Les ventes de voitures électriques n’ont jamais été aussi fortes en France avec 26,5% de parts de marché en 2023 (près de 500 000 véhicules électrifiés immatriculés, 100% et hybrides rechargeables, soit près de 1,6 million en circulation). Mais des incertitudes planent sur leur avenir, principalement à cause du prix des véhicules.
Et les détracteurs font entendre leurs voix. A commencer par des constructeurs automobiles. Carlos Tavares, patron de Stellantis qui pourtant, en vend beaucoup, a été le premier à dire ses quatre vérités sur la voiture électrique : « On ne peut pas rester sur le dogme du véhicule électrique pour tous, parce qu’il est trop cher , avait lâché l’été dernier. A court terme, ce sont les citoyens qui risquent de mettre à mal l’objectif d’électrification du marché, a observé plus ces derniers jours le dirigeant du groupe issu de la fusion de Peugeot-Citroën et Fiat-Chrysler. Mettant en cause, à quelques mois des élections européennes de juin, une transition énergétique trop rapide en Europe. Une petite citadine comme la C3 Citroën démarre à 23 000 euros, 19 000 euros avec la déduction du bonus écologique. La nouvelle mesure du leasing social (100 € par mois) semblait salvatrice, mais face à l’explosion de la demande (plus de 50 000 validées depuis le 1er janvier), le gouvernement a décidé de mettre fin au quota disponible pour 2024
Porsche remonte aussi au créneau contre l’interdiction programmée des moteurs thermiques dans l’UE. La firme de Stuttgart avait déjà engagé début 2023 une campagne de promotion des carburants de synthèse, les e-carburants. Et lors de la récente présentation d’un SUV… tout électrique, son directeur financier a demandé le report des décisions européennes sur les vehicules neufs thermiques. Nul doute que le sujet va s’inviter dans la campagne électorale de juin. « L’interdiction des moteurs thermiques en 2035 va avoir des conséquences très lourdes pour l’emploi en France », menace régulièrement Jordan Bardella, président du Rassemblement national. Selon l’Ademe, près de 300 000 emplois devraient être créés d’ici 2030 pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050.
Les seniors font de la résistance
Qu’en pensent les Français ? Les résultats d’une enquête du Collectif Mobilité (1) réalisée mi-2023 à Paris et en Ile-de-France (deux autres doivent être menées dans le Grand Lyon et le Grand Lille), auprès de plus de 2 700 personnes et publiée ce jour, révèle que la transition vers la voiture électrique n’est pas pavée que d’intentions positives. Et que la rupture générationnelle est puissante : si les 18-24 ans répondent majoritairement qu’il faut accélérer les choses en vue de l’interdiction des ventes de voitures thermiques en 2035 , au-delà de cette tranche d’âge, les réticences sont vives à partir de 50 ans. Selon l’enquête, un tiers des plus de 65 ans sont contre.
Sans surprise, le facteur prix dicte les comportements automobiles : pour le tiers des répondants, le prix d’achat est le premier critère d’achat le plus important devant l’autonomie électrique, le confort de conduite et la consommation de carburant. Outre l’aspect financier, la peur de la panne loin de chez soi, ou “l’anxiété d’autonomie”, est particulièrement prononcée chez les retraités. Une préoccupation exacerbée dans les zones rurales où les infrastructures de recharge sont moins développées qu’en milieu urbain. Le critère territorial est déterminant et creuse le fossé entre ceux qui foncent et ceux qui résistent à la mobilité électrique : plus la voiture est présente dans leurs déplacements quotidiens, moins ils veulent d’une voiture électrique. Sans surprise, les disparités entre Paris et la banlieue sont fortes puisque les habitants de la grande couronne sont encore dépendants de leur voiture pour les besoins essentiels de la vie. Et résistent à l’idée d’acheter un véhicule électrifié. Et chez les CSP-, la résistance est encore plus marquée. Autre enseignement de l’enquête, ceux qui ont déjà adopté la voiture électrique sont convaincus (46%), alors que les « novices » (ceux qui n’ont jamsi pris le volant d’un véhicule électrique) doutent pour un tiers d’entre eux.
A la question : « comptez-vous modifier vos habitudes automobiles ? », en moyenne, 61% disent qu’ils ne changeront rien dans les 12 prochains mois, même si une forte majorité des répondants se déclarent favorables à la réduction automobile. Si l’on veut rester optimistes, 39% identifient donc des pistes de changement.
Consulter les principaux enseignements de l’enquête: ici
Nathalie Arensonas
Le collectif réunit une quarantaine d’acteurs de la mobilité en Ile-de-France, dans le Grand Lyon et le Grand Lille : SNCF, RATP, Transdev, des startups comme Padam, Karos, Fifteen, Tier, Cityscoot, Zenpark…, des collectivités locales, l’agence d’urbanisme Paris région, l’IFPen, anciennement Institut français du pétrole, le cabinet de conseil Inov360, et l’écosystème de la mobilité électrique (bornes de recharge, etc).