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Ewa

SUV : pourquoi les constructeurs automobiles roulent à contresens

Range Rover SUV

Légers, sobres, moins chers, recyclables, efficaces, plus lents. Entre vélo et voiture, électriques ou musculaires, la promesse des véhicules intermédiaires est belle, mais tarde à convaincre. Ces drôles d’engins, pas forcément urbains, en sont au stade du projet ou du prototype. Subventionnés par l’Ademe, la bataille du climat passerait aussi par eux. La French tech est sur la ligne de départ.

Après les SUV, bête noire des écologistes, les USV, pour Ultra small vehicles. Petits, légers, musculaires ou à assistance électrique, ils affichent un bilan carbone indiscutable. Et un design qui peut faire sourire. Vélo pliant, allongé, couché, caréné, fuselé, ultra rapide, biporteur, triporteur, vélomobile, vélo-voiture, vélobus, pédalobus, mini-voiture avec pédalier… A l’autre bout du spectre, la voiturette motorisée électrique, avec ou sans permis, qui est en train de devenir un nouveau symbole de la micromobilité. Ces véhicules dits » intermédiaires » sortent tout droit de l’imagination des ingénieurs et nourrissent aujourd’hui les espoirs de PME, équipementiers, acteurs de l’économie circulaire, start-up, et de certains constructeurs automobiles.

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Un vélo ultra rapide (speedelec) pour les trajets longs du quotidien. © Trefecta

Vélos augmentés ou voitures diminuées ? Complément aux 38 millions de voitures en circulation en France, alternative à la deuxième voiture dans les zones périurbaines et rurales ? Dans ces territoires ou l’automobile est reine, ce pourrait même devenir la première voiture des ménages, croient leurs défenseurs. « En revanche, il ne faudrait pas qu’elle remplace le vélo ou la marche ou prenne des parts de marché aux transports collectifs urbains », alerte Aurélien Bigo.

Pour l’heure, en France, le marché de ces véhicules dits « intermédiaires », voire très intermédiaires pour certains, ne démarre pas sur les chapeaux de roues et reste confidentiel. Il est plus dynamique en Allemagne et aux Pays, surtout pour les engins non motorisés. En Chine, où les « low speed electric vehicle » (voitures électriques à vitesse réduite) sont théoriquement interdits mais roulent quand même dans les campagnes, on peut les acheter sur Alibaba.

Des constructeurs automobiles sont déjà dans la place : Peugeot avec son Twizy qui existe depuis dix ans et n’a jamais brillé par le nombre de ventes, mais va devenir le biplace Mobilize Duo avec l’autopartage pour marché cible. Citroën avec sa petite Ami, un cube sur roues commercialisé depuis avril 2020 qui voit les immatriculations augmenté de 47 % en un an en France, selon L’Argus. Ce succès, la marque au chevron le doit notamment aux adolescents dont certains parents sont prêts à débourser 14 000 euros pour ne pas les voir rouler en scooter… L’Ami se conduit en effet dès 14 ans. Copiée en Chine et vendue sur Alibaba, elle a déjà sa version cargo et une série limitée Buggy. Les spécialistes de la voiture sans permis (Ligier et Aixam) sont aussi dans la course et sont passés à la version électrique.
Le secteur de l’automobile a donc flairé le filon, pour preuve le dernier salon de l’Auto avec de nouveaux modèles qui arrivent sur le marché, mais qui sont plus lourds et vont plus vite, jusqu’à 90 km/h. L’inverse de l’effet recherché puisque les véhicules intermédiaires sont censés alléger le poids des voitures pour une meilleure efficacité énergétique, ralentir la vitesse et la pollution. « Les constructeurs automobiles croient-ils vraiment à ces véhicules ou cherchent-ils à occuper le terrain pour tuer le marché dans l’œuf et ne pas faire de l’ombre à leur produit phare, la voiture électrique ? », s’interroge Frédéric Héran, économiste des transports (lire son interview). « Si on pense le véhicule intermédiaire avec un cerveau de constructeur automobile, immanquablement ça donne une voiture lourde ! », ajoute Gabriel Plassat, cofondateur de La Fabrique des mobilités à l’Agence de transition écologique (Ademe) qui veut être la rampe de lancement des véhicules intermédiaires.

