C’est plutôt paradoxal pour un secteur traditionnel de l’économie : tous perdent de l’argent, mais tous s’en réjouissent. Ou font mine de se réjouir car ils ont espoir en un lendemain meilleur Le marché du transport de voyageurs par autocar longue distance qui a commencé à décoller, avec le cinq millionième passager fêté lors du 24e congrès de la FNTV le 5 octobre, est porteur de grands espoirs. Pierre Gourdain, jusqu’alors directeur France – il vient de passer la main à Yvan Lefranc-Morin – de l’Allemand aux cars vert pomme, en est sûr : 2017 sera l’année des résultats positifs pour Flixbus.
Ce 24e congrès était fort à propos intitulé « Pourquoi tout change ». Car si Michel Seyt a tout de même rappelé que le cœur de l’activité des autocaristes restait les services conventionnés, lesquels évoluent « dans un environnement complexe et sans cesse mouvant », la prochaine passation de pouvoir du département à la région pour les cars interurbains et scolaires constituant le prochain grand changement à gérer, la vedette de ce show à la maison de la Chimie était le désormais fameux autocar Macron. Tous sont venus chanter ses louanges, égrenant les chiffres : 2 000 emplois créés, 1 000 liaisons sur 360 lignes et 40 millions d’euros de chiffre d’affaires en un an. « Il faudra collectivement être vigilant pour que cette nouvelle offre de transport reste plébiscitée par tous, qu’elle associe accessibilité, confort et ponctualité », a demandé Alain Vidalies. Un secrétaire d’Etat qui a aussi assuré que le décret d’application de l’ordonnance du 29 janvier dernier sur les gares routières, précisant ses équipements et ses services, était « en cours d’élaboration […], sa publication est attendue avant la fin de l’année ».
Du côté des nouvelles mobilités aussi tout va très vite, étant donné que « le transport est un besoin universel et très fréquent » est venu rappeler Thibaud Simphal. Le patron d’Uber se réjouissant de cette « formidable opportunité » et du boom réalisé par le service Uber pool, le VTC groupé permettant de payer son trajet de 3 à 5 euros, soit à peine plus cher que le métro… Il a d’ailleurs annoncé « des discussions très avancées comme maître d’œuvre d’opérations de transport public dans les aéroports et les gares ». 40 % des utilisateurs du service Uber sont « totalement multimodaux », insiste-t-il. Son compère directeur France et Bénélux de BlaBlaCar ajoutant pour sa part qu’on ne trouvera « pas un mode de transport qui conviendra à tout le monde, tous sont complémentaires et nous travaillons ensemble à améliorer la mobilité des Français ».
Quant à la star du jour, l’autocar, il lui faut maintenant ancrer sa présence dans le paysage du transport longue distance. Même si tous sont d’accord pour louer son succès, à la hauteur des espérances de la fédération, et « avec un public largement composé de personnes qui ne voyageaient pas ou peu », précise Guillaume Pepy. Qui ajoute que concernant la clientèle piquée au train, « c’est difficile à dire, mais a priori moins que craint ». « Les débats sur la cannibalisation des TER sont derrière nous », assure aussi Hugo Roncal, le patron d’Eurolines.
Tous attendent l’explosion du trafic, se jaugeant à l’aune de l’Allemagne où les autocars ont transporté 20 millions de personnes après trois ans de libéralisation. Le débat sur les tarifs doit aussi être mis sur la table. « Il faut un prix qui soit juste et viable », insiste le patron de la SNCF et indirectement de sa filiale Ouibus. c’est-à-dire qui couvre les frais et autorise les marges. Or à ce jour, le prix moyen de 12, 60 euros par passager, selon les statistiques de l’Arafer, ne couvre pas les charges.
Les trois opérateurs sur la scène – quatre en comptant Starshipper lancé par Reunir qui s’est toutefois allié à Ouibus depuis l’été – affichent un optimisme à toute épreuve, chacun disputant la première place dans tel ou tel autre domaine (nombre de clients, lignes européennes, recettes…). Mais alors que les premières recompositions ont eu lieu – Flixbus ayant avalé Megabus, Ouibus Starshipper – d’aucuns se demandent combien d’acteurs resteront sur le marché. « Il ne serait pas sain que Flixbus ait 80 % du marché », prévient Guillaume Pepy comme pour exorciser un scénario à l’allemande ou Berlin Linien Bus a dû s’incliner devant la féroce start-up. « Nous sommes coleader, lui a pratiquement répondu le patron de Flixbus France. Ce sont les médias qui adorent nous monter les uns contre les autres. Mais notre principal concurrent finalement c’est l’immobilisme, c’est TF1 et ceux qui restent sur le canapé à la regarder ! » Une boutade qui a déclenché plus d’un rire en salle.
cecile.nangeroni@laviedurail.com