La Commission européenne a sélectionné 107 projets d’infrastructures de transport, qui bénéficieront de plus de 6 milliards d’euros de subventions au titre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE), l’instrument de l’Union pour les investissements stratégiques dans les infrastructures de transport. 353 projets avaient été présentés en réponse à l’appel à propositions publié en 2022.
« Plus de 80 % des fonds soutiendront des projets visant à mettre en place un réseau ferroviaire, fluvial et maritime plus efficace, plus vert et plus intelligent le long du réseau transeuropéen de transport (RTE-T). Les projets renforceront en outre les corridors de solidarité UE-Ukraine, mis en place pour faciliter les exportations et les importations de l’Ukraine« , indique la Commission dans un communiqué.
Parmi les grandes liaisons ferroviaires transfrontalières le long du réseau central RTE-T , citons le tunnel de base du Brenner (reliant l’Italie et l’Autriche), le Rail Baltica (reliant les trois États baltes et la Pologne au reste de l’Europe), ainsi que le tronçon transfrontalier entre l’Allemagne et les Pays-Bas (Emmerich-Oberhausen). Bruxelles va aussi soutenir les projets visant à installer le système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS) en Tchéquie, au Danemark, en Allemagne, en France, en Autriche et en Slovaquie.
La montagne a accouché d’une souris. Très attendu depuis que le ministre des Transports avait demandé en début d’année aux Inspecteurs financiers (IGF-IGEDD) d’expertiser la situation financière des transports franciliens et de fournir des pistes pour sortir de l’impasse dans laquelle se trouve Ile-de-France Mobilités (IDFM), le rapport des hauts fonctionnaires a fuité dans la presse.
Et chez les élus de la région capitale, il fait l’unanimité contre lui. « Scandaleux, insultant », juge François Durovray, président LR du conseil départemental de l’Essonne et administrateur d’IDFM qui a pu le consulter. « Invraisemblable, irresponsable », pour Jacques Baudrier, adjoint communiste à la mairie de Paris, qui siège également au CA d’IDFM. Dans un communiqué publié le 19 juin, l’autorité organisatrice de la mobilité présidée par Valérie Pécresse fait part de sa « grande inquiétude à la lecture du rapport ».
Il faut dire que ses conclusions vont à contre-sens des attentes exprimées en janvier dernier par les élus lors des Assises du financement des transports franciliens. Elles avaient fait salle comble, les pistes de financement avaient fusé, faisant d’ailleurs dire à Marc Guillaume, le préfet de région, que « l’imagination fiscale était débridée ».
D’accord sur rien
L’administration rattachée à Bercy en a à peine tenu compte. Et en plus, ses calculs du déficit d’IDFM pour 2024 et les années suivantes ne sont pas du tout les mêmes que celles de Valérie Pécresse qui l’estime à 800 millions pour 2024 et à 2,7 milliards en 2030, lorsque le métro automatique Grand Paris Express, l’extension d’Eole à l’ouest et des lignes de métro seront réalisés. Les élus communistes l’estiment même à un milliard d’euros dès 2024 et à trois milliards au tournant de la décennie.
Très loin des calculs des inspecteurs financiers qui l’estiment à 500 millions pour 2024, 1,5 milliard en 2030. Et pour combler le déficit, les solutions avancées sont très éloignées des propositions des Assises (à lire ici), et pour le moins déconnectées de la situation sociale : ils préconisent d’augmenter à nouveau le tarif du Passe Navigo qui était passé de 75 euros à 84,10 euros à l’automne dernier. D’augmenter de 1% aussi les contributions des collectivités locales au budget d’IDFM, mais de ne pas toucher au taux du versement mobilité (VM), cette taxe payée par les entreprises de plus 11 salariés pour financer les transports publics. Selon les hauts fonctionnaires, la dynamique des recettes venues des entreprises via le versement mobilité sera suffisante. IDFM juge « ces précisions très optimistes – vraisemblablement trop ». « Même le ministre des Transports Clément Beaune, en aparté, juge le taux du VM trop bas », lâche François Durovray.
