Le tourisme ferroviaire en quête de modèle
Ce n'est pas si simple, quand on sait que nombre de ces réseaux se situent au milieu de nulle part. L’invitation au voyage, ou du moins au dépaysement, n’est pas toujours accessible. D’ailleurs, que va-t-on voir quand on les visite ? Le train lui-même, le paysage qu’il traverse ? Les deux ? Le ministère de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme a commandé un rapport sur le sujet, qui a l’air de connaître le sort des rapports : le tiroir. On n’a pas encore trouvé le moyen de bien faire fonctionner le couple tourisme régional – chemin de fer touristique. Qui plus est, nés d’associations d’amateurs bénévoles, les chemins de fer touristiques rentrent parfois difficilement dans le carcan d’une exploitation professionnelle.
Mais il ne faudrait pas considérer que ces trains relèvent tous du monde associatif. En fait, même s’ils n’ont pas de statut à part et rentrent dans la tarification commune, des trains exploités par la SNCF sont rangés dans les catégories des trains touristiques : le Train jaune de Cerdagne, le Blanc-Argent de Sologne, le Saint-Gervais – Vallorcine dans la vallée de Chamonix… La SNCF, qui avait une direction des trains touristiques, l’a supprimée. Ce qui ne veut pas dire qu’elle se désintéresse du sujet. La possession de trains prestigieux, la desserte via des lignes périlleuses de contrées éloignées, tout cela ne rapporte peut-être pas beaucoup d’argent, mais contribue au prestige. Et s’inscrit dans une politique du patrimoine. Façon d’assurer la légitimité de l’opérateur historique, et d’ancrer dans les esprits une équivalence : train = SNCF, qui peut se révéler décisive, et avoir des effets sur les activités générales du groupe, et conforter son influence dans la société.
Cette politique, elle se traduit notamment par l’attention que prête la SNCF à la Cité du Train de Mulhouse, dont la gestion a été reprise en 2004 par Culturespaces. Ou par une grande exposition à l’Institut du monde arabe, où est célébrée la gloire de l’Orient-Express. La marque, reprise par la SNCF, devrait d’ici cinq ans au mieux être apposée sur un train de luxe contemporain. Les Japonais ont pris un peu d’avance en la matière. Ils proposent un train croisière sur l’île de Kyushu. Et annoncent pour 2017 un cruise train futuriste. Plus près de nous, la Renfe a une politique patrimoniale forte, qui se manifeste par l’exploitation de plusieurs trains croisières ; le plus célèbre d’entre eux, Al Andalus, entame un nouveau parcours en Estrémadure. Nous étions à bord. Une occasion de se pencher sur les trains croisières au-delà des Pyrénées.
Trains touristiques. De véritables clés pour le développement rural
Les trains touristiques ont beau drainer chaque année près de 4 millions de visiteurs, ils n’ont pas une bien grande notoriété. Un rapport du Conseil national du tourisme pointe les atouts d’un secteur qui, selon ses auteurs, « pourrait devenir le moteur du “risorgimento” touristique de nombreuses régions ».
La publication fin 2013 du rapport « Le devenir des chemins de fer touristiques » est-elle un signe avant coureur de bon augure ? Pour les quelque cent réseaux français actuels, elle est en tout cas une bonne nouvelle. Pour la première fois, le ministère de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme manifeste de manière claire son intérêt pour ce secteur méconnu. En demandant au Conseil national du tourisme de mener une étude approfondie sur « les petits trains », il reconnaît ce secteur comme une filière touristique à part entière. Le rapport récemment paru, illustré de nombreux graphiques et tableaux, décrit les aspects historiques, sociologiques, économiques et statistiques. Malheureusement, pour l’instant, le ministère du Tourisme n’a pas donné suite à ce rapport qu’il a commandé, ni aux recommandations des rapporteurs… Ceux-ci préconisent, par exemple, la rédaction d’un guide pédagogique à l’intention des élus et décideurs locaux, l’extension du cadre des opérateurs ferroviaires de proximité aux exploitants de chemin de fer touristiques, l’éligibilité des chemins de fer touristiques à une aide spécifique de l’Agence de financements des infrastructures de transport en France…
Force est de constater que le tourisme ferroviaire est globalement méconnu. « Il draine pourtant chaque année quelque 3,7 millions de voyageurs en France, constate Michel Gasc, le rapporteur de cette étude, autant que le château de Versailles, lui-même l’un des monuments les plus visités de France ».
Alors pourquoi une telle confidentialité ? Et comment les en faire sortir ? L’origine de ces petits réseaux est un peu le fait du hasard. Ils sont nés dans les années soixante-dix, à l’époque de la fin de la vapeur et de la fermeture de nombreuses lignes. Dans les régions les plus diverses – du centre de la France à Pithiviers à la région Rhône-Alpes, dans les Cévennes – des passionnés se sont mobilisés pour sauver lignes et engins. Leur objectif était d’abord de faire rouler ces vieilles machines à vapeur pour « l’amour de l’art », de se retrouver entre admirateurs inconditionnels de ces locos puissantes au charme unique. Cela pouvait sembler suffisant au départ. Mais très vite, l’affaire s’est révélée coûteuse. Pour durer, il a fallu attirer un public plus large, moins spécialiste mais plus nombreux. Il a fallu maîtriser des démarches commerciales et se soucier de gestion. Certaines de ces associations n’ont pas résisté mais d’autres ont surmonté la difficulté et sont devenus de véritables PME bien structurées qui s’appuient cependant, la plupart du temps, sur des équipes de bénévoles.
Ces réseaux, extrêmement dispersés en France, sont souvent aussi très isolés, en rase campagne à l’écart des grands circuits touristiques. Ce qui fait leur charme mais aussi leur mise à l’écart. Les plus favorisés sont au contact d’une gare SNCF dans laquelle ils peuvent espérer établir des correspondances horaires. Quelle que soit leur situation, ils ont besoin d’une forte publicité qui leur a fait longtemps défaut.
Dispersés géographiquement, ces réseaux sont aussi très différents les uns des autres. Il y a les puissants, qui disposent de prestigieuses machines à vapeur classées monuments historiques, roulant sur des voies à écartement normal, parfois des lignes de fret, et s’arrêtant dans d’anciennes gares SNCF. Il y a ceux qui exploitent du matériel plus moderne, des autorails Picasso ou des RTG. Et puis, tous ceux qui roulent sur les voies étroites, parfois avec des machines à vapeur et, le plus souvent, de petits locotracteurs comme le train d’Artouste qui serpente, sur l’ancienne ligne qui a servi à la construction du barrage d’Artouste, le long des précipices pyrénéens. La structure la plus modeste est celle des vélorails qui permettent de sauvegarder des lignes. Ces derniers ont plus de mal à
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Publié le 20/01/2025 - Nathalie Arensonas
Publié le 20/01/2025 - Junjie Ling