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Ewa

Les nouveaux entrepreneurs du rail

Club Janvier 2023

Le Train, Midnight Trains, Kevin Speed et Railcoop, quatre nouveaux acteurs du monde ferroviaire, sont venus présenter, le 24 janvier, leur projet devant le Club VRT. Et leur parcours du combattant qui passe par la levée de fonds, des partenariats avec des investisseurs, l’acquisition du matériel, le recrutement de personnel…

Ils sont apparus en quelques années sur la scène ferroviaire française : Le Train, Midnight Trains, Railcoop, Kevin Speed… Et peu à peu, ils avancent leurs pions même si les obstacles sont nombreux sur leur chemin.  Ce foisonnement d’initiatives constitue-t-il un phénomène franco-français ? « Le cadre légal français est intéressant pour les entrepreneurs. Il permet de voir émerger de nouveaux opérateurs », constate Stéphane Coppey, sociétaire de Railcoop. Adrien Aumont, l’un des fondateurs de Midnight Trains nuance ses propos. « L’herbe est quand même plus verte ailleurs. En Belgique, il existe une loi qui permet aux trains de nuit de ne payer ni infrastructure, ni l’énergie, pour aider les entreprises à s’implanter. En France, il existe effectivement un cadre légal, mais son application ne suit pas. Le gestionnaire d’infrastructure fait le moins d’efforts possible et le gouvernement pas grand-chose. On a le droit de se lancer, mais il faut se débrouiller », estime l’entrepreneur. Qui rappelle aussi la situation aux Pays-Bas : « Pour aider le lancement d’une compagnie de train de nuit privée dans ce pays, l’Etat lui accorde des garanties pour le leasing du matériel ».

Acquérir du matériel, étape clé

Une étape importante a été franchie par la société Le Train : le 23 janvier, elle a annoncé avoir choisi, au terme d’un appel d’offres européen, le constructeur espagnol Talgo pour lui commander dix rames. En souhaitant à l’avenir aller encore plus loin, au gré des besoins et des développements, car « lancer une compagnie ferroviaire uniquement avec dix rames n’aurait aucun sens », commente Alain Getraud, le directeur général du Train. La commande représente plus de 300 millions d’euros,. 

Les rames seront issues de la plateforme Avril développée par Talgo. Elles seront aménagées de façon à pouvoir embarquer des pièces de grande taille, par exemple des planches à voile, et disposeront de 40 places de vélo par rame. « Nos ingénieurs travaillent avec ceux de Talgo sur un aménagement intérieur complètement différent de celui qu’on connaît en France et en Espagne », précise le dirigeant. Une antenne R&D sera basée sur le Ferrocampus à Saintes en Charente-Maritime.

 » LANCER UNE COMPAGNIE FERROVIAIRE AVEC SEULEMENT DIX RAMES N’AURAIT AUCUN SENS  » Alain Getraud

Le partenariat signé avec Talgo comprend la maintenance de la flotte pour 30 ans. « Nous visons une pénétration du marché ferroviaire du Grand Ouest en 2025 », ajoute Alain Getraud, qui espère toujours conclure les négociations engagées avec la SNCF sur la cession de dix rames qui pourraient ensuite être rétrofitées. Des discussions ont aussi  lieu avec d’autres opérateurs.

« Pourquoi construire du neuf quand on peut réutiliser du matériel ? », interroge d son côté Stéphane Coppey. Le projet de Railcoop s’appuie sur l’acquisition de matériels d’occasion. « Sur des trajets d’une à deux heures maximum, le confort de véhicules d’occasion réaménagés sera suffisant », assure le porte-parole de Railcoop. D’autant, constate-t-il, qu’il n’y en pas énormément de disponible sur le marché. « Nous n’avons pas eu la partie facile avec la SNCF, mais la région Auvergne-Rhône-Alpes a joué le jeu en nous donnant accès à ses rames » , ajoute-t-il. Les rames X 72500, récupérées par la société coopérative, n’ont pas bonne presse, en raison des problèmes de fiabilité qu’elles ont accumulés. Des travaux de remise à niveau ont été effectués avec succès, affirme Railcoop.

Trouver des trains de nuit s’avère peut-être encore plus compliqué. Ou plus exactement trouver un industriel qui en construit encore. « Nous avions d’abord envisagé d’acquérir du matériel d’occasion, mais avons finalement décidé de l’acheter neuf », raconte de son côté Adrien Aumont. Un investissement conséquent mais qui permet une exploitation pendant 40 ans. 

Après avoir fait le tour des constructeurs en Europe, l’entrepreneur affirme avoir trouvé la perle rare. Mais refuse d’en dévoiler le nom pour le moment. Les actifs seront portés par une rosco qui louera les trains à la compagnie. La prochaine étape sera une levée de fonds pour un lancement, espèrent ses fondateurs, d’ici 2025. « On communiquera lorsqu’on aura réussi, probablement avant l’été ».

La start up cherche aussi le partenaire adéquat sur la maintenance. « Le mieux, c’est que le constructeur en prenne la responsabilité, mais cela peut aussi être dans la main dune Rosco, ou être confiée à des experts », poursuit Adrien Aumont. Selon lui, le vrai problème pour un opérateur qui prévoit de partir de Paris, c’est le foncier. « Nous voulons opérer depuis la gare de Lyon et cherchons un dépôt de maintenance à proximité de cette gare. Pour les trains de nuit nous avons besoin de maintenance de jour, là ou des trains roulant de jour sont entretenus la nuit », souligne-t-il.

Frilosité des investisseurs

Pour aller plus loin, Railcoop a besoin de 43 millions d’euros. Mais, si les sociétaires sont enthousiastes, les investisseurs sont frileux. Pour avancer, la coopérative travaille sur fonds propres. Elle a abondé à hauteur de 5,7 millions d’euros son capital social, via des titres participatifs. Elle a aussi obtenu des garanties d’emprunt venant de régions. L’Occitanie lui a donné son feu vert, à hauteur de 4,5 millions d’euros et la coopérative attend la réponse de quatre autres régions. En guise d’assurance, Railcoop souhaiterait obtenir des engagements de long terme sur les sillons. « Nous avons besoin d’engagements dans le temps pour pouvoir construire un business plan à l’abri des incertitudes », indique Stéphane Coppey.

 » NOUS SOMMES EN DISCUSSION AVEC SNCF RÉSEAU POUR SIGNER UN ACCORD-CADRE DE LONGUE DURÉE  » Laurent Fourtune

Pour acquérir les trains dont elle a besoin, la société Kevin Speed est en discussion avec des fonds d’investissement. Elle souhaite un train équipé de nombreuses portes latérales, pour pouvoir circuler rapidement, et étant capable de rouler à 300 km/h, tout en résistant à des accélérations et freinages rapides pour être omnibus. Laurent Fourtune affirme avoir signé un protocole d’exclusivité avec un constructeur français. « Le train est prêt, mais il faut des rails pour le faire circuler et nous sommes en discussions avec SNCF réseau pour signer un accord-cadre de longue durée », ajoute-t-il.

Recrutements sur fond de pénurie

Pour attirer des candidats dans un marché en tension, Alain Getraud veut jouer la carte de la séduction. « Il faut être sexy, car nous ne sommes pas la SNCF. Nous n’avons pas sa capacité à offrir un statut ou un parcours professionnel. Heureusement nous arrivons à embaucher car le ferroviaire a du sens : nous sommes vus comme une entreprise engagée éthiquement ».

Comme il ne compte pas déshabiller son voisin pour trouver le personnel dont il aura besoin, « cela ne serait pas sain », Alain Getraud a mis en place des formations avec Getlink. « Nous avons adapté les modules pour former sur simulateur dans un premier temps, et demain sur le rail » Le DG du train assure être capable de former à la conduite en 9 à 12 mois. Il souhaite aussi féminiser les métiers du rail, y compris les métiers techniques. « Nous avons l’ambition de parvenir à la parité, à terme. Pour cela, nous travaillons sur la reconversion de personnel venant, notamment, de la santé »

 » IL FAUT ODNNER EN VIE AUX MEILLEURS DE VENIR CONDUIRE DES TRAINS, PARCE QUE C’EST UN MÉTIER DE DINGUE «  Adrien Aumont

« Au démarrage nous n’aurons pas besoin de beaucoup de conducteurs », assure Adrien Aumont. Pour les attirer, le salaire peut être une réponse. L’attractivité de l’entreprise en est une autre. « Des talents, des rock-stars du métier viennent vers nous et acceptent nos grilles salariales », constate le créateur de Midnight Trains qui souhaite contribuer à transformer l’image du conducteur, pour créer des vocations. « Il faut donner envie aux meilleurs de venir conduire des trains, parce que c’est un métier de dingue. Nos formations sont importantes, mais nous devons aussi rendre ce métier cool, générer de la passion pour les jeunes générations » Midnight Trains veut mettre en place une culture d’entreprise qui lui permette de recruter des collaborateurs experts et passionnés à tous les niveaux, à l’instar de Nicolas Bargelès (ex de RFF, de Thello et d’Eurostar) qui a rejoint l’entreprise en tant que directeur des Opérations.

Pour lancer son offre, Kevin Speed aura besoin de recruter 500 cheminots d’ici à 2027. « Nos conducteurs seront actionnaires et nous mettrons en place un plan de participation. Car même si on a affaire à des passionnées, ils exercent des métiers exigeants avec des contraintes. Il faut le compenser et que cela paye », souligne Laurent Fourtune.

Création de valeurs

« L’Europe doit aussi jouer un rôle, aider le développement du rail en garantissant les emprunts et en facilitant l’accès au marché d’entreprises comme les nôtres », plaide Stéphane Coppey qui en attend aussi une harmonisation des réseaux, tant du point de vue technique, que de l’organisation. « Les douanes restent un handicap majeur au développement du rail. On parvient à passer les frontières facilement en avion et en camion, c’est encore compliqué en train », déplore-t-il. « On n’a jamais eu autant besoin de trains, les gens en réclament, mais on n’arrive pas à en acheter. C’est pour cela que les entrepreneurs du rail sont importants », affirme Laurent Fourtune. « Il y a de la demande de la part des clients, de la place sur le rail, c’est l’occasion de re développer le chemin de fer. Ce qu’a fait la SNCF en France est remarquable, mais on a besoin de faire encore mieux et différemment. Chacun dans notre domaine, nous sommes des aiguillons qui serviront à faire progresser le système, même si nous resterons petits. »

 » L’EUROPE DOIT JOUER UN RÔLE, AIDER LE DÉVELOPPEMENT DU RAIL EN GARANTISSANT LES EMPRUNTS ET EN FACILITANT L’ACCÈS AU MARCHÉ D’ENTREPRISES COMME LES NÔTRES  »  Stéphane Coppey

Il faut faire comprendre que les nouveaux entrants ont un rôle à jouer dans le développement du rail, ajoute Adrien Aumont. Il se souvient que, lorsqu’il a commencé à annoncer ses intentions de lancer une entreprise ferroviaire, personne n’y croyait. « Il faut  accélérer le mouvement et comprendre qu’il n’y aura pas que des gros opérateurs. Il y aura aussi des petites entreprises créatrices de valeur. On sait que ce ne sera pas facile, mais ne nous plaignons pas trop et continuons ».