Géo Trouvetou

Le gouvernement français subventionne généreusement les projets en raison de leur potentiel pour la transition écologique. Car si 2035 signe la fin de la voiture thermique, sa successeure électrique, gourmande en ressources pour sa fabrication et en électricité pour son usage, ne signifie pas la fin des problèmes. Le passage de la voiture à essence à l’électrique n’a d’intérêt environnemental qu’à condition que les batteries soient de taille et de poids raisonnables.

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L’équipe qui avait développé le prototype Evovélo, tricycle électrique à énergie solaire, a jeté l’éponge, faute d’avoir pu lever assez de fonds pour le commercialiser.

Les véhicules intermédiaires ont-ils une carte à jouer ? A la faveur de l’Extrême Défi, le programme de l’Ademe pour favoriser l’innovation et la production en France de véhicules intermédiaires et de composants durables (15 millions d’euros de dotation sur trois ans), les idées fusent, les start-up foisonnent, il y a profusion de concepts : une quarantaine. Les Géo Trouvetou de la mobilité durable ont jusqu’au 31 juillet 2023 pour déposer leur dossier de candidature et espérer capter des financements publics. L’Ademe promet d’aider les lauréats ensuite dans leur recherche de financements.

Pourquoi cet intérêt soudain ? Parce que la France est en retard sur le sujet par rapport à ses voisin allemand et néerlandais par exemple. Et parce que si l’on doit limiter l’impact carbone des voitures, rien de tel que de limiter leur masse. Un véhicule intermédiaire pèse moins de 600 kg contre 1,2 tonne pour une berline, 1,5 tonne pour un SUV et deux tonnes pour une familiale électrique. Tout cela pour déplacer un individu de 80 kg en moyenne, seul dans sa voiture ! Un taux de poids mort des voitures de 92 %, calculent deux chercheurs, Arnaud Sivert et Frédéric Héran, dans la revue Transports urbains qui a publié un numéro spécial sur les véhicules intermédiaires en septembre 2022. « Toute augmentation du poids conduit à un cercle vicieux, car il faut en conséquence renforcer la motorisation, la chaîne de traction, les pneus, l’insonorisation, la sécurité active et passive… L’ajout de 100 kg d’équipements conduit en fait à un accroissement du poids de 200 kg », ajoutent-ils.

Plus légers, électriques ou propulsés à la force des mollets, les véhicules intermédiaires comblent le vide entre vélo et auto pour franchir plus facilement les distances du quotidien, affirment leurs défenseurs. Pas forcément en ville où les alternatives à la voiture sont déjà en train de faire leur preuve (vélos, trottinettes, VAE, vélo cargos, monoroues…), mais dans le périurbain, et en zones rurales où les trajets sont plus longs et où la dépendance à la voiture est à son comble.

Extension du domaine du vélo

Maintenant que le vélo a fait les mollets des citadins (en ville, son usage a de nouveau progressé de 12% au premier trimestre 2023, alors qu’il décline ailleurs*), il s’agit de trouver un véhicule de remplacement pour les habitants du périurbain et du rural qui sont dépendants à l’automobile. « L’idée est d’étendre le domaine de pertinence du vélo », résume Aurélien Bigo, chercheur en transition énergétique des transports. Ce qui va du vélo électrique ultra rapide, le Speed pedelec qui atteint 45km/h (interdit sur les pistes cyclables, casque obligatoire) à la mini-voiture électrique sans permis de deux à trois places permettant de transporter des enfants (et des charges.). En passant par des tricycles, quadricycles avec ou sans habitacle, et même les vélobus à pédaliers (12 personnes à bord et qui pédalent !). Électriques ou musculaires.

