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Ewa

Concilier nouveaux comportements et mass transit en Ile-de-France

Conference GPRC 2021

Dans le contexte de crise sanitaire, et malgré la reprise, c’est encore l’heure des interrogations pour les opérateurs. Dans quelle mesure les changements de comportements vont-ils perdurer ? Faudra-t-il se réinventer pour s’y adapter ? Les pertes cumulées permettront-elles de maintenir
les investissements en Ile-de-France où le mass transit est une réalité incontournable ? Beaucoup de questions, auxquelles les intervenants ont cherché à répondre lors de la table ronde intitulée « Concilier nouveaux comportements et mass transit », organisée le 7 octobre par VRT avant la cérémonie des Grands Prix de la Région Capitale.

Laurent Probst« Nous sortons d’une crise sans précédent. Les transports publics n’avaient jamais été aussi impactés que par le Covid », rappelle en préambule Laurent Probst, le directeur général d’Ile-de-France Mobilités (IDFM). Si, durant la pandémie, l’écosystème francilien a su faire preuve de réactivité pour assurer le service, la crise sanitaire a fait perdre à IDFM 2,6 milliards en 2020 (1,6 milliard de pertes sur les recettes passagers, un milliard sur le Versement Mobilité), puis 1,3 milliard d’euros en 2021 (dont 300 millions dus au recul du VM), car le trafic n’est toujours pas revenu à la normale. Il est aujourd’hui d’environ 75 % comparé à l’avant-crise.

« Nous pensons que 80 % des voyageurs seront de retour d’ici la fin de l’année, puis 90 % l’an prochain. Il faudra patienter jusqu’en 2023 pour que le trafic retrouve un niveau équivalent à celui de 2018, auquel il faudra sans doute déduire 3 % à 6 %, en raison de la pérennisation du télétravail », estime Laurent Probst. Au cours des années suivantes, IDFM espère retrouver une croissance annuelle de 5 %, qui lui permettra de retrouver son niveau de fréquentation de 2019 en… 2025.

 » IL FAUDRA PATIENTER JUSQU’EN 2023 POUR QUE LE TRAFIC RETROUVE UN NIVEAU ÉQUIVALENT À CELUI DE 2018, AUQUEL IL FAUDRA SANS DOUTE DÉDUIRE 3 À 6%, EN RAISON DE LA PÉRENNISATION DU TÉLÉTRAVAIL «  LAURENT PROBST

Le directeur général d’IDFM précise que le retour à 100 % du trafic ne sera pas forcément synonyme de retour aux trains bondés, car la Région poursuit ses investissements pour mettre en place des trains à étage et des extensions de lignes, comme le prolongement d’Eole.

De même, si le télétravail perdure, cela ne signifie pas forcément moins de mobilités, mais plutôt des mobilités différentes, à d’autres moments, notamment pour des déplacements de loisirs. Mais cela devrait permettre de réduire les pics d’affluence aux heures de pointe et d’offrir de meilleures conditions de voyage.

En Ile-de-France, les habitudes de télétravail semblent déjà installées : la fréquentation des transports publics est revenue à 78 % du mardi au jeudi, elle monte à 80 % les week-ends, tandis qu’elle se limite à 72 % les lundis et vendredis. « 6 % se volatilisent en raison du télétravail », en déduit le DG d’IDFM.

Les différentes restrictions décidées par le gouvernement ont conduit à une chute du trafic. Son soutien s’impose donc pour passer ce cap difficile, selon l’exécutif d’IDFM. « Nous avons accumulé six ans de retard sur les recettes prévues pour les transports en Ile-de-France. Raison pour laquelle nous avons demandé l’aide de l’Etat », justifie Laurent Probst qui annonce qu’IDFM va continuer à chercher à réduire les coûts.

Il compte aussi sur la mise en concurrence des liaisons ferrées, des lignes de bus et du Grand Paris Express pour améliorer la qualité de service et réaliser des économies.

A condition de prévenir le risque social, comme le montre le mouvement social alors en cours au moment de cette conférence, perturbant des dépôts de bus exploités par Transdev. Un conflit lié à l’ouverture à la concurrence des bus Optile.

