban Elkaïm
Réunis le 21 février à Saint-Denis, à l’invitation de la SNCF, des opérateurs ferroviaires européens ont lancé un appel pour demander à leurs dirigeants et aux responsables de la Commission européenne de leur donner plus de moyens pour augmenter la part du rail et réussir la lutte contre le changement climatique.
« Il va falloir faire un effort pour le réseau ferroviaire, un effort important, c’est absolument nécessaire si nous voulons tenir nos objectifs« , a notamment déclaré Jean-Pierre Farandou au cours de cet événement baptisé » sommet européen du rail. « C’est la demande que nous faisons tous, à la fois à l’Union européenne et aux exécutifs de nos Etats-membres » a ajouté le PDG du groupe SNCF devant un aéropoage de ministres, de députés européens, de dirigeants d’entreprises ferroviaires et d’industriels. Il estime qu’il faudrait mettre sur la table « plusieurs dizaines de milliards d’euros » pour moderniser le réseau.
« Il faut développer ce qui pollue le moins« ‘ a répondu Jean-Baptiste Djebbari, le ministre des Transports, tandis que Adina Valean, la commissaire européenne chargée des Transports estimait que « quelque 80 milliards d’euros de fonds de l’Union européenne pourraient soutenir les investissements ferroviaires entre 2021 et 2027″. Bruxelles souhaite « un véritable réseau ferroviaire européen » « performant« , « interopérable » et « numérisé » d’ici 2040.
Ce sommet du rail a aussi été l’occasion de lancer officiellement « l’Europe du rail » qui se donne pour objectif d’accélérer le déploiement de solutions ferroviaires intégrées et performantes à l’échelle du vieux continent.
La veille, 24 patrons du secteur, dont Jean-Pierre Farandou, ont publié un appel « pour un nouveau pacte ferroviaire européen » s’engageant à oeuvrer ensemble « pour améliorer l’attractivité du rail partout sur le continent » et réclamant « un investissement européen massif« .
Alors que l’année 2022 commence par la déferlante omicron, le cabinet de conseil Roland Berger et l’UIC dévoilent une étude commandée au premier par le second, intitulée Mobility post-Covid: an opportunity for railways. Selon cette étude réalisée au cours du premier semestre 2021, le transport ferroviaire bénéficiera prochainement d’une brève « fenêtre » de temps pour renforcer sa compétitivité par rapport aux autres modes et augmenter sa part de marché.
Sans nier les incertitudes à long terme liées au prolongement de la crise sanitaire, le rapport présenté par Roland Berger et l’UIC estime que « le transport ferroviaire a fait preuve d’une résilience particulière, se révélant être un service essentiel pour la société ». Selon ce rapport, la crise a « accéléré les tendances de fond existantes telles que les préoccupations environnementales, le soutien du public aux infrastructures, ou bien encore le travail à domicile ». Et au-delà de la période de reprise attendue après la crise, les perturbations rencontrées ces dernières années seraient « une opportunité à saisir pour le transport ferroviaire, à condition que des stratégies nouvelles ou adaptées soient développées et mises en œuvre sans délai ».
S’il prévoit une reprise, le rapport distingue d’emblée les voyages de loisirs, qui « devraient rebondir rapidement à partir de 2022 », des voyages professionnels, qui devraient redémarrer plus progressivement et se stabiliser « à un niveau inférieur à celui de 2019 », du fait du télétravail. « Le temps nécessaire pour arriver à la « nouvelle normalité » de la mobilité variera en fonction des régions, des niveaux de vaccination et de la mise en œuvre des quarantaines pour les voyageurs à l’étranger », ajoutent prudemment Roland Berger et l’UIC.
Autre tendance de fond identifiée par l’étude, le financement public du réseau ferré « devrait être maintenu après la Covid-19 », les investissements ou plans de relance pour les solutions « vertes » devant succéder aux programmes déployés pour compenser la réduction du trafic en 2020 et 2021. « Si aucun projet ferroviaire n’a été annulé en raison de la crise, les restrictions imposées au transport aérien pour des raisons sanitaires ou environnementales pourraient renforcer la légitimité de certains projets ferroviaires dans les années à venir ».