Les matériaux sont recyclables, les véhicules sont modulables, montables, démontables, reconditionnables. Tous les design sont permis, pas toujours heureux, mais les moyens financiers des acteurs de cette filière naissante ne leur permettent pas de s’offrir un Pininfarina !

Quant au prix, une voiturette électrique coûte quatre fois moins cher qu’une voiture électrique, jusqu’à dix fois moins cher pour un vélo à assistance électrique, un tricycle, ou vélomobile.

L’espoir des apprentis sorciers de la mobilité légère est de booster la catégorie des quadricycles. Se posera immanquablement le problème de cohabitation sur les routes.  « Elle fait partie des grandes questions à traiter à l’avenir. Notamment parce qu’il y a des incohérences actuellement, et parce que ce sera une condition majeure de sécurité routière et d’un développement vertueux de ces véhicules. Pour l’instant, ceux qui sont dans la catégorie vélos ont droit aux pistes cyclables (VAE, cargos, vélomobiles), mais pas les voiturettes ou encore les speed-pedelecs (qui sont légalement des cyclomoteurs bien qu’ils ressemblent beaucoup à des VA). Il y a parfois des zones de flou entre certains véhicules, c’est un domaine en forte évolution et les réglementations seront donc très probablement amenées à évoluer aussi », évoque Aurélien Bigo.

Efficacité énergétique

« Par rapport à la voiture électrique, l’impact carbone est trois fois moins important pour un quadricycle électrique (type Renault Twizy), quasiment dix fois moins important pour le vélomobile ou le vélo à assistance électrique, et quasiment vingt fois moins impactant par kilomètre parcouru pour le vélo classique », insiste le chercheur en transition énergétique des transports dans un article publié sur le site Bon Pote. Si les véhicules électriques sont beaucoup moins polluants à l’usage, leur fabrication est très émettrice de carbone et soulève la question de l’épuisement des ressources, les minerais rares pour fabriquer les batteries. Comme de nombreux experts, le chercheur recommande de privilégier des modèles de petite taille. Et demain, des intermédiaires.

Consommation énergétique des différents véhicules

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Ils sont encore en germe, certaines start-up mettent la gomme pour les lancer rapidement sur les routes, sans attendre l’argent public de l’Ademe. A l’image de la française Kate, qui a racheté Nosmoke (elle produit une sorte de mini Moke revisitée et électrique) et a récemment levé sept millions d’euros pour développer sa K, qui sera dévoilée à l’été 2023. La start-up des Deux-Sèvres qui produit 200 mini-voitures par an vise les 200 par jour avec des moteurs électriques made in France (Valéo). Ce sera d’ailleurs la condition pour prétendre au bonus écologique. Le coup de pouce financier gouvernemental ne subventionnant plus les véhicules avec des véhicules et des batteries non produites en France. Il est aujourd’hui de quelques centaines d’euros pour un VAE, 900 euros pour un quadricycle électrique, contre 5 000 euros pour une voiture électrique. Plus c’est lourd, plus c’est subventionné

Le sort des quadricycles légers pourrait évoluer. Un comité interministériel devait être installé prochainement pour étudier leur cas : intégration dans le programme de leasing social à 100 euros, les autoriser à circuler sur certaines voies rapides et dans les ZFE, bonus conditionné à un label d’écoconception. Toute la difficulté pour la filière naissante sera de ne pas se faire doubler par la filière automobile, déjà bien rodée, et qui pousse des voiturettes électriques lourdes. « Les chances de succès des véhicules intermédiaires sont faibles, mais ça vaut le coup d’essayer », estime un observateur du secteur.

