Avec un million de voyageurs au quotidien, c’est la deuxième ligne la plus fréquentée d’Europe après le RER A. C’est aussi l’une des plus difficiles du réseau de transport francilien avec de multiples dysfonctionnements (retards, interruptions de trafic, suppression de trains… ) et des galères pour les usagers. D’où un taux de régularité moyen de 86 % qui place le RER B en queue de peloton.
Des améliorations sont prévues… mais pas pour tout de suite ! La rénovation des MI84, qui ont fait leur temps, a pris trois ans de retard. La fin du programme est attendue début 2025. Les premières livraisons des nouveaux trains, commandés par IDFM à Bombardier Transport et CAF (un contrat finalement aussi tombé dans l’escarcelle d’Alstom après son rachat du Canadien), sont également programmées pour 2025 mais en fin d’année. Enfin, le système Nexteo, qui doit être déployé entre 2027 et 2029, sous réserve qu’il soit bien financé, doit permettre de faire circuler plus de trains en réduisant les intervalles.
Audit
Pour accélérer le mouvement, Valérie Pécresse a décidé, en début d’année, de confier un audit à un spécialiste du « mass transit ». C’est Yves Ramette, ancien directeur général de la RATP puis de SNCF Réseau Ile-de-France qui est chargé de cette mission. Son l’objectif est de trouver des pistes d’amélioration qui pourraient être actionnées plus rapidement et de gagner 1% de hausse de ponctualité annuelle pour atteindre 90 % de taux de ponctualité d’ici à trois ans.
Des améliorations significatives pourraient-elles être obtenues au moment des JO sur cette ligne centrale pour la desserte des jeux ou même pour la Coupe du monde de rugby dans quelques mois? Avec une hausse du trafic qui atteint 2,5 % par an alors que les infrastructures sont inchangées donc saturées, cette ligne présente un handicap majeur : le goulet d’étranglement du tunnel entre la gare du Nord et la gare de Châtelet-les-Halles Un tunnel à voie unique de 2,3 km que se partagent les RER B et D. Avec 32 trains prévus par heure en périodes de pointe. Un débit minuté qui n’admet pas le moindre grain de sable. Sinon, ce sont des répercussions en chaîne sur les deux lignes de RER. Et le début de la galère pour des milliers de voyageurs des RER B et D (1,6 million de voyageurs transportés à eux deux sur une journée).
Fréquence de trois minutes aux heures de pointe
« Aujourd’hui, le fonctionnement du tunnel repose sur des règles strictes et une vraie discipline des conducteurs », raconte Wilfrid Verdié, le dirigeant de l’unité opérationnelle du centre de Mitry côté Transilien. Dans ces conditions, tout compte, y compris la configuration intérieure des rames. Surtout quand les trains se succèdent à une fréquence de trois minutes, parfois moins.
Le futur matériel, doté de portes plus larges, permettra d’accélérer les temps d’embarquement et de débarquement des voyageurs. « Ca a joué pour le RER A, qui a bénéficié d’un nouveau matériel automatisé, avec des gains très bénéfiques pour la régularité. Ce sera aussi le cas pour le RER B lorsque les nouveaux trains arriveront». Les nouveaux M20 (environ 150 rames ont été commandées) offriront 20 % de capacité en plus. « Les temps d’échanges seront aussi améliorés à chaque station », poursuit le dirigeant.
La mise en œuvre de Nexteo, qui comprendra un centre de pilotage dédié, est aussi attendu. « Mais même sans Nexteo, un centre de commandement unifié aurait du sens », souligne-t-on côté Transilien.
Dans l’attente d’un centre de commande unifié
Un centre de commandement unifié pour les RER B et D est espéré vers la fin de la décennie. Mais il n’est pas encore financé. « Si on veut gérer 12 trains par heure pour le D et 20 trains par heure pour le B en heure de pointe dans le tunnel sur voie unique, c’est nécessaire », plaident des promoteurs de ce projet SNCF-RATP.
Un regroupement physique des acteurs a déjà été réalisé pour le seul RER B, permettant de réunir au sein du centre de commandement unique de Denfert Rochereau, des agents de la Transilien, de la RATP et des représentants de SNCF Réseau qui interviennent pour faciliter la gestion de la circulation sur la partie nord de la ligne. Grâce à cette mise en commun, plusieurs points de régularité ont été gagnés.