Laurent Probst tente de rassurer : « Nous avons besoin de tous les conducteurs, il n’y aura pas de suppression de postes, mais il faut leur proposer des conditions de travail qui les satisfassent. » C’est pourquoi, dans le cadre de ses appels d’offres, IDFM sera attentive au fait que les opérateurs mènent un dialogue social constructif, assure-t-il. « La mise en concurrence est un défi, mais j’ai confiance dans les opérateurs franciliens, qui sont parmi les meilleurs au monde, pour que cela marche bien et que cela permette d’avoir, à l’horizon 2030-2035, le plus grand, le meilleur et le plus performant réseau de transport du monde, sur lequel nous aurons réalisé le plus grand renouvellement de matériel roulant au monde. »

Situation encore mouvante

Annelise AvrilLe Covid va-t-il durablement modifier la façon de se déplacer ? Pour le savoir, tous les opérateurs ont lancé des études visant à décrypter les nouveaux comportements. S’il est certain que le Covid a fait bouger les lignes, Annelise Avril, directrice Marketing du groupe Keolis, juge qu’il est encore difficile de savoir dans quel sens la situation va évoluer.

« Nous sommes encore dans une période transitoire et dans une situation mouvante. Il convient donc d’être très prudent, car les choses bougent vite. » L’observatoire Keoscopie, qui sonde les Français tous les trois mois, montre des variations importantes d’un mois sur l’autre. « A la question : est-ce que votre façon de vous déplacer à la sortie de la crise va se modifier, une majorité des personnes interrogées disait oui en octobre dernier, tandis qu’à l’entrée de l’été ce n’était déjà plus le cas. On avait perdu 15 points », rapporte, à titre d’exemple, Annelise Avril.

 » IL SUFFIRAIT QUE 10 % DES VOYAGEURS DÉCALENT LEUR DÉPART POUR QUE CEUX QUI VOYAGNET AUX HEURES D’HYPERPOINTE RETROUVENT DU CONFORT «  ANNELISE AVRIL

Pour ne pas se contenter de déclaratif, Keolis utilise aussi des outils pour suivre les déplacements réels des piétons, cyclistes et transports en commun. « Le retour des voyageurs, qui s’accompagne de celui de la promiscuité dans les transports, est plus ou moins bien vécu », constate Annelise Avril, qui travaille sur un outil permettant de connaître l’affluence en temps réel. 73 % des Franciliens se disent intéressés par cette information, même si seulement 39 % d’entre eux disent avoir déjà décalé leur départ pour voyager à une heure de moindre influence. « Il suffirait que 10 % des voyageurs décalent leur départ pour que ceux qui voyagent aux heures d’hyperpointe retrouvent du confort », assure Annelise Avril.

Alain Pittavino« Etant encore au milieu de la crise, il est trop tôt pour savoir comment les comportements vont évoluer », confirme Alain Pittavino, le directeur général adjoint Ile-de-France de Transdev. Depuis le début de la pandémie, Transdev participe à un collectif proposé par Inov360, qui regroupe une trentaine d’acteurs de la mobilité (dont IFPEN, Transdev, SNCF Réseau, Paris Ouest La Défense (POLD), Grand Paris Seine Ouest (GPSO), Communauto, Cityscoot, Karos). Le but est d’interroger des milliers de Franciliens pour appréhender la façon dont la crise sanitaire a influé sur leurs déplacements. Alain Pittavino a vu les opinions évoluer. « Les premières enquêtes montraient une forte démobilité et un intérêt pour changer de mode de transport. La plus récente met en avant le fait qu’il existe encore des craintes sanitaires vis-à-vis des transports publics, toujours perçus comme un lieu où l’on peut être contaminé, ce qui freine le retour de certains voyageurs. »

Le dirigeant constate une grande hétérogénéité de fréquentation selon les territoires. Les voyageurs de la deuxième couronne sont davantage revenus vers les transports publics que ceux du centre de Paris, parce qu’ils en sont plus dépendants. « Sur certaines lignes de Seine-et-Marne, les Franciliens sont revenus à 100 % », commente Alain Pittavino.

 » LES PREMIÈRES ENQUÊTES MONTRAIENT UNE FORTE DÉMOBILITÉ ET UN INTÉRÊT POUR CHANGER DE MODE DE TRANSPORT. LA PLUS RÉCENTE MET EN AVANT LE FAIT QU’IL EXISTE ENCORE DES CRAINTES SANITAIRES VIS-À-VIS DES TRANSPORTS OUBLICS, TOUJOURS PERÇUS COMME UN LIEU OÙ L’ON PEUT ÊTRE CONTAMINÉ, CE QUI FREINE LE RETOUR DE CERTAINS VOYAGEURS «  ALAIN PITTAVINO

Une enquête réalisée par Transdev a mis en évidence que 18 % des habitants de Seine-Saint-Denis télétravaillaient au moins une journée par semaine, contre 48 % dans les Hauts-de-Seine. Quant au taux de pénétration du vélo, il se réduit au fur et à mesure qu’on s’éloigne du centre de Paris. Alain Pittavino en conclut qu’il faut tenir compte de ces différences pour proposer une offre adaptée à chaque territoire.