Valérie CHRZAVZEZ


Le Train vise le Grand ouest

L’ouverture à la concurrence doit être l’occasion de créer un choc d‘offres, de manière à engendrer un report modal et augmenter la part du fer, explique Alain Getraud, directeur général de la société Le Train. « Partout où il y a eu ouverture à la concurrence, il y a eu un effet d’induction bénéfique à l’opérateur historique », rappelle-t-il. Les nouveaux entrants arrivent en effet avec des services et des positionnements différents de ceux de l’entreprise historique.

Relevant des besoins de dessertes insatisfaits dans le Grand Ouest, l’entreprise née en Charente en 2020, veut lancer des liaisons à grande vitesse entre Bordeaux-Angoulême, Bordeaux-Nantes ou encore Bordeaux-Rennes. Alain Getraud prévoit de faciliter les réservations et les échanges de billets et de travailler sur les connexions, afin de rendre le voyage le plus simple possible. Le Train n’aura pas de classe à bord, mais des ambiances différentes et promet une qualité de service équivalente à Inouï. S’il n’est pas question de jouer la carte du low cost, Le Train assure que ses tarifs seront moindres que ceux de l’opérateur public. Après une période de montée en puissance de 3 à 5 ans, Le Train vise un marché de 3 à 5 millions de passagers, avec une dizaine de lignes.


Railcoop veut faire revivre les lignes abandonnées

Née il y a trois ans, Railcoop est une coopérative qui a obtenu sa licence d’opérateur et son certificat de sécurité, et compte aujourd’hui 13 700 sociétaires. Mais elle peine à convaincre les investisseurs à la suivre : elle dispose d’environ 8 millions d’euros. Il lui en faudrait près de 43 millions.

En attendant de pouvoir se positionner sur le marché des voyageurs (entre Bordeaux et Lyon pour commencer, avant d’enchainer avec un Lyon-Nancy ou Thionville, puis un Toulouse-Rennes), Railcoop a lancé une première ligne de fret palettisé entre Capdenac et St Jory,.

« Une ligne qui n’a pas décollé et qu’on a réorientée sur du transport de bois pour la société Fibre Excellence », reconnaît Stéphane Coppey, l’un des sociétaires de la coopérative.

 « Le choix des lignes tient compte de critères écologiques, économiques et d’aménagement du territoire, mais vise aussi à faciliter le report modal, par rapport à l’avion et la voiture. Une dizaine de lignes ont été déclarées à l’ART », précise encore Stéphane Coppey.


Kevin Speed travaille sur la grande vitesse low cost

La toute jeune société Speed Kevin veut être l’easy.Jet du ferroviaire et proposer une vingtaine de trains omnibus pour les déplacements domicile-travail en les rendant accessible à tous. « Notre objectif est de prendre des parts de marché à la voiture en s’adressant à ceux qui se déplacent quotidiennement pour aller travailler. La plupart le font en voiture, car pour être « commuters » en TGV aujourd’hui, il faut pouvoir consacrer 6 000 à 7 000 euros à ses déplacements. Seuls les plus riches et les cheminots qui ne payent pas le train peuvent se le permettre », constate le concepteur de Speed Kevin, Laurent Fourtune. Cet ancien directeur des Opérations d’Eurotunnel (qui est aussi passé par IDFM et la RATP) veut jouer sur les prix en s’inspirant de l’expérience italienne. « En baissant les tarifs de commuting de 30 %, il a été possible d’y doubler le trafic des commuters », rappelle-t-il.  

Avec cette offre, Laurent Fourtune entend apporter sa pierre à l’édifice et contribuer au doublement de la part du ferroviaire comme le souhaite Jean-Pierre Farandou. « Comme les autres nouveaux entrants, nous allons aiguillonner SNCF voyageurs et la pousser à faire mieux », dit il, persuadé que la demande est là. « Malgré le prix élevé des trains, ils sont complets. Il faut en ajouter. Et comme l’argent public manque, il y a un vrai enjeu à trouver de l’argent privé »,  conclutt le patron de Kevin Speed.


Midnight Trains rêve d’hôtels sur rail

Après avoir vendu sa société KissKissBankBank, Adrien Aumont souhaitait lancer un projet compliqué. Il ne pouvait pas mieux trouver que le secteur ferroviaire, affirme-t-il aujourd’hui. A cela s’ajoute sa volonté de faciliter ses voyages en Europe (son amie a peur de l’avion) tout en ayant le moins possible d’impact environnemental. D’où l’idée de relancer des trains de nuit, plus exactement de les réinventer avec des couchages privatifs, une literie confortable, une bonne sonorisation et des lieux de vie à bord : restaurant, bar…, le tout avec une fréquence quotidienne, permettant de connecter les grandes villes d’Europe situées entre 800 et 1 500 km de Paris.

Adrien Aumont mise aussi sur le digital pour la distribution… et tout le reste. « En cas de retard, nous voulons pouvoir rembourser les voyageurs avant même qu’ils n’arrivent à destination, sans formalités à réaliser » Ces « hôtels ferroviaires » seront proposés à un prix compétitif. « Un tarif équivalent à ce qu’un voyageur dépense en avion, en prenant en compte les options (bagages en soute et réservation des sièges) et le prix du taxi pour se rendre à l’aéroport. Le train de nuit étant cher à produire, nous ne pouvons pas le vendre à bas prix, mais voyager avec nous ne coûtera pas plus cher qu’en avion », promet le fondateur de Midnight Trains.

La future compagnie table aussi sur la clientèle d’affaires qui pourrait représenter 30 % des voyageurs. « Voire davantage. Car si le choix d’un voyage bas carbone est un choix moral pour le particulier, pour les sociétés, c’est une obligation. Nous avons la sensation que le voyage professionnel sera un marché important et allons proposer un produit de qualité pour y répondre »

Ewa

La guerre du CO2 entre le train et l’avion se paie une nouvelle page de publicité

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Voyager en TGV, c’est « 50 fois moins de CO2 émis que pour un voyage en voiture et 80 fois moins qu’en avion ». Vrai ou faux ? La Fédération nationale de l’aviation qui s’était offusquée de cette publicité se voit donner raison sur la forme par le Jury de déontologie publicitaire. Pas sur le fond.

S’aventurer sur la comparaison du bilan carbone de l’avion et du train est un terrain glissant.  Normalement, la base carbone de l’Ademe, l’Agence de la transition écologique, est là pour ça. Et c’est sur ces chiffres que SNCF Voyageurs s’est appuyé pour bâtir sa campagne publicitaire sur les émissions comparées de CO2, en septembre dernier.

En pleine polémique sur les jets privés, le secteur aérien a pris la mouche. Fin septembre, la Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers (Fnam) a saisi le Jury de déontologie publicitaire (JDP) et déposé une plainte contre SNCF Voyageurs. En cause, un dossier de presse qui remonte à janvier 2021, puis d’énormes messages publicitaires collés sur les motrices TGV de la compagnie ferroviaire à la rentrée 2022, affirmant que voyager en train à grande vitesse, c’est « 50 x moins que la voiture, et 80 x moins que l’avion ».

Selon la Fnam, ces chiffres ne reflèteraient pas la réalité – et ne seraient d’ailleurs pas corroborés par le calculateur de la SNCF.

Les données de l’Ademe ont évolué en 2022

L’avis du JDP est tombé et a été publié le 5 décembre. L’instance, qui n’a qu’un pouvoir consultatif, estime que « l’allégation « 80 fois moins » est fondée sur un calcul utilisant des données de l’Ademe. Laquelle a fait évoluer sa méthode de calcul en 2022, et pose maintenant un ratio d’en moyenne 65 fois moins d’émissions de CO2 en TGV qu’en avion court-courrier. « A date, l’information de la publicité était la bonne« , précise un porte-parole de la SNCF.

Le Jury de déontologie publicitaire souligne par ailleurs que « cette méthodologie ne tient pas compte de l’incidence de la construction et de la maintenance des infrastructures » et, « qu’elle occulte donc une partie de l’empreinte carbone » du transport ferroviaire et aérien. Réponse de la SNCF : « Le code des transports prévoit que pour le calcul des GES des prestations de transport, ne sont pas prises en compte les émissions liées à la construction et à l’entretien des moyens de transport, ni à ceux des infrastructures ». Pour la compagnie ferroviaire (qui avait fait valider le contenu de son message par le gendarme de la publicité, l’ARPP), il était donc légitime de ne pas en tenir compte.

Le JDP pointe par ailleurs que la publicité n’indique pas que le chiffre de « 80 fois moins » correspondrait à un chiffre moyen, « portant sur la globalité des trajets en France ». Sur un Toulouse-Paris, exemple cité par la Fnam, le ratio sera moindre, pour d’autres, il sera plus haut. « Ce trajet est de 713 km en train (le tracé passe par Bordeaux) alors qu’il est de 605 km en avion. Ce simple écart de distance (+18% en TGV) explique en partie l’écart observé sur ce voyage« , se défend la SNCF.

La décision du JDP ne remet donc pas en cause les chiffres avancés dans les placards publicitaires de la SNCF, mais estime que c’est la manière de les présenter qui est trompeuse. Le porte-parole de la SNCF indique que la compagnie ferroviaire allait ajouter la mention « en moyenne » sur ses messages.

Nathalie Arensonas

Ewa

Vols de moins de 2h30 : le train remporte le match

train avion

Une victoire pour les écologistes ! Saluée comme telle par Clément Beaune qui s’est félicité, le 2 décembre, de la décision européenne de valider le projet de décret du gouvernement français d’interdire les liaisons aériennes quand il existe une alternative de faire le même trajet en train en moins de 2h30. « C’est une avancée majeure et je suis fier que la France se montre pionnière en la matière » a déclaré le ministre des Transports, cité dans un communiqué.

Cette mesure avait été proposée par la Convention Citoyenne pour le Climat et reprise dans la loi Climat et Résilience pour lutter contre les effets de serre engendrés par les transports qui représentent en France 30 % des émissions totales. « A la suite de cette décision favorable, le gouvernement soumettra le décret à la consultation du public, puis au Conseil d’Etat, avant son adoption, le plus rapidement possible« .

