Dense essentiellement autour des agglomérations, le réseau ferroviaire ibérique est encadré par des mesures de sécurité adaptées selon les différents trafics Six ans après les bombes contre les trains de banlieue à Madrid, le 11 mars dernier a surtout été en Espagne « une journée européenne du souvenir et du soutien aux victimes du terrorisme ». Commémorations, témoignages des proches, rediffusions étaient au rendez-vous. Comme d’habitude en de pareilles circonstances, Alfredo Perez Rubalcaba avait mis en alerte les forces de sécurité. Un dispositif bien huilé par le ministre de l’Intérieur, avec numéros d’urgence et médias appelés à la rescousse, que ce soit contre l’extrême gauche des Grapo, les réseaux islamistes ou le plus souvent l’ETA.
Dans les enceintes ferroviaires, les attentats de 2004 ont généré un resserrement des mesures de sécurité, avec un dispositif très dense les jours qui les ont suivis, puis plus discret au quotidien. Exception faite des périodes de crise liées à l’ETA ou à l’actualité internationale. Depuis, et en « temps normal », il faut distinguer selon la direction de la Renfe à Madrid les enceintes ferroviaires et les convois eux-mêmes. Les premiers sont du domaine de l’Adif (l’équivalent de RFF outre-Pyrénées). Le gestionnaire s’est équipé pour faire face aux menaces pas seulement terroristes, mais aussi aux vols (par exemple de cuivre), aux tagueurs très actifs dans les grandes agglomérations ou aux bandes éméchées des fins de semaines ou « d’après-matchs », par exemple les « Ultrasurs » (des délinquants violents des quartiers populaires de la capitale).
Question moyens, l’Adif avance la clôture croissante du domaine ferroviaire, souvent déficiente jusque-là, l’installation de caméras de vidéosurveillance, le recours à des sociétés privées de gardiennage, comme Prosegur ou Eulen, dont les vigiles en uniforme n’ont en principe que des menottes et un gourdin, et bien entendu, s’il le faut, l’appel à la force publique (police nationale ou municipale, voire la Guardia Civil), mais pas encore à l’armée. Les chefs de gare également signalent la présence de policiers en civil, sans plus de détails évidemment.
Même dispositif chez l’opérateur Renfe. La prévention des attentats s’y appuie sur la collaboration des voyageurs et sur des mesures à dimension commerciale qui séparent plus nettement les trafics, renforcent le sentiment de sécurité et restreignent les possibilités de va-et-vient. D’un autre côté, les contrôleurs se plaignent ici aussi des incivilités ou des voitures vandalisées. Et face aux risques, des affichettes en appellent à « la vigilance de chacun », à signaler les colis suspects et, ponctuellement, les comportements inquiétants.
Grandes lignes et trafics banlieue sont de plus en plus sur des quais distincts (à Madrid, Bilbao ou Barcelone notamment), les seconds étant désormais pourvus de tourniquets de contrôle. Dans les trains de banlieue, pas de police ferroviaire ni de patrouilles régulières de la « Policia Nacional » mais des vigiles privés.
Pour le trafic grandes lignes, la Renfe emploie aujourd’hui essentiellement des AVE et trains Talgo : il faut des billets souvent personnalisés pour y monter et, à l’imitation des avions, le voyageur n’accède, par exemple à un AVE Barcelone – Madrid, qu’après un passage des valises aux rayons X, un « checking » (mais sans fouille) et aussi la bienvenue des Azafatas (hôtesses) au pied du train. Les places sont nominales.
Cas particulier, le Pays basque. À côté des quelques lignes Renfe et d’Euskotren irriguant la Communauté autonome basque, le chantier de l’Y basque et les 160 km en travaux sont l’objet de toutes les attentions. L’organisation séparatiste ETA ne veut pas de ce train à grande vitesse, « contraire à sa vision du Pays basque », et a mené des actions, « mais de faible intensité » selon le vocabulaire policier, c’est-à-dire ponctuelles, sinon symboliques. Cependant, des sociétés de BTP ont été menacées, un entrepreneur (Iñaxio Uria) assassiné à Azpeitia. Et encore, le dimanche 7 mars dernier, deux pelleteuses de la société Ferrovial ont été incendiées durant la nuit à Zaratamo (Biscaye). L’essentiel du travail de vigilance est là assuré par des vigiles, avec recours éventuel à l’Ertzaintza, la police basque.
Michel GARICOÏX