Nathalie Arensonas

Retrouvez l’intégralité du dossier dans Ville, Rail & Transports (juin 2023) : ici

Ewa

« Le réchauffement climatique n’est pas pris en considération dans la conception des projets de transport »

Pascal Rey

Toute une dimension du changement climatique n’est pas -ou rarement- prise en compte : la résilience des infrastructures. Si les entreprises mesurent leur empreinte carbone et cherchent à l’atténuer (voire à la compenser), peu cherchent en effet à rendre résilientes leurs infrastructures. Or les pics de chaleur, les inondations ou les incendies qui se sont multipliés cet été devraient leur donner à réfléchir.

Côté SNCF, les patrons des 5 SA viennent seulement d’en prendre conscience si l’on en croit les équipes qui travaillent sur le sujet, puisque le premier comité stratégique sur l’adaptation des infrastructures vient seulement de se tenir fin novembre.

Dans le cadre d’un dossier publié ce mois-ci, Ville, Rail & Transports a interrogé des experts sur ce thème qui devrait prendre de plus en plus d’importance car il nécessite des millions et des millions d’euros pour se préparer. Faute de quoi, les assurances pourraient refuser de prendre en charge certains dommages…

Docteur en géographie du développement et ingénieur en agroéconomie, Pascal Rey, PDG du bureau d’études Insuco, spécialisé en sciences et ingénierie sociales, présent dans plus de 40 pays, pointe les risques. Pascal Rey est également chercheur associé à l’IFSRA et enseignant vacataire à l’école des Mines et à Agro Paris Tech.

Ville, Rail & Transports. Que vous enseignent les chantiers à l’étranger sur lesquels vous avez récemment travaillé ?

Pascal Rey. Au Gabon, où nous avons travaillé sur le train transgabonais, on observe ces dernières années une très forte hausse des précipitations. Et des inondations qui n’existaient pas avant, ce qui entraîne notamment une érosion des talus, des éboulements… Sur le train qui relie Djibouti à Addis-Abeba en Ethiopie, construit par des entreprises chinoises avec des normes beaucoup moins contraignantes que celles que nous devrions appliquer, le tracé est soumis à des températures qui sont souvent au-delà de 45°. Ce qui impacte la symétrie des voies, avec des effets de dilatation, alors que le chantier a été livré il y a seulement quatre ans. Dans les deux cas comme ailleurs, les travaux ne prennent pas en compte les effets à venir du réchauffement climatique.

VRT. Que voulez-vous dire ?

P. R. Le réchauffement climatique, c’est pour tout de suite. Mais alors qu’il existe de nombreuses études réalisées par le monde, y compris en Afrique, on assiste à un manque de communication entre ceux qui recueillent les données et les décideurs politiques. On sait que le niveau de la mer augmente, qu’il va falloir revoir les digues, les tracés, mais aussi prendre en compte les migrations liées à une augmentation du niveau de la mer. A quoi bon réparer ou entretenir les infrastructures actuelles si, dans quelques années seulement, plus personne n’habite ici, quand la montée du niveau de la mer obligera les populations à fuir vers l’intérieur des terres ? C’est d’abord là qu’il y aura besoin de routes ou de voies de chemin de fer. Il faudrait vite revoir les cartes en fonction non seulement de l’eau qui va commencer à chatouiller les voies de communication mais aussi des impacts directs qu’auront les mouvements de populations.

Ville, Rail & Transports. Quels effets sur le transport observez-vous qui soient déjà dus au réchauffement climatique ?

P. R. Les fortes chaleurs impliquent un dysfonctionnement du câblage, avec des systèmes de signalisation qui sautent, les systèmes électriques étant soumis à de trop fortes chaleurs. Les risques d’incendie se multiplient. En zone de montagne, on assiste à des éboulements, à des conséquences de l’érosion. En bord de mer, on assiste à des phénomènes d’érosion côtière.