Si la mesure validée par la Commission européenne devra être réexaminée au bout de trois ans, elle devra aussi s’appliquer aux vols en correspondances, précise le texte, allant encore plus loin que ce que souhaitait le gouvernement. Un double revers pour plusieurs associations (Association des aéroports européens, Union des aéroports français (UAF) et association de compagnies aériennes françaises (le Scara), qui avaient porté l’affaire à Bruxelles.

MH P

Ewa

Le marché ferroviaire français vu par Trenitalia

Roberto Rinaudo

Roberto Rinaudo était l’invité le 6 juillet du le Club VRT. Le président de Trenitalia France a consacré sa carrière au ferroviaire, touchant un peu à tous les métiers : fret, finances, Intercités, grande vitesse… Aujourd’hui, il participe à l’ouverture à la concurrence en France. Devant les membres du Club, il a évoqué sa stratégie et ses ambitions sur le marché ferroviaire français.

Depuis le lancement, le 18 décembre, des premiers allers-retours entre Paris et Milan via Lyon, assurés par des rames à grande vitesse Frecciarossa, Trenitalia France a reçu beaucoup de commentaires flatteurs. Son président estime à près de 350 000 le nombre de voyageurs transportés sur les six premiers mois. Le taux de remplissage atteint en moyenne 93 % sur les destinations internationales Paris – Milan. Et environ 50 % sur les navettes entre Paris et Lyon, mais ce taux est à regarder avec précaution, estime Roberto Rinaudo, en raison de la nouveauté de l’offre : la première navette a seulement été lancée le 5 avril, puis deux autres ont suivi le 1er juin. La société propose donc désormais cinq allers-retours quotidiens (dont deux vont jusqu’à Milan), ce qui « représente 20 % de l’offre de l’opérateur historique sur l’axe Paris – Lyon », souligne le dirigeant italien.

20 % du marché

« Nous recevons déjà beaucoup d’appréciations positives de la part de nos clients via nos agents et via les réseaux sociaux » , assure-t-il. « Nos précédentes expériences nous ont permis de bien connaître le marché et les exigences des voyageurs français et de leur proposer un service de qualité, différent de ce que nous proposons en Italie, mais avec une âme italienne. Les lignes à grande vitesse de Trenitalia combinent une offre à haute qualité de service et une tarification basée sur la simplicité, la transparence et la visibilité », détaille Roberto Rinaudo.

Les clients de Trenitalia voyagent à bord de rames Frecciarossa, (flèche rouge) dotées de trois classes. Executive correspond à la classe business dans l’aérien, avec de larges fauteuils en cuir, inclinables et pouvant pivoter pour suivre le sens de la marche. A bord, le personnel propose de la restauration en illimitée.

La classe business est l’équivalent de la 1re classe, avec un design italien, une collation et le wifi. Des salons de réunions avec grand écran peuvent également être réservés pour optimiser les temps de déplacement des voyageurs d’affaires.

Ceux qui souhaitent bénéficier de la grande vitesse à petit prix, peuvent opter pour la classe standard, où, comme les voyageurs de la classe Executive, ils peuvent choisir entre une ambiance Silenzio, pour être au calme, ou Allegro. « Les Français apprécient davantage la tranquillité par rapport aux Italiens », remarque Roberto Rinaudo, qui en a tenu compte en doublant les voitures calmes.

 

 » NOS CINQ ALLERS-RETOURS QUOTIDIENS (DONT DEUX VONT JUSQU’À MILAN) REPRÉSENTENT 20% DE L’OFFRE DE L’OPÉRATEUR SUR L’AXE PARIS – LYON « 

« Nous ne cherchons pas à nous lancer dans une guerre commerciale avec la SNCF, mais à proposer une offre différente et complémentaire. Notre objectif est de faire grandir le marché du ferroviaire, car nous sommes persuadés qu’il existe des opportunités de le développer, portées par la transition écologique qui encourage le report modal », assure Roberto Rinaudo, qui affirme avoir tenu compte des attentes de la clientèle française pour définir sa politique tarifaire.

Celle-ci consiste, souligne-t-il, « en un bon rapport qualité prix et de la transparence ». Pour attirer des voyageurs, Trenitalia France ne propose ni cartes de fidélité, ni abonnements, mais compte sur la simplicité de sa tarification pour convaincre ses clients. « Nous avons un seul tarif, qui augmente lorsque les trains se remplissent et nous offrons de la flexibilité. Nos clients ont la possibilité de déplacer leur voyage ou de se faire rembourser gratuitement jusqu’au départ du train. »

Intérêt pour les TER aussi

Le patron italien a conscience que certains voyageurs apprécient les cartes de fidélité de la SNCF. « Il est important qu’il y ait une différenciation entre notre offre et celle de l’opérateur historique, car le but de l’ouverture à la concurrence doit être de faire grandir le marché en offrant plus de choix. » Roberto Rinaudo précise n’avoir pris aucun créneau à la SNCF pour lancer ses trains entre Paris et Lyon.

« Nous transportons principalement des voyageurs loisir sur les lignes internationales, davantage de voyageurs business sur les lignes domestiques », détaille le dirigeant qui prévoit d’investir pour mieux faire connaître son offre et améliorer la fréquentation de ses trains.

La SNCF a annoncé qu’elle ne distribuerait pas les billets de son concurrent italien dont les titres de transport sont vendus sur les sites de Trenitalia, Kombo ou Trainline. « Les canaux digitaux contribuent à booster les ventes », souligne Roberto Rinaudo. Il se félicite que certains sites proposent d’effectuer des choix de billets mixtes et permettent de comparer les prix, pour que les voyageurs puissent décider en fonction des tarifs et des créneaux disponibles.

Le patron de la compagnie ferroviaire se donne l’année 2022 avant de décider s’il renforcera ses services sur cet axe.

 » NTV A RÉALISÉ D’ÉNORMES INVESTISSEMENTS EN ITALIE, COMME NOUS AVONS DÛ EN FAIRE POUR PÉNÉTRER SUR LE MARCHÉ EN FRANCE « 

« Notre objectif est de consolider notre offre. Et de décider des conditions de notre développement en fonction des résultats. Nous sommes ouverts mais nous avançons avec prudence », souligne-t-il, reconnaissant que les études à venir porteront aussi sur d’autres liaisons. Une fois la décision prise, il faudra ensuite compter au moins deux ans avant le lancement effectif d’un nouveau service ferroviaire.

Roberto Rinaudo ne cache pas non plus son intérêt pour le marché des TER qui s’ouvre à la concurrence en France. Il se dit « convaincu de l’intérêt du marché », auquel il faut répondre avec « de meilleurs services et des prix plus bas ». Trenitalia « ne se positionnera pas partout » mais sera « sélectif », étudiera les appels d’offres « au cas par cas », seulement dans des régions où il y a des « synergies » à réaliser ou un « intérêt stratégique ». Interrogé plus précisément sur l’Ile-de-France, le dirigeant s’est contenté de dire que cette région représente un « marché très intéressant », avec un « volume de trafic équivalant au transport ferroviaire régional italien ».

Et il poursuit : « Nous sommes convaincus qu’avec l’ouverture à la concurrence, dont l’objectif est d’offrir plus de qualité de service, avec des prix plus bas pour les Régions et les voyageurs, il y a d’énormes opportunités en France ».

Mais, comme les projets ferroviaires en France, une fois décidés, prennent en moyenne deux ans, Trenitalia France n’envisage pas de nouveaux démarrages de lignes avant la fin 2023.

Des péages cinq fois plus chers qu’en Italie

Trenitalia exploite aussi des trains en Grèce, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Espagne. Et connaît les spécificités de chacun de ces pays, liées à leur histoire, leurs techniques, leurs exigences. « Avant de se lancer sur un marché, il convient de bien comprendre ses contraintes. On ne peut pas proposer la même chose que dans son propre pays. Il faut s’adapter à ce que chaque clientèle demande. »

En Italie, Trenitalia partage le marché avec l’opérateur privé Nuovo Trasporto Viaggiatori, qui a profité de l’ouverture à la concurrence pour se lancer dès 2012. « La libéralisation du transport ferroviaire a été bénéfique. » Selon Roberto Rinaudo, la compagnie ferroviaire NTV-Italo qui exploite la ligne entre Rome et Milan, comparable au Paris – Lyon, a permis de faire croître le trafic de manière considérable, en bénéficiant du report modal de l’avion vers le train et a contribué à faire baisser les prix des billets sur cette ligne de 20 à 30 %.

Malgré ce succès, NTV reste le seul nouvel opérateur sur le marché italien. Ce que le président de Trenitalia France explique par la masse critique nécessaire pour se lancer. « NTV a réalisé d’énormes investissements en Italie, comme nous avons dû en faire pour pénétrer sur le marché en France. »

Mais il souligne que le marché italien présente un avantage non négligeable : des péages bien moins onéreux qu’en France. « Grâce à l’augmentation de trafic liée à l’ouverture à la concurrence, ils ont encore baissé, passant de 12 euros à 6 à 8 euros du train km, soit quatre à cinq fois moins cher que les péages sur la ligne Paris –Lyon », compare-t-il.

Il est donc plus facile de gagner de l’argent en Italie, où les bénéfices du groupe Trenitalia atteignaient 593 millions d’euros en 2019… contre une perte nette de 801 millions d’euros pour la SNCF (mais fortement impactée par la longue grève contre la réforme des retraites, sinon le résultat net récurrent aurait dû être positif à 313 millions d’euros, avait expliqué, à l’époque, la direction).

L’ouverture à la concurrence en Italie a permis d’offrir des revenus supplémentaires au gestionnaire de l’infrastructure, qui s’en sert pour rembourser la dette liée aux investissements réalisés sur les LGV, tandis que les opérateurs utilisent leurs profits pour réaliser de nouveaux investissements.

 » NOUS AVONS PRÉVU DE CONTINUER À NOUS DÉVELOPPER POUR QUE DE PLUS EN PLUS DE GENS CHOISISSENT LE TRAIN, CAR C’EST UNE VRAIE SOLUTION DE TRANSPORT ÉCOLOGIQUE ET ÉCONOMIQUE « 

« En France le péage est plus cher, ce qui ne permet pas de bénéficier d’une croissance accélérée. Le système est différent : en Italie la maintenance est payée par l’Etat, ce qui permet de réduire le prix des péages », reconnaît le président de Trenitalia France, qui a bénéficié d’un coup de pouce pour lancer son train à grande vitesse dans l’Hexagone. Comme la loi l’y autorise, l’entreprise a demandé à SNCF Réseau de lui accorder des réductions de péages, qui ont ensuite été validées par l’Autorité de régulation des transports. Trenitalia France bénéficiera d’une remise de 37 % pour la première année, de 16 % pour la deuxième année et d’une dernière ristourne, optionnelle, de 8 % pour la troisième année.

