« Pour agir en faveur de la décarbonation, nous avons besoin de signaux clairs »
Parce que le transport reste le principal émetteur de gaz à effets de serre, François Gemenne, politologue, chercheur, enseignant et coauteur du sixième rapport du Giec, avance une foule d’arguments pour embarquer la filière dans la décarbonation. C’est ce qu’il a développé devant le Club VRT, le 27 mars, avec panache, optimisme et franc parler.
Les Français seraient-ils imperméables aux bonnes nouvelles ? C’est le sentiment de François Gemenne : « Je suis toujours surpris de constater que nombre d’entre eux continuent de penser que les émissions de CO2 sont toujours en hausse en France. Or, elles ont baissé de 4,8 %. » En les réduisant de 10 %, l’Allemagne a fait mieux, le Royaume-Uni aussi à – 5,7 %, mais la France peut tout de même se féliciter d’avoir réussi à inverser la tendance, même si ce recul ne suffira pas à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris : réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) pour limiter à 2 °C le réchauffement climatique au cours du XXIe siècle. Pour atteindre cet objectif d’ici à 2100, il aurait fallu en être aujourd’hui à – 6 %, explique François Gemenne. « On s’en approche, mais nous n’y sommes pas encore », commente le chercheur qui, sans renier le côté encourageant de ces résultats, précise qu’ils sont pour moitié liés à des éléments conjoncturels : la hausse des prix du carburant et de l’électricité, combinée à un hiver doux en 2023, ont réduit la consommation d’énergie. « Rien ne permet de dire que cela va durer et devenir structurel », prévient-il, encourageant le secteur des transports à poursuivre les efforts. Car si le bâtiment et l’industrie ont enregistré de bons résultats (respectivement – 14,7 % et – 6,4 % d’émissions entre 2021 et 2022), les transports en revanche, en ont émis 2,3 % de plus entre 2021 et 2022. En France, c’est le secteur le plus émetteur. « Il faut donc mettre le paquet », encourage le coauteur du sixième rapport du Giec.
Humeur écologique et bas de laine des Français
Agir pour la transition énergétique nécessite des moyens financiers importants. Et comme l’argent public est contraint, François Gemenne préconise de se tourner vers l’épargne des Français, l’assurance vie notamment. Un bas de laine estimé à près de 6 000 milliards d’euros, dont les deux tiers dorment sur des comptes bancaires, ou bien sont placés en épargne réglementée. Mille huit cents milliards d’euros rien qu’en assurance vie ! Des capitaux qui servent encore trop souvent à financer des projets de déforestation ou d’extraction d’énergies fossiles, note-t-il. Il faudrait les flécher vers des projets de transition énergétique.
Fin 2023 à la Cop 28 de Dubaï, Emmanuel Macron avait suggéré des taux d’intérêt différenciés, verts et bruns (incluant des énergies fossiles), pour booster la transition énergétique, « Si on consacrait l’argent des Français à des projets visant à réduire la pollution liés aux transports, on aurait les leviers de financement nécessaires », renchérit François Gemenne, persuadé que les épargnants seraient d’accord pour que leurs économies servent à financer des projets de transition. Il en veut pour preuve les résultats d’une récente enquête Odoxa sur « l’humeur écologique » des Français. Laquelle a révélé que près de 80 % d’entre eux disent avoir changé leurs habitudes de vie pour préserver le climat, mais ne savent pas ce qu’ils pourraient faire de plus pour aller plus loin. François Gemenne milite pour la mise en place de « dividendes climat » afin d’orienter les capitaux vers des modèles rentables et à impact, et valoriser les entreprises qui réduisent leur empreinte carbone. « C’est aussi en proposant des investissements rémunérateurs pour accélérer la décarbonation qu’on pourra faire contribuer les ultra-riches, responsables de la majorité des émissions », ajoute le scientifique. Selon l’organisation internationale Oxfam, en 2019, les citoyens les plus riches qui représentent 1 % de la population française, ont généré autant d’émissions de CO2 que les 66 % les plus pauvres. « Il faut mobiliser leurs fortunes au service de la transition énergétique, et pour cela, les pouvoirs publics doivent rendre les investissements pour les énergies fossiles moins intéressants que pour les énergies vertes », poursuit François Gemenne.
Décarboner la route
Parce que neuf déplacements sur dix se font par la route, François Gemenne a lancé l’Alliance de la décarbonation de la route. Une plateforme pluridisc
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