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Ewa

« Il faut mieux lisser la fréquentation aux heures de pointe et rassurer les voyageurs »

Club Sylvie Charles

Après avoir fait une grande partie de sa carrière dans le secteur du transport de marchandises et de la logistique, Sylvie Charles est depuis mars 2020 à la tête de Transilien. Invitée du Club VRT le 18 février, cette diplômée de Sciences Po et de l’ENA a expliqué comment elle compte transformer la crise sanitaire en opportunités pour le transport de voyageurs en Ile-de-France.

Transilien, qui exploite les trains et RER de banlieue en Ile-de-France, est l’un des plus importants systèmes de mass transit du monde. L’entreprise transporte 70 % des voyageurs de la SNCF sur seulement 10 % du territoire. Soit 3,4 millions de voyageurs chaque jour dans 6 200 trains.

Depuis les années 2000, l’Ile-de-France connaît une concentration des emplois. Le quartier des affaires à Paris en compte 600 000, La Défense 300 000. Ces pôles d’emplois très localisés, que l’on trouve aussi à Plaine Commune ou à Issy-Boulogne, se caractérisent par un poids prépondérant des cadres et sont touchés par une baisse de fréquentation des transports publics plus importante qu’ailleurs dans la région. « On a une polarisation de l’emploi à Paris et en première couronne, tandis que le logement se développe en petite et grande couronne. D’où un énorme besoin de transports capacitaires pour faire fonctionner la région », rappelle Sylvie Charles.

Les Franciliens utilisent les transports publics pour se rendre au travail ou aller étudier, profitant d’une solution rapide et fiable. Une étude de l’Institut Paris Région, réalisée avec Transilien avant la Covid, a démontré, en suivant des voyageurs avec les données GPS de leur smartphone, qu’ils mettaient 17 minutes de plus en voiture qu’en train pour se rendre d’Argenteuil à Paris. Pour être sûrs d’être à l’heure, les automobilistes doivent prévoir 40 minutes de marge. Cette performance explique la part de marché du transport public : de 65 à 80 % le matin. Mais les Franciliens utilisent moins les transports pour sortir ou faire leurs courses. Sylvie Charles l’explique par la surfréquentation de certaines branches aux heures de pointe, qui a un effet désincitatif. Elle voit dans la crise sanitaire et l’expansion du télétravail, des possibilités d’évolution positive. « Dans une région où 45 % des emplois sont télétravaillables, nous avons la conviction que le recours au télétravail pourrait avoir des effets bénéfiques pour les voyageurs sur leurs trajets quotidiens, et qui auront peut-être envie de prendre le train pour d’autres usages le week‑end, pour leurs loisirs par exemple », commente-t-elle.

Télétravail et lissage des pointes

Depuis le premier confinement, l’opinion sur le télétravail a évolué : 90 % des adhérents du Medef Ile-de-France affirment désormais vouloir l’appliquer deux jours par semaine. « La généralisation de deux jours de télétravail répartis sur la semaine, pourrait faire baisser la pointe du matin de 6 à 13 % », assure Sylvie Charles.

LA GÉNÉRALISATION DE DEUX JOURS DE TÉLÉTRAVAIL, RÉPARTIS SUR LA SEMAINE, POURRAIT FAIRE BAISSER LA POINTE DU MATIN DE 6 À 13%.

Sans remettre en cause la nécessité de certains investissements, cela permettrait de réduire la surfréquentation à certaines heures et offrirait la possibilité à Transilien de proposer de meilleures conditions de transport. Pour plus d’efficacité, la directrice de Transilien souhaite, en complément, lisser les heures d’arrivée et de départ du travail. « Les DRH qui travaillent sur la qualité de vie au travail, ne regardent que ce qui se passe au bureau. Nous discutons avec eux pour les inciter à prendre également en compte la façon dont les salariés s’y rendent. »

Parvenir à décaler les arrivées implique de modifier les habitudes. L’époque y semble favorable. Forts de l’expérience du confinement, les cadres ont pu se rendre compte que, pour certaines tâches, leurs équipes travaillaient mieux chez elles, au calme.

De leur côté, les salariés apprécient de gagner en qualité de vie, en limitant leurs déplacements domicile-travail. Associer télétravail et lissage des horaires de travail, en jouant sur des arrivées reculées d’une demi-heure par exemple, ferait la différence. « Si seulement 10 % des salariés décalaient leurs heures, cela permettrait de réduire le trafic aux heures de pointe, et donc de bénéficier d’un voyage beaucoup plus agréable », affirme Sylvie Charles, convaincue que certaines pratiques mises en place avec la Covid-19 vont perdurer. Transilien prévoit notamment de poursuivre ses efforts en matière de propreté. « Actuellement, pas une rame ne sort sans être nettoyée et désinfectée. » Les mesures de désinfection des trains coûtent 15 millions d’euros par an à l’entreprise. « Mais nos rames sont aussi plus propres en raison de l’interdiction de manger et de boire et en raison de l’obligation du port du masque. » La directrice de Transilien s’interroge sur la poursuite de cette interdiction, qui continuerait à rendre le transport public plus propre et confortable. Cette réflexion est en cours avec les associations d’usagers.

Le voyageur peut aussi être cofacteur d’un déplacement plus agréable, en participant à la baisse du trafic en heure de pointe : Transilien travaille en effet sur une expérimentation de type « Waze » des transports sur la ligne L. « Cette application leur permet de connaître la fréquentation des trains, afin qu’ils puissent éventuellement laisser passer un train trop chargé et prendre le suivant. La généralisation des espaces de coworking dans les gares permet d’y travailler confortablement, en attendant l’arrivée d’un train moins fréquenté, pour voyager dans de meilleures conditions », explique Sylvie Charles.

Reconquête des voyageurs

Malgré ses forces et son évidence en Ile-de-France, le transport de masse vit une période difficile. Avec 45 % de recettes en moins, la crise a lourdement impacté la fréquentation des trains et donc le financement des opérateurs de transports. « En septembre et octobre, le trafic est remonté à 70 % de son niveau habituel. Mais, avec le deuxième confinement et le couvre-feu, nous sommes retombés à 50 % de fréquentation », rappelle la dirigeante. Le Versement mobilité, qui représente 52 % du financement du transport public, a aussi chuté en raison de l’activité partielle et du chômage. Toutefois, en 2020, après négociation de Valérie Pécresse, l’Etat a accepté de le compenser et de réaliser une avance remboursable à IDFM pour la perte des recettes.

Sur les premiers mois de 2021, Sylvie Charles s’attend à une baisse des recettes de 35 à 40 % et espère un rebond par la suite, tout en prévoyant que la situation restera compliquée jusqu’à la généralisation des vaccins. Elle rappelle que les recettes voyageurs contribuent à hauteur de quatre milliards d’euros aux 10 milliards nécessaires au fonctionnement des transports franciliens et revient sur les déclarations sur la gratuité. « Il faudrait compenser ces recettes. Les concitoyens doivent être conscients du fait que rien n’est gratuit. Si on les supprime, il y aura soit moins d’offres, soit plus d’impôts. »

Pourrait-on envisager une nouvelle tarification prenant en compte le télétravail ? « Lorsqu’on va trois jours par semaine au bureau, un pass Navigo reste intéressant », répond Sylvie Charles. L’objectif reste la reconquête des voyageurs. Pour les convaincre que le train est plus sûr et performant que la voiture, Transilien sécurise les transports, veille aux gestes barrières et incite à mieux se répartir dans les rames.

L’entreprise n’hésite pas non plus à verbaliser ceux qui ne respectent pas le port du masque.  « Il est de notre devoir de rassurer, car les transports publics ont été suspectés d’être des lieux de contamination, alors que toutes les études réalisées en France et à l’étranger ont démontré que ce n’était pas le cas », assure la directrice.

Nouveau contrat avec IDFM

En fin d’année dernière, Transilien et IDFM ont (enfin) signé un nouveau contrat d’exploitation et d’investissements qui les engage jusqu’en 2023. Un contrat de 12 milliards d’euros, conclu avec un an de retard. « Il était bon de mettre fin à cette situation », souligne Sylvie Charles, qui justifie le temps pris pour y parvenir : « l’Autorité organisatrice avait des demandes légitimes, mais l’exploitant a dû lui expliquer le contexte dans lequel il exerce son activité, afin qu’il soit pris en compte. »

Ce nouveau contrat affiche de fortes ambitions en matière de production et de qualité de service. Avec un système de bonus-malus plus important que précédemment. « Nous étions d’accord sur le fait de viser la régularité à 95 %. Mais IDFM nous demandait de prendre cette responsabilité en grand. » Transilien souhaitait que soient prises en compte les causes d’irrégularité liées à tout ce que l’exploitant ne maîtrise pas, comme l’infrastructure ferroviaire vieillissante ou le contexte sociétal.

« Nous avons obtenu une augmentation de la contribution qui nous est versée, car, en 2019 IDFM a développé de nombreuses innovations et, en 2020, nous avons eu un effet année pleine. Il s’agit aussi de compenser le fait que le nouveau matériel roulant coûte plus cher en maintenance que l’ancien, en raison de la présence de plus d’électronique et de la climatisation notamment », détaille Sylvie Charles. Elle ajoute : « la discussion a été longue mais nous avons trouvé un équilibre satisfaisant pour tout le monde. »

LE CHALLENGE DE L’OUVERTURE À LA CONCURRENCE FERROVIAIRE POSE LA QUESTION DE L’ÉQUILIBRE QUE L’ON CHERCHE : VEUT-ON CONTINUER À AVOIR DES EXPLOITANTS AYANT LA CAPACITÉ DE FINANCER DES SAVOIR-FAIRE ET À INNOVER ? OU VEUT-ON CES SAVOIR-FAIRE DU CÔTÉ DE L’ORAGNISME QUI A LA CHARGE D’ORGANISER LES TRANSPORTS ? 

Ce contrat court jusqu’à 2023, date du début effectif de la concurrence. « Les trams-trains seront les premiers ouverts à la compétition, parce que leur exploitation est plus facilement « détourable ». La partie plus compliquée arrivera après », prédit la directrice de Transilien. Elle poursuit : « ce sera un challenge intéressant, qui pose la question de l’équilibre que l’on cherche : veut-on continuer à avoir des exploitants ayant la capacité de financer des savoir-faire et à innover ? Ou veut-on ces savoir-faire du côté de l’organisme qui a la charge d’organiser les transports ? », souhaitant éviter de « transformer les exploitants en useurs de pneus ».

Les promesses des systèmes de commandement

Si l’implantation de NExTEO est du ressort de SNCF Réseau, Transilien s’intéresse à ce système d’automatisme de contrôle et de supervision qui devrait permettre d’améliorer la régularité et de faire passer davantage de trains. Son premier terrain d’application sera le tronçon central du futur RER E, entre Nanterre et Pantin.

Pour la patronne de Transilien, l’intégrer dans le système est un challenge. « Il faudra faire correspondre entre eux plusieurs systèmes de communication différents. En tant qu’exploitant, on suit cette possibilté de près, car cela aura un impact sur l’exploitation. Notamment sur les gestes de conduite. On est intéressé, car c’est une des briques qui permettra d’améliorer notablement les lignes B et D à partir de 2027. »

Deux lignes le long desquelles sont construits 25 000 logements nouveaux par an et dont la fréquentation a beaucoup augmenté ces 10 dernières années. Posant des problèmes de régularité quand les arrêts prévus pour durer 30 secondes dépassent la minute. « Le RER NG qui devrait arriver pour la ligne B fin 2025, si Alstom devient raisonnable, permettra aussi d’améliorer le service. »

Cette ligne B est coexploitée par la RATP et la SNCF, tandis que la D est uniquement gérée par Transilien. Mais toutes deux ont la particularité d’avoir un tunnel commun entre Gare de Lyon et Gare du Nord. « Le tunnel dispose de trois gestionnaires, ce qui complique la situation pour l’exploitant : il y a la RATP, au Sud il y a SNCF Réseau Sud et au Nord SNCF Réseau Nord. Un centre de commandement unique faciliterait la situation », estime Sylvie Charles. « Quand il existe différentes parties prenantes, il faut qu’elles travaillent ensemble pour bâtir des scénarios en fonction de différents aléas », ajoute-t-elle.

Le défi des JO

En 2024, Paris accueillera les JO. A cette occasion, Transilien sera soumis à une forte croissance de trafic durant quelques semaines. « C’est une grande responsabilité. Nous devons travailler à bien accueillir une clientèle atypique, parlant toutes les langues. Nous devrons aussi faciliter les accès pour les Jeux paralympiques », prévoit Sylvie Charles, qui précise que ces efforts serviront au-delà des Jeux. Ce challenge est finalement habituel en Ile-de-France, première région touristique au monde. « Relever des défis, c’est notre quotidien. J’ai la chance d’avoir une équipe de très bons professionnels pour y répondre. Et c’est ensemble que nous voulons faire de la pandémie une chance pour le transport public », conclut-elle.

Valérie  Chrzavzez-Flunkert


Place aux vélos !

En Ile-de-France, les trains roulent sur des lignes déjà quasiment toutes électrifiées. Pour réduire encore son impact carbone, une démarche est mise en place par Transilien, allant de l’écoconduite, à l’écostationnement en passant par l’isolation des bâtiments ou le retraitement des eaux des stations de lavage.

Côté intermodalité, Sylvie Charles souhaite favoriser l’accès des vélos en gares. Elle reconnaît qu’un gros travail reste à faire. Car si 90 % des habitations et des emplois sont à moins de trois kilomètres d’une gare, seuls 2 % des Franciliens y vont à vélo. La marge de progrès est donc large et passe notamment par la mise à disposition d’abris sécurisés et la création de pistes cyclables pour organiser le rabattement vers les gares.

Ewa

« Je crois profondément au modèle économique, juridique et d’aménagement de ce projet »

Club VRT Thierry Dallard
Thierry Dallard
Thierry Dallard, président du directoire de la Société du Grand Paris.

Depuis 2020, la réalisation du Grand Paris Express connaît une phase d’accélération : actuellement, une vingtaine de tunneliers sont entrés en action pour creuser le métro de 200 km qui doit encercler la capitale en desservant 68 gares. Thierry Dallard, le président du directoire de la Société du Grand Paris (SGP) était l’invité du Club VRT le 28 janvier à Paris. Face à un public nombreux, il a fait le point sur l’avancée du projet du siècle et les perspectives.

Ingénieur des ponts et chaussée et ancien élève de l’Ecole normale supérieure, Thierry Dallard a pris en mai 2018 la présidence du directoire de la Société du Grand Paris, succédant à Philippe Yvin. Chargé de piloter ce projet souvent qualifié de pharaonique, il nuance cet adjectif : si certains critiquent son coût et son intérêt, d’autres mettent en avant le challenge technique et les défis à relever.

« Lorsque j’ai pris mon poste, il y avait encore des Parlementaires qui s’interrogeaient sur la nécessité de mener ce projet », raconte Thierry Dallard, en rappelant que Paris ne se place qu’au 19e rang sur 20, au classement des métropoles, établi en fonction de la taille de leur métro. « Si le Grand Paris Express (GPE) était livré aujourd’hui, nous nous placerions à la cinquième place. Mais lors de sa livraison, en 2030, notre capitale ne sera que neuvième dans ce classement. » Dans une logique de compétition internationale, ce projet lui paraît donc « urgent et nécessaire ». Pour en relativiser le gigantisme, il précise : « sur le marché mondial de la création de lignes de métros automatiques, le GPE ne représente que 7 % de ce qui se fera dans les 10 ans ».

Selon lui, l’importance du projet de transport masque sa dimension urbaine, qui va être réalisée via l’aménagement des quartiers de gares. « En compilant ces aménagements, on arrive à 1,5 fois la superficie de Paris. Réaliser l’aménagement d’une telle superficie, c’est bien plus compliqué que ce qu’à fait Haussmann au XIXe siècle. »

Le dirigeant se réjouit des réalisations en cours, rendant irréversible ce projet, qui se fera en moins de 15 ans, avec des leaders français et européens, comme Thalès, Alstom-Bombardier et Siemens.

Peu impacté par la crise jusqu’à présent

Prévu pour être achevé en 2030, le chantier du Grand Paris Express avance. L’année 2020 a été très dense, malgré la crise sanitaire. C’est la période où il y a eu le plus grand nombre de tunneliers en action sur les chantiers. Vingt tunneliers en même temps en 2020, cela correspond au pic du nombre de tunneliers à l’échelle du projet. A partir de maintenant, un certain nombre d’entre eux vont s’arrêter, notamment sur le tronçon de la ligne 15 où la fin du creusement est prévue fin 2021.

Malgré la crise sanitaire, une enquête publique a été engagée, permettant d’effacer les derniers obstacles administratifs pour réaliser le premier tronçon de la ligne 18. « Nous avons signé pour la création des deux premiers lots de génie civil, pour la section Orly Massy-Palaiseau et la section aérienne de Palaiseau jusqu’à l’arrière gare du CEA Saint-Aubin. Et le troisième lot de génie civil sous terrain est lancé pour Saint-Quentin – Versailles », détaille Thierry Dallard. Les travaux ferroviaires ont également démarré. Les premiers rails ont commencé à être posés sur plusieurs kilomètres en octobre dernier, sur la ligne 15, à partir de la gare de Noisy-Champs en Seine-et-Marne. L’impact de la crise sanitaire sur les lignes qui n’étaient pas encore en travaux sera limité, de l’ordre de quelques mois.

Les lignes déjà en travaux vont, en revanche, subir un retard de six à huit mois, en raison de l’arrêt total des chantiers lors du premier confinement, puis de la désorganisation complète de la chaîne logistique. « Nous avons connu une baisse de productivité lors du redémarrage en avril, du fait de la fermeture des écoles, des hôtels… et de la difficulté de maintenir des chantiers 24 heures sur 24, quand les gens étaient confinés chez eux. »

Le reconfinement de novembre n’a heureusement pas eu de conséquences analogues car les entreprises avaient mis en place un protocole sécurité très rigoureux sur leurs chantiers.

La Société du Grand Paris recherche, avec ses maîtres d’oeuvre et les entreprises de travaux, les moyens de résorber le retard et surtout de ne pas l’accroître. Cela dépendra de la façon dont la crise sanitaire évoluera. « Pour le moment, à l’échelle de l’enjeu du projet, l’impact est  cependant modeste, en comparaison à certains secteurs de l’économie, fortement sinistrés. », assure Thierry Dallard.

La crise n’a pas, non plus, arrêté les appels d’offres. « Ils ont été signés aux dates prévues et les lancements de procédure n’ont pas été impactés. » Les appels d’offres les plus importants seront lancés cette année et au plus tard au premier trimestre 2022.

L’aubaine des taux très bas

La crise qui a fait baisser les taux d’intérêt, a permis à la SGP de bénéficier de conditions financières excellentes. « On a fait une émission obligataire en plein confinement, avec des modalités favorables », rappelle Thierry Dallard.

De plus, tout récemment, le conseil de surveillance a autorisé un volume d’emprunt maximum de 10 milliards d’émissions vertes si les conditions de marché le permettent. Ce qui permet ainsi de poursuivre la sécurisation du financement du projet.

Rappelons qu’en 2017, un rapport de la Cour des comptes avait mis en cause l’équation financière de la SGP et s’inquiétait « d’une trajectoire financière non maîtrisée » qui pourrait « faire entrer la SGP dans un système de dette perpétuelle ».

Pour renforcer les moyens de la SGP et lui permettre de mener à bon port le chantier dont le coût prévisionnel avait alors été réévalué à 35 milliards d’euros en 2017 (alors qu’il était censé coûter 25 milliards en 2013), le député LR Gilles Carrez, chargé de trouver une solution, avait en effet proposé d’accroître les recettes fiscales de la Société du Grand Paris, en les faisant passer de 200 à 250 millions, dès 2018. « Avant la Covid-19, nous n’avions que 50 % de ce montant. Les taux très bas que nous avons obtenus, nous ont permis de présenter au Parlement fin 2020, une trajectoire recalée, permettant de rembourser notre dette, sans avoir à remonter la fiscalité », se félicite Thierry Dallard.

Dans un but de consolidation, la SGP prévoit d’emprunter, en 2021, à une hauteur supérieure à ses besoins, comme elle l’a déjà fait en 2020. De manière à avoir deux années de réserve et de disposer fin 2021, d’un encours de dette de 80 % de ses besoins, afin d’être capable de financer le projet jusqu’à la fin du prochain quinquennat. Ce qui donne de la visibilité aux entreprises : la robustesse du projet est démontrée via sa capacité d’affronter l’avenir de manière sereine avec l’assurance de disposer de fonds.

Pas d’inquiétudes non plus liées aux incertitudes actuelles sur l’immobilier des bureaux et sur la façon dont le marché va évoluer. L’essentiel des recettes est calé sur le stock de bureaux existant, et non pas sur les ressources locatives.

« Aujourd’hui nous avons une trajectoire de remboursement amortissable en 2070. Si demain les recettes étaient moindres, nous n’aurions pas les problèmes majeurs que la Cour des comptes avait relevés. »

La méthode Dallard

Interrogé sur sa méthode, Thierry Dallard répond : « c’est un cocktail de mes expériences, dans le public et le privé ». Au cours des 15 années passées dans le secteur public, notamment au ministère de l’Equipement, il a « acquis la conviction que pour faire des projets complexes, la concertation doit être un acte de foi. Qu’il faut expliquer, écouter, convaincre et se remettre en cause ».

Et durant les 12 ans passés dans le privé, explique-t-il, il a utilisé « des outils qui n’existent pas dans la sphère publique et a acquis la culture de la gestion des risques ». Il a aussi été confronté à l’expérience des marchés financiers et des lancements d’émissions obligataires. « S’il y a une méthode Dallard, c’est celle de la biodiversité, y compris dans les organisations humaines ! », lance-t-il.

D’où cette conviction : pour mener à bien un projet aussi ambitieux que le Grand Paris Express, il faut réunir des talents dans tous les domaines. « Parce qu’un système monoculture ou monoformation ne marcherait pas. » Selon lui, c’est en mélangeant les expertises que l’on pourra faire aboutir le projet.

La SGP prévoit d’ailleurs de poursuivre ses recrutements pour passer de 200 salariés en 2018 à 1 000 fin 2021. L’entreprise n’a pas cessé les embauches durant le confinement. « On devait embaucher 300 personnes en 2020, nous y sommes parvenus. » Même si l’intégration, en pleine période de confinement, n’a pas toujours été aisée.

Dialogue et concertation

Comment se passent les relations, qui n’ont pas toujours été faciles, avec les élus ? « C’est grâce aux maires que le projet a vu le jour et que cela va aussi vite », estime le président du directoire. « Il n’y a pas beaucoup de grands projets publics d’infrastructure qui soient passés aussi vite du stade de concept politique, au premier coup de pioche. Cela n’aurait pas été possible sans l’adhésion des élus. »

Ce dialogue constant avec les élus se double de discussions sur le terrain avec les riverains. Une vingtaine de tunneliers qui creusent et 300 chantiers à mener rapidement pour tenir les délais, c’est en effet autant de nuisances pour le voisinage. « Quand on doit faire tourner des chantiers 24/24, il faut parfois convaincre, expliquer, accompagner, réduire les nuisances pour organiser le chantier. C’est le travail du maître d’ouvrage. Et c’est là que la SGP a mis tout son poids dès l’origine, parce que nous avions conscience que cela allait être essentiel. »

Si Thierry Dallard reconnaît qu’il peut y avoir des tensions avec les élus, il assure qu’il n’y a pas d’exemples où on n’a pas trouvé de solutions.

Et demain ?

Pour lancer les appels d’offres, qui permettront de choisir les futurs exploitants des lignes de métro, une plateforme a été mise en place, réunissant la SGP, la RATP, qui sera le gestionnaire d’infrastructure et Ile-de-France Mobilités, l’autorité organisatrice. « Ce sera plus complexe que les mises en services auxquelles on a été habitué jusqu’à présent. C’est pourquoi nous avons mis en place un plateau commun. » L’exploitant des lignes 16 et 17 devrait être choisi mi-2022.

Autre question sensible : comment financer le coût de fonctionnement du métro du Grand Paris, estimé à un milliard d’euros annuels ? « Le financement, n’est pas de notre ressort. Nous n’avons pas pour charge de définir la politique fiscale ou tarifaire. Mais c’est une question qui est devant nous », reconnaît Thierry Dallard.

Quant à l’avenir de la SGP elle-même, une fois que sa mission sera achevée, Thierry Dallard estime qu’il est trop tôt pour l’évoquer. « Nous sommes encore en phase de montée en puissance. Quand on aura franchi le cap des recrutements, puis celui de la première mise en service opérationnelle, on pourra se poser la question. » Il constate que ce n’est pas un sujet de préoccupation pour ses collaborateurs. « Sans doute parce que peu d’entre eux ont une visibilité à 10 ans. Et parce que les talents qui auront travaillé sur ce projet et auront enrichi leur expérience, pourront la valoriser. Soit de manière individuelle, en travaillant pour des sociétés ailleurs dans le monde, ou avec un spin-off du Grand Paris pour d’autres projets. »

Et de conclure :  « Ce dont je suis sûr, c’est qu’ils auront accumulé un savoir qui aura vocation à être utilisé. Je crois profondément au modèle économique et juridique de ce projet, mais aussi à son modèle d’aménagement, consistant, non pas à faire de grandes radiales sur des terres agricoles ou des forêts comme le RER, mais consistant à développer une vision structurée autour du mass transit, dans une logique de reconstruction de la ville sur la ville. Les équipes qui seront capables de gérer les relations avec les marchés financiers, de savoir gérer la gouvernance locale et la complexité contractuelle et technique des outils à mettre en place pour ce genre de projet, auront des choses à faire devant elles. Pour l’heure, ajoute leur patron, la priorité est de faire face aux challenges qui se présentent et de se mobiliser à 200 %. Quand on les aura franchis, on pourra se projeter, mais on n’en est pas là. »

Valérie Chrzavez


Un modèle transposable

Le modèle du GPE est-il transposable ? « Oui », répond Thierry Dallard, qui est allé présenter le projet à Bruxelles, où on a plutôt tendance à soutenir les projets de liaisons interurbaines. « Les nœuds urbains n’étaient pas, jusqu’à présent, dans son cœur de priorité. C’est pourtant là qu’on coche toutes les cases du développement durable. » Agir sur les nœuds urbains permet de réduire l’usage de la voiture et donc les émissions de gaz à effet de serre, de désenclaver des territoires et de limiter l’étalement urbain, en permettant à des territoires de se redévelopper, sans avoir à créer de villes nouvelles. « En termes de politique de transport, le GPE devrait être une inspiration pour l’Europe. Pas seulement en termes de trafic, mais sur l’effet structurel que cela peut avoir en termes d’urbanisme », estime-t-il.


Pas vocation à devenir aménageur

« Si on regarde le PIB, les économistes évaluent entre 10 à 20 milliards le PIB supplémentaire induit par la création du GPE, soit quatre à huit milliards de recettes fiscales induites au niveau national. La création de valeur réelle permettra donc de rembourser le métro.» Mais pour Thierry Dallard, la vraie création de valeur, c’est le développement immobilier. Une valeur qui ne sera pas captée par la société du GPE qui n’a pas vocation à devenir aménageur. « On a assez à faire comme maître d’ouvrage du GPE et on ne veut pas troubler les messages en sortant de notre rôle », justifie Thierry Dallard. La société aura tout de même un rôle dans le développement immobilier, qui se limitera, en tant que propriétaire foncier, à valoriser les parcelles non utilisées pour ne pas laisser de dents creuses. « On a évalué à un million de mètres carrés ce que l’on pourrait faire sur un potentiel de 30 à 40 à l’échelle des quartiers de gare. C’est modeste, mais c’est quand même trois à quatre fois le village olympique.»


Trois enquêtes d’utilité publique prévues en 2021

Les lignes du Grand Paris Express seront progressivement mises en service entre 2024 et 2030. Actuellement plus de 40 km sur les 200 km prévus ont déjà été creusés. Et plus de 20 milliards d’euros engagés.« Nous avons encore trois enquêtes publiques en 2021, pour décision en 2022, avant les présidentielles, pour le tronçon est de la ligne 15. Celle du tronçon ouest qui entérinera le déplacement de la gare de la Défense et celle d’utilité publique modificative du tronçon ouest de la ligne 18, intégrant le repositionnement de la gare de Saint-Quentin et la mise au sol du viaduc entre le CEA et le golf, afin de réduire l’impact sur le paysage et de réduire l’emprise foncière. Pour la ligne 18, le GPE a réduit de 20 % l’emprise sur les terres agricoles », souligne Thierry Dallard. L’abandon d’Europacity ne remet pas en cause la ligne 17, mais va demander de redimensionner la gare du triangle de Gonesse. En attendant de savoir ce que l’Etat en fera, la Société du Grand Paris a choisi d’accélérer la mise en œuvre de la gare de Villepinte, initialement prévue pour 2030, qui pourrait être mise en service au parc des expositions, en 2028.

Ewa

« Si on est excellent, personne (à part nous) n’aura envie de gérer nos gares »

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En janvier, Marlène Dolveck a quitté HSBC pour devenir directrice générale de SNCF Gares & Connexions. Elle avait aussi auparavant passé 12 ans au sein du groupe La Poste. « Je suis arrivée à la fin des grèves sur la réforme des retraites et j’ai été confinée le 15 mars. Autant dire que je n’avais pas imaginé mes 100 premiers jours comme cela ! » Elle se souvient de la sidération qui a suivi : « on a fermé les gares, les commerces… ». Mais la nouvelle directrice générale assure avoir profité de cette période pour se projeter dans l’avenir et travailler avec ses équipes sur son projet stratégique. « En termes de gestion de l’entreprise, on a su profiter de cette période pour en faire quelque chose de positif. » Lors du Club VRT du 13 octobre, elle a dressé le bilan de ses neuf premiers mois, au cours desquels rien ne s’est passé comme prévu, et elle a expliqué son projet pour l’entreprise.

Un nouveau statut et des missions bien définies

L’entité dont elle a pris la tête, c’est 3 000 gares réparties sur tout le territoire national, 4 700 collaborateurs et 15 000 salariés œuvrant dans les gares, 1,6 milliard d’euros de chiffre d’affaires généré par les péages et 1 500 commerces. Pour mener à bien ses missions, SNCF Gares & Connexions s’appuie sur ses filiales : Retail & Connexions pour la location des espaces et des commerces en gare ; Arep, la plus grosse agence d’architecture de France ; Lagardère & Connexions (une filiale sous forme de joint-venture avec Lagardère) pour exploiter les magasins Relay, Hubs et Connexions qui développe le savoir-faire à l’international.  

« Nous nous positionnons comme le spécialiste de la gare en France, de la conception à l’exploitation en passant par la sûreté, le nettoyage et la commercialisation des espaces », résume Marlène Dolveck.

Depuis le 1er janvier, SNCF Gares & Connexions est devenue une société anonyme. « Ce nouveau statut nous engage. Nous avons notre conseil d’administration, notre bilan et notre compte de résultat en propre », souligne Marlène Dolveck. Les missions de l’entreprise sont fixées par la loi. « La SNCF est notre meilleur client, mais la loi définit nos missions de façon claire et nous demande l’équité vis-à-vis de toutes les entreprises », ajoute-t-elle.

Il s’agit notamment d’offrir une équité de traitement à l’ensemble des transporteurs qui vont entrer sur le marché, de favoriser l’intermodalité et le développement équilibré des territoires. Un exemple : l’intermodalité passe par la multiplication des places de vélo sécurisées aux abords des gares. 20 000 sont déjà disponibles, il devrait y en avoir 70 000 de plus en cinq ans. Il faudra aussi faciliter l’accès des gares aux transports en commun et à la voiture, ajoute-t-elle.

Une stratégie visible pour tous

Dans ce cadre, la nouvelle patronne des gares travaille à la construction d’un projet stratégique visant à créer des gares « pratiques, modernes, efficaces et remarquables ». Et elle explique : « on conceptualise ces idées et on en donne des preuves par l’exécution. Il faut que le client le voit ». Dans sa stratégie, elle tient compte du développement durable et de la RSE. « On veut mettre à nouveau de la vie dans les gares. On y ouvre des glaciers, des crèches, des salles d’escalade… pour donner toute sa place à l’humain. On travaille avec les collectivités pour redonner de la vie. »

Gares & Connexions adapte sa stratégie en fonction de la taille et du profil des gares. Ainsi, pour développer les petites structures, Marlène Dolveck veut favoriser les partenariats public-public, notamment avec La Poste. « J’ai un attachement au service public, que je souhaite maintenir dans les territoires. »

Avec la réforme ferroviaire, et dans un souci de cohérence, Gares & Connexions a récupéré les quais et les grandes halles voyageurs. « Il y en a de très belles à Bordeaux, à Paris, en Gare de Lyon ou à Saint-Lazare… Elles nécessitent des investissements importants », énumère Marlène Dolveck, qui souhaite une « qualité de service irréprochable ». Selon elle, « il faut donner envie. Envie de gare, envie de prendre ou rependre le train, parce que c’est un mode de transport écologique ». Pour cela, elle veut améliorer l’expérience des clients en gare, ce qui passe par la modernisation des lieux. « Cela représente l’accueil en gare de 10 millions de personnes chaque jour », indique la directrice générale en précisant qu’elle compte aussi, parmi ses clients, les autorités organisatrices des mobilités qui subventionnent une partie des travaux qu’elle effectue.

Le commerce à la rescousse

Pour financer l’entretien et la modernisation de ses 3 000 gares, qui nécessitent des millions d’euros chaque année, la SNCF a choisi de transformer les plus fréquentées en espaces commerciaux, en accordant des concessions à des foncières immobilières. Attirées par des rendements élevés, les enseignes ne se font pas fait prier. Toutefois, désireuse de mieux profiter de cette manne financière, la SNCF a tiré des leçons et fait peu à peu évoluer son modèle en cherchant une meilleure répartition des redevances. Ainsi, l’accord noué avec Ceetrus pour rénover la Gare du Nord est plus avantageux pour la SNCF que celui qui avait été signé pour la modernisation de Saint-Lazare et qui représentait à l’époque une première. « L’investisseur paye, mais on a une meilleure rétribution », indique la dirigeante.

Reste que, si la SNCF veut être mieux rémunérée, elle devra aussi payer une part plus importante des travaux de rénovation. Donc disposer de moyens suffisants. « C’est le sujet du contrat de performance sur lequel nous travaillons avec l’Etat. Nous verrons alors quelles sont nos marges de manœuvre. Nous sommes plutôt peu endettés, mais comme nous sommes la fille de SNCF Réseau, nous partageons son objectif de cash-flow à zéro en 2024 », rappelle Marlène Dolveck. « Plusieurs possibilités d’investissements s’offrent à nous : les subventions, les PPP et ce qu’on peut financer. »

Des vents contraires

Actuellement, les débats montent autour du développement commercial des gares. Des élus écologistes, notamment, remettent en cause ce modèle économique. « Il y a des sujets politiques, des tendances qui amènent certains à dire que le commerce, ce n’est pas bien », constate Marlène Dolveck, avant de rappeler : « le commerce permet de faire baisser les péages. » C’est donc vertueux pour le ferroviaire. « Si les tarifs des péages sont moins élevés, cela permet de faire baisser les prix du transport et d’attirer les voyageurs. » Elle insiste sur le fait que le commerce est vertueux pour l’écosystème global et souhaite continuer à le développer, d’autant que la demande est forte. « Beaucoup de commerçants sonnent à notre porte, parce qu’ils veulent s’installer dans les gares. »

Autre sujet de préoccupation, la montée des critiques contre la publicité. « Elle finance l’écosystème », prévient Marlène Dolveck tout en reconnaissant qu’il faut réduire la consommation énergétique des panneaux publicitaires électriques. « Il faut trouver le bon équilibre pour ne pas griller du carbone inutilement et faire vivre les entreprises publiques. » Mais elle s’interroge : « entre un panneau digital qui fait tourner une vingtaine de publicités et une vingtaine d’impressions qui nécessite de faire venir un colleur en voiture pour les installer, je ne sais pas ce qui est le moins vertueux. » Et elle met en garde : « ne plus avoir de publicité serait très mauvais pour nos finances et pour l’écologie. »

L’ouverture à la concurrence en toile de fond

Qu’est-ce que la publication du décret « gare » va changer pour Gares & Connexions avec l’ouverture à la concurrence et la possibilité de transférer la gestion d’une petite gare à un opérateur ferroviaire ? « Plutôt que de se poser la question, je préfère prendre les choses à l’envers et dire à mes équipes : le sujet c’est d’être bon. Si on est excellent, personne n’aura envie de s’occuper des gares, car c’est un vrai métier. »

Pour que Gares & Connexions conserve la mainmise sur toutes les gares, il faudra faire des efforts de productivité et d’efficacité, reconnaît Marlène Dolveck. Et proposer un catalogue de services pour l’ensemble du marché et des entreprises ferroviaires. Dans ce catalogue, chacun devra trouver à la fois du low cost et du high‑tech, bref du sur-mesure avec les tarifs en toute transparence. « Pour que les régions n’aient pas l’impression de subir et de se faire imposer les choses », insiste la nouvelle DG. « Si je suis compétente, il n’y a pas de raison d’aller voir ailleurs. S’il y a des insuffisances, je comprendrais qu’ils changent. » En revanche, les petites haltes ne peuvent pas s’autofinancer. D’où l’intérêt du système de péréquation actuel, faisant financer les travaux des petites gares par les plus importantes.

Interrogée sur l’arrivée de nouveaux clients, Marlène Dolveck reconnaît que, pour l’heure, les candidats ne se bousculent pas. « Il n’y a pas de file d’attente pour venir sur le marché français. Même Thello s’est désengagé », regrette-t-elle. La crise n’a rien arrangé. La dirigeante promet aux opérateurs qui viendront qu’ils seront bien accueillis et pourront bénéficier de tout ce que Gares & Connexions fait pour la SNCF. « Tout ce qu’on réalise est pensé pour assurer une équité de traitement. On conceptualise tout en pensant à la concurrence. Aujourd’hui, la SNCF est notre meilleur client, mais demain, ce pourra être différent. »

Interrogée sur ce que pourrait être la gare de demain, Marlène Dolveck répond : « je ne suis là que depuis neuf mois, j’y ai réfléchi, mais je n’ai pas encore trouvé la réponse. Définir la gare du futur est complexe alors que tant de nos gares sont si différentes, au cœur des mobilités et de la révolution des usages. La gare du futur sera sûrement plus « verte », mais la définir en une formule n’est pas facile et, à ce stade, je ne l’ai pas encore trouvée. Ce qu’il faut surtout retenir, c’est que Gares & Connexions est le spécialiste de la gare d’aujourd’hui et de demain, et que ce n’est pas la peine de chercher ailleurs. »

Valérie Chrzavez


La Covid va coûter plus de la moitié du chiffre d’affaires des commerces

Pendant le premier confinement, SNCF Gares & Connexions a décidé de suspendre le loyer des commerces en gare. « Nous avons renoncé à un mois et demi de loyers. Cela n’a pas été suffisant, car les commerçants nous demandent de les aider plus encore. Pour certains, on regarde si nous pouvons mettre en place des redevances variables », souligne Marlène Dolveck, en rappelant que les tarifs sont fixés un an à l’avance. Conséquence de la crise sanitaire, la moitié du chiffre d’affaires des commerces ne devrait pas être réalisée.

Pour la suite, les tarifs régulés sont en négociation avec l’Autorité de régulation des transports (ART). « Ce sont avant tout des calculs mathématiques et on ne décide pas de grand-chose », précise Marlène Dolveck.

Mi-octobre, Gares & Connexions anticipait six mois difficiles, puis un retour à la normale très progressif, avec des modifications d’usages des transports. Mais Marlène Dolveck relativise : « la crise ne va pas tout transformer. Peut-être que, durant quelque temps, on prendra moins le train, mais quand il n’y aura plus de virus, on sera content de vivre comme avant. »

Ces impacts financiers la conduisent à rééquilibrer les investissements, parfois à les réduire. « Mais, à ce stade, ce n’est pas dramatique. Si cela se termine à la fin de l’été prochain, on sera en capacité de gérer », affirme-t-elle. Aussi refuse-t-elle de se projeter dans le scénario du pire et préfère souligner que le plan de relance lui accorde 120 millions pour avancer sur des projets d’accessibilité et continuer à investir fortement.

« En attendant la reprise, on se réinvente. Je pousse mes équipes à trouver de nouveaux leviers du chiffre d’affaires. Il n’y a pas de martingale, mais on y travaille », assure-t-elle. C’est ainsi que Gares & Connexions discute avec un patron de chaîne hôtelière sur un projet de valorisation de ses gares, et travaille sur le développement de la logistique urbaine et le stockage pour le « dernier kilomètre ».

Gares & Connexions a aussi noué un partenariat public-privé d’une durée de 12 ans avec Dalkia, une filiale d’EDF, pour créer une plateforme qui agrégera l’ensemble des données techniques et descriptives de ses 122 principales gares sous la forme de maquette numérique.

Le gestionnaire des gares travaille depuis plus de deux ans sur la méthode BIM dans le domaine de la conception des gares, et pour faciliter leur exploitation et leur maintenance. « Nous allons digitaliser les données et créer des jumeaux numériques de 122 de nos gares et les réunir sur une même plateforme. Ce sera d’une grande utilité pour connaître en temps réel l’état de notre patrimoine », souligne Marlène Dolveck qui veut aussi valoriser le patrimoine foncier au cœur des villes.

« Le fait d’avoir des mètres carrés dans les centres-villes a une grande valeur pour les logisticiens. » Ce business n’est pas encore rentable mais, pour Marlène Dolveck, c’est l’avenir. « Il faut démarrer, favoriser la logistique et les livraisons dans nos gares, et exploiter nos commerces. »

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Ewa

« Les perspectives de développement restent très importantes à moyen terme »

Club Laurence Batlle

Laurence Batlle a rejoint RATP Dev en 2007, avant d’en prendre la présidence dix ans plus tard. Invitée du Club VRT le 22 septembre, elle est revenue sur la création de la société il y a 18 ans, avant d’évoquer son développement, sa gestion de la crise et ses projets.

« RATP Dev a été créée avec la mission de développer le groupe en dehors de son territoire historique, qui va être mis en concurrence. Qui dit mise en concurrence quand on est un monopole, dit perte possible de marchés. Nous devons accompagner l’évolution de la RATP dans un environnement concurrentiel », rappelle Laurence Batlle, la présidente du directoire de RATP Dev.

Lancée en 2002, la petite entreprise est devenue grande. Aujourd’hui, RATP Dev est présente dans 13 pays, compte 20.000 collaborateurs et, avec les deux derniers contrats gagnés (en Toscane et au Caire), devrait porter ses effectifs à 27000 et faire passer son CA de 1,3 milliards à 2 milliards d’euros. « 470 villes nous font confiance que ce soit pour l’exploitation ou la maintenance de tous les modes de transport, y compris les bateaux comme c’est le cas à Lorient », souligne Laurence Batlle qui a rejoint l’entreprise en 2007 après un début de carrière qui n’avait rien à voir avec les transports : après douze années passées chez PricewaterhouseCoopers, où elle devient associé, elle a pris le poste de Vice President Global Finance Support chez Atos Origin. « J’ai alors été approchée par un chasseur de tête », se souvient Laurence Battle, qui raconte avoir hésité en apprenant que le poste qu’on lui proposait concernait la RATP. « Je craignais une inadéquation entre le groupe et ce qui me porte, c’est-à-dire une culture anglo-saxonne. Et c’est une formidable aventure que je vis depuis 12 ans. »

Elle accepte tout de même de rencontrer Jean-Marc Janaillac, avec qui le courant passe immédiatement : leur premier rendez-vous durera 5 heures ! Il lui faudra cependant plusieurs mois de réflexion pour décider définitivement d’intégrer le groupe et de porter le projet qu’elle juge « super culotté » d’un développement hors des frontières historiques.

En 2007, elle rejoint donc RATP Dev en tant que DAF. « Tant était à faire ! », se souvient-elle. En 2011, elle entre au directoire et en 2014, elle prend la tête de la Business Unit Americas-Africa et du Sightseeing. Elle succédera en 2017 à François-Xavier Perin, à la présidence du directoire de l’entreprise.

La conquête de l’Ouest

Partant du constat que RATP Dev est très reconnue à l’étranger, mais moins en France, Laurence Batlle est partie à la conquête de l’Ouest. Avec succès puisque l’entreprise a gagné l’exploitation des transports de Vannes, Lorient, Angers, Brest, et Saint Malo et Quimperlé.

Dans le même temps, à l’international, la société capitalise sur son savoir-faire en métro automatique et remporte d’une part, l’exploitation et la maintenance du métro de Riyad en Arabie Saoudite et d’autre part, via la joint-venture formée avec Keolis, celle du métro de Doha au Qatar.

Dernier succès en date, en septembre 2020, Laurence Batlle est allée signer un contrat au Caire, portant sur l’exploitation et la maintenance pour 15 ans de la ligne 3 de la capitale égyptienne. « Un très beau contrat, dans une ville de 25 millions d’habitants ultra-congestionnée, où lorsqu’on met en place un nouveau système de transport, il est aussitôt bondé car les besoins sont phénoménaux. »

Un mois plus tôt, Ratp Dev avait également signé – enfin !, après des années de recours juridiques- un contrat en Toscane (Italie) pour l’exploitation de cars et de bus, après un appel d’offres lancé en… 2015. Soit 38 réseaux, près de 3 000 bus, plus de 5 000 personnes et 90 dépôts, pour lesquels la société travaille à la reprise des actifs.

L’impact de la crise sanitaire

Le contexte actuel de la crise sanitaire a bien sûr impacté l’activité. « Personne n’avait vu venir un phénomène de cette ampleur qui a touché toutes nos opérations en même temps», rappelle la patronne de RATP Dev. Pour y faire face, il a fallu « réinventer » les process en quelques jours. « Nous l’avons fait en assurant la continuité de l’exploitation, tout en veillant à la sécurité des employés et des voyageurs. En mettant en place tous les amortisseurs possibles pour amoindrir les conséquences financières et en utilisant les aides mises en place par les gouvernements dans les différents pays. Sur tous les pays où nous sommes présents, le mot d’ordre était : « il faut sauver les transports publics. » Et nous avons également mis en place une équipe ad hoc, pour qu’en sortie de crise il soit possible de saisir les opportunités qui pourraient se présenter. » Elle tire de cette expérience le constat que : « face à une crise de cette envergure et un niveau d’incertitude fort, il faut être agile, robuste, humble et jouer collectif. »

Reste que certains projets ont été décalés. « Certes, avec le crise, les autorités organisatrices ont davantage prêté attention au quotidien et moins à des projets de plus long terme comme le Maas (Mobility as a service, ndlr). Mais dans de nombreux réseaux, la crise sanitaire a poussé à innover, notamment sur le sans contact. Beaucoup de réseaux sont passés au SMS ticketing et ont amélioré l’information voyageurs. Par exemple, nous communiquons aux voyageurs des informations sur le taux de remplissage des bus pour leur permettre de décider s’ils préfèrent attendre le bus suivant pour respecter les règles de distanciation physique ».

Des tendances favorables à moyen terme

Laurence Batlle assure qu’à moyen terme, les tendances restent favorables pour le secteur, en raison de l’urbanisation croissante et des enjeux environnementaux. Mais elle admet qu’à court terme, dans les pays matures, la fréquentation des transports devrait rester en recul. « En France, le taux de fréquentation est entre 60 et 70 % de la normale, en fonction des réseaux. Nous devons réinventer notre modèle pour trouver un équilibre satisfaisant, à la fois pour les autorités organisatrices des mobilités, les voyageurs et les opérateurs. Les voyageurs ne sont complètement de retour que dans certains pays émergents, où les gens n’ont pas d’autres alternatives. »

Laurence Batlle se garde de faire des prévisions sur un retour à la normale, que ce soit en France ou ailleurs dans le monde, tant on manque encore de visibilité. « On modélise plusieurs scénarios. Il faut prendre en compte l’impact du télétravail, qui se fait surtout sentir en Ile-de-France, ainsi que les conséquences sur le transport scolaire avec des abonnements en diminution par rapport aux années précédentes. Les dernières tendances nous laissent espérer qu’en France on retrouvera en 2021 un trafic de l’ordre de 90 à 95 %, par rapport à l’avant-Covid. La seule certitude, c’est que la crise va durer encore quelque temps. »

Mais la dirigeante fait preuve d’optimisme en rappelant que la crise sanitaire ne doit pas occulter le fait qu’il y existe à moyen terme des perspectives très importantes de développement. « Nous allons connaître une situation jamais vue, avec les premières mises en concurrence de TER, les opportunités du Grand Paris Express, la mise en concurrence du Transilien, d’Optile et demain de la RATP… » Soit autant d’opportunités extraordinairement attractives dans les années à venir pour tous les opérateurs en général et pour RATP Dev en particulier.

Des alliances pour gagner des marchés

Pour remporter le contrat CDG Express, la liaison ferrée directe et dédiée qui doit relier la gare de l’Est à l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle, RATP Dev s’est alliée avec Keolis. Un contrat gagné il y a tout juste deux ans.

L’entreprise attend désormais les premiers appels d’offres portant sur les TER. Dans cet objectif, elle a noué un partenariat avec Getlink afin de créer une société commune, Régionéo, et répondre avant tout aux appels d’offres de Grand Est et des Hauts-de-France. « Nous sommes convaincus que cette alliance française d’un opérateur de transport de passagers et d’un opérateur de gestion et de maintenance des infrastructures, va permettre d’apporter aux Régions des solutions sur mesure innovantes pour l’ouverture du rail régional. »

Sur le marché francilien aussi, RATP Dev veut se faire une place. « Sur le réseau Optile, nous sommes peu présents, avec 7% de parts de marché. Non seulement nous allons défendre nos positions, mais nous pensons apporter plus de valeur, en répondant à de nombreux appels d’offres. En Ile-de-France, comme ailleurs, nous avons de grandes ambitions », poursuit Laurence Batlle. « Nous arrivons avec un œil nouveau, en offensif. Ce qui peut donner envie de changer d’opérateur. Nous travaillons avec les autorités organisatrices pour comprendre leurs relations avec leur opérateur et nous analysons le marché pour pouvoir être sélectifs sur les projets afin de cibler nos batailles. »

Pour le Grand Paris, le groupe RATP, via sa filiale RATP Dev, a choisi de s’allier avec Alstom et le singapourien ComfortDelGro, « réputé pour la propreté de ses stations, son approche clients et sa qualité de service», souligne la dirigeante . Les trois entreprises, qui sont très engagées sur les questions de maintenance prédictive, veulent faire du Grand Paris une vitrine. « C’est une alliance qui permettra de construire la proposition de valeur la plus pertinente pour Ile-de-France Mobilités et les Franciliens. »

Le sightseeing va peser sur les résultats de l’entreprise

Mais RATP Dev se prépare néanmoins à connaître en 2020 les résultats les pires de son histoire. « Pas tant en raison du mass transit, mais de notre offre B to C de sightseeing qui a été fermée le 5 mars et qui n’a repris qu’à la mi-juillet, avec un niveau de fréquentation de 10% par rapport à l’an passé. Le retour à la normale n’est pas attendu avant 2024. Cette activité va impacter notre performance et peser sur nos résultats à hauteur de dizaines de millions d’euros. » Laurence Batlle prévoit donc de finir l’année avec des pertes qu’elle refuse de chiffrer.

Mais, ajoute-t-elle, malgré les difficultés, le développement reste le cap de l’entreprise. « On ne décélère surtout pas ». Le développement à l’international fait toujours partie de la stratégie avec l’objectif de gagner de nouveaux marchés dans des pays comme le Canada et l’Australie, où des projets de métros automatiques sont accélérées. « Ratp Dev compte bien profiter de son expertise démontrée dans ce domaine pour répondre aux appels d’offres dans ces pays stables. »

Dans le viseur de RATP Dev, elle cite aussi les Emirats Arabes Unis. « Nous avons implanté notre siège Middle East à Dubaï et pour l’Asie nous avons un siège régional à Singapour depuis 2018. » A la question de savoir si se positionner sur les mêmes marchés internationaux que d’autres grands acteurs français ne revient pas à une guerre fratricide, elle répond : « Il faut se réjouir que la France ait trois grands champions de transport public capables de batailler à l’international. Parce que, lorsqu’on est plusieurs à répondre à un appel d’offres avec cinq opérateurs dont deux Français, cela fait deux fois plus de chances que ce soit un Français qui remporte le marché. »

Attirer des talents et féminiser les effectifs

Pour accompagner sa croissance, RATP Dev a besoin d’attirer des talents et de les garder. Dans ce but, l’entreprise veut leur proposer des carrières évolutives en interne et des carrières à l’international. « Notre croissance va nous permettre de continuer à proposer à des talents français d’exporter leurs compétences dans des pays où nous sommes. Nous voulons aussi offrir des carrières internationales à des expatriés non français. » C’est ainsi que des salariés algériens ont pu partir vers le Caire ou Riyad.

Autre objectif de la présidente du directoire : travailler sur la mixité pour diversifier un monde des transports encore très masculin. C’est à ce titre que RATP Dev va former des femmes conductrices de BHNS au Moyen-Orient.

Par ailleurs, elle affirme veiller tout particulièrement à l’égalité salariale et à ne pas pénaliser les femmes partant en congé maternité (leur bonus n’est pas proratisé, et elles bénéficient de hausses de salaires a minima à hauteur de la structure à laquelle elles appartiennent). « Nous faisons aussi notre maximum pour combler les écarts de salaires », assure la présidente, fière des bons scores de l’entreprise à l’index Penicaud. Et elle rappelle un chiffre : en l’espace de trois ans, le nombre de manageuses est passé de 25 % à 30 % à RATP Dev.

Valérie Chrzavez


Evoquant son parcours, la présidente explique que rejoindre RATP Dev lui a permis de vivre une belle aventure humaine. « C’est une société construite par des hommes et des femmes remarquables, motivés par de grandes valeurs. »

Une société qui est, selon elle, à l’écoute des autorités organisatrices pour contribuer à améliorer la qualité de vie des voyageurs, en leur rendant du temps. « En Afrique du Sud, nous avons calculé que prendre le train entre Pretoria et Johannesburg permet de gagner 40 jours de travail ouvrés par rapport à la route. »

Et pour imager RATP Dev, Laurence Batlle raconte le logo imaginé par les salariés. « Un homme divisé en deux. Avec une moitié de son corps revêtue d’un costume cravate et l’autre d’une tenue d’Indiana Jones. Cela représente bien nos deux piliers : être une entreprise alliant sécurité, technique, pro, fiabilité et robustesse et un état d’esprit de jeune conquérant qui a encore envie de se développer et qui n’a peur de rien. »

Ewa

« Nous avons inversé la tendance en gagnant de gros contrats »

Club Henaut 2020

Réuni le 2 juillet à Paris, le premier Club VRT post-Covid a donné la parole à Edouard Hénaut, patron France du groupe Transdev qui venait de remporter les deux premiers lots de lignes de bus ouvertes à la concurrence en Ile-de-France. Il est revenu sur l’impact de la crise sanitaire et a exposé les espoirs nourris par son groupe avec l’ouverture à la concurrence en Ile-de-France et sur le marché ferroviaire.

Premier invité du Club VRT depuis la crise sanitaire et la fin du confinement, Edouard Hénaut est revenu longuement sur l’impact et la gestion de l’épidémie de COVID-19 dans les réseaux de transport gérés par Transdev. « Notre implantation en Chine, en Australie, dans l’Oise et à Mulhouse, les deux premiers clusters français, puis notre activité de transport par ambulance (Carius) nous ont aidés à ressentir et à anticiper ce qui allait arriver. Nous étions aux avant-postes : dès le 5 mars, nous faisions de la gestion de crise et dès le 16 mars, veille du confinement, nous étions prêts. L’effet crise a accéléré notre plan de digitalisation, on a équipé 50 postes à distance en 15 jours pour la paie, la comptabilité… rapporte le patron France du groupe français de transport public. L’effet crise a aussi accéléré l’innovation en interne : notre start-up entrepreneuriale Flowly a développé des capteurs pour tracer les smartphones des passagers dans les bus et recueillir ainsi des données sur les taux de charge ». Informations utiles aux usagers qui « redoutent la foule dans les bus, de peur d’être contaminés. Ces infos sont disponibles sur l’appli des réseaux, neuf sont déjà équipés en France », indique Edouard Hénaut qui observe par ailleurs que les
mesures sanitaires mises en place depuis le déconfinement signent l’avènement du paiement sans contact et du post-paiement dans les transports publics.
« Les autorités organisatrices de mobilité nous confirment la fin progressive du cash », rapporte-t-il.

Transdev tire deux gros lots en Ile-de-France

Passé le pic de la crise sanitaire, il a fallu gérer le casse-tête de la reprise avec un protocole particulièrement contraignant dans les transports collectifs, et en plein bouleversement du modèle économique du secteur dont les
finances sortent exsangues avec quatre milliards d’euros de déficit et un retour timide des voyageurs (40 à 50 % sur les réseaux urbains, 30 à 40 % dans les cars interurbains), Edouard Hénaut garde dans le viseur l’ouverture à la concurrence. Sur les lignes de bus franciliennes, sur les lignes TER en région et sur certaines liaisons de trains d’équilibre du territoire (TET).

Jeudi 2 juillet, sous les ors de la mairie du VIIe arrondissement parisien (où la maire sortante Rachida Dati venait d’être réélue), Edouard Hénaut avait d’ailleurs un peu de mal à dissimuler sa joie puisque, au moment où il s’exprimait, un communiqué d’Ile-de-France Mobilités (IDFM) annonçait que Transdev était pressenti pour exploiter deux lots de lignes de bus dans l’est de l’agglomération parisienne. Le 8 juillet, le conseil d’administration de l’autorité organisatrice des transports franciliens entérinait la décision. La filiale de la Caisse des dépôts devrait exploiter à partir du 1er janvier 2021 29 lignes de bus sur le territoire de Val d’Europe-Marne et Gondoire (Marne-la-Vallée) ainsi qu’un service de transport à la demande. Et 32 autres lignes sur l’agglomération Grand Paris Sud (Sénart) déjà exploitées par Transdev. Deux territoires situés en Seine-et-Marne. Le premier lot représente environ 120 millions d’euros sur cinq ans, le second 180 millions d’euros sur sept ans.

Pressé par Bruxelles d’ouvrir à la concurrence les 1 500 lignes de bus franciliens (hors RATP), IDFM qui est présidé par Valérie Pécresse (LR) démarre donc le processus de libéralisation en grande couronne sur le réseau Optile. Un marché de 900 millions d’euros par an que se partagent déjà Transdev et Keolis avec un tissu de PME locales passées dans leur escarcelle ou via des sous-traitants. Ils emploient environ 10 000 conducteurs.

Jusqu’à présent, les marchés de bus franciliens étaient passés de gré à gré, ils vont progressivement être mis en concurrence après une rationalisation du réseau divisé en 36 lots.

Le premier, le tramway T9 au sud de Paris, avait été attribué en 2019 à la filiale de la SNCF, Keolis. Les deux premiers gros lots de bus reviennent donc à Transdev.

Pas candidat au Grand Paris Express

Pendant la crise sanitaire et les mesures de confinement à travers le monde, les appels d’offres ont continué leur course, « sauf en Australie (le groupe exploite toute la palette du transport public dans les quatre principales villes du continent australien, ndlr) qui a décidé une pause d’un an », indique Edouard Hénaut.

En Ile-de-France, « la pression n’a jamais été relâchée, la machine industrielle est en marche », relève le patron France de Transdev, confirmant toutefois que le groupe n’est pas candidat pour l’exploitation des lignes 16 et 17 (au nord et à l’est de Paris) du futur métro automatique Grand Paris Express (GPE). « La crise liée au COVID-19 fait que, pour le moment, on ne se positionne pas sur le GPE, ce n’est plus une priorité pour Transdev, nous nous focalisons davantage sur les tram-trains régionaux, l’ouverture à la concurrence du Transilien et sur les Intercités », indique-t-il sobrement.

Il faut dire que le nouveau consortium formé de la RATP, d’Alstom et du singapourien ComfortDelGro, qui a déposé mi-juin un dossier de préqualification pour le marché de la maintenance et de l’exploitation des lignes 16 et 17 du GPE a de quoi refroidir les ardeurs des challengers de la RATP. « L’ouverture à la concurrence pour le mass transit en Ile-de-France se ferme un peu plus encore », juge Edouard Hénaut.

Les régions les plus pressées de tester la concurrence sur les liaisons TER, la région Sud - Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) en tête, n’ont, elles, pas marqué de pause pendant la crise. Et c’est peu dire que ce marché aiguise l’appétit de Transdev. Au même titre que pour les TET dont l’autorité organisatrice est l’Etat qui a publié fin juillet le cahier des charges. « Nous regarderons de près les appels d’offres TET, TER en régions Sud - PACA, Hauts-de-France, Grand Est ainsi que ceux de régénération des lignes fines de territoires transférées aux régions, confirme Edouard Hénaut. Fort de notre expérience du train régional en Allemagne, nous savons que l’on peut gagner 30 à 40 % sur les coûts d’exploitation (par rapport à la SNCF, ndlr) », glisse-t-il.

Interrogé par un invité du Club VRT sur les spécifications révélées au début de l’été pour les lots ouverts en région Sud - PACA et pour les volumes de personnel qui seraient transférés, Edouard Hénaut estime que « les chiffres retenus dans le cahier des charges sont gérables, mais pas au-delà… ». Egalement interrogé sur la probabilité d’une pénurie de conducteurs de trains, comme c’est le cas outre-Rhin, il répond que Transdev a ouvert des programmes de formation « plutôt que de braconner des talents chez ses concurrents ».

Mission double : gestion des infrastructures et exploitation des TER

« La récente publication du cahier des charges des futurs appels d’offres en région Grand Est préfigure une forme inédite de mise en concurrence : la gestion de l’infrastructure couplée à l’exploitation ferroviaire », observe Edouard Hénaut. Une possibilité ouverte par la Loi d’orientation des mobilités (LOM), votée en décembre 2019, qui offre aux régions la possibilité de se faire transférer la gestion de lignes d’intérêt régional ou local à faible trafic. Les élus menés par le LR Jean Rottner ont donc voté le 10 juillet une décision en ce sens pour la ligne Nancy-Contrexéville et pour un ensemble de tronçons entre Strasbourg (Bas-Rhin) et Epinal (Vosges). Des lignes aujourd’hui fermées, suspendues ou dans un état qui limite leurs
capacités de trafic.

La région prévoit de lancer les appels d’offres d’ici la fin 2020 pour désigner les lauréats entre mi-2022 et début 2023 avec en vue la reprise de l’exploitation ferroviaire fin 2024-début 2025, après deux ans de travaux de modernisation. Un seul opérateur sera donc choisi, à la fois pour l’infrastructure, le matériel roulant et la reprise du personnel de SNCF Voyageurs.

Les Pays de la Loire ont aussi décidé récemment d’ouvrir à la concurrence un tiers du
réseau TER avec un tram-train sur un des deux premiers lots. La région devait publier un avis de pré-information en juillet, puis préparer le cahier des charges qui sera publié en 2021 avec le lancement des appels d’offres en 2022 pour le transfert à un nouvel opérateur (ou la SNCF si c’est elle qui reporte le contrat) fin 2023.
« Nous ne nous positionnerons peut-être pas sur tous les appels d’offres », indique Edouard Hénaut.

Urbain : On a inversé la tendance

Et l’urbain dans tout cela ? « On a inversé la tendance sur les grands contrats et gagné plus de chiffre d’affaires en 2019 (220 M€) que perdu (12 M€) », calcule le patron France de Transdev qui a réalisé 38 % de son chiffre d’affaires sur l’Hexagone. Le groupe a notamment remporté l’exploitation des réseaux de transport de
Dunkerque, Grand-Verdun, Royan, Guingamp-Paimpol, Sens ou Libourne, ainsi que le renouvellement de partenariats historiques avec les sociétés d’économie mixte de Nantes et de Limoges, soit 900 millions d’euros de chiffre d’affaires, sur la durée des contrats.
« On a réussi l’année 2019. En 2020, le cycle est plus rythmé avec 2,9 milliards d’euros remis en appel d’offres. Il va falloir être sélectifs, comprendre les territoires, reconquérir avec une nouvelle donne », note-t-il. La nouvelle donne, c’est notamment la situation financière extrêmement tendue des autorités organisatrices de mobilité. « Ce que la crise a révélé aussi, c’est qu’il faut nouer des alliances et des partenariats, ne pas vouloir faire seul, on le fera quand l’occasion se présentera », lance Edouard Hénaut qui confirme de nouveaux positionnements, sur les RER métropolitains notamment.

Nathalie Arensonas


Une croissance profitable

Filiale à 66 % de la Caisse des dépôts et à 34 % de l’Allemand Rethmann, le groupe basé à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) est présent dans 17 pays, emploie 85 000 collaborateurs dont 34 000 sur l’Hexagone (24 000 conducteurs). Il a réalisé en 2019 un chiffre d’affaires de 7,4 milliards d’euros, en progression de 6,7 % par rapport à une année 2018 à la peine. « Nous avons cherché à poursuivre une croissance profitable et misons sur un mix d’activités plus durables », commentait le PDG du groupe, Thierry Mallet, lors de la présentation des résultats fin mars, en pleine crise sanitaire.