Intelligence artificielle et cybersécurité : un double défi pour les transports
Réunis lors d’une conférence organisée le 30 septembre par VRT sur l’intelligence artificielle appliquée aux transports et à la mobilité, acteurs publics et privés ont esquissé un panorama des usages émergents. De la cybersécurité à la relation client, en passant par l’impact environnemental, l’IA s’impose autant comme un levier stratégique que comme un défi collectif.
L’intelligence artificielle transforme depuis maintenant longtemps le transport de voyageurs : elle offre de nouvelles opportunités mais pose dans le même temps des défis inédits en matière de cybersécurité et de durabilité.
Elle pose aussi la question de la coopération entre les différents partenaires. La collaboration « inter-acteurs » est justement la finalité recherchée par Eona-X, une association fondée par plusieurs participants majeurs du transport et du tourisme – SNCF, Aéroports de Paris, Aéroport de Marseille, Renault, Amadeus et Accor.
Plutôt que de laisser la valeur des données captée par les grandes plateformes internationales, elle travaille à renforcer la confiance entre acteurs déjà partenaires.
« Nous cherchons à offrir une expérience de mobilité de bout en bout, en reliant les différents maillons du parcours du voyageur, depuis son domicile jusqu’à son hôtel, tout en développant des projets logistiques pour atteindre plus rapidement les objectifs de neutralité carbone », expose Mélanie Veissier, directrice des projets transport et logistique d’Eona-X.
Pour construire cet écosystème, Eona-X met en place un dataspace, un cadre structuré et sécurisé qui permet aux entreprises et acteurs publics d’échanger des données en confiance.
Aujourd’hui, près de 80 % des données sont détenues par des entreprises privées et sont inaccessibles aux autres acteurs, faute de cadres de partage ou d’interopérabilité.
« Le dataspace vise donc à “désiloter” ces données, afin de créer de la valeur tout en respectant les réglementations récentes, comme le Data Act européen », souligne Mélanie Veissier.
Lutter contre la fraude documentaire
Dans les transports franciliens, l’intelligence artificielle trouve une application très concrète dans la lutte contre la fraude documentaire.
Chaque année, des dizaines de milliers de faux justificatifs sont utilisés pour obtenir des passes Navigo à tarif réduit, voire gratuits.
L’enjeu est de taille : sur la seule tarification Solidarité Transport, entre 30 et 40 % des justificatifs présentés seraient des faux.
Une affaire impliquant des faussaires en 2022 a coûté près de 24 millions d’euros à Île-de-France Mobilités, indique Benjamin Maillard, directeur Systèmes d’Information et des projets billettiques de Comutitres, filiale d’IDFM assurant la gestion opérationnelle des titres de transport.
« Lors de l’enquête, plus de 80 000 faux documents ont été identifiés sur les ordinateurs saisis. Ces justificatifs falsifiés donnaient accès à la tarification Solidarité Transport, allant de la gratuité totale à 25 % de réduction. Ils étaient ensuite revendus sur internet à des usagers, parfois de bonne foi, qui croyaient s’adresser à un revendeur officiel. »
Il y a encore trois ans, il était très difficile de distinguer un vrai document d’un faux.
Dans le doute, Comutitres était obligé d’attribuer les droits. Désormais, l’IA permet de donner les preuves qu’un document est falsifié et de refuser la demande.
Les nouveaux outils permettent d’analyser en quelques millisecondes les incohérences d’un justificatif : différences de caractères, altérations des pixels, modifications manuelles…
Le service est aussi plus fluide pour l’usager, qui reçoit désormais une réponse quasi immédiate, là où il fallait auparavant 24 à 48 heures d’attente.
Pour gérer les 600 000 droits renouvelés chaque mois, IDFM utilise également les API mises à disposition par la direction interministérielle du numérique, permettant de vérifier l’éligibilité aux dispositifs sociaux (CMU, statut étudiant, etc.).
Mais leur couverture reste limitée : « Nous n’avons aujourd’hui qu’un taux de réponse de 30 %. Dans 70 % des cas, l’IA nous aide à détecter la fraude », précise Benjamin Maillard.
Contrer les cyberattaques
L’arrivée massive de l’IA dans les systèmes de transport accroît aussi le risque cyber.
Pour Jean Seng, directeur du projet transformation numérique à la Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM), les jeux de données massifs et variés rendent les systèmes plus pertinents mais aussi plus exposés.
« L’IA gagne en efficacité quand elle est connectée à davantage d’APIs et d’ensembles de données, et cette pluralité de connexions augmente la surface d’attaque. »
En conséquence, la DGITM plaide pour une approche globale : renforcement des mesures de cybersécurité – hardening (renforcement) des API, segmentation des réseaux, surveillance en continu –, gouvernance des données et montée en compétences des équipes.
L’enjeu est d’autant plus stratégique que ces systèmes traitent à la fois des données personnelles et des données commerciales. Leur protection est donc indispensable pour préserver la con
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Publié le 12/05/2025 - Valérie Chrzavzez