« ON SAIT QUE LE NIVEAU DE LA MER AUGMENTE, QU’IL VA FALLOIR REVOIR LES DIGUES, LES TRACÉS, MAIS AUSSI PRENDRE EN COMPTE LES MIGRATIONS LIÉES À CE CHANGEMENT CLIMATIQUE. A QUOI BON RÉPARER OU ENTRETENIR LES INFRASTRUCTURES ACTUELLES SI, DANS QUELQUES ANNÉES SEULEMENT, PLUS PERSONNE N’HABITE ICI ? »

VRT. Que faudrait-il faire ?

P. R. Il faut prendre en compte ce qu’on voit et s’interroger sur comment, si les températures augmentent dans quelques dizaines d’années, les matériaux actuels résisteront à ces nouvelles contraintes. La solution, c’est que les constructeurs et les investisseurs comprennent que réparer au fur et à mesure coûtera beaucoup plus cher que de fixer d’ores et déjà des normes internationales drastiques, de les respecter et d’anticiper les risques. Plutôt que de rattraper au fur et à mesure, voire de tout refaire.

Or la notion de réchauffement climatique n’est pas prise en considération dans la conception des projets : on s’intéresse aux impacts du projet sur le réchauffement climatique mais pas à l’inverse. Dans les plans quinquennaux d’aménagement du territoire, les projections ne sont pas là. On reste dans le maintenant, sans être capable de se projeter dans 30 ans et de prendre en compte les risques climatiques à venir.

VRT. Pourquoi ce manque d’anticipation ?

P. R. Cela augmenterait considérablement le coût des chantiers.

Si on prend l’exemple des sociétés chinoises, l’approche est de tout faire le plus vite possible, au moindre coût, notamment les routes en Afrique où rien n’est anticipé. On manque aussi parfois de données. Que sait-on de ce que sera un pays comme la Guinée dans 20 ou 30 ans ?

Mais, encore une fois, le coût à venir sera bien plus grand encore. Il faut faire de gros progrès par rapport aux normes internationales, pour y intégrer plus de précisions, une plus grande prise en charge des populations qui sont déjà impactées, et la préservation des écosystèmes. Il faut faire évoluer ces normes auprès des grandes institutions internationales. Il faudrait d’ores et déjà être plus dans le concret, inventer un aménagement du territoire qui planifie, qui anticipe la résilience des infrastructures.

VRT. Des pays montrent-ils l’exemple ?

P. R. La République Dominicaine a pris les problèmes à bras-le-corps. Le Canada ou les Pays-Bas, aussi, savent repenser l’aménagement du territoire.

Ailleurs, on reste dans des normes à sens unique, qui posent la question de l’impact actuel des chantiers sur le réchauffement climatique. Mais qui n’anticipent pas que le réchauffement est déjà là et demandent comment on va faire face aux conséquences inéluctables à venir. Sachant que l’un ne doit pas empêcher l’autre.

Propos recueillis par Alexandre Duyck

Retrouvez notre dossier complet sur « les transports face au réchauffement climatique », dans le numéro de décembre de Ville, Rail & Transports. 

Ewa

Le coup de tonnerre du rapport du GIEC

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Nous ne l’apprendrons pas à nos lecteurs, mais il nous semble utile de le rappeler : le 9 août, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié le premier volet de son sixième rapport. Ce volet — The Physical Science Basis — présente la synthèse des données scientifiques les plus récentes sur l’évolution du climat. Selon le GIEC, « à moins de réductions immédiates, rapides et massives des émissions de gaz à effet de serre, la limitation du réchauffement aux alentours de 1,5 °C, ou même à 2 °C, sera hors de portée ».

Sa publication a été précédée, accompagnée ou suivie de gigantesques feux de forêts en Sibérie, en Grèce, en Algérie, en Turquie, et en France, dans le Var, de canicules records au Canada ou aux Etats-Unis, d’inondations catastrophiques en Allemagne, en Chine ou dernièrement dans le Tennessee. Le 13 août, on apprenait que, selon l’Agence nationale océanique et atmosphérique américaine (NOAA), le mois de juillet 2021 a été le plus chaud jamais enregistré. Records de l’été : 38,0 °C enregistrés à Verkhoyansk, au nord de la Sibérie, au-delà du cercle polaire, le 20 juin ; 49,6 °C atteints à Lytton, au Canada (Colombie-Britannique), le 29 juin ; 48,8 °C enregistrés par une station météorologique de Syracuse le 11 août.