Données en temps réel

Christophe Vacheron« En équipant les véhicules de cellules pour remonter des données de trafic en temps réel, nous avons constaté que certains réseaux étaient revenus à 100 %, tandis que d’autres ne sont qu’à 70 % », poursuit Christophe Vacheron, le directeur adjoint France de RATP Dev. Au plus fort de la crise Covid, la fréquentation de RATP Dev avait baissé en moyenne de 90 %, pour revenir rapidement à 50 %. L’entreprise, qui a retrouvé les 20 % de voyageurs captifs, rentre à présent dans une phase de reconquête pour parvenir progressivement à 95 % de fréquentation. Christophe Vacheron table sur le retour du tourisme pour y aider. Il précise : « avant le Covid, notre priorité était de veiller à la fiabilité, à la régularité et à l’information voyageurs. Nous mettons désormais en plus le paquet sur la propreté et l’affluence. »

L’appli « Bonjour RATP » permet aux voyageurs de connaître l’affluence en temps réel. Si l’information est très consultée, elle n’est pas encore un déclencheur de changement, constate Christophe Vacheron. « De plus, une part importante de Français ne peut pas télétravailler, on s’en rend compte sur les réseaux de province revenus à 100 %. »

 » UNE PART IMPORTANTE DE FRANÇAIS NE PEUT PAS TÉLÉTRAVAILLER. ON LE VOIT SUR LES RÉSEAUX DE PROVINCE DONT LE TAUX DE FRÉQUENTATION EST REVENU À 100% «  CHRISTOPHE VACHERON

En Ile-de-France, quand c’est possible, cela libère une heure, représentant le temps moyen du trajet des Franciliens. Ce temps peut être utilisé pour de nouveaux besoins de déplacements. Si l’on en croit le sociologue Jean Viard, rappelle Christophe Vacheron, 10 % des Français sont en train de changer de vie, les trentenaires souhaitent se rapprocher de la nature et désirent consommer local… RATP Dev en déduit qu’il faut travailler à la « ville du quart d’heure ».

Sylvie Charles« Le fait que des Parisiens souhaitent quitter la ville est un phénomène que nous nous attachons à mesurer », indique de son côté Sylvie Charles, directrice Transilien, tout en rappelant que la politique d’aménagement du territoire n’est pas du ressort d’un transporteur. Et de poursuivre : « L’avenir est incertain et sera ce qu’on en fera, mais rappelons que sur la région Capitale, 68 % des emplois se sont concentrés ces 20 dernières années sur 6 % du territoire, dont Paris Centre et la Défense… »

Depuis son arrivée en mars 2020 à la tête de Transilien, Sylvie Charles assiste au déplacement des Franciliens vers la petite, voire la grande couronne, en raison de la rareté et du prix du foncier. Un phénomène qui s’est amplifié ces dernières années, au point que le trafic de certaines lignes a augmenté de 3 % par an et conduit à la saturation de certaines infrastructures. D’où une hyperpointe le matin. Dans ces conditions, le télétravail représente une des solutions, puisque, en Ile-de-France, 45 % des emplois sont « télétravaillables ».

« Plus de travailleurs à distance, c’est moins de voyageurs aux heures de pointe, ce qui permet de faire baisser de 5 à 10 % le trafic en hyperpointe », précise-t-elle.

Essentielle intermodalité

La dirigeante se dit confiante sur les chances d’y parvenir. « Le patronat a intérêt à conserver du télétravail pour réduire le nombre de mètres carrés de bureaux nécessaires », souligne-t‑elle, notant un nouvel état d’esprit chez les DRH. « Ils ont compris que le bien-être au travail ne s’arrête pas à la vie au travail. Qu’il faut aussi penser à l’avant et l’après. »

Si ces télétravailleurs se déplacent moins pour se rendre au bureau, la directrice de Transilien est confiante aussi sur le fait qu’ils continueront à utiliser les transports différemment, à d’autres moments, notamment pour leurs loisirs.

Pour remplir ses trains, elle a pour ambition d’attirer plus de clients en heures creuses, le week-end, surtout des occasionnels.