Et selon les prévisions de Roland Berger, « les préoccupations environnementales et sociétales des consommateurs auront un effet majeur sur la mobilité dans le monde, avec un impact positif sur le transport ferroviaire », se traduisant par davantage de trains de nuit ou à grande vitesse sur les grandes distances au lieu de l’avion, ou une poursuite du développement des transports publics et des services de mobilité douce en milieu urbain, aux dépens de la voiture individuelle. Un développement qui devrait être motivé par la demande ; mais en même temps, l’étude souligne que la grande vitesse « continue d’être entravée par des coûts importants » (environ 9 à 22 millions d’euros par km en coût total).
Le salut pour le mode ferroviaire ne devrait pas seulement venir de ses propres qualités, mais aussi des difficultés auxquelles devraient faire face les transports routiers (qui ont entamé leur transition environnementale, avec une maturité du véhicule électrique dans la prochaine décennie) et aériens (nouvelles structures de coûts et passage aux carburants « verts » après 2035). Ces modes « sont entrés dans une période critique de remise en cause totale de leurs modèles, dont les premiers effets sont attendus vers 2030 ». Le rapport identifie ainsi une « fenêtre relativement courte » au cours de laquelle le secteur ferroviaire devrait « garantir sa part modale en capitalisant sur ses principaux avantages – fiabilité et confort – et l’élargir en traitant ses principales faiblesses – la perception de prix élevés et les connexions limitées avec d’autres modes, par exemple ». Ce qui nécessitera des efforts de la part du secteur ferroviaire, tant sur l’expérience client, « en s’adaptant aux nouveaux comportements de mobilité », l’équation économique, en optimisant les coûts, et les performances environnementales. Etre déjà un mode vertueux n’interdit pas de se perfectionner…
P. L.
La Commission a proposé le 4 mars de faire de 2021 l’Année européenne du rail « afin de soutenir la réalisation des objectifs de son pacte vert pour l’Europe en matière de transports ». Ce pacte vert a pour objectif de parvenir à la neutralité climatique d’ici 2050. « Comme les transports représentent un quart des émissions de gaz à effet de serre de l’UE, le secteur jouera un rôle crucial pour atteindre ce but et devra réduire ses émissions de 90 % d’ici 2050 », indique la Commission européenne en estimant « qu’il convient en priorité de déplacer vers le rail et les voies navigables intérieures une part substantielle des 75 % du fret terrestre qui est actuellement transporté par la route ».
Bruxelles rappelle aussi que « 2021 sera la première année complète de mise en œuvre dans toute l’UE des règles adoptées dans le cadre du quatrième paquet ferroviaire. Cette année marquera également plusieurs anniversaires importants pour le rail : le 20e anniversaire du premier paquet ferroviaire, le 175e anniversaire de la toute première liaison ferroviaire reliant deux capitales de l’UE (Paris – Bruxelles), les 40 ans du TGV et les 30 ans de l’ICE ».
Si cette proposition est adoptée par le Conseil et par le Parlement européen, plusieurs événements, campagnes et manifestations, seront alors lancées l’année prochaine pour promouvoir le rail. Ce sera notamment le cas du festival d’arts international Europalia, qui a déjà choisi de consacrer son édition 2021 aux chemins de fer.
Jamais la compagnie ferroviaire allemande n’avait reçu autant d’argent de l’Etat pour entretenir son réseau et moderniser ses matériels. Selon l’accord signé le 14 janvier entre le ministère des Transports et la Deutsche Bahn (DB), 62 milliards de fonds publics seront consacrés aux investissements dans le rail au cours des dix prochaines années.
La DB a de son côté aussi annoncé un financement sur fonds propres à hauteur 24 milliards d’euros, portant le total du programme des investissements à 86 milliards d’euros jusqu’à 2030. Il s’agit du « plus important plan de modernisation jamais réalisé en Allemagne dans le rail », s’est félicité Andreas Scheuer, le ministre des Transports, qui veut faire du train l’un des fers de lance dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Les investissements seront consacrés notamment à la rénovation complète de 2000 ponts, l’accessibilité des gares aux handicapés, la modernisation de 2000 kilomètres de voies par an et l’achat de locomotives.
Bien qu’il soit historique, l’accord ne permettra pas de rattraper le retard d’investissement accumulé depuis des années par la DB, critiquent les experts. « Les moyens sont beaucoup trop faibles pour remettre le réseau à niveau », estime Matthias Gastel, porte-parole des écologistes à l’Assemblée fédérale (Bundestag) sur les questions de transport. « Le programme ne prévoit pas un développement du réseau alors que le gouvernement veut doubler le nombre de passagers d’ici 2030 », fait également remarquer Dirk Flege, le secrétaire général de « Allianz pro Schiene » regroupant ONG environnementales, associations de consommateurs, syndicats et entreprises régionales du rail.