Seules pistes nouvelles envisagées dans le rapport : une taxe de séjour additionnelle, une autre sur les véhicules lourds de plus de 1,4 tonne (les SUV), une autre encore sur les voyageurs aériens (on connait d’avance la réaction des compagnies) : « Des bouts de ficelle », juge François Durovray. Et une baisse de 140 millions d’euros du montant des redevances que paiera IDFM à la Société du Grand Paris pour l’usage des voies du nouveau métro automatique. Et pourquoi pas, une subvention annuelle d’équilibre comme fin 2022 après un long bras de fer entre Valérie Pécresse et l’Etat. On est loin des solutions de financement pérennes recherchées.
« Hausses abracadabrantesques» du Passe Navigo
« C’est un rapport télécommandé, qui préfigure une décision politique dans la prochaine loi de Finances en septembre prochain, et qui sera très en dessous des besoins », commente Jacques Baudrier. La stratégie de l’Etat est de faire augmenter le prix du Passe Navigo, ce qui augure des émeutes sociales à l’automne », prédit l’élu communiste. « IDFM refuse absolument des scénarios reposant sur des hausses abracadabrantesques des tarifs proposés par la mission qui seraient socialement insupportables pour les habitants et écologiquement nuisibles à la Région, car ils entraîneraient un report sur l’usage de la voiture », lit-on dans le communiqué de l’autorité des transports franciliens.
Des voyageurs bloqués dans des rames ou des navettes de métro automatiques et qu’il faut évacuer par les tunnels, le long des voies : c’est l’un des scénarios catastrophes redoutés par la RATP. Cinq ans après la paralysie de la ligne automatique 1, en juillet 2018, lorsque 3 000 passagers avaient dû être ainsi évacués, rebelote le 14 juin dernier lors d’un incident « exceptionnel« , comme l’a qualifié Jean Castex, le pdg de la RATP. Survenu en début de soirée sur la ligne 4 du métro, également automatisée, des centaines de personnes sont restées coincées près de deux heures dans une rame sans climatisation, entre les stations Saint-Germain-des-Prés et Montparnasse, suite à une panne encore inexpliquée. Avant d’être évacuées, dans le calme, le long des voies.
Le facteur humain
Sur les réseaux sociaux, certaines critiques de passagers victimes de la panne sont acerbes, et ne portent pas sur l’avarie mais sur les ratés de la prise en charge des voyageurs : le manque d’information sur la nature de la panne, le temps d’attente dans la navette à l’arrêt, l’absence d’accueil en station, à la sortie du tunnel, alors que les naufragés du métro étaient déshydratés. En cause, le protocole d’accompagnement des usagers dans une situation de crise comme celle-ci. Bref, la gestion humaine de l’incident.
« Le public accepte bien les métros automatiques, mais en cas d’incident de cette nature, les voyageurs sont devenus très exigeants. Tout se passe comme si les incidents d’exploitation d’une ligne de métro automatique devaient eux-mêmes être gérés avec la même souplesse apparente. La chaleur en ce jour de canicule a dû ajouter à leur angoisse. Mais il y a un temps incompressible nécessaire pour diagnostiquer avec exactitude la nature d’un incident, et ce temps est préalable à une remise en exploitation respectant toutes les conditions de sécurité des voyageurs et du personnel« , commente Jean-François Revah, psychosociologue qui travaille notamment avec la RATP et la SNCF sur le facteur humain et la transformation des métiers.
Et c’est justement la transformation des métiers, et « l’automatisation à tout crin » que dénonce Jean-Christophe Delprat, délégué FO à la RATP. Un métro automatique n’est pas un ascenseur horizontal, c’est un train avec des avaries sur la voie, sur la navette, les capteurs, des intrusions sur les voies, et tout cela nécessite du personnel qualifié. Il faudrait plusieurs agents de maîtrise polyvalents sur chaque secteur d’intervention [au nombre de sept sur la ligne 4], or il aujourd’hui, il n’y en a qu’un seul : ça ne suffit pas », juge le syndicaliste.