« Cette tarification différentielle permettant de bénéficier de coûts de péages moindres, de manière transitoire, est offerte à tous les opérateurs, pour compenser partiellement les surcoûts liés au lancement d’une ligne », justifie Roberto Rinaudo, qui ajoute que les réductions accordées sont loin de compenser les investissements qui ont été nécessaires pour accéder au marché. Pour s’installer sur le marché français, et notamment faire homologuer son matériel roulant, Trenitalia France a investi quelque « 300 millions d’euros ».

En plus de la nécessité d’obtenir l’homologation et la certification de sa flotte pour se lancer, Trenitalia France s’est trouvée confrontée à la difficulté de recruter du personnel. « Cela n’a pas été simple de trouver des conducteurs, des directeurs de la sécurité car le secteur a des compétences limitées et souffre de pénurie de personnel », indique Roberto Rinaudo qui est tout de même parvenu à composer une équipe de 160 collaborateurs, dont 55 agents roulants, conducteurs et agents de bord, une trentaine de personnels d’accueil, une dizaine de contrôleurs, en plus d’une équipe au siège chargée des RH et de la finance… « Tous français, à l’exception de cinq Italiens, avec des contrats français », insiste leur employeur.

De la place pour tous

La SNCF assiste à un engouement des Français pour le train. Roberto Rinaudo veut croire que l’arrivée d’un nouvel opérateur contribuera à la croissance du marché, stimulera la demande des voyageurs et qu’ils seront de plus en plus nombreux à renoncer à la voiture et à l’avion pour prendre le train, comme cela s’est passé en Italie.

Il constate déjà que de plus en plus de Français choisissent de recourir au train, parce que c’est un moyen de transport écologique, qui offre confort et qualité, où l’on peut manger, travailler, jouer, se reposer et relier des centres-villes. Ce qui rend le président de Trenitalia France confiant pour la suite. « Je ne crois pas que la crise Covid changera les habitudes des voyages d’affaires, mais si c’est le cas, on s’adaptera. Je pense que le ferroviaire sera moins impacté que d’autres modes. En contribuant à offrir plus de choix aux voyageurs, je suis persuadé que davantage de Français vont finir par préférer le train à l’avion, ou la voiture. »

Il dresse un premier bilan positif de son expérience sur le marché hexagonal : « Nous sommes très heureux de proposer une offre à grande vitesse en France et que les premiers résultats démontrent de l’intérêt de la part de la clientèle. Nous avons prévu de continuer à nous développer sur ce marché en proposant une offre de plus en plus riche, pour que de plus en plus de gens choisissent le train, car avec la crise de l’énergie et du pouvoir d’achat, c’est une vraie solution de transport écologique et économique. »

Valérie Chrzavzez


Le pionnier Thello

Trenitalia a fait une première incursion sur le marché français, sous le nom de Thello, en lançant en 2011 un train de nuit entre Paris et Venise via Milan, puis à partir de 2014, un train de jour assurant la liaison Marseille – Milan. Thello était alors une joint-venture entre Trenitalia et Veolia. En 2016, Transdev qui avait repris Veolia, s’est retiré du capital de Thello, et en juillet 2021 l’entreprise, rebaptisée Trenitalia France, a mis un terme à ces lignes. Son président, Roberto Rinaudo, explique que le Covid et les problèmes de disponibilité de sillons attractifs l’ont contraint à stopper ces activités pour se concentrer sur les lignes à grande vitesse.

Ewa

Les Héros du fer. Une interview exclusive de Oleksandr Pertsovskyi, PDG des Chemins de fer ukrainiens- Voyageurs

Oleksandr Pertsovskyi, PDG des chemins de fer ukrainiens

Le patron de la branche voyageurs des Chemins de fer ukrainiens Oleksandr Pertsovskyi, a accordé la nuit dernière par Skype une interview à Ville, Rail & Transports (*voir la vidéo ci-dessous). Parti de chez lui le premier jour de l’invasion pour ne plus y revenir, le jeune dirigeant (36 ans) rappelle que le train est le seul moyen d’évacuation des réfugiés qu’il veut acheminer « jusqu’au dernier moment ». Et salue le courage des cheminots qui prennent chaque jour d’énormes risques. Déjà 26 d’entre eux ont perdu la vie.

Ville, Rail & Transports. Dans quel état se trouve le réseau ferré ukrainien aujourd’hui ? Quelles parties du territoire ne pouvez-vous plus desservir ?

Oleksandr Pertsovskyi. Actuellement, 90 % du réseau ferré est intact malgré quelques ponts détruits. Cinq ou six grandes gares ne sont plus accessibles, comme celle de Marioupol ou de Mykolaïv. Mais nous pouvons contourner les voies et équipements endommagés grâce à des routes alternatives. Dans ce cas, les réfugiés montent dans des bus qui les conduisent dans des gares accessibles.

Il y a deux axes majeurs, un vers l’Est (vers la Russie et la Biélorussie) et l’autre vers l’Ouest. L’axe Est n’est plus accessible : il n’est plus sous contrôle ukrainien et nous n’y avons plus accès. L’axe Ouest en revanche fonctionne. Mais il est attaqué sur plusieurs fronts, venant des zones Nord, Est et Sud. La partie Ouest se fait progressivement encercler.

VRT. Combien de réfugiés avez-vous déjà transporté ?

O. P. Au 11 mars, nous aurons transporté deux millions de personnes. Ce chiffre reste approximatif car en ce moment nos trains transportent quatre à cinq fois plus que leur capacité. Comme nous avons arrêté notre système de billetterie, nous embarquons autant de personnes que possible sur les trains. Nous faisons un gros compromis sur la sécurité…

Les trains sont pleins dans un sens. Dans l’autre sens, ils sont remplis de vivres et de matériels.

VRT. Combien de cheminots travaillent pour faire fonctionner les chemins de fer ?

O. P. Nous sommes le premier employeur du pays avec 230 000 cheminots. 70 à 80 % travaillent au niveau opérationnel et sont sur le terrain. Et tous restent en contact avec l’entreprise. Ils aident à protéger le matériel, à l’entretenir et à garder les dépôts en état de marche.

Certains cheminots ont quitté leur ville, beaucoup sont partis de l’Est du pays pour aller à l’Ouest. Et, de là où ils sont, ils essaient de contribuer au fonctionnement de l’entreprise. Dans leur majorité, ils restent très actifs.

VRT. Avez-vous perdu beaucoup de matériel roulant ? Dans quel état se trouve-t-il ?

O. P. Le matériel roulant qui était proche de la frontière biélorusse a été attaqué car une réserve de fioul se trouve à côté. En attaquant cette réserve au début du conflit, les Russes ont détruit des trains et le dépôt a été endommagé. Des trains ont déraillé.

Au nord de Marioupol, des trains attendaient, prêts à évacuer des réfugiés. Mais ils ne pouvaient pas partir, tellement les bombardements étaient intensifs. Et le réseau a été endommagé. Fort heureusement, personne n’est mort dans l’attaque.

Nous avons tout de même réussi à acheminer du matériel roulant là-bas pour évacuer des gens vers Kiev. Aujourd’hui, on attend le cessez-le-feu pour réparer le matériel.

VRT. Dans quel état d’esprit êtes-vous ? Et quel est celui des cheminots ?

O. P. Chaque jour, nous nous livrons à un véritable numéro d’équilibriste. Nous espérons pouvoir évacuer les réfugiés jusqu’au dernier moment.

Lors des attaques, il y a toujours un risque d’encerclement de la rame, de la ville, ou de destruction de l’infrastructure. A chaque fois, le risque est fort de voir le train et nos personnels rester coincés… Malgré toute la coordination mise en place avec les militaires et malgré la data, nous ne sommes jamais totalement sûrs de pouvoir partir.

Comme le train est le seul moyen d’évacuation, nous faisons tout pour protéger les équipes et les réfugiés. Nous sommes tout le temps sous la pression des autorités locales, mais nous préférons retarder les trains pour être sûrs de les faire passer en sécurité.

Je suis fier du courage des conducteurs, des agents de bord, des personnels de l’infrastructure et de la maintenance. Tout le monde prend d’énormes risques.

VRT. Y a-t-il eu beaucoup de victimes parmi les cheminots ?

O. P. Vingt-six cheminots sont morts en travaillant ou en dehors de leur travail. Pour aider les employés, pour les encourager, nous sommes aussi sur le « front », pour être avec eux, à leur côté, pour leur montrer que personne n’est assis derrière son bureau. Nous sommes toujours en mouvement.

Nous avons mis en place des protocoles pour assurer la sécurité de l’infrastructure. Des ingénieurs vérifient la stabilité du réseau. En temps normal, les trains peuvent rouler jusqu’à 160 km/h. Nous avons instauré des limitations de vitesse : 60 km/h dans les régions les plus attaquées, et 80 km/h dans les régions moins exposées. Cela rend la gestion des horaires très complexe mais réduit le risque au maximum.

VRT. Qu’est-ce qui vous tient debout ?

O. P. Les gens sont forts, il y a beaucoup de résilience. Très peu d’agents ont disparu. L’immense majorité est restée à son poste et continue à être active pour faire tourner les trains. Chacun à sa façon, cela peut être de chercher à assurer la sécurité, en étant dans les gares qui sont bondées…

Beaucoup de monde cherche à quitter les villes bombardées, se rue dans les gares. Un des grands défis est de maintenir la sécurité dans les gares. Il y a des milliers et des milliers de gens qui veulent monter dans les trains. Or, nous sommes limités en nombre pour assurer la sécurité dans les gares, car la priorité de la population est avant tout de défendre la ville. Nous travaillons dans des conditions extrêmement stressantes.

Avant la guerre, nous avions beaucoup travaillé sur le marketing et la satisfaction clients car nos enquêtes montraient que nos passagers nous critiquaient pour nos retards et nos prix. Maintenant, les gens ne payent plus le train, mais ils se montrent solidaires et ils donnent de l’argent pour soutenir l’entreprise… malgré le manque de confort dans les trains !

Ce soutien est une force qui motive les cheminots.

En interne, nous avons mis en place un programme de motivation qui s’appelle « le héros de fer » pour honorer toutes les personnes qui se surpassent ou qui sortent du cadre de leur métier. Ce programme sélectionne jusqu’à une dizaine de cheminots tous les jours : ça peut être un conducteur qui a été dans une zone dangereuse, un agent à bord d’un train ou encore un patron de dépôt.

VRT. Disposez-vous d’assez d’électricité pour le réseau, compte tenu des menaces sur l’énergie nucléaire ?