Dans ce but, ses équipes travaillent notamment sur ce qu’on appelle les premiers et derniers kilomètres. « Plus de 80 % des franciliens sont à moins de 3 km d’une gare. Nous devons leur en faciliter l’accès, en rendant les déplacements vers ces gares plus faciles, notamment en bus ou à vélo. »

 » 68% DES EMPLOIS SE SONT CONCENTRÉS CES 20 DERNIÈRES ANNÉES SUR 6% DU TERRITOIRE, DONT PARIS CENTRE ET LA DÉFENSE «  SYLVIE CHARLES

Elle souhaite que soit facilité l’accès aux places de stationnement des bicyclettes aux abords des gares pour ceux ne disposant pas de passe Navigo. Et si elle ne conteste pas l’intérêt de réaliser des pistes cyclables le long du RER, elle plaide pour qu’on en construise aussi pour desservir les gares.

Pour faciliter l’usage des transports en commun en jouant sur leur complémentarité, elle a également engagé un travail auprès des agents SNCF afin de les pousser à informer les voyageurs sur les autres modes en leur indiquant les emplacements des arrêts de bus à proximité des gares, les stations de vélo… Elle reconnaît qu’il faudrait mieux harmoniser les horaires pour faciliter les correspondances entre trains et bus.

Les extensions de services à venir (la première tangentielle T13 entre Saint-Cyr et Saint‑Germain mi-2022, le T12 reliant Massy à Epinay-sur-Orge fin 2023) contribueront aussi à l’avenir à faciliter les déplacements de banlieue à banlieue.

Prise en compte du dernier kilomètre

Annelise Avril insiste, elle aussi, sur la nécessité de simplifier le parcours du dernier kilomètre et de faciliter la connexion avec les transports en commun. « Ce n’est pas toujours facile et face à cette complexité, certains voyageurs abandonnent. » Elle mise sur les outils digitaux qui pourront rendre les choses plus simples, mais prévient : « Nous devons aussi assurer une présence humaine et une signalétique adaptée pour mieux connecter les gares et les stations avec la marche, le vélo, le covoiturage ».

Pour faciliter l’accès aux gares de grande couronne, Alain Pittavino table sur le vélo électrique, à condition de pouvoir assurer et sécuriser son stationnement. « C’est un enjeu majeur, si on veut renforcer l’intermodalité et l’attractivité des transports publics », affirme‑t-il, avant d’ajouter qu’il faut aussi garantir les correspondances entre les trains et les bus, en proposant, par l’utilisation des outils digitaux, des bus qui partent, non pas à l’heure, mais au moment où le train arrive.

Pour favoriser les déplacements en transports publics, il propose également de les compléter, notamment en soirée, avec du transport à la demande. Christophe Vacheron croit lui aussi au rôle du transport à la demande pour faire venir de nouveaux voyageurs. « Il faut tester, expérimenter », encourage‑t-il. Et pour lever l’obstacle du dernier kilomètre et ramener les voyageurs vers les transports publics, il plaide pour qu’on facilite et sécurise les connexions au mass transit, en faisant preuve d’agilité et en construisant des pistes cyclables sécurisées.

Valérie Chrzavzez


Un niveau d’offre de transport encore trop bas

Marc Pelissier« Depuis septembre, les Franciliens sont de retour dans les transports et l’effet télétravail varie suivant les lignes et les jours », constate Marc Pelissier. Le président de la Fnaut Ile-de-France estime que les usagers, qui avaient pris l’habitude de voyager confortablement durant la pandémie, supportent mal le retour à la « promiscuité ». Et s’il comprend que certaines lignes ont vu leur offre allégée pendant la pandémie pour des raisons économiques, il regrette qu’elles ne soient pas encore revenues à 100 %. « Ce qui cause de la surcharge et une attente excessive sur le réseau SNCF et n’incite pas à faire revenir les usagers qui ont pris l’habitude d’utiliser leur automobile. » Il plaide donc pour qu’on remette en place une offre adaptée et que le travail visant à améliorer la ponctualité, notamment dans le RER B, se poursuive.

Interpellée, Sylvie Charles reconnaît avoir travaillé avec IDFM sur l’adaptation de l’offre à la demande, durant la crise sanitaire, tout en restant attentive aux pointes et à la fréquence, et en garantissant un train toutes les demi-heures. Mais elle assure que le trafic est revenu depuis la rentrée à un niveau proche, en km/train, de ce qu’il était en 2019 et qu’elle continue à travailler pour l’améliorer. « Alléger dessertes et services en gare durant la crise a permis de montrer à l’Etat qu’on était soucieux des finances publiques. Mais il faut à présent que l’Etat tienne compte des pertes survenues et aide IDFM à combler son déficit », plaide la directrice de Transilien.

