Pour sa future ligne T Zen 4, Île-de-France Mobilités a choisi un autobus électrique biarticulé Van Hool-Kiepe qui, en première mondiale, s’alimente grâce au concept SRS inventé par Alstom.
C’était la star incontestée de Busworld Europe, le salon européen du bus, du 7 au 12 octobre derniers, à Bruxelles. Le nouveau véhicule est destiné à la ligne T Zen 4 d’Île-de-France Mobilités (IdFM), qui reliera, sur 14 km, Viry-Châtillon (La Treille) à Corbeil-Essonnes (gare RER), utilisant notamment les 7,4 km en site propre de l’actuelle ligne 402, et sera exploitée par l’opérateur Keolis. Le T Zen 4 devrait transporter 40000 voyageurs par jour dès l’été 2024.
Dérivé de la plateforme ExquiCity du constructeur belge Van Hool, le nouvel autobus, de type BHNS (Bus à Haut Niveau de Service), résulte d’un partenariat particulièrement réussi avec Alstom et Kiepe Electric. Il s’agit d’un véhicule biarticulé de 24 m de long, 100 % électrique, et qui, en première mondiale, sera alimenté par contact au sol à partir de plots SRS (Système de Recharge Statique). Cette dernière innovation avait été initialement mise au point par Alstom pour ses tramways -les lignes 2 et 3 du réseau de Nice en sont équipées-, et a été essayée en 2019, avec succès, sur un autobus standard de 12 m à Malaga (Espagne).
Premières livraisons l’an prochain
La marché d’IdFM porte sur 56 ExquiCity de 24 m, dont 30 pour le T Zen 4 et 26 pour le futur T Zen 5 entre Paris (13ème arrondissement) et Choisy-le Roi. L’homologation du véhicule est en cours, et les livraisons commenceront au début de l’année prochaine. Extérieurement, le design des véhicules, avec leur face frontale caractéristique, reprend celui antérieurement développé par le constructeur Van Hool à la demande de l’autorité organisatrice Metz Metropole pour son réseau Metis, qui avait été inauguré en 2013. Il s’agissait alors de véhicules biarticulés à motorisation hybride diesel-électrique.
Dans le consortium formé pour répondre au marché d’IdFM, Alstom fournit, outre l’équipement SRS embarqué, l’ensemble de l’infrastructure nécessaire, y compris les sous-stations, tandis que Kiepe Electric a la responsabilité de la chaîne de traction et des moteurs. « Au départ, c’était un vrai challenge technique, raconte Philippe Veyrunes, Sales manager Infrastructure et Télécommunications chez Alstom. Dès le début, chacun des trois partenaires est arrivé en ayant à cœur d’apporter sa propre expertise pour qu’ensemble soient trouvées les meilleures solutions. Pour notre part, nous nous sommes adaptés au monde du bus, et nous avons beaucoup apprécié ce travail mené en commun avec flexibilité et agilité ». Du côté de Van Hool, Dirk Snauwaert, porte-parole du constructeur belge, a d’emblée partagé le même enthousiasme : « Nous étions ravis qu’Alstom soit venu nous trouver pour nous demander de participer à cette première mondiale avec le SRS ».
Un concept venu du tramway
Pourtant, transposer sur un autobus un concept conçu pour le tramway n’allait pas de soi. Lors des études, une idée s’est tout de suite imposée : rendre le plus intégrables possible les équipements embarqués. Ils sont au nombre de deux : les patins, montés sous le véhicule, et l’unité de contrôle, logée en toiture.
A la différence du tramway, qui est un système guidé, le mégabus du T Zen, tel un véhicule routier, se déplace avec deux degrés de liberté. Son positionnement très précis au-dessus des plots serait donc, a priori, moins facilement garanti. Même si les conducteurs professionnels ont généralement une excellente maîtrise de leur véhicule, il convenait d’adapter le dispositif de captage en conséquence. C’est ainsi que celui-ci met en œuvre désormais trois patins montés sous le véhicule, juste derrière le premier essieu, afin de toujours rester, en pratique, dans la tolérance de positionnement, non seulement en longitudinal, mais aussi en transversal.
L’autre équipement embarqué est l’unité de contrôle, qui se trouve disposée en toiture. Elle possède trois interfaces : la commande de descente des patins au contact des plots, la communication avec l’infrastructure de recharge au sol par protocole WiFi à la norme 1518-8, et le BMS (Battery Management System) qui gère, comme son nom l’indique, l’état de charge des batteries. En totale indépendance avec cette dimension fonctionnelle, l’assurance que le véhicule recouvre effectivement les plots avant que ces derniers ne soient mis sous tension est acquise par le biais d’un signal radio-codé échangé entre le sol et le véhicule. Cette procédure a été conçue « en sécurité », selon la signification de cette terminologie dans le domaine ferroviaire. C’est au demeurant la même « brique » constructive que celle rencontrée sur le SRS « tramway » et l’APS (Alimentation Par le Sol).
Très fortes puissances
L’une des spécificités fondamentales du SRS est son aptitude aux très fortes puissances (800 kW), qui n’a nullement été dégradée dans le cadre de son application au mode routier. Sur le tram, on passe des intensités de 1600 A pendant 20 s, en ayant totalement résolu les problèmes d’échauffement. Il s’agit-là d’un avantage considérable, car les temps de rechargement s’en trouvent réduits d’autant.
Sur le T Zen 4, les plots au sol seront installés aux deux terminus, au dépôt, ainsi que dans une station intermédiaire pour gérer les modes dégradés. Grâce à la puissance installée de 800 kW, la charge s’effectuera en moins de cinq minutes. C’est un stationnement obligé qui s’inscrit parfaitement dans les temps de battement normalement « graphiqués » au terminus de commande et au terminus de renvoi.
De plus, pour la régulation en ligne, ce stationnement ne devrait pas significativement majorer le retard antérieur d’une voiture fortement désheurée qui se retrouverait « tête de coupure » à l’arrivée dans l’un des terminus. Le SRS, qui permet un « opportunity charging » de très forte puissance sans devoir recourir à des dispositifs de pantographe ascendant ou descendant pourrait donc avoir un bel avenir…
Philippe Hérissé