Christophe Bourdoiseau,
A Berlin
A peine trois mois après l’arrêt des trains sur la Grande Ceinture Ouest, les rails ont commencé à être posés fin octobre sur le tram-train T13. Englobée dans un nouveau tram-train de Saint-Cyr à Saint-Germain-en-Laye, l’ancienne branche GCO de la ligne L de Noisy-le-Roi à Saint-Germain-Grande-Ceinture peinait à dépasser les 400 voyageurs par jour. Sa conversion en tram-train avec prolongement à ses extrémités, au sud vers Saint-Cyr à la rencontre du RER C et des Transiliens N et U et au nord vers la gare du RER A de Saint-Germain-en-Laye, devrait lui permettre d’atteindre les 21 000 voyageurs par jour. L’une des particularités de ce nouveau tram-train est de recréer un lien ferré (déposé en 1939) entre les deux gares de Saint-Germain-en-Laye, aux pieds du château et sur la Grande Ceinture. Pour autant la nouvelle ligne ne reprend pas l’ancien tracé, remontant plus au nord vers le camp des Loges. C’est dans ce secteur, le long de l’avenue des Loges et du Président Kennedy que les premiers coupons de rails sont posés.
un calendrier serré
Le calendrier est serré puisque la mise en service doit intervenir dès la fin 2021. Aux pieds du château de Saint-Germain, les engins de terrassement réalisent le futur terminus du T13. Etabli au côté des voies de garage du RER A, il sera sans arrière station, les échanges se faisant en amont grâce à une communication croisée. Difficulté supplémentaire, le tramway ne doit pas apparaître dans la perspective du château et des jardins Le Nôtre classés monument historique. Le site s’inscrit donc en léger contrebas, ce qui facilitera les échanges avec le couloir de correspondance vers le RER A en cours d’établissement. A la mise en service du T13, un tapis roulant permettra aux voyageurs de franchir plus rapidement les 200 m qui séparent les deux lignes.
Le T13 d’un coût de 306 M€ permettra de parcourir les 18,8 km entre Saint-Cyr et Saint-Germain en une demi-heure, avec une fréquence de 10 minutes aux heures de pointe. La première rame Alstom Dualis est attendue au centre de maintenance de Versailles-Matelots en mai 2020, quelques semaines avant les premiers essais en ligne. A l’horizon 2026, le T13 sera prolongé vers la gare d’Achères depuis Saint-Germain-Grande-Ceinture.
Cliquez sur la carte ci-dessous pour la voir en plus grand :
Philippe-Enrico Attal
Sous la pression de la rue, le gouvernement a présenté le 20 septembre un plan pour tenir ses objectifs climatiques. Ce programme prévoit une première tranche de dépenses de 54 milliards d’euros d’ici à 2023. En tout, l’Allemagne pourrait dépenser plus de 100 milliards d’ici à 2030. Parmi les mesures annoncées : la modernisation du réseau ferré, mais aussi la baisse du prix des trains et la hausse des taxes sur le transport aérien.
La compagnie ferroviaire allemande, Deutsche Bahn (DB), estime qu’elle est la grande gagnante de ce programme climatique. « C’est une nouvelle excellente pour le rail en Allemagne », s’est félicité le président Richard Lutz. Selon lui, le gouvernement va mettre 20 milliards de plus à disposition de la DB d’ici à 2030. « C’est le plus grand programme d’investissement de l’histoire du rail allemand depuis 180 ans », a-t-il ajouté.
De 2020 à 2030, la DB recevra directement un milliard d’euros en plus par an pour ses investissements. Par ailleurs, les subventions pour les transports de proximité – la DB détient plusieurs réseaux – vont doubler à 2 milliards par an à partir de 2025.
La TVA sur le prix des tickets devrait passer de 19 % à 7 %, ce qui fera baisser les tarifs du transport d’environ 10 %. La DB serait ainsi en mesure de baisser son offre commerciale d’appel (« Super-Sparpreis ») à 13,40 euros sur les grandes lignes. Elle renforcerait ainsi sa compétitivité face à l’offensive de Flixbus et Flixtrain.
Enfin, le gouvernement a confirmé sa volonté de développer le fret ferroviaire en développant le réseau et en le rendant plus attractif.
Christophe Bourdoiseau,
à Berlin