 » LA CRISE S’AGGRAVE PAR LES SURCOÛTS ANNONCÉS, NOTAMMENT CEUX D’EOLE. TOUT CELA ARRIVE DANS UN CONTEXTE OÙ DES PRJETS AVAIENT DÉJÀ ÉTÉ MIS EN ATTENTE «  MARC PELISSIER

Les craintes de la Fnaut

Les problèmes financiers inquiètent également la Fnaut, qui a déjà alerté sur le fait qu’une dizaine de projets risquent d’être bloqués en IDF, faute d’argent. « La crise s’aggrave par les surcoûts annoncés, notamment ceux d’Eole. Tout cela arrive dans un contexte où des projets avaient déjà été mis en attente. » Ce qui fait craindre à Marc Pélissier un nouveau Contrat de Plan Etat-Région qui ne servira qu’à payer les surcoûts du précédent, sans pouvoir financer de nouveaux projets. Ce que ne dément pas Alain Probst : « La découverte d’un surcoût énorme pour Eole et ceux d’autres projets vont assécher le prochain CPER. Il existe bien un risque d’avoir un CPER pour rien. »


La mise en concurrence en question

Jacques BaudrierJacques Baudrier, adjoint à la maire de Paris et administrateur d’IDFM, a fait les comptes : la crise Covid a coûté quatre milliards de pertes de recettes à IDFM, et le surcoût de certains chantiers, dont les 1,7 milliard supplémentaires annoncés pour le chantier Eole, va s’y ajouter. L’élu communiste, qui réclame aussi un soutien de l’Etat, estime que la mise en concurrence va également représenter un coût, nécessitant le rachat de dépôts et de matériels pour quatre milliards d’euros. « Soit un coût total de 12 milliards, dont quatre qu’on pourrait éviter immédiatement en renonçant à la mise en concurrence. »

 » ON POURRAIT ÉCONOMISER IMMÉDIATEMENT QUATRE MILLIARDS D’EUROS EN RENONÇANT À LA MISE EN CONCURRENCE «  JACQUES BAUDRIER

Selon lui, s’obstiner dans cette voie est une erreur qui risque de déstabiliser tout le système. Pour compenser le déficit de recettes, il se dit favorable à une augmentation de la contribution du Versement Mobilité, en créant des zones premium, dans les secteurs les plus denses. Assurant : « Les communistes ont déposé des amendements en ce sens. Si on n’a pas ces recettes, on n’y arrivera pas. »

Ewa

Les horaires flexibles renforcent la congestion

(c) Denis Sutton Ratp
AFFLUENCE SUR LA LIGNE 13 : FACADES DE QUAI CNIM CURTIS EN TEST

Ça va de soi : en recourant aux horaires flexibles en entreprise, on étale, ou plutôt on étire les pointes horaires, et on soulage ainsi les routes ou les transports publics. Ça va de soi, sauf que c’est faux. Emmanuel Munch, enseignant-cher- cheur à l’Ecole d’urbanisme de Paris a épluché la dernière Enquête nationale transports et déplacements ( 2008). Et il a fait, explique-t-il au Forum Vies Mobiles, « un constat de prime abord paradoxal ». En Ile-de-France au moins, les travailleurs qui peuvent choisir leurs horaires arrivent au bureau à l’heure de pointe, plus encore que ceux dont l’horaire est fixé par l’employeur.

graphique horaire

Flexibiliser les horaires aggrave la congestion… Pour quelle raison ? Munch a interrogé par questionnaire, entre 2014 et 2017, plusieurs milliers de cadres bénéficiant d’horaires flexibles. Il a relevé l’importance des « contraintes de couplage », c’est-à-dire de tout ce qui impose d’accorder ses activités avec autrui : l’école du matin pour les parents, la première réunion au bureau, la coordination avec le conjoint en font partie. Mais il ne faut pas oublier le rite social des retrou- vailles autour de la machine à café… ou le regard pas toujours bienveillant des collègues quand on arrive plus tard. Le problème ne vient pas de l’urgence, mais du panurgisme.

Piste prometteuse à laquelle se réfère Emmanuel Munch : la gouverneure de Tokyo, Uriko Koïke, en 2017, a expliqué à maintes reprises dans les médias que « le fait d’arriver après l’heure de pointe ne signifie pas qu’on travaille moins ou moins bien que les autres ». Si c’est la gouverneure qui le dit…

F.D.

Ewa

« Il faut mieux lisser la fréquentation aux heures de pointe et rassurer les voyageurs »

Club Sylvie Charles

Après avoir fait une grande partie de sa carrière dans le secteur du transport de marchandises et de la logistique, Sylvie Charles est depuis mars 2020 à la tête de Transilien. Invitée du Club VRT le 18 février, cette diplômée de Sciences Po et de l’ENA a expliqué comment elle compte transformer la crise sanitaire en opportunités pour le transport de voyageurs en Ile-de-France.