O. P. La moitié du réseau est électrifiée et la distribution de l’énergie reste gérable. Nous avons eu très peu de pannes de courant jusqu’à présent. Et quand il y en a, nous pouvons utiliser des trains diesel.

Une sorte de rééquilibrage s’est opérée en faveur des trains de voyageurs puisqu’il y a moins de trains de marchandises. Le fret ferroviaire acheminait avant la guerre 800 000 tonnes par jour, il ne représente plus que 200 000 à 250 000 tonnes par jour. Nous pouvons donc récupérer du matériel fret plus puissant pour tracter des trains de passagers.

L’Ukraine n’a pas assez de locomotives. Nous avons d’ailleurs un partenariat avec Alstom qui devait nous livrer du matériel. Nous disons merci à Alstom de s’être dissocié de son partenariat avec la Russie. Cela montre que cette entreprise a une éthique.

VRT. Etiez-vous préparé à ce scénario de guerre ?

O. P. Non, il n’y avait aucune préparation à la guerre. Aujourd’hui, il faut improviser en permanence, savoir s’adapter aux fluctuations des situations. Dans le métier ferroviaire, on prépare les plans de transport une fois par an. Maintenant, il faut le faire quotidiennement, c’est très compliqué. C’est le challenge le plus dur en ce moment, mais ce n’est rien comparé à ce que font ceux qui défendent le pays.

VRT. Plus précisément, quel est votre rôle de manager en cette période ?

O. P. Il faut trouver un équilibre entre gérer la boîte (c’est « business as usual » avec des réunions sur le fonctionnement de la structure) et aller sur le terrain, être toujours en mouvement, se montrer au côté des cheminots et auprès des clients. Il faut faciliter les circulations, aller dans les dépôts, se déplacer au travers du pays. C’est toujours un challenge de pouvoir se déplacer.

L’autre changement, c’est que nous avons donné beaucoup plus de pouvoirs aux équipes régionales pour gérer les circulations et le fonctionnement de l’entreprise. Il y a six régions. Avant la guerre, tout était beaucoup plus centralisé. Désormais, il faut réagir vite et prendre des décisions basées sur chaque situation locale. Le système fonctionne très bien.

VRT. Vous êtes jeune (36 ans, nous avez-vous dit), comment êtes-vous arrivé à la tête de la division voyageurs des chemins de fer ukrainiens ?

O. P. Mon histoire est différente du parcours du cheminot classique. J’ai passé toute ma jeunesse en Ukraine, puis obtenu une bourse pour étudier aux USA, où j’ai étudié la finance. J’ai ensuite travaillé plusieurs années chez DHL sur la logistique.

En 2016, le gouvernement a lancé un appel aux Ukrainiens travaillant à l’étranger pour aider à la transformation du pays. L’objectif était de rendre plus professionnelles les entreprises publiques. J’ai commencé à travailler pour la Poste, le deuxième employeur du pays, et nous avons alors beaucoup travaillé à rendre l’entreprise plus proche de ses clients. Il y a un an et demi, j’ai été invité à reprendre la direction des chemins de fer ukrainiens. Maintenant, la majeure partie de l’équipe dirigeante est composée de jeunes managers qui ont plutôt une formation économique et commerciale. Notre pays cherche à casser les monopoles. Ce qui le différencie de notre voisin à l’Est, qui ne l’accepte pas.

Quand Poutine a annoncé la guerre, il a d’ailleurs affirmé que les organismes d’Etat comme la Poste et les chemins de fer étaient dirigés par des agents de l’Ouest… C’est aussi une de ses raisons pour remettre notre pays dans le droit chemin.

VRT. Quel est votre quotidien et arrivez-vous à voir votre famille ?

O. P. Avec des journées de 18 heures, 19 heures, je n’ai pas le temps de réfléchir… J’ai quitté mon domicile la première nuit de l’attaque et ne suis toujours pas rentré. Je suis tout le temps en mouvement.

J’ai toujours senti que cette invasion allait arriver mais pas à cette échelle. J’avais un bagage avec le strict nécessaire déjà prêt.

Quand la guerre a commencé, j’ai réussi à faire évacuer mes parents qui étaient à l’Est, ainsi que ma fiancée et mon fils, grâce au service ferroviaire. Cela me permet d’être concentré à 100 % sur mon job. Et d’aider les gens.

Quand je pense aux conducteurs de train, aux risques qu’ils prennent pour acheminer des trains à travers le pays, je suis encore plus motivé. C’est pareil pour tout le monde dans l’entreprise.

L’Ukraine avait énormément d’ambitions pacifiques. Le projet pour notre entreprise, c’était la rénovation du matériel roulant, une nouvelle application… Nous avons travaillé jusqu’au dernier moment sur nos projets.

Bien sûr, parallèlement, je réfléchissais à des plans d’urgence au cas où… mais je n’imaginais pas une telle ampleur. Nous avons quand même réussi à anticiper mais, jusqu’au dernier moment, je ne savais pas que ça se passerait ainsi. C’est surréaliste.

VRT. Quelles sont vos relations avec le gouvernement ?

O. P. Nous sommes très proches du gouvernement. Nous travaillons directement avec le ministère des infrastructures qui coordonne tous les réseaux et les différents modes de transport. Par exemple, nous avons ouvert une nouvelle route d’évacuation multimodale. Nous acheminons en train les réfugiés jusqu’à la ville d’Izmaïl. Après, ils voyagent par bateau et remontent le Danube jusqu’en Roumanie.

VRT. Comment coopérez-vous avec les autres entreprises ferroviaires européennes ?

O. P. Nous nous félicitons du partenariat mis en place avec les chemins de fer polonais. Avant la guerre, moins de 1 000 passagers voyageaient chaque jour entre la Pologne et l’Ukraine. Désormais, c’est entre 20 000 et 25 000. Nos amis polonais permettent à un plus grand nombre de trains ukrainiens de rentrer en Pologne et facilitent les procédures. Je peux aussi citer la coopération avec nos amis italiens qui nous donnent des trains médicalisés pour expatrier, sur la frontière ouest, les blessés vers d’autres pays européens.

VRT. Quels messages avez-vous le plus envie de faire passer ?

O. P. Je suis optimiste. Quand j’ai un moment, je réfléchis avec mes équipes à l’après. Le prochain chapitre, ce sera la reconstruction. Une Ukraine prospère dans laquelle le ferroviaire jouera un très grand rôle. Je crois en un très grand réseau ferroviaire européen. J’ai un message à faire passer à l’industrie : un jour ou un autre, ce cauchemar va se terminer. On va reconstruire et inviter les voyageurs enthousiastes ainsi que les experts ferroviaires à travailler avec nous. J’encourage tout le monde à réfléchir à cet avenir pour ouvrir de nouvelles perspectives. Le prix que nous payons, c’est pour que l’Ukraine reste libre et continue à faire partie de l’Europe.

L’autre message, c’est que je veux remercier la communauté internationale ainsi que les compagnies ferroviaires qui ont décidé de nous soutenir et de ne plus opérer dans le pays qui lance cette incroyable agression.

Propos recueillis par Frédéric Demarquette et Marie-Hélène Poingt

Ewa

Au Mexique, Alstom signe un important contrat pour le train Maya

Tren'Maya

C’est un projet majeur pour le développement du Mexique : le consortium composé d’Alstom Transport Mexico, Bombardier Transportation México, Gami Ingeniería e instalaciones et Construcciones Urales Procesos Industriales s’est vu attribuer, dans le cadre du projet de train Maya,  le contrat de conception, de fabrication et de mise en service de 42 trains X’trapolis, dont le design s’inspire de la culture Maya, ainsi que l’ensemble du système de signalisation. Il est également chargé de la construction des ateliers et garages de maintenance et du service après-vente des équipements du système.

Le contrat représente quelque 1,3 milliard d’euros. Au sein du consortium, la part d’Alstom-Bombardier s’élève à un milliard d’euros.

Dans le cadre de son Plan national de développement (2019-2024), le gouvernement mexicain a en effet lancé le projet de grande ampleur du Tren Maya, destiné à relier cinq États mexicains (Yucatán, Quintana Roo, Campeche, Tabasco et Chiapas). Cette ligne de plus de 1 500 kilomètres doit faciliter le transport des voyageurs et des marchandises et créer des liens entre les grands centres touristiques et les communautés rurales. Selon ses promoteurs, il doit permettre de favoriser le développement économique et social de cette région. Pour les touristes et les voyageurs, il permettra de découvrir les hauts lieux de la culture Maya.

 

Ewa

Pourquoi le train pourrait (facilement) remplacer l’avion sur les trajets jusqu’à 4 heures

train avion

Alors que les sénateurs ont commencé depuis le 14 juin à examiner le projet de loi Climat, le Réseau Action Climat (RAC) dévoile une étude qui pourrait leur être utile. Cette étude, réalisée par Egis Rail, montre que le train peut facilement se substituer à l’avion sur quasiment toutes les lignes pour des temps de trajet allant jusqu’à 4 heures. Soit précisément la proposition de la Convention citoyenne pour le Climat mais qui n’a pas été retenue par le gouvernement préférant mettre le curseur à 2h30*, arguant des faibles performances du train au-delà. Or, note l’association, « sur ces liaisons, le temps de trajet total est moindre ou très proche de celui de l’avion, et le coût n’est pas plus élevé. Les gains de confort et de temps de trajet “utile” sont également maximisés avec l’usage du train ».

Trains de plus grande capacité

Plus précisément, les résultats de l’étude montrent que, pour 21 des 23 lignes sur lesquelles il existe une alternative en train en moins de 4 h, le trafic aérien pourrait être entièrement reporté sur le train, « sans aucune modification ferroviaire« . Les deux lignes restantes, Paris-Biarritz et Lyon-Rennes, pourraient aussi l’absorber « à condition de mettre en service des rames TGV de plus grande capacité« , indique le réseau qui fédère les associations impliquées dans la lutte contre le changement climatique.

« En heure de pointe, le train serait aussi en capacité d’absorber le report des passagers aériens, à créneaux horaires constants et avec des trains plus capacitaires pour la très grande majorité des lignes, ou avec l’engagement d’un train supplémentaire (cas de Paris – Marseille et Paris – Clermont Ferrand). En revanche, pour la majorité des lignes au-delà de 4 heures, il faudrait ajouter des fréquences très tôt le matin, ou développer une offre de train de nuit, ou encore améliorer la performance du réseau« , précise l’étude.

En particulier, pour les liaisons ferroviaires de plus de 4h, comme Paris-Toulouse et Paris-Nice, les deux lignes intérieures les plus fréquentées avec quelque 3,2 millions de passagers en 2019, il faudrait simplement prévoir un train supplémentaire par sens et par jour sur chacune des lignes serait nécessaire.