Polyvalents, ces agents travaillent dans les gares et sont chargés des équipes en station, de la surveillance des rames automatiques, des évacuations des passagers. Ils sont aussi habilités à prendre les manettes de la navette automatique. « Tout seul, ils ne savent plus où donner de la tête si les événements s’emballent, selon le délégué FO. Quand on supprime 200 conducteurs sur la ligne 4 en l’automatisant, on pourrait créer des postes d’agents de maîtrise polyvalents, plaide-t-il. Et Valérie Pécresse (patronne de la région et d’Ile-de-France mobilités, ndlr) a beau jeu de dénoncer la RATP, mais elle serre la vis dans les contrats avec les transporteurs, et par conséquent, la RATP réduit la voilure« .
Même son de cloche du côté de la CGT: « Un conducteur intervient dans les rames pour rassurer les voyageurs et décide d’un plan d’évacuation dans les délais les plus courts possible », décrit Christophe Cabos, conducteur sur la ligne 11 et delégué CGT. Sur les lignes automatiques, il y a un manque chronique de personnel, c’est criant pour les agents en station, et les leçons de l’incident de 2018 n’ont pas été tirées« , selon le syndicaliste.
Pour Agnès Ogier, directrice du réseau ferré à la RATP (métro et RER) citée dans Le Figaro, et qui a présenté ses «excuses» au nom de la régie, la situation sur la ligne 4 n’aurait pas été différente avec des conducteurs dans les rames. A l’heure où nous écrivions ces lignes, nous n’avions pas réussi à recueillir la réaction de la RATP concernant le présumé manque de personnel sur les lignes de métro automatique, pointé du doigt par les syndicats.
Pour Arnaud Bertrand, le président de l’association d’usagers Plus de Trains, les conséquences des incidents sur les lignes automatisées semblent pires que sur les lignes classiques, « avec des évacuations souvent plus difficiles à gérer parce qu’il n’existe pas d’agents dédiés à la gestion de crise et qui fournissent une information voyageurs claire et rassurante« . Pendant les JO de l’été 2024, en cas de situation très perturbée comme celle qu’ont vécu les passagers le 14 juin, cette information devra aussi être délivrée dans de nombreuses langues…
Fin connaisseur du transport ferroviaire, Gilles Savary, ancien député socialiste de Gironde, salue le modèle de la Société du Grand Paris pour externaliser la maîtrise d’ouvrage de grandes infrastructures, et les financer. Mais il met en garde contre la pression fiscale, « fabrique à gilets jaunes », comme s’intitule son essai paru en début d’année (1).
Ville, Rail & Transports :Le gouvernement veut placer la Société du Grand Paris en orbite pour la réalisation des RER métropolitains et de leurs gares. Qu’en pensez-vous ? Gilles Savary : C’est plutôt une bonne idée. Avec le Grand Paris Express, le plus grand chantier d’infrastructure européen, la SGP a fait ses preuves dans deux registres : un financement innovant et une maîtrise d’ouvrage complexe. Dotée d’une fiscalité propre (notamment la taxe sur les bureaux, ndlr), elle peut se refinancer sur les marchés financiers au rythme de la construction des projets. En France, l’offre ferroviaire est insuffisante par rapport à la demande, il y a des goulets d’étranglement sur le réseau, et c’est d’ailleurs pour les désengorger que l’on fait des RER métropolitains. Le chantier est énorme, les recettes de péage et les subventions sont à peine suffisantes pour maintenir le réseau ferré en état. La SGP peut amener des fonds plus rapidement mobilisables que des financements budgétaires.
Ce ne serait pas dévoyer le modèle SGP ?