Transilien, qui exploite les trains et RER de banlieue en Ile-de-France, est l’un des plus importants systèmes de mass transit du monde. L’entreprise transporte 70 % des voyageurs de la SNCF sur seulement 10 % du territoire. Soit 3,4 millions de voyageurs chaque jour dans 6 200 trains.

Depuis les années 2000, l’Ile-de-France connaît une concentration des emplois. Le quartier des affaires à Paris en compte 600 000, La Défense 300 000. Ces pôles d’emplois très localisés, que l’on trouve aussi à Plaine Commune ou à Issy-Boulogne, se caractérisent par un poids prépondérant des cadres et sont touchés par une baisse de fréquentation des transports publics plus importante qu’ailleurs dans la région. « On a une polarisation de l’emploi à Paris et en première couronne, tandis que le logement se développe en petite et grande couronne. D’où un énorme besoin de transports capacitaires pour faire fonctionner la région », rappelle Sylvie Charles.

Les Franciliens utilisent les transports publics pour se rendre au travail ou aller étudier, profitant d’une solution rapide et fiable. Une étude de l’Institut Paris Région, réalisée avec Transilien avant la Covid, a démontré, en suivant des voyageurs avec les données GPS de leur smartphone, qu’ils mettaient 17 minutes de plus en voiture qu’en train pour se rendre d’Argenteuil à Paris. Pour être sûrs d’être à l’heure, les automobilistes doivent prévoir 40 minutes de marge. Cette performance explique la part de marché du transport public : de 65 à 80 % le matin. Mais les Franciliens utilisent moins les transports pour sortir ou faire leurs courses. Sylvie Charles l’explique par la surfréquentation de certaines branches aux heures de pointe, qui a un effet désincitatif. Elle voit dans la crise sanitaire et l’expansion du télétravail, des possibilités d’évolution positive. « Dans une région où 45 % des emplois sont télétravaillables, nous avons la conviction que le recours au télétravail pourrait avoir des effets bénéfiques pour les voyageurs sur leurs trajets quotidiens, et qui auront peut-être envie de prendre le train pour d’autres usages le week‑end, pour leurs loisirs par exemple », commente-t-elle.

Télétravail et lissage des pointes

Depuis le premier confinement, l’opinion sur le télétravail a évolué : 90 % des adhérents du Medef Ile-de-France affirment désormais vouloir l’appliquer deux jours par semaine. « La généralisation de deux jours de télétravail répartis sur la semaine, pourrait faire baisser la pointe du matin de 6 à 13 % », assure Sylvie Charles.

LA GÉNÉRALISATION DE DEUX JOURS DE TÉLÉTRAVAIL, RÉPARTIS SUR LA SEMAINE, POURRAIT FAIRE BAISSER LA POINTE DU MATIN DE 6 À 13%.

Sans remettre en cause la nécessité de certains investissements, cela permettrait de réduire la surfréquentation à certaines heures et offrirait la possibilité à Transilien de proposer de meilleures conditions de transport. Pour plus d’efficacité, la directrice de Transilien souhaite, en complément, lisser les heures d’arrivée et de départ du travail. « Les DRH qui travaillent sur la qualité de vie au travail, ne regardent que ce qui se passe au bureau. Nous discutons avec eux pour les inciter à prendre également en compte la façon dont les salariés s’y rendent. »

Parvenir à décaler les arrivées implique de modifier les habitudes. L’époque y semble favorable. Forts de l’expérience du confinement, les cadres ont pu se rendre compte que, pour certaines tâches, leurs équipes travaillaient mieux chez elles, au calme.

De leur côté, les salariés apprécient de gagner en qualité de vie, en limitant leurs déplacements domicile-travail. Associer télétravail et lissage des horaires de travail, en jouant sur des arrivées reculées d’une demi-heure par exemple, ferait la différence. « Si seulement 10 % des salariés décalaient leurs heures, cela permettrait de réduire le trafic aux heures de pointe, et donc de bénéficier d’un voyage beaucoup plus agréable », affirme Sylvie Charles, convaincue que certaines pratiques mises en place avec la Covid-19 vont perdurer. Transilien prévoit notamment de poursuivre ses efforts en matière de propreté. « Actuellement, pas une rame ne sort sans être nettoyée et désinfectée. » Les mesures de désinfection des trains coûtent 15 millions d’euros par an à l’entreprise. « Mais nos rames sont aussi plus propres en raison de l’interdiction de manger et de boire et en raison de l’obligation du port du masque. » La directrice de Transilien s’interroge sur la poursuite de cette interdiction, qui continuerait à rendre le transport public plus propre et confortable. Cette réflexion est en cours avec les associations d’usagers.

