L’étape est symbolique. En livrant début juin le gros oeuvre dans une portion de tunnel commun aux futures lignes 16 et 17 du Grand Paris Express, Eiffage Génie civil (avec Razel Bec pour cette partie des travaux), le mandataire du groupement qui a obtenu le marché du lot 1 de la ligne 16 en 2018, a passé la main aux autres entreprises du groupement, TSO et TSO Rail, filiales de NGE. Ce sont elles qui équipent depuis un mois, la portion de 850 mètres entre l’ouvrage Finot et la gare de Saint-Denis Pleyel, mais aussi l’ensemble du lot, entre cette gare et Aulnay, dont la voie sera commune aux lignes 16 et 17.
Depuis quinze jours, les équipes de TSO Rail soudent les premiers rails du tronçon commun aux lignes 16 et 17 , dans la portion de tunnel entre l’ouvrage Finot à Saint-Denis, dans le nord de la capitale, et la future gare de Saint-Denis Pleyel. Au total, il y aura 29 km de voies à poser, avec 25 communications, 30 km de caténaire rigides. S’y ajouteront, les équipements linéaires, comme la signalétique, les chemins de câbles (31,5 km), les colonnes sèches et les pompes de relevage (2 exemplaires) destinées aux pompiers, et les passerelles (29 km) le long de la voie pour permettre aux mainteneurs de circuler entre deux stations, ou pour évacuer les voyageurs en cas de panne.
Pose de la voie
Une partie de ces équipements linaires est déjà visible dans cette arrière gare de Saint-Denis Pleyel. Mais il reste le principal : la pose de la voie. À un bout du tronçon, un chariot élévateur approvisionne le chantier en traverses béton monobloc. Avec leur coque en plastique, ces traverses ont la capacité d’atténuer les vibrations et donc le bruit. Plusieurs palettes de ces traverses attendent que la place se libère dans le tunnel. Plus loin, d’autres compagnons forment, sur place, les longs rails soudés (LRS) de 144 m à partir de coupons de 18 m. Il aurait été impossible de les descendre en entier dans le tunnel.
À l’arrière d’un camion rail-route, la tête de soudure fixée sur un bras articulé, enserre les deux coupons de rail et commence à chauffer les deux abouts. Très vite, des étincelles jaillissent de part et d’autre, perpendiculairement aux rails. Deux minutes, plus tard, les deux coupons sont solidarisés. Avec la préparation, notamment la manutention pour déplacer les rails, il faut compter un petit quart d’heure. Un atout, quand il faut reproduire l’opération sept fois pour chaque LRS.
Cette méthode de soudure, développée pour les lignes à grande vitesse est devenue la norme dans les travaux souterrains. Non seulement, elle est plus rapide que la soudure par aluminothermie, mais surtout elle ne dégage pas de fumée. Les agents ne sont donc pas contraints de travailler avec un équipement respiratoire et de travailler lorsque le chantier est moins fréquenté. L’aluminothermie reste toutefois pratiquée pour la pose d’appareil de voies.
Rails « bas carbone »
La particularité du chantier entre Saint-Denis Pleyel et Aulnay est d’employer des rails dits bas carbone, conçus à partir d’acier de remploi. L’usine Saarstahl Ascoval (ex-Liberty Rail) les fabrique notamment à partir de rails issus de chantiers de rénovation de voies de SNCF Réseau (30 à 40 %) mélangés à d’autres ferrailles de faible densité (60 à 70 %). Outre cette matière première recyclée – qui évite l’extraction de minerai brut elle aussi génératrice de CO2 –, l’usine Saarsthal emploie également une méthode beaucoup moins génératrice de CO2. La fonte de l’acier recyclé s’effectue dans un four à arc électrique, alors que le minerai brut est produit dans des hauts-fourneaux. La filière électrique permet de réduire entre 2 et 10 fois les émissions de CO2 par tonne d’acier dans l’ensemble du processus de fabrication.
Le recours à des rails dits à “bas carbone“ sur le tronçon commun des lignes 16 et 17 et trois tronçons de la ligne 15 sud, correspond à la volonté de la Société du Grand Paris (SGP) de réduire ses émissions de CO2, comme elle s’y était engagé en 2010 dans sa stratégie environnementale. Or, l’acier a représenté une part plus importante des émissions de CO2 (39 %) que le béton (39 %) dans les chantiers du Grand Paris en 2021. À eux deux, ils représenteront à terme 4,4 millions de tonnes équivalent CO2 émises pour le Grand Paris. La grande majorité de cet acier est utilisée pour armer le béton. La SGP s’est déjà lancée dans le remplacement des traditionnelles armatures dans le béton par des treillis métalliques, notamment pour les voussoirs. Mais toutes les pistes doivent être exploitées, notamment celles concernant la fabrication des rails. Celle des “bas carbone“ émet entre 60 % et 90 % de CO2 en moins par rapport à des rails issus de la filière classique.
Yann Goubin