Le deuxième volet du rapport du GIEC, Impacts, Adaptation, and Vulnerability, doit être publié en février 2022, le troisième, Mitigation of Climate Change, en mars, et la synthèse en septembre. Le 26e sommet sur le climat (COP 26) se sera auparavant tenu à Glasgow, du 1er au 12 novembre prochain. Rappelons en deux mots les enjeux, selon le dernier document du GIEC : « certains phénomènes déjà en cours — comme l’élévation continue du niveau de la mer — sont irréversibles sur des centaines ou des milliers d’années. Toutefois des réductions fortes et soutenues des émissions de dioxyde de carbone (CO2) et d’autres gaz à effet de serre limiteraient le changement climatique. Alors que la qualité de l’air en bénéficierait rapidement, la stabilisation des températures mondiales pourrait prendre 20 à 30 ans. » Pas de temps à perdre.

Lire : « AR6 Climate Change 2021: The Physical Science Basis »

Ewa

Le bioGNV meilleur pour le climat que l’électricité ?

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L’Association française du gaz (AFG) et l’Association française du gaz naturel véhicule (AFGNV) présentaient vendredi 20 septembre le résultat d’une étude de l’IFP Energies nouvelles (successeur de l’Institut français du pétrole) qui compare le bilan carbone en analyse du cycle de vie des véhicules alimentés par des carburants classiques et alternatifs. Selon cette étude, les véhicules légers roulant au bioGNV seraient meilleurs pour le climat que les autres motorisations.

Les présidents des deux représentants de la filière, Patrick Corbin (AFG) et Jean-Claude Girot (AFGNV) répondent aux questions de Ville, Rail & Transports.

 

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Patrick Corbin.

VR&T. Vous avez commandé une étude comparant le bilan carbone des véhicules alimentés par des carburants classiques et par des énergies plus propres que sont le gaz et l’électricité sur l’ensemble du cycle. Quels sont les grands enseignements que vous en tirez ?

Patrick Corbin et Jean-Claude Girot. L’IFP Energies nouvelles [successeur de l’Institut français du pétrole, NDLR] a réalisé en 2018 une étude intitulée E4T qui comparait différents types de motorisation électrique avec les véhicules diesel et essence. L’IFPEN a ainsi réalisé une étude qui compare le bilan carbone en analyse du cycle de vie des véhicules alimentés par des carburants classiques et alternatifs. C’est une première en France. La méthode qui est certifiée prend en compte tout le cycle de fabrication et de recyclage du véhicule ainsi que le cycle de fabrication du carburant et son utilisation. L’étude révèle que les

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Jean-Claude Girot.

véhicules légers roulant au bioGNV sont meilleurs pour le climat que les motorisations essence, gazole et électricité. Le véhicule bioGNV affiche les meilleurs résultats et l’écart est de 36 % par rapport à un véhicule électrique à autonomie comparable de 500/ 600 km. En 2030 avec une incorporation de 40 % de bioGNV dans le GNV, un véhicule léger hybride gaz est équivalent à un véhicule électrique à autonomie étendue. A cet horizon, 30 TWh de biométhane seront nécessaires pour alimenter un million de véhicules légers et 200 000 camions gaz avec un tel niveau d’incorporation, ce qui est compatible avec les 40 TWh de production de biométhane estimés par la Commission de régulation de l’énergie à cette date. D’autres pays travaillent sur ce sujet, l’Allemagne, la Belgique et arrivent aux mêmes conclusions voire à des conclusions beaucoup plus favorables aux véhicules gaz compte tenu du mix électrique plus carboné. ll nous paraît donc nécessaire de faire évoluer rapidement la réglementation européenne afin de se fonder sur une analyse en cycle de vie.