Le voyageur peut aussi être cofacteur d’un déplacement plus agréable, en participant à la baisse du trafic en heure de pointe : Transilien travaille en effet sur une expérimentation de type « Waze » des transports sur la ligne L. « Cette application leur permet de connaître la fréquentation des trains, afin qu’ils puissent éventuellement laisser passer un train trop chargé et prendre le suivant. La généralisation des espaces de coworking dans les gares permet d’y travailler confortablement, en attendant l’arrivée d’un train moins fréquenté, pour voyager dans de meilleures conditions », explique Sylvie Charles.

Reconquête des voyageurs

Malgré ses forces et son évidence en Ile-de-France, le transport de masse vit une période difficile. Avec 45 % de recettes en moins, la crise a lourdement impacté la fréquentation des trains et donc le financement des opérateurs de transports. « En septembre et octobre, le trafic est remonté à 70 % de son niveau habituel. Mais, avec le deuxième confinement et le couvre-feu, nous sommes retombés à 50 % de fréquentation », rappelle la dirigeante. Le Versement mobilité, qui représente 52 % du financement du transport public, a aussi chuté en raison de l’activité partielle et du chômage. Toutefois, en 2020, après négociation de Valérie Pécresse, l’Etat a accepté de le compenser et de réaliser une avance remboursable à IDFM pour la perte des recettes.

Sur les premiers mois de 2021, Sylvie Charles s’attend à une baisse des recettes de 35 à 40 % et espère un rebond par la suite, tout en prévoyant que la situation restera compliquée jusqu’à la généralisation des vaccins. Elle rappelle que les recettes voyageurs contribuent à hauteur de quatre milliards d’euros aux 10 milliards nécessaires au fonctionnement des transports franciliens et revient sur les déclarations sur la gratuité. « Il faudrait compenser ces recettes. Les concitoyens doivent être conscients du fait que rien n’est gratuit. Si on les supprime, il y aura soit moins d’offres, soit plus d’impôts. »

Pourrait-on envisager une nouvelle tarification prenant en compte le télétravail ? « Lorsqu’on va trois jours par semaine au bureau, un pass Navigo reste intéressant », répond Sylvie Charles. L’objectif reste la reconquête des voyageurs. Pour les convaincre que le train est plus sûr et performant que la voiture, Transilien sécurise les transports, veille aux gestes barrières et incite à mieux se répartir dans les rames.

L’entreprise n’hésite pas non plus à verbaliser ceux qui ne respectent pas le port du masque.  « Il est de notre devoir de rassurer, car les transports publics ont été suspectés d’être des lieux de contamination, alors que toutes les études réalisées en France et à l’étranger ont démontré que ce n’était pas le cas », assure la directrice.

Nouveau contrat avec IDFM

En fin d’année dernière, Transilien et IDFM ont (enfin) signé un nouveau contrat d’exploitation et d’investissements qui les engage jusqu’en 2023. Un contrat de 12 milliards d’euros, conclu avec un an de retard. « Il était bon de mettre fin à cette situation », souligne Sylvie Charles, qui justifie le temps pris pour y parvenir : « l’Autorité organisatrice avait des demandes légitimes, mais l’exploitant a dû lui expliquer le contexte dans lequel il exerce son activité, afin qu’il soit pris en compte. »

Ce nouveau contrat affiche de fortes ambitions en matière de production et de qualité de service. Avec un système de bonus-malus plus important que précédemment. « Nous étions d’accord sur le fait de viser la régularité à 95 %. Mais IDFM nous demandait de prendre cette responsabilité en grand. » Transilien souhaitait que soient prises en compte les causes d’irrégularité liées à tout ce que l’exploitant ne maîtrise pas, comme l’infrastructure ferroviaire vieillissante ou le contexte sociétal.

