Près de la Porte Maillot, l’entreprise chargée des travaux de prolongement d’Eole (RER E) a heurté lundi matin lors d’un sondage le tunnel du RER A. D’où une brèche d’une quinzaine de centimètres de diamètre dans la voûte du RER A, inondant les voies de ce RER exploité par la RATP. C’est-à-dire la ligne ferroviaire la plus fréquentée d’Europe avec un million de voyageurs par jour. La circulation a été coupée lundi à 12h50 entre les gares de la Défense et d’Auber. Le trafic ne reprendra pas mardi, a annoncé la RATP, précisant que le « meilleur scénario consistait en une reprise mercredi matin ». Une reprise du trafic « ce mardi soir, ce n’est pas un scénario réaliste », a reconnu Jean-Marc Charoud, directeur de l’ingénierie à la RATP, selon l’AFP. « Vu l’ampleur des travaux, notre meilleure prévision, c’est demain (mercredi) matin », a-t-il ajouté. A 17h35, la RATP twittait :
Une cellule de crise a été mise en place lundi entre la RATP, Eole, la maîtrise d’œuvre (groupement SED, avec Egis pour ce tronçon), et Bouygues, responsable de ce chantier, afin de colmater la brèche au plus vite et de rétablir la circulation.
Selon Arnaud Lamarsaude, responsable d’astreinte d’Eole, une première opération de colmatage provisoire de la brèche, reposant sur un assemblage de cales en bois (pardon pour les ingénieurs si nous simplifions à l’extrême), n’a pu être mise en œuvre vu la pression de la nappe phréatique. Deuxième solution, aujourd’hui retenue, « le recours à des résines qui durcissent au contact de l’eau, ce qui permettrait de colmater provisoirement la faille en attendant que soit coulé du béton ».
La RATP doit attendre que ce colmatage soit effectué, ce sur quoi elle dit ne pas avoir « de visibilité », avant d’effectuer les travaux de nettoyage et de vérification sur la portion concernée, qui représente une grosse cinquantaine de mètres, sur lesquelles se sont déversées des tonnes de sable et d’eau. Une portion de ligne dont les voies et le ballast ont été renouvelés à l’été 2016.
En attendant le retour à la normale, la RATP a renforcé plusieurs lignes de métro – la 1, la 2, la 6, la 9 et la 14 – et mis en place de navettes de bus de substitution entre La Défense et la station Charles de Gaulle-Etoile.
Le site de la Porte Maillot, où a eu lieu l’incident, est extrêmement contraint. La gare doit y trouver sa place au chausse-pied. Eole va passer entre le parking du Palais des congrès et la ligne 1 du métro. Pas à proximité immédiate du RER A, cependant. Mais des travaux de reconnaissance ont lieu plus au sud, non pas à l’emplacement même de la gare, mais à la limite de ses emprises, où doit être réalisé un mur de soutènement.
Elisabeth Borne s’est rendue sur le site mardi après-midi pour inciter les entreprises à « remettre au plus vite la voûte de ce RER en état, de façon à permettre à la RATP de faire ses propres travaux pour réparer les dégâts ». Et la ministre chargée des Transports a appelé « à la plus grande vigilance dans la poursuite de ce chantier ». Chantier que l’on sait très délicat avec, par exemple, l’insertion de la future gare de La Défense sous le Cnit.
Valérie Pécresse, dans un communiqué publié mardi-matin a souhaité « que toute la lumière soit faite sur les circonstances exactes de l’incident de chantier grave et paralysant du RER Eole. La présidente de la région Ile-de-France et d’Ile-de-France Mobilités a adressé ce mardi un courrier en ce sens à Patrick Jeantet, président de SNCF Réseau. Valérie Pécresse s’est entretenue lundi 30 octobre avec Catherine Guillouard, PDG du groupe RATP pour s’assurer que « des mesures immédiates de substitutions pour les voyageurs soient mises en place à la hauteur des besoins ».
Ile-de-France Mobilités auditionnera le 15 novembre les présidents de la RATP, de la SNCF et de SNCF Réseau « afin d’éclaircir les raisons des incidents à répétition qui entravent le bon fonctionnement des RER et qui entrainent des difficultés de transport pour les voyageurs. »
Le terme « incident à répétitions » vise notamment la panne d’un transformateur dans la sous-station de Drancy qui a, plusieurs jours de la semaine dernière (voir ci-dessous), nettement affecté les fréquences du RER B exploité conjointement par la SNCF et la RATP.
Ces incidents illustrent la grande fragilité du système de transports francilien qui risque d’être victime au cours des prochaines années d’une double peine : la vétusté de certaines installations qu’il faut rénover d’urgence, et la gêne quotidienne que vont occasionner les chantiers de développement ou de rénovation… surtout en cas d’incident. Pierre Garzon, vice-président Transports du département du Val-de-Marne, pense d’ailleurs qu’il faudrait mettre en place, pour une bonne dizaine d’années, une cellule de crise permanente, gérant toutes les difficultés quotidiennes que vont créer les chantiers… Sans même parler de « tuiles » comme celle qui vient de tomber sur les RER E et A.
Le sérieux incident de chantier d’Eole n’est pas une première. Lors du prolongement de la ligne 14 de la RATP, la « boîte » de la future station Porte-de-Clichy a été totalement inondée. Sans conséquence pour les voyageurs, mais très pénalisant pour le calendrier du chantier. La RATP, avec les entreprises responsables du chantier, Eiffage et Razel-Bec, a revu le calendrier. Et a fait de même, au-delà de l’incident lui-même, avec l’ensemble des entreprises mobilisées sur ce projet. Pour essayer de rattraper une partie du temps perdu, évalué à 13 mois (juin 2016 – juillet 2017).
Les précédents grands travaux en Ile-de-France, avec le forage du prolongement de Méteor (ligne 14) et de la première partie d’Eole (RER E) avaient connu aussi des déboires : affaissement d’immeubles rue Papillon (Eole, 1995), effondrement de la cour de l’école Auguste Perret, dans le 13ème (prolongement de Méteor, 2003 ). Paris est un gruyère. Et en plus, c’est un gruyère avec plein d’eau dedans.
FD