 

Pourquoi cette étude aujourd’hui ?

La réglementation française mesure les émissions de CO2 des véhicules, conformément au nouveau règlement européen du 17 avril 2019 qui établit des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les véhicules légers et s’appuie sur une mesure des émissions de CO2 en sortie du pot d’échappement. Ce nouveau règlement, précise qu’« il est important d’évaluer l’ensemble des émissions produites tout au long du cycle de vie des voitures particulières et des véhicules utilitaires légers » au niveau de l’Union européenne. La Commission européenne devrait évaluer, au plus tard en 2023, la possibilité de mettre au point une méthode commune pour évaluer les émissions de CO2 tout au long du cycle de vie de ces véhicules mis sur le marché européen, et pour la communication harmonisée des informations afférentes. Pour anticiper cette évolution, l’étude menée par l’IFP Energies nouvelles compare le bilan carbone en analyse du cycle de vie des véhicules GNV et bioGNV à celui des véhicules gazole, essence et électrique. Elle prend en compte l’ensemble des gaz à effet de serre émis lors de la fabrication des véhicules, de la production des carburants ainsi que de leur combustion.

 

L’ONG Transport & Environnement a publié tout récemment une étude remettant en cause les avantages du gaz face au diesel. Que répondez-vous ?

Transport & Environnement compare des résultats de tests sur banc pour les véhicules diesel à des tests au démarrage et en conditions réelles pour le GNV. L’AFGNV avec laquelle nous avons fait mener l’étude, a mis à disposition des éléments qui éclairent la réalité des avantages du gaz naturel. lls se basent sur des études qui s’appuient sur des procédures de tests, tous en conditions réelles d’utilisation. 

 

Que demandez-vous aux pouvoirs publics français, alors que la future loi Mobilités doit prochainement être réexaminée au Sénat ?

Cette étude, destinée à éclairer les choix publics sur l’impact climatique, montre le bénéfice immédiat des motorisations GNV, et plus encore bioGNV, pour lutter contre le réchauffement climatique. Nous mettons à disposition l’ensemble de ces résultats auprès des pouvoirs publics. Nous allons également les porter auprès des autorités européennes pour nourrir les travaux qui vont être menés pour introduire une méthode de calcul des émissions de gaz à effet de serre des véhicules en analyse du cycle de vie. Il en va de la santé de notre planète mais également de la pérennité de la filière automobile. Nos deux associations appellent à une modification rapide de la réglementation européenne sur les émissions de CO2 des véhicules et sur la reconnaissance des véhicules légers et utilitaires légers GNV/bioGNV comme véhicules faibles émissions.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

Ewa

SNCF donne une valeur au CO2 évité

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Lixheim (Moselle)
Crédits :
RFF / Frantisek Zvardon

La nouvelle devise républicaine de la SNCF – Liberté, Facilité, Planète – n’est-elle que de la com’ avec un habillage écologique ? « Avec le train, la SNCF préempte le domaine écologique sans rien faire : nous émettons 971 000 tonnes de CO2 par an, notre objectif est d’atteindre 95% de décarbonation d’ici à 2035 », a reconnu Guillaume Pepy, dirigeant de la SNCF, lors d’un récent séminaire de presse.

Accord de Paris 2015 et Plan Climat 2017 obligent, le groupe ferroviaire cherche à se positionner comme la locomotive française sur le sujet et intègre depuis deux ans la valeur de la tonne carbone dans sa déclaration de performance extra-financière (ex-reporting RSE devenu obligatoire). Une démarche qui fait flores chez les entreprises françaises : plutôt que d’acheter un quota d’émissions échangeables de CO2, elle consiste à fixer un prix à ses propres rejets de gaz à effet de serre et à les intégrer dans ses résultats extra-financiers. L’idée est d’accorder une valeur monétaire aux actions en faveur du climat.