« Nous avons obtenu une augmentation de la contribution qui nous est versée, car, en 2019 IDFM a développé de nombreuses innovations et, en 2020, nous avons eu un effet année pleine. Il s’agit aussi de compenser le fait que le nouveau matériel roulant coûte plus cher en maintenance que l’ancien, en raison de la présence de plus d’électronique et de la climatisation notamment », détaille Sylvie Charles. Elle ajoute : « la discussion a été longue mais nous avons trouvé un équilibre satisfaisant pour tout le monde. »

LE CHALLENGE DE L’OUVERTURE À LA CONCURRENCE FERROVIAIRE POSE LA QUESTION DE L’ÉQUILIBRE QUE L’ON CHERCHE : VEUT-ON CONTINUER À AVOIR DES EXPLOITANTS AYANT LA CAPACITÉ DE FINANCER DES SAVOIR-FAIRE ET À INNOVER ? OU VEUT-ON CES SAVOIR-FAIRE DU CÔTÉ DE L’ORAGNISME QUI A LA CHARGE D’ORGANISER LES TRANSPORTS ? 

Ce contrat court jusqu’à 2023, date du début effectif de la concurrence. « Les trams-trains seront les premiers ouverts à la compétition, parce que leur exploitation est plus facilement « détourable ». La partie plus compliquée arrivera après », prédit la directrice de Transilien. Elle poursuit : « ce sera un challenge intéressant, qui pose la question de l’équilibre que l’on cherche : veut-on continuer à avoir des exploitants ayant la capacité de financer des savoir-faire et à innover ? Ou veut-on ces savoir-faire du côté de l’organisme qui a la charge d’organiser les transports ? », souhaitant éviter de « transformer les exploitants en useurs de pneus ».

Les promesses des systèmes de commandement

Si l’implantation de NExTEO est du ressort de SNCF Réseau, Transilien s’intéresse à ce système d’automatisme de contrôle et de supervision qui devrait permettre d’améliorer la régularité et de faire passer davantage de trains. Son premier terrain d’application sera le tronçon central du futur RER E, entre Nanterre et Pantin.

Pour la patronne de Transilien, l’intégrer dans le système est un challenge. « Il faudra faire correspondre entre eux plusieurs systèmes de communication différents. En tant qu’exploitant, on suit cette possibilté de près, car cela aura un impact sur l’exploitation. Notamment sur les gestes de conduite. On est intéressé, car c’est une des briques qui permettra d’améliorer notablement les lignes B et D à partir de 2027. »

Deux lignes le long desquelles sont construits 25 000 logements nouveaux par an et dont la fréquentation a beaucoup augmenté ces 10 dernières années. Posant des problèmes de régularité quand les arrêts prévus pour durer 30 secondes dépassent la minute. « Le RER NG qui devrait arriver pour la ligne B fin 2025, si Alstom devient raisonnable, permettra aussi d’améliorer le service. »

Cette ligne B est coexploitée par la RATP et la SNCF, tandis que la D est uniquement gérée par Transilien. Mais toutes deux ont la particularité d’avoir un tunnel commun entre Gare de Lyon et Gare du Nord. « Le tunnel dispose de trois gestionnaires, ce qui complique la situation pour l’exploitant : il y a la RATP, au Sud il y a SNCF Réseau Sud et au Nord SNCF Réseau Nord. Un centre de commandement unique faciliterait la situation », estime Sylvie Charles. « Quand il existe différentes parties prenantes, il faut qu’elles travaillent ensemble pour bâtir des scénarios en fonction de différents aléas », ajoute-t-elle.

Le défi des JO

En 2024, Paris accueillera les JO. A cette occasion, Transilien sera soumis à une forte croissance de trafic durant quelques semaines. « C’est une grande responsabilité. Nous devons travailler à bien accueillir une clientèle atypique, parlant toutes les langues. Nous devrons aussi faciliter les accès pour les Jeux paralympiques », prévoit Sylvie Charles, qui précise que ces efforts serviront au-delà des Jeux. Ce challenge est finalement habituel en Ile-de-France, première région touristique au monde. « Relever des défis, c’est notre quotidien. J’ai la chance d’avoir une équipe de très bons professionnels pour y répondre. Et c’est ensemble que nous voulons faire de la pandémie une chance pour le transport public », conclut-elle.

Valérie  Chrzavzez-Flunkert


Place aux vélos !

En Ile-de-France, les trains roulent sur des lignes déjà quasiment toutes électrifiées. Pour réduire encore son impact carbone, une démarche est mise en place par Transilien, allant de l’écoconduite, à l’écostationnement en passant par l’isolation des bâtiments ou le retraitement des eaux des stations de lavage.

Côté intermodalité, Sylvie Charles souhaite favoriser l’accès des vélos en gares. Elle reconnaît qu’un gros travail reste à faire. Car si 90 % des habitations et des emplois sont à moins de trois kilomètres d’une gare, seuls 2 % des Franciliens y vont à vélo. La marge de progrès est donc large et passe notamment par la mise à disposition d’abris sécurisés et la création de pistes cyclables pour organiser le rabattement vers les gares.