A deux semaines du débat devant le Sénat de la proposition de loi sur les services express régionaux métropolitains (SERM) du député Renaissance Jean-Marc Zulesi, les deux futurs maîtres d’ouvrage de ces « RER métropolitains » étaient auditionnés le 11 octobre par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de la chambre haute.
Remis par surprise sur les rails par le chef de l’Etat fin 2022, et érigés en porte-drapeau de « l’écologie à la française » dans son projet de planification écologique, les RER métropolitains consistent à densifier les réseaux de transports publics existants dans les grandes métropoles et leurs périphéries : TER, tramway et même bus s’ils deviennent à haut niveau de service, sur des voies dédiées. En augmentant les fréquences et en cadençant les horaires. Plus d’une dizaine de métropoles sont concernées, Strasbourg, Bordeaux, ou encore Lille et Toulouse ont déjà amorcé la pompe.
Outre les questions évidentes de co-construction de ces gros projets de transport locaux entre les différentes collectivités locales concernées, et de la nécessaire modernisation du réseau ferré pour pouvoir les accueillir, se posent la question de leur maîtrise d’ouvrage : qui pour construire, financer les lignes, les gares, les pôles d’échanges multimodaux, et entretenir ces nouvelles infrastructures ? Les dirigeants des deux entités publiques pressenties pour se partager les rôles sur le réseau ferré – Jean-François Monteils pour la Société du Grand Paris (SGP) et Matthieu Chabanel pour SNCF Réseau – étaient ce matin sous le feu des questions des sénateurs. Ces derniers examineront la proposition de loi sur les RER métropolitains le 17 octobre, avant le débat en séance publique le 23 octobre. Les députés l’ont déjà adopté en juin dernier.
Que prévoit le texte sur la délicate ligne de partage entre le gestionnaire du réseau et la SGP actuellement chargée de la construction du Grand Paris Express et qui serait alors rebaptisée Société des grands projets (ce qui permet de conserver l’acronyme) ? Le probable partage des compétences hérisse déjà le poil de Gares & Connexions, société de SNCF Réseau en charge des 3 000 gares et haltes ferroviaires.
C’est simple, la proposition de loi envisage trois cas de figure qui permettrait à la SGP de se glisser sur les rails :
- Si le RER métropolitain nécessite la construction d’une nouvelle infrastructure ferroviaire,
- Si le RER circule sur des lignes ou sections de lignes sur lesquelles aucun train de fret ou de voyageurs ne circulent plus depuis au moins cinq ans,
- S’il s’agit d’une extension du réseau de transport public urbain ou interurbain qui comprend au moins une correspondance avec le RER métropolitain.
SNCF gardera donc la main sur le réseau existant et circulé. « Nous n’avons aucune intention d’usurper les compétences de SNCF Réseau », vient rassurer Jean-François Monteils qui, s’il arrive à donner une seconde vie à la SGP après la livraison des lignes du métro du Grand Paris (1), n’envisage pas de devoir recruter à tour de bras et de passer au-dessus des 1 000 collaborateurs qui œuvrent aujourd’hui à la SGP.
« Vu l’ampleur et l’ambition des RER métropolitains, j’envisage d’un bon œil, et même d’un très bon œil , la perspective d’une coopération avec la SGP. Il n’y a pas de risque de dérive de concurrence entre nos deux entités publiques« , a insisté Matthieu Chabanel devant les sénateurs. Le pdg de SNCF Réseau qui, dans une fonction antérieure, a connu une forme de guerre des territoires entre la SNCF et Réseau Ferré de France (il a été directeur général adjoint de l’établissement public alors gestionnaire des infrastructures ferroviaires), voit d’autant plus l’intérêt de s’associer avec la SGP qu’elle est devenue experte en ingénierie financière avec le très coûteux métro Grand Paris Express (36 milliards d’euros). Autrement dit, elle sait lever de la dette pour développer et mener des ouvrages à bien. Une prérogative dont est privée SNCF Réseau au-delà d’un certain ratio.
Pour Jean-François Monteils, « le modèle de financement vertueux est fait d’emprunts, de taxes dédiées et d’effort budgétaires [de l’Etat, ndlr]« . Emmanuel Macron a annoncé le 25 septembre dernier le financement par l’Etat des RER métropolitains, à hauteur de 765 millions d’euros dans les contrats de plans Etat-Région en cours de discussion. Quid du financement de leur exploitation ?
Nathalie Arensonas
(1) à commencer par le prolongement de la ligne 14 de la RATP avant les Jeux olympiques de l’été 2024, puis la 15 Sud (Noisy-Champs – Pont de Sèvres) fin 2025.