G. S : Je connais les réticences extrêmes de SNCF Réseau et de Gares & Connexions devant la possible arrivée d’un nouvel acteur, immédiatement compétent. D’autant que SNCF Réseau sait qu’il n’a pas les capacités de production industrielle pour accomplir les RER métropolitains. Nous allons affronter une crise d’insuffisance de l’offre ferroviaire : la SGP, qui s’appellera autrement, est donc la bienvenue pour atteindre nos objectifs environnementaux et de report modal. Toutefois, la loi lui interdit d’intervenir là où le réseau ferré existant est exploité : ce qui l’exclut de la plupart des projets de RER métropolitains. Elle pourrait intervenir sur les lignes du Grand Est que la région veut remettre en exploitation. Ailleurs, elle aura des queues de cerises. Sauf à ce que SNCF Réseau en fasse un maître d’ouvrage délégué, ou un maître d’œuvre.
Mais la grande difficulté pour la SGP sera de mobiliser des ressources propres en levant de nouvelles taxes, car dans de nombreuses régions, c’est déjà fait pour les nouvelles lignes à grande vitesse ! Sud, Occitanie et Nouvelle-Aquitaine se sont fait piéger dans des sociétés de projets qui lèvent des impôts locaux, des taxes spéciales d’équipements et des taxes additionnelles aux taxes de séjour pour financer les LGV Bordeaux-Dax-Toulouse, Montpellier-Perpignan, Provence Côte d’Azur.
Dans les Hauts-de-France, Xavier Bertrand est très intéressé pour un RER métropolitain entre Lille et Hénin Beaumont. La SGP est partante, SNCF Réseau n’y voit pas d’inconvénient puisque ce sont des ouvrages ferroviaires nouveaux, mais pas question de créer de nouvelles taxes locales, avertit le patron de la région qui lève déjà des impôts pour la Société de projet du canal Seine-Escaut. Après ce siphonnage fiscal des territoires pour financer des infrastructures ferroviaires nationales, il n’y a plus d’argent !
On ferait mieux d’avoir des recettes fiscales claires et précises et de ne pas se servir de la SGP comme d’un cheval de Troie. Financer des LGV, dont la plupart des gens n’ont pas besoin dans des territoires qui sont en déficit de transports collectifs, par de la fiscalité locale impalpable mais qui a vocation a augmenter, c’est une bombe à retardement. Une fabrique de gilets jaunes ou de bonnets rouges, au choix… Exactement comme pour l’écotaxe ou la taxe carbone. Il aurait donc été bien plus judicieux de garder ces ressources pour les RER métropolitains.
Dans ces conditions, la SGP ne pourrait mettre qu’un pied dans la porte…
G. S : Elle construira peut-être des RER métropolitains si les élus mettent carte sur table et instaurent une taxe juste, pas en catimini, pour combler le déficit de transports collectifs. La SGP construira aussi peut-être des pôles d’échanges multimodaux, des gares. Mais par corporatisme, Gares & Connexions n’a pas très envie de voir débouler un nouveau maître d’ouvrage sur ce marché.
Propos recueillis par Nathalie Arensonas
La Ville inaccessible. Essai sur une fabrique des gilets jaunes. Ed. le Bord de l’eau, 290 p., 18 euros.
Les députés de la commission développement durable et aménagement du territoire de l’Assemblée nationale ont commencé à examiner le 30 mai la proposition de loi sur les services régionaux express métropolitains (SERM) portée par le député Renaissance Jean-Marc Zulesi. Elle fait suite à l’idée lancée en 2022 par Emmanuel Macron de développer « des RER dans dix grandes métropoles françaises ». Objectif : doter ces RER métropolitains d’un cadre juridique et surtout, pouvoir les financer.
Lors d’un séminaire de presse organisé mi-mai par Gares & Connexions, en présence des cadres dirigeants, le sujet n’était pas au programme mais il s’y est invité. Stéphane Lerendu, directeur Grands projets de la société gestionnaire des gares ferroviaires, intervenait à distance, retenu par une audition devant la commission parlementaire chargée d’analyser la proposition de loi (PPL) sur les services express métropolitains (SERM). L’autre dénomination des RER métropolitains appelés de ses vœux par Emmanuel Macron.