En moyenne moins cher que l’avion

Les voyageurs ont-ils un avantage à préférer le train?  Selon les auteurs de l’étude, leur premier critère de choix porte sur le prix. Or, plusieurs études récentes ont montré que les tarifs du train sont en moyenne inférieurs à ceux de l’avion sur les liaisons métropolitaines réalisables en 4h en train. Ainsi, par exemple, une analyse de l’UFC Que Choisir réalisée à partir de données Trainline et Algofly, montre que « les billets de train sont en moyenne 4 euros moins chers que ceux de l’avion sur ces lignes« , rappelle le RAC. « Sur les trajets réalisables en moins de 2h30 en train, la plateforme de réservation Trainline a démontré que l’avion est en moyenne 1,8 fois plus onéreux que le train, en tenant compte du prix du billet mais également des coûts engagés pour se rendre en gare et à l’aéroport« , ajoute-t-il.

Sur le deuxième critère de choix d’un voyage, le temps de trajet, les résultats de la comparaison des temps « porte à porte » sur l’ensemble des liaisons montrent que le train est plus performant que l’avion pour toutes les liaisons réalisables en train en moins de 3 heures. Pour les trajets en moins de 4 heures, le temps porte-à-porte est à l’avantage du train ou très proche de celui de l’avion (moins de 40 minutes de différence).

Un bénéfice environnemental supérieur

Enfin autre avantage, non négligeable pour les pouvoirs publics, un tel transfert modal ne nécessiterait pas d’investissement supplémentaire sur le réseau. Reste toutefois, admet l’association, des progrès souhaitables, notamment du côté des opérateurs ferroviaires : il faudrait améliorer l’intermodalité train-avion pour les passagers en correspondance, ce qui pourrait passer par la généralisation de la tarification combinée et par le développement de connexions directes à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle.

Dans ces conditions, le transfert modal aurait un effet bien plus intéressant sur l’environnement : selon le RAC, en faisant passer les temps de trajet de 2h30 à 4h, on pourrait multiplier par 3 le bénéfice climatique de la mesure et parvenir les émissions de CO2 issues des vols métropolitains de 33,2% contre 11,2%.

Marie-Hélène Poingt

  • Cinq liaisons aériennes pourraient être concernées par un transfert sur le train pour des trajets allant jusqu’à 2h30 : Paris-Bordeaux, Paris-Lyon, Paris-Nantes, Paris-Rennes et Lyon-Marseille (mais avec des exceptions liées aux correspondances).

 

 

 

 

Ewa

Faut-il repeindre en orange la rame TGV du premier record ? Vous avez dit oui à 91 %!

tgv rame orange

Le 2 mars dernier, nous avons lancé un référendum auprès de nos lecteurs pour savoir ce qu’ils pensent de l’idée de repeindre en orange la rame TGV 16 du premier record, qui a fini sa carrière en carmillon. C’est ce que réclame un collectif d’une quarantaine d’agents de tous corps de métiers. Selon ce collectif, il faudrait être prêt en septembre lorsque seront célébrés les 40 ans de la mise en service du TGV.

En une dizaine de jours, vous avez été plus de 600 à nous répondre, essentiellement par mail, mais aussi par courrier. Vous êtes, à une écrasante majorité (plus de 91 %), en faveur du oui. Nous publions ci-dessous un best-of des commentaires que vous nous avez adressés vos justifier vos positions.

Et maintenant qu’en pense la SNCF?

 

LordRégio : Elle mérite amplement d’être revêtue de la superbe livrée orange comme à l’ancienne, livrée qui, personnellement, m’a fait aimer le TGV !


CC72186 : Excellent projet qui ravira tout le monde, avec une bonne communication sur l’événement il y a moyen d’intéresser une grande partie des Français notamment en organisant des tournées dans toute la France en s’arrêtant une journée dans les villes. Pourquoi ne pas transformer la rame à bord en train exposition sur l’histoire de la grande vitesse et du TGV en France comme cela avait été réalisé avec Patrick mais cette fois-ci totalement de fond en comble.


Gauthier : Réaliser une cagnotte avec pourquoi pas des petites contreparties sympas à certains paliers.


Yvan : A l’instar de plusieurs pays, repeindre la rame en livrée d’origine permettrait de valoriser ce patrimoine ayant pu faire la fierté de la France dans les secteurs du transport et de la technologie. Cette opération toucherait un public allant plus loin que celui des passionnés puisqu’elle permettrait d’afficher un véritable bout de l’histoire française.


Rochereau Gilles : Ce n’est pas qu’une dépense de communication. N’y a-t-il pas un budget alloué au Patrimoine comme au sein des CFF suisses ou FS italien ?


Corentin Morin : L’opération « Au revoir Patrick » a été un succès, stoppé trop tôt par la crise. Reprendre avec la rame 16 serait un signe fort, et permettrait de réunir de nouveau les amoureux du ferroviaire, et les curieux, et créer des vocations.


Patrick Bernardi : Sur les coms du sujet, ne pas hésiter à ajouter les hastag #40ansTGV, #PatrimoineSNCF, #la16enorange. Cela donnera des arguments à la Direction du Patrimoine et à la Communication pour trouver un financement.


Hervé : Il serait possible de la repeindre sans désaccoupler les motrices (tant pis si la peinture ne sera pas parfaite).


Manolo : C’est une évidence qu’il faut la remettre en orange. Quant au coût, le désaccouplement – accouplement doit être fait je suppose dans un technicentre SNCF. Pourquoi une opération réalisée quasi quotidiennement coûterait aussi cher ? Et pourquoi déjà faut-il qu’il y ait une facture ? Encore un magnifique résultat de la séparation en activités ?


Cede : La SNCF n’a jamais réussi à généraliser une livrée sur tous ses matériels, et dépense régulièrement de l’argent à repeindre ses voitures, locomotives, rames en fonction de nouvelles humeurs. Elle peut bien consacrer un peu d’argent à remettre cette rame 16 en état d’origine, c’est un beau geste pour le patrimoine (et de la peinture, de la vraie, pas un adhésif)


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Joshua Teoz : Un reconditionnement en rame d’affrètement serait envisageable


TGVdu45 : Au-delà du symbole qu’il représente, savoir concilier image de marque et patrimoine fait aussi aujourd’hui la force d’une entreprise. On ne peut décemment pas prétendre au développement sans considérer et tenir compte d’un héritage technique, culturel et humain. L’histoire du TGV n’a été qu’un apprentissage permanent, et le TGV de demain n’est autre que le descendant direct des générations de TGV passées avant lui. Cet ancêtre commun se retrouve aussi techniquement dans bon nombre de trains « du quotidien », qu’il a permis de développer et concevoir. Tantôt banc d’essais, laboratoire, c’est aussi un témoin social et sociétal. C’est tout cela qu’il y a derrière le « Patrimoine » que représente ce train, orange. Cette rame serait ainsi non seulement un témoin historique, mais aussi une marque de la capacité, et de l’intelligence, à continuer à aller de l’avant, tout en gardant en tête d’où on vient. Ce train est un vecteur de l’apprentissage et des révolutions qu’il a permis depuis 40 ans. SNCF pourrait ainsi l’utiliser comme rame spéciale, pour des voyages occasionnels ou commémoratifs, permettre sa location pour des tournages d’époque, qui financeraient en partie son entretien, ainsi que sa mise à disposition pour des événements, ou opérations de communication. Pas ringard, ce train permettrait au contraire de mettre encore plus en valeur les avancées réalisées depuis, et de garder cette descendance non seulement esthétique, mais aussi technique, tel un véritable marqueur sociétal.


Simon : Ce serait une véritable vitrine, une ambassadrice de groupe SNCF, de son histoire, de son savoir-faire, de ses métiers.


Yohann : Évidemment qu’il le faut, et évidemment qu’il faut que la SNCF paye ! Je rappelle si c’est nécessaire que depuis des décennies, la SNCF et la France font le minimum pour la préservation de leur patrimoine ferroviaire et industriel, au point d’en être ridicules par rapport aux pays voisins où faire rouler un train historique est possible, bien plus facile, voire même régulier : en Allemagne on a vu un train régulier ayant sa locomotive en panne dépannée au pied levé par une machine historique disponible sur place. En Suisse des trains réguliers sont tractés régulièrement par des machines historiques maintenues en état de marche. Bien sûr qu’en termes de capital image, repeindre la rame en orange serait une opération de communication à l’impact considérable tant la couleur est « vintage » et que les années 80 sont à la mode chez les jeunes, et tant les générations actuelles n’ont même pas idée de l’ancienneté du système TGV et de son avant-gardisme à l’époque. Ce serait également bénéfique et capitalisable pour des locations de tournages cinéma ou pour des opérations de communication. Enfin, est-ce utile aussi de rappeler que la SNCF confie ses vieux matériels, pour ne pas dire ses épaves, à des associations qui se chargent de les restaurer et de les valoriser bénévolement et au prix d’un énorme travail, mais que ces machines et matériels roulants restent la propriété de la SNCF qui peut les récupérer à tout moment et peut donc récupérer au moindre coût et au moindre effort ce matériel ? Il ne serait donc que justice que la SNCF mette la main à la poche de temps en temps pour son patrimoine, surtout pour le TGV, qui fut un choix fort de l’entreprise et du gouvernement (et fort discutable puisqu’en parallèle tout à été mis dans ce nouveau train, pour l’image et l’innovation technologique, tandis que les petites lignes ont été progressivement abandonnées) : si la SNCF a défendu le train à grande vitesse par une politique d’investissement, de communication et de records, autant qu’elle soit cohérente en défendant l’histoire et le patrimoine du TGV, bref, en défendant ses choix stratégiques passés et actuels.


Paul Heilbrunn : Vous pourriez faire un défilé de tous les types de TGV aux environ de Paris…


Octopusrail : Avec financement public car cette rame a représenté la France.


Jean : Orange est la couleur flashie qui a marqué l’entrée de la grande vitesse en France. On ne change pas une équipe qui gagne. La rame 16 a battu le record en étant orange, elle doit rester tel quel pour perpétuer l’atmosphère de ce record.


STV : Le faire circuler sur une ligne touristique. En faire un restaurant 5 étoiles sur rails.


Benoît : Regroupez toutes vos machines par exemplaire unique dans un lieu qui pourrait se visiter. Merci.


Vivi le Cheminot : Il faut que cette rame tourne, comme une rame classique ! Il faut qu’elle aille à la rencontre de son public. Il faudrait faire de même avec Patrick comme ça, elles pourraient circuler en UM (unité multiple) ce qui aurait plus de logique que d’avoir deux livrées différentes.


Perceval : Oui oui oui. Le souvenir pour avancer.


Lauritz : Je suis un cheminot allemand et j’adore le TGV, un symbole de la France et de l’histoire des trains. Il FAUT conserver la rame 16 en livrée originale, et non seulement un pelliculage, mais une peinture exacte et détaillée. Voir les Italiens (Fondazione FS), ils ont beaucoup de succès avec les projets de restauration ! Rétro c’est hip et il y a beaucoup de raisons pour la peinture orange. Chaque personne en France va être surprise quand un TGV orange passe !!! Alors n’hésitez pas svp !!! Amitiés, Lauritz (Düsseldorf)


Bertrand Martin : La peinture, c’est bien. Mais une remise en l’état d’origine des intérieurs, c’est encore mieux !


Coulon Olivier 21 : Effectuer un Tour de France ferroviaire.


Philippe G : Un record de vitesse ce n’est quand même pas rien, et il serait tout à fait justifié que cette rame reprenne ses couleurs d’origine. J’irais même plus loin : pourquoi ne pas repeindre un TGV en service en orange ? Certaines compagnies aériennes (British Airways et même Air France) ont repeint un de leurs avions modernes avec des livrées « vintage », aux anciennes couleurs historiques de la compagnie et cela a beaucoup de succès (cherchez par exemple sur Google Images « A320 retro livery »).


Florent : Excellent projet que je souhaite voir aboutir. En effet, le patrimoine ferroviaire est aussi important que le patrimoine et la sauvegarde des monuments etc. Espérons que la SNCF dise oui. Repeindre la rame 16 en orange aurait plus d’impact sur les gens à mon sens, et de plus, la couleur orange fait partie de l’histoire du TGV, de son identité. Je tiens quand même à remercier tout le collectif qui sans lui rien ne serait possible.


Oehmgen Jacqueline : Nous pouvons vous aider à réduire les coûts étant spécialiste en peinture. Je me suis spécialisé dans le rail OEM et MRO en France et Europe. N’hésitez pas de revenir vers nous 3M.

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Chanat : Confié à une association pour organiser des évènements et des voyages pour des passionnés mais également promouvoir le train et la SNCF. (si elle existe encore aujourd’hui……)


Jac : Elle devrait être repeinte, sans qu’on se pose la question… C’était tellement important comme changement quand elle a circulé… le TGV a révolutionné les déplacements et l’aménagement du territoire.


Arthus : Une livrée historique pour une rame historique. De plus la livrée actuelle des TGV est triste, sombre et je ne n’aime pas du tout comme la majorité des Français.

Ils disent non !

Chtitsoeur : Pour moi sa couleur n’a pas d’importance pour le 40e anniversaire de sa mise en place mais son Histoire en a. A faire découvrir aux personnes qui ne l’ont pas vécu en leur rappelant qu’il était orange.


David : Après un plan d’économies sans précédent à la SNCF, des augmentations de salaires gelées et des primes non versées aux salariés de ses filiales pourtant les plus rentables, dépenser 500 000 euros au nom de la « nostalgie » semble complètement incongru.


Moi : Si c’est pour qu’elle pourrisse dans un coin parce qu’elle coûtera trop cher en entretien pour la faire circuler occasionnellement ce n’est pas la peine autant la ferrailler tout de suite.


Audrey : Vu le prix que cela coûterait, si SNCF est prête à dépenser une somme de 500 000 €, il serait préférable de la donner à des associations humanitaires et environnementales ou à l’investir dans des projets de recherche pour préserver notre planète. Utilisez les films d’archives existant.


Chris : Peinture non nécessaire = pollution non nécessaire


CyclAbel : Quitte à conforter une image passéiste des cheminots, autant la peindre en machine à vapeur !


Thomas Lézé : La rame historique n’existe plus ? Si elle existe encore pourquoi ne pas la remettre en service ? Inutile de repeindre la rame… SNCF a d’autres problèmes bien plus importants.


Julio : Je ne suis pas sûr qu’avec l’état des finances SNCF cela soit le bienvenu.

 

Et pour lire toutes les réponses, vous pouvez consulter ce pdf : Réponses questionnaire rame TGV 1er record

Ewa

Les trains neufs devront proposer huit places au minimum pour les vélos

Velo Train

Les trains neufs ou rénovés devront comprendre au moins huit emplacements pour les vélos, selon un décret paru le 20 janvier au Journal officiel. Prévue dans la loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019, la mesure s’applique en particulier aux trains d’équilibre du territoire (TET, ou Intercités) conventionnés par l’Etat, aux services librement organisés comme les TGV, et aux trains régionaux, a précisé le ministère de la Transition écologique dans un communiqué.

La jauge a été définie à l’issue « d’une vaste consultation de l’ensemble des parties prenantes, compte tenu des fortes attentes exprimées par les usagers cyclistes et de l’attention portée à ce sujet par les entreprises ferroviaires et les autorités organisatrices de transport », explique-t-il. Le décret prévoit toutefois des exceptions pour certains trains régionaux, Transilien en Ile-de-France et TER dans les autres régions, qui pourront ne proposer que quatre emplacements « afin de prendre en compte les situations locales ». Il ne s’applique que pour les matériels roulants dont l’achat ou la rénovation sera engagé à partir de mars 2021.

« Cette obligation ne s’appliquera donc pas aux matériels déjà en circulation ou pour lesquels les programmes d’achat ou de rénovation sont déjà lancés », et en particulier le TGV M -plus couramment appelé « TGV du futur »- que la SNCF doit lancer en 2024, souligne le ministère.

C’est précisément ce point qui inquiète le collectif des associations de défense du vélo. Même si le collectif salue l’avancée permise par le décret, il regrette toutefois une application « qui peut être lointaine ». Si la loi est strictement appliquée, « cela reporterait à la fin de la décennie et au-delà de 2030 la création de places vélos dans de nouvelles commandes de TGV et de nombreuses rames TER », souligne-t-il. Et d’ajouter : « Il est donc indispensable que les exploitants et au premier chef, la SNCF s’engagent à créer dès maintenant des places vélos dans tous les trains en service et en cours de commande ou de rénovation, y compris les TGV ».

Première réponse de la SNCF : « Alors que les TGV actuellement en circulation proposent de zéro à quatre emplacements vélo selon les modèles, TGV M (…) proposera au minimum six emplacements vélo à bord de chaque rame, la possibilité de monter jusqu’à huit emplacements étant à l’étude », a affirmé à l’AFP un porte-parole de la SNCF.

Ewa

« Les politiques publiques ne sont pas à la hauteur des objectifs pour lutter contre le réchauffement climatique »

Aurélien Bigo

Alors que le texte du projet de loi Climat vient d’être envoyé au Conseil d’Etat pour lecture, reprenant une cinquantaine des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, dont certaines liées aux transports, nous avons demandé à Aurélien Bigo, expert de la transition énergétique dans les transports, d’évaluer les politiques actuellement mises en œuvre dans ce domaine. L’enjeu est de parvenir à limiter la hausse des températures conformément à la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Pour l’heure, on en est loin, nous explique cet ingénieur en géologie, diplômé d’un master en économie de l’environnement (EDDEE), qui vient de soutenir une thèse intitulée « Les transports face au défi de la transition énergétique. Explorations entre passé et avenir, technologie et sobriété, accélération et ralentissement » (Elle est disponible sur ce lien de téléchargement,)

Ville, Rail & Transports. Les politiques transport actuelles permettent-elles de tenir nos objectifs en matière de réduction des gaz à effet de serre ?

Aurélien Bigo. Si la question est : est-ce qu’on en fait assez ? La réponse est non. Nous avons beaucoup de retard par rapport à ce qui est prévu dans la Stratégie nationale bas-carbone.

Dans le passé, nous avons déjà dû réduire nos ambitions dans les budgets carbone. La première version de la Stratégie nationale bas-carbone publiée en 2015 pour la période 2015-2018 a été largement dépassée par les transports et on a dû revoir à la hausse le budget carbone.

VRT. Quels sont les modes de transport les plus en retard de ce point de vue ?

A. B. Les principales émissions proviennent du transport routier, aussi bien du côté des voyageurs que des marchandises. Mais je ne pense pas que le routier soit le seul mode à montrer du doigt. On pourrait tout aussi bien dire que les mauvais élèves, ce sont ceux qui n’ont pas réussi à attirer suffisamment de voyageurs ou de marchandises.

De plus, le trafic aérien international n’est pas pris en compte dans les budgets carbone concernant les transports. Les calculs sont donc faussés à ce jour même s’il est prévu que, dans la prochaine révision, les transports aériens soient inclus. On ne prend donc en compte actuellement que les émissions de CO2 du transport aérien intérieur alors que les traînées de condensation des avions et les émissions de NOx ont aussi des effets sur le réchauffement.

Le risque est grand de dépasser encore les prochains budgets carbone, sauf pour 2020 car c’est une année exceptionnelle du fait de la baisse de la demande liée à la crise sanitaire.

VRT. Comment, selon vous, faut-il agir pour respecter la trajectoire de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) ?

A.B. Il y a cinq principaux leviers pour baisser les émissions de CO2 : ce sont la modération de la demande, le report modal, le meilleur remplissage des véhicules, l’efficacité énergétique des véhicules et le facteur intensité carbone de l’énergie. Ce dernier facteur est aussi appelé décarbonation, c’est-à-dire passer du pétrole qui représente 90 % de l’énergie des transports à des énergies décarbonées comme l’électricité, le biogaz, le biocarburant, l’hydrogène (à condition qu’ils soient produits de façon durable), ainsi que tous les carburants synthétiques mais qui sont encore très peu développés.

Pour le transport de voyageurs, les progrès attendus passent surtout à court terme par les gains d’efficacité énergétique des véhicules. C’était le principal levier attendu par la SNCB pour la période 2015-2020 et ce sera encore le cas sur la période 2020-2025.

Or, on a vu que les émissions de véhicules neufs ont eu au contraire tendance à stagner jusqu’à 2019. Cela s’explique par le fait que les consommateurs se sont détournés du diesel et ont acheté des véhicules plus lourds. En particulier, des SUV (sport utility vehicle, ndlr), qui connaissent un très fort succès mais sont très lourds.

Idéalement, il aurait fallu mettre des incitations plus fortes pour qu’on atteigne les objectifs. Comme des interdictions sur les véhicules les plus lourds, ou des incitations fiscales type bonus-malus liées au poids des véhicules, ou encore des normes plus élevées sur les émissions.

Se reposer sur les progrès technologiques des véhicules pose un autre problème : le renouvellement du parc se fait lentement. Tout cela renforce notre incapacité à atteindre les objectifs.

Il existe pourtant d’autres moyens pour améliorer l’efficacité énergétique : on peut limiter la vitesse de circulation maximale à 110 km/h. Mais cette mesure, qui faisait partie des points les plus controversés au sein même de la Convention citoyenne, n’a pas été reprise.

On peut citer une autre mesure possible : fabriquer des véhicules moins puissants. En effet, la vitesse maximale des véhicules neufs sur le marché est en moyenne de 185 km/h alors que la vitesse maximale sur le réseau est fixée à 130 km/h. On pourrait très bien imaginer un bridage, comme cela existe dans le ferroviaire ou pour les poids lourds équipés d’un boîtier pour limiter leur vitesse.

VRT. Que prévoient les futurs objectifs bas carbone ? Sont-ils vraiment impossibles à atteindre ?

A.B. La nouvelle Stratégie nationale bas-carbone (fixée pour les voyageurs et le fret) est prévue pour les périodes 2019-2023 ; 2024-2028 : 2029-2033.

Ces budgets carbone sont définis de manière indicative. Puis ils sont validés.

Il n’est pas dit qu’on ne pourra pas atteindre la neutralité carbone attendue pour 2050, mais aujourd’hui on ne met pas en place les politiques adéquates pour y parvenir.

La Stratégie nationale bas-carbone fixe une trajectoire. Plus on attend, plus ce sera compliqué. Ce qui est important pour le climat, c’est l’ensemble des émissions émises dans l’atmosphère sur toute la période.

Sur quoi faut-il agir ? Sur l’ensemble, les cinq principaux leviers de décarbonation de façon simultanée. La complémentarité entre ces leviers est fondamentale. Or, actuellement, la Stratégie bas-carbone repose surtout sur les progrès technologiques. Ils représentent certes un outil complètement indispensable mais pas une solution miracle.

Sortir du pétrole par le développement des nouvelles motorisations est nécessaire mais il faut aussi absolument modérer la demande et mettre en place une mobilité plus sobre en énergie (avec des véhicules moins lourds par exemple et qui vont moins vite). Les politiques publiques ne sont donc pas à la hauteur des objectifs.

VRT. Comment modérer la demande ?

A.B. Les politiques publiques telles qu’elles sont pensées depuis des décennies consistent toujours à faire augmenter la demande, donc à proposer toujours plus de mobilité, en augmentant les infrastructures de transport mises à disposition. On pense qu’augmenter ces chiffres est positif pour l’économie.

Quand la demande augmente, les émissions augmentent. Il ne faut pas toujours vouloir faire croître la demande, du moins pour les transports les plus polluants. En particulier les poids lourds, le transport aérien et même les voitures.

La demande évolue aussi en fonction de facteurs exogènes liés aux politiques publiques, comme l’évolution du PIB, le prix du pétrole, l’évolution des vitesses. Il faut plus de volontarisme.

VRT. La solution ne peut-elle pas venir d’un parc de véhicules convertis à l’électricité comme semblent le penser bon nombre d’élus ?

A.B. Il faut se tourner vers l’électrique, au moins en partie car il n’y a pas de solution technologique magique. Cette technologie est nécessaire mais pas parfaite. Les véhicules électriques émettent moins de CO2, en particulier en France où l’électricité est peu carbonée : ils en émettent deux à trois fois moins que les véhicules thermiques sur leur cycle de vie.

Mais si on veut vraiment profiter de l’apport des véhicules électriques, il faut que le parc soit le plus réduit possible, afin d’avoir un nombre de batteries le moins élevé possible, dont la production pose problème C’est le nombre de véhicules vendus qui conditionnera l’impact sur l’environnement et non plus le nombre de kilomètres comme c’est le cas aujourd’hui. Il faut aussi agir sur la taille des batteries.

Le véhicule électrique n’est donc pas totalement écologique. Il a aussi des impacts négatifs sur l’environnement et n’évite pas toutes les nuisances du véhicule thermique, comme l’espace consommé ou l’accidentologie. Mais en profitant de ses faiblesses (son autonomie limitée), on pourrait toutefois revoir notre mobilité en allant vers plus de sobriété.

On pourrait ainsi développer de petits véhicules urbains, comme la Twizy de Renault et le Citroën Ami, ou des modes intermédiaires entre vélo et voitures électriques comme le vélomobile (sorte de vélo couché caréné) ou les vélos cargos.

VRT. Que penser de l’hydrogène que le gouvernement veut développer ?

A.B. Ce n’est pas non plus la solution miracle : pour l’heure, seulement 5 % de l’hydrogène en France et dans le monde est produit avec de l’électricité. C’est alors effectivement la meilleure solution pour avoir une consommation bas-carbone si l’électricité est elle-même décarbonée.

Mais aujourd’hui, 95 % de l’hydrogène est produit avec de l’énergie fossile. L’avantage par rapport aux véhicules électriques, c’est que ça permet de se passer de la contrainte de la batterie. Mais l’hydrogène nécessite 2,5 fois plus d’électricité que l’utilisation d’un véhicule électrique.

Pour certains véhicules qui peuvent difficilement passer à la mobilité électrique, comme le poids lourd par exemple, l’hydrogène peut être plus adapté. Cela pourrait aussi être le cas du ferroviaire sur les lignes non électrifiées.

VRT. Peut-on aussi tabler sur l’avion « propre » ?

A.B. L’avion « propre » n’existera pas avant un bon moment. Même si l’avion hydrogène arrive en 2035 comme c’est prévu, c’est trop loin.

En 2035, il y aura peut-être le premier avion commercial à hydrogène mais il sera plutôt adapté à du court ou du moyen-courrier. Or, c’est sur ce type de trajet que le train peut le plus facilement se substituer à l’avion.

De plus, il faudra du temps pour renouveler toute la flotte aérienne, les compagnies devront être prêtes à investir. Il faudra une contrainte extrêmement forte pour qu’elles le fassent car la solution hydrogène sera plus coûteuse.

Il n’y a donc pas de solution de décarbonation facile pour les avions dans les années, voire les décennies à venir. Il y aura des solutions mais qui resteront au stade de niche ou seront assez imparfaites.

On est clairement devant une grosse incohérence : on reconnaît les erreurs du passé mais on continue à soutenir la demande pour tous les modes de transport, y compris ceux pour lesquels il n’y a pas de solutions en vue de leur décarbonation.

VRT. Faut-il agir sur la demande de déplacements en avion ?

A.B. Il faut avant tout changer d’objectifs. Aujourd’hui, l’objectif consiste à faire croître le transport aérien. On le voit avec le plan de relance et on le voit avec les infrastructures puisqu’il y a toujours des projets d’agrandissement des aéroports.

Après les débats de la Convention citoyenne, on n’a pas vu de signal politique clair, qui aurait pu consister à planifier les trajets substituables par le train, faire des offres ferroviaires adaptées… contribuant à diminuer l’offre aérienne.

La Convention citoyenne a demandé que les trajets réalisables en train en quatre heures ou moins soient interdits en avion. C’est facilement réalisable mais on voit déjà à quel point c’est compliqué.

Les politiques publiques peuvent aussi agir sur le prix, en particulier sur la taxation sur le kérosène qui n’est pas pris en compte.

D’autres politiques sont possibles et pourraient s’inspirer par exemple des propositions faites par l’équivalent du Haut Conseil pour le Climat en Grande-Bretagne, qui suggère une taxe progressive en fonction du nombre de vols que l’on prend. De son côté, la Convention citoyenne a proposé l’idée de taxer les vols en jets privés. Mettre en place de tels dispositifs aurait l’avantage de ne pas pénaliser les plus pauvres, ceux qui prennent peu l’avion.

VRT. Vous critiquez aussi la faiblesse des politiques de report modal…

A.B. La volonté de faire croître la part du transport ferroviaire est souvent exprimée. Mais il n’y a pas de réelles politiques de report modal pour l’accompagner. Une vraie politique de report modal implique que, si on augmente le transport ferroviaire, on diminue un autre mode. Ce n’est pas le cas quand de nouveaux investissements sont réalisés en faveur du transport ferroviaire même si l’objectif annoncé est le report modal.

Si on pensait le ferroviaire comme un outil de report modal, on n’aurait pas abandonné les trains de nuit il y a quelques années. Aujourd’hui, on commence à évoquer la relance des trains de nuit, mais il n’y a aucune volonté dans le même temps de baisser l’offre aérienne. Si on ne le fait pas, on ne diminuera pas les émissions. Il faut aussi agir sur un autre levier : l’intermodalité entre le vélo et le train, en favorisant notamment le stationnement en gare. Une étude de l’Ademe montre que pour 8 usagers de consignes à vélo créées en gare, on gagne un usager du train. En effet, le vélo permet d’avoir une zone de chalandise plus élevée que la marche. Le vélo et le train sont très complémentaires et sont les deux modes les plus écologiques. A l’avenir, il faut repenser la complémentarité entre le ferroviaire et le vélo.

VRT. Vous ne croyez donc pas à l’objectif de doublement du trafic de fret ferroviaire…

A.B. L’objectif de doubler la part du fret ferroviaire d’ici à 2030 est énorme ! Mais les politiques publiques annoncées paraissent complètement insuffisantes pour y parvenir.

Développer le fret ferroviaire sans toucher au transport routier me paraît en effet impossible. C’est exactement la même chose pour les voyageurs. Il y a pourtant des leviers financiers possibles, que ce soit une taxe sur l’énergie ou encore une taxe sur la contribution kilométrique…

Enfin, toutes les politiques doivent être pensées comme des outils d’aménagement du territoire et, inversement, l’aménagement du territoire devrait être réalisé de manière à favoriser les mobilités sobres en énergie et bas carbone.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

 

Loin du compte…

Selon Aurélien Bigo, aujourd’hui, le constat est clair : au niveau mondial, on est loin de respecter l’objectif de limitation de l’augmentation des températures globales moyennes à + 2 degrés d’ici à 2050. Pour y parvenir, il faut baisser de 2,7 % chaque année les émissions de CO2au niveau mondial(ce qui veut dire que l’effort doit être encore plus élevé pour les pays développés comme la France ). Et si on veut respecter un objectif de hausse des températures limitées à +1,5 degré, il faudrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de – 7,6 % par an. C’est ce qu’on a obtenu en 2020 mais de façon involontaire puisque c’était lié à la crise sanitaire.


Rappel : La stratégie nationale bas-carbone (SNBC) décrit la feuille de route de la France pour conduire la politique d’atténuation du changement climatique. Elle donne des orientations pour mettre en œuvre la transition vers une économie bas-carbone dans tous les secteurs d’activités.

Elle définit des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle de la France à court/moyen terme – les budgetscarbone1 – et a l’objectif d’atteindre la neutralité carbone, c’est-à-dire zéro émissions nettes2, à l’horizon 2050 (objectif introduit par le plan climat de juillet 2017 et inscrit dans la loi).