Le projet du Grand Paris Express pourrait aussi, plus tard, contribuer à désengorger le RER B autour du Bourget et de Sevran. « C’est une bonne nouvelle car, quand il y a moins de personnes dans les trains, on subit moins d’incidents. Il y a une corrélation entre flux de voyageurs et ponctualité », rappelle Wilfrid Verdié. Mais cette perspective a pour horizon 2026. Soit bien après la coupe du monde du rugby et les JO. Et sans doute après encore des années de galère pour les voyageurs.
Marie-Hélène Poingt
Sans décisions fortes, pas de saut de performance
Tandis que la fréquentation du RER B ne cesse d’augmenter (2,5 % par an), la régularité semble avoir atteint un plateau, mais en voie d’effritement : elle tourne autour de 87 %, voire 86 % . Elle était de 78 % en 2009.
Ce saut de performance a été acquis en deux temps : le premier grâce à la suppression de la relève des conducteurs en gare du Nord en 2009. Le second quelques années plus tard, en 2013, lors de la mise sur pied du centre de commandement unifié à Denfert Rochereau, et le lancement d’une nouvelle offre RER + avec la mise en place de deux fois deux voies sur la partie nord entre Paris et Aulnay (deux voies dédiées et deux voies de contournement).
Depuis dix ans, aucun autre progrès n’a été enregistré. « Aujourd’hui, ce plateau que le RER B n’arrive pas à dépasser s’explique par deux phénomènes structurels : d’une part, la hausse de la fréquentation avec une capacité de transport identique ; d’autre part, les travaux sur le réseau, réalisés alors que l’on poursuit l’exploitation des trains, ce qui impose de baisser la vitesse», explique Pascal Desrousseaux, le directeur du RER B côté SNCF.
Parmi les idées pour fluidifier les circulations et approcher d’un mode d’exploitation comparable au métro, du moins dans la partie nord de la ligne, la SNCF cherche à retourner des trains sur le réseau ferré national. « On devrait pouvoir se doter cet été au Bourget d’une voie de retournement. Puis l’année prochaine à La Plaine. A plus long terme, une installation est prévue à Aulnay », rappelle le directeur Transilien.
L’intérêt, selon lui, c’est, en coupant la ligne entre Paris Nord et Le Bourget, de pouvoir retourner les trains les plus au nord. « Comme la gare du Bourget est interconnecté, les voyageurs habitant au nord pourront trouver une solution pour poursuivre leur trajet », précise-t-il. « On va aussi améliorer le Bourget avec des sas ». Autre amélioration à venir, les effets des travaux de régénération des voies et des travaux caténaires actuellement menés.
Premier entré, premier sorti, règle de base dans le tunnel
Aider les conducteurs à tenir leur temps. C’est l’objectif de la règle du Fifo (First in first out, en français Premier entré, premier sorti), mise en œuvre dans le tunnel reliant la station Châtelet à la gare du Nord. Jean-Laurent Garcia, cadre SNCF (partagé entre SNCF et RATP), l’explique : « Nous sommes est en train de mettre au point un programme pour que cette règle soit totalement appliquée alors qu’aujourd’hui, elle est plutôt d’ordre empirique ». En théorie, 32 trains par heure peuvent franchir le tunnel. Mais dans la réalité, c’est plus compliqué.
Le temps de traversée prend cinq minutes. Or, il arrive que des conducteurs dépassent de timing. « Cela ne paraît rien mais c’est fatal pour la régularité. ll faut que les conducteurs soient hyper vigilants dans la conduite pendant la traversée du tunnel », poursuit Jean-Laurent Garcia.
Déjà, la mise en œuvre depuis 2014 de l’indicateur IVAD (en plus de la signalisation), a permis de gagner 15 secondes. «C’est un indicateur visuel d’aide au départ. L’objectif, c’est que tous les conducteurs le respectent. Le conducteur est formé à respecter la signalisation. Car s’il est bloqué dans le tunnel, les gens pourraient être tentés de sortir. Chaque train est solidaire des autres. C’est comme une sorte de tapis roulant. Mais le moindre petit caillou peut gripper la machine ».
D’où un important travail de management à la conduite. « Nous formons à la gestuelle et à la conduite dans le tunnel. Sur le RER B, tout repose sur l’engagement des conducteurs », souligne encore le responsable SNCF. Les régulateurs de flux peuvent aussi aider à la descente et à la montée pour que les conducteurs puissent fermer les portes.
A l’avenir, Nexteo devrait permettre de gagner deux minutes par train.
MH P