L’une des dispositions de la PPL portée par Jean-Marc Zulesi n’est pas vraiment du goût de Gares & Connexions : la possibilité pour la Société du Grand Paris (SGP) de se transformer en Société des Grands Projets. Sans changer d’acronyme, l’établissement public chargé de construire et d’assurer le financement des 200 km de métro automatique et des 68 gares du Grand Paris Express pourrait élargir ses compétences aux futurs RER métropolitains. Elle pourrait en assurer la maîtrise d’ouvrage directe ou déléguée, y compris celle des gares. La pilule serait amère pour Gares & Connexions, la filiale de SNCF Réseau qui gère les gares du réseau ferré national et assure habituellement la maîtrise d’ouvrage de leur construction et rénovation.
La proposition de loi défend l’idée que la SGP présidée par Jean-François Monteils pourrait monter des Groupements d’intérêts publics avec les collectivités locales pour mettre leur RER métropolitain sur les rails et construire ou transformer des gares en pôle d’échanges multimodaux. Car si les collectivités territoriales pourraient, comme l’envisage la PPL, lever de nouvelles taxes pour financer leur RER, elles ne seront pas en capacité, toutes seules, d’en boucler le budget. Outre la mise à niveau de l’infrastructure ferroviaire, les régions devront acheter en effet du matériel roulant pour assurer des services cadencés. La SGP peut lever de la dette, comme elle le fait pour le métro du Grand Paris.
Tout le monde, ou presque, semble tomber d’accord. De la Première ministre Elisabeth Borne à Jean-Marc Zulesi qui préside la commission parlementaire, en passant par Valérie Pécresse, la présidente d’Ile-de-France Mobilités qui se dit « très satisfaite de la proposition de loi sur l’avenir de la SGP, à condition qu’elle livre avant tout le métro du Grand Paris ». Le patron de SNCF Réseau, Matthieu Chabanel, estime que » la SGP peut tout à fait construire des lignes nouvelles (et des gares, ndlr) puis les reverser dans le réseau ferré national « , SNCF Réseau restant, selon la loi, le gestionnaire unique des infrastructures en exploitation. Tout comme Gares & Connexions pour les gares existantes.
Outre la compétence de la SGP éprouvée sur le chantier du métro du Grand Paris, l’établissement public a l’avantage de pouvoir s’endetter alors que SNCF Réseau qui doit remettre d’équerre le réseau ferré existant est tenu dans sa politique d’investissement par une règle d’or qui limite ses possibilités d’endettement.
Inscrit dans une procédure accélérée, la proposition de loi de Jean-Marc Zulesi sera examinée dans l’Hémicycle de l’Assemblée nationale à partir du 12 juin.
Depuis l’automne dernier, l’Alliance 4F, qui regroupe l’ensemble des acteurs de la filière du fret ferroviaire en France, cherche à attirer l’attention de Clément Beaune sur la nécessité, pour ces acteurs, de pouvoir absorber la hausse du coût de l’énergie, disposer d’un réseau ferré fiable et compter sur des investissements et des aides d’ici la fin de la présente décennie. Ceci afin que la filière soit en mesure de regagner durablement des parts de marché, avec comme objectif de faire passer le rail de 10 à 18 % en 2030 et de décarboner en conséquence le secteur des transports.
Et six mois après sa visite aux acteurs du fret ferroviaire français lors de la conférence Objectif OFP de novembre 2022, le ministre des Transports a reçu, ce 23 mai, les représentants de l’Alliance 4F pour leur annoncéer plusieurs mesures de soutien à la filière. « Le gouvernement s’est engagé à réunir un plan de financement de 4 milliards d’ici 2032 et a annoncé une augmentation des aides pour le secteur à hauteur de 200 millions par an, jusqu’en 2030 », résume l’Alliance, qui « estime que ces mesures marquent une avancée attendue depuis plusieurs mois ». Pour 4F, ces mesures « illustrent un réel engagement du gouvernement pour favoriser le développement du fret ferroviaire, ingrédient essentiel de la décarbonation de notre pays », alors que les investissements annoncés répondent à ses demandes présentées depuis 3 ans.