250 euros la tonne de CO2 émise ou évitée

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Alain Quinet (à droite) a remis le 18 février à Edouard Philippe un rapport sur « La valeur de l’action pour le climat ».

Toute la question, c’est le prix : en 2019, à l’heure de l’urgence climatique, quelle est la valeur monétaire d’une tonne de carbone, émise ou évitée ? Alain Quinet, directeur général délégué de SNCF Réseau, s’est penché sur la question. Président de la commission de « la valeur tutélaire » du carbone (shadow price en anglais), il a rendu fin février un rapport au Premier ministre(1) dans lequel il établit à 250 euros la tonne de CO2 en 2030, contre 100 euros aujourd’hui.

Concrètement, une valeur à 250 euros/tonne de CO2 signifie qu’il faut créditer la rentabilité d’un projet d’investissement public (de transport collectif par exemple) de 250 euros pour chaque tonne de CO2 évitée.

Une mise à jour nécessaire pour atteindre les objectifs français de neutralité carbone en 2050, estiment les auteurs du rapport, et « qui a vocation à être intégrée dans l’évaluation socio-économique de tout grand projet d’infrastructure public, explique Alain Quinet. Traditionnellement, pour une ligne à grande vitesse (LGV), on donne une valeur monétaire élevée au gain de temps et au report modal, mais beaucoup plus faible au gain d’émissions de CO2, explique-t-il. A 100 euros la tonne de CO2, l’impact carbone est sous-estimé. Demain, à 250 euros la tonne, il passera à 25%, contre 10% aujourd’hui. Ce qui donne plus de valeur aux grands projets ferroviaires par rapport aux projets routiers, mais la route sera-t-elle toujours thermique ? », interroge le directeur général délégué de SNCF Réseau. « Il faut une méthodologie rigoureuse pour bien appréhender le développement de l’électrique et ne pas biaiser les calculs », modère-t-il.

Amortissement carbone en 2, 10 ou 50 ans

L’autre biais est lié au fait que le gain carbone d’une LGV n’est calculé qu’au moment de la mise en service de la ligne nouvelle, sans prendre en compte le CO2 émis pendant la phase de construction. « Nous voulons évaluer l’empreinte carbone en tenant compte des phases de chantier, en intégrant celle des sous-traitants et la fabrication des matériaux. Et une fois l’infrastructure réalisée, analyser en combien d’années les émissions de CO2 sont compensées par les émissions évitées grâce au train versus le transport routier, maritime et aérien», reprend Alain Quinet, avec cette fois sa casquette SNCF Réseau. Cet impact carbone représente la différence entre l’empreinte carbone d’un chantier ferroviaire et les émissions évitées grâce au report du trafic routier, maritime ou aérien vers le rail.

« Pour la régénération du réseau ferré, le temps de retour est rapide : les émissions de chantier sont amorties en deux ans car la ligne est déjà circulée, pour une LGV de plaine, cela prendra dix ans, plus longtemps pour une LGV avec des tunnels, et encore plus pour le Grand Paris Express, 50 à 60 ans », a évalué Guillaume Pepy devant la presse. C’est ce qu’on appelle le « pay back period ».

Suivant ces calculs exprimés en millions de tonnes de CO2, SNCF Réseau évalue que l’impact carbone des projets financés par les 2,7 milliards d’euros de Green Bonds(2) émis depuis 2016 a permis d’éviter l’émission de 8,8 millions de tonnes CO2 sur 40 ans, « l’équivalent du bilan carbone de 18 000 Français », calcule Alain Quinet.

SNCF Réseau semble avoir pris la mesure des aléas auxquels le changement climatique expose ses activités, et surtout son financement car les investisseurs sont de plus en plus sensibles aux conséquences financières du risque climat.

Nathalie Arensonas

(1) sous l’égide de France Stratégie
(2) emprunts obligataires verts, non bancaires, émis sur les marchés pour financer des projets liés à l’environnement et à la transition écologique.