Bien qu’ils soient importants en valeur absolue, les investissements annoncés par le gouvernement seront largement étalés sur la décennie à venir : 2 milliards entre 2023 et 2027, puis 2 milliards entre 2027 et 2032. Sur la première tranche de 2 milliards d’euros, l’Etat doit s’engager à hauteur de 900 millions en faveur du fret ferroviaire à travers les contrats de plan Etat-Région (CPER), engagement quatre fois plus important que lors du précédent exercice des contractualisations au titre des CPER. De quoi satisfaire les demandes de l’Alliance 4F.
Cette dernière a également été entendue pour ce qui est des aides. Clément Beaune a en effet annoncé la hausse du soutien financier pour l’exploitation des services de fret ferroviaire, actuellement de 170 millions par an, à 200 millions d’euros jusqu’en 2030, les 30 millions supplémentaires étant essentiellement destinés au wagon isolé. De plus, cette aide prévue jusqu’en 2027 sera prolongée jusqu’en 2030. « Cette confirmation va permettre de maintenir et de doper le développement du fret ferroviaire et le transport combiné pour les prochaines années », estime 4F.
L’association rassemblant les acteurs du fret indique également que le ministre a assuré ses membres de son appui concernant leur demande d’inclure l’obligation d’étude des embranchements ferroviaires lors de la création de plateformes logistiques au sein du projet de loi Industrie verte. « De plus, une future rencontre avec l’ADEME à propos des certificats d’économie d’énergie, mais également des modalités de soutien pour la modernisation du parc de locomotives, sera organisée par le cabinet du ministre afin d’encourager les entreprises à avoir recours au fret ferroviaire». Enfin, Clément Beaune a confirmé la possibilité, pour les opérateurs ferroviaires en contrat avec SNCF Réseau, de résilier leur contrat de fourniture d’électricité de manière anticipée à partir du 1er juin.
Mais les six mois écoulés ont également été source d’inquiétudes pour les acteurs du secteur en raison des grèves, qui ont nui au bon fonctionnement de l’activité, alors que « l’ensemble de la filière reste attentive à l’évolution du dossier de l’acteur essentiel du fret ferroviaire français compte tenu de son importance sur le marché ». C’est pourquoi si l’alliance 4F estime que même si les annonces permettront de « moderniser et développer les infrastructures nécessaires à l’accélération du fret ferroviaire et du transport combiné sur le territoire français pour les décennies à venir », elle n’en sera pas moins « attentive à la concrétisation effective de ces annonces ». Pour la prochaine étape, Clément Beaune a donné rendez-vous aux membres de l’alliance 4F « pour une réunion de travail avec SNCF Réseau dans la prochaine quinzaine ».
Entré à la SNCF en 1980 comme conducteur de train, Jean-Aimé Mougenot a tracé son sillon, en accédant à des postes à responsabilité avant de devenir, il y a un peu plus de deux ans, directeur TER délégué chez SNCF Voyageurs. Invité du Club VRT le 6 avril, il a estimé que l’ouverture à la concurrence entrait dans une nouvelle phase. Et a énuméré les prochains défis à relever par les transports régionaux.
Pour Jean-Aimé Mougenot, les TER exploités sous l’égide des régions doivent avant tout être considérés comme un succès. Rappelons que la loi de décentralisation de 2002 a donné aux régions la compétence sur les TER via des conventions passées avec la SNCF. « Cette période de 20 ans a été un succès, si on laisse de côté le sujet de la qualité de service, car on peut toujours faire mieux », reconnaît Jean‑Aimé Mougenot. Faisant fi des critiques, il souligne l’engagement des régions qui se sont emparées du sujet ferroviaire, en développant l’offre de transport et en achetant du matériel. Sur la dernière décennie, elles ont ainsi prévu d’investir huit milliards d’euros pour acquérir 860 rames de grande capacité (Regio 2N à deux niveaux), mais aussi des Régiolis, dont les livraisons s’étalonneront jusqu’en 2026. Le directeur des TER met aussi en avant l’engagement des 27 000 cheminots travaillant pour ces transports et qui ont, eux aussi, participé à son essor. Aujourd’hui, 11 business units sont chargés d’exécuter les contrats régionaux.
10 % de fréquentation de plus
En 20 ans, l’offre de TER a augmenté de 25 %, tandis que la fréquentation progressait de 60 %. « Il circule chaque jour 8 200 trains régionaux, dans lesquels prennent place plus d’un million de voyageurs quotidiens », précise Jean-Aimé Mougenot. Le Covid a fait brutalement chuter leur fréquentation, mais le recul n’a pas duré. Les voyageurs perdus au plus fort de la pandémie sont revenus et les TER ont même gagné 10 % de trafic supplémentaire par rapport à l’année 2019, qui avait été une bonne année. Soit une progression de 30 % du trafic en trois ans. « Il n’y a jamais eu autant de voyageurs dans les TER depuis qu’ils circulent », résume-t-il.
Ces trains attirent deux catégories de voyageurs. Ceux qui étaient déjà abonnés avant le Covid et des voyageurs occasionnels, dont le nombre explique à lui seul l’augmentation du trafic survenue ces dernières années. Parmi ces nouveaux usagers, on trouve des voyageurs de loisirs et de tourisme, attirés par les lignes longue distance empruntées en fin de semaine ou pour les vacances. Leur proportion est la même que celle des voyageurs occasionnels prenant le TGV. Ce constat repose sur les fréquentations hors normes enregistrées désormais les vendredis et les week-ends. Les TER ont trouvé leur place sur tout le territoire, en apportant une réponse à la demande de transports publics. Leur attractivité est liée tout autant au maillage territorial qu’à l’envolée du prix des carburants et, ajoute le directeur des TER, à la prise de conscience de la nécessité de se déplacer de façon plus durable.
Trois catégories de lignes
« Nous devons proposer aux autorités organisatrices des offres qui répondent à l’affluence et à l’envie de train des Français. C’est une question de gestion de flux », explique Jean-Aimé Mougenot. Le dirigeant a repris à son compte les trois grands types de transports identifiés par son prédécesseur Frank Lacroix : les dessertes longue distance (Paris-Rouen par exemple), les liaisons régionales interurbaines et les lignes de proximité. Les trains Krono (reliant les pôles régionaux de façon rapide et confortable) et les trains Citi (pour le transport urbain et fréquent) concernent 20 % des circulations, mais 35 % de la fréquentation. « Il existe 160 lignes périurbaines, dont certaines répondent déjà presque aux critères de RER métropolitains », souligne Jean-Aimé Mougenot, regrettant ce nom de RER métropolitain, qui fait trop référence au trafic des RER parisiens, alors que les volumes ne sont pas les mêmes. Sur les lignes denses, on trouve 50 000 à 60 000 voyageurs par jour, comme sur la Côte d’Azur, où le Métrazur assure une desserte cadencée avec 150 trains quotidiens entre Cannes, Nice et Menton, ou encore sur la liaison Léman Express, qui assure du transport transfrontalier entre Annemasse et Genève pour 60 000 voyageurs chaque jour, quelques années après sa mise en œuvre.
A Strasbourg, le Réseau express métropolitain européen, en circulation depuis décembre 2022, a été confronté à des difficultés que le dirigeant du TER met sur le compte de la période de rodage. De plus, la gare de Strasbourg voit passer une multitude de trains différents, TGV, fret, et TER à traction électrique mais aussi à locomotion thermique nécessitant des pleins de carburant. « On a sans doute voulu aller trop vite. Mais les choses vont se régler avec un temps d’adaptation et quelques étapes qu’on est en train de mettre en place », assure Jean-Aimé Mougenot. En revanche, il réfute l’idée d’un manque de conducteurs pour expliquer les difficultés. Mais rappelle les freins liés à la crise sanitaire qui ont conduit à suspendre des formations. Or, former un conducteur nécessite une douzaine de mois. La SNCF est en train de rattraper son retard, assure-t-il.
Décarbonation
« Même si les TER n’émettent que 700 000 tonnes d’émissions de CO2 sur les 140 millions de tonnes émises par le secteur du transport (ce qui représente 0,5 % du total), les réduire n’en demeure pas moins un véritable enjeu et un défi que nous devons relever en contribuant au report modal », assure Jean-Aimé Mougenot. Les trains régionaux desservent 3 000 gares et arrêts. Sur les 680 lignes de TER, la moitié représente du transport de proximité, et une partie de ces lignes, de l’ordre de 10 à 20 %, ne voit passer que des TER. Toutes ont leurs particularités, « mais, sur chacune d’entre elles, l’attente des voyageurs est la même », souligne le dirigeant. « Ils sont de plus en plus nombreux à vouloir prendre le train, en raison du prix de l’essence et pour se rendre dans les centres-villes engorgés. Le TER pourra aussi apporter une réponse à la mise en place des ZFE ».
Pour jouer un rôle dans l’aménagement du territoire et aider les régions à proposer plus d’offres, l’acquisition de matériels, portée par les autorités organisatrices, est un point important du succès des transports régionaux. Encore faut-il trouver du matériel correspondant aux besoins. C’est pourquoi les équipes de la SNCF travaillent avec des partenaires, dont Alstom, CAF et Thales, pour proposer des solutions permettant d’assurer de la fréquence sur des lignes n’attirant qu’un faible nombre de voyageurs, tout en minimisant les coûts. Avec ses partenaires, la SNCF a conçu le Train Léger innovant, comme Draisy ou Flexy. Le premier est un véhicule de la taille d’un bus, d’une centaine de places, doté de batteries rapidement rechargeables et pouvant circuler sur des voies non électrifiées. La navette autonome Flexy proposera quant à elle 14 places assises et sera capable de rouler à la fois sur rail et sur route. Elle devrait être particulièrement adaptée aux petites lignes ferroviaires actuellement fermées, que certaines régions souhaitent rouvrir, mais qui offrent un potentiel de trafic trop faible pour justifier une desserte purement ferroviaire. « La production de ce type de matériel, proposé à des prix proches de ceux des cars (soit une division par dix par rapport au matériel ferroviaire), doit permettre de rouvrir ces bouts de lignes plus rapidement qu’avec du matériel plus lourd et plus long à produire. Cela permettra de contribuer de manière accélérée à l’enjeu planétaire de décarbonation », souligne le patron des TER.
Sous l’égide de certaines régions, la SNCF travaille aussi avec Alstom sur la conception d’un matériel ferroviaire décarboné, ou émettant peu de CO2. Les régions Occitanie, Grand Est, Nouvelle-Aquitaine et Centre-Val de Loire ont déjà passé commande de Régiolis hybrides à batterie. Ces trains ne pourront pas être mis en circulation avant l’horizon 2024, 2025 voire 2026. C’est pourquoi la compagnie a décidé d’agir dès à présent en testant le remplacement du diesel sur les lignes Paris-Granville ou Paris-Rouen par du biocarburant B100, ce qui lui permet de réduire immédiatement ses émissions de gaz à effet de serre d’environ 60 % par rapport à la traction thermique. « L’expérimentation s’avère positive pour pouvoir passer un cap et répondre rapidement à l’urgence climatique. Mais ce n’est pas une finalité pour diminuer nos émissions », précise Jean-Aimé Mougenot. Parmi d’autres initiatives, la SNCF travaille aussi sur le stationnement des engins moteurs et leur consommation en énergie grâce au logiciel Opti-conduite permettant de la diminuer de 10 %.
“ Nous devons proposer aux autorités organisatrices des offres qui répondent à l’affluence et à l’envie de train des Français. C’est une question de gestion de flux. ”
Remplissage et régularité
Malgré un trafic en hausse, les TER affichent un faible taux de remplissage moyen. « Il faut nuancer en fonction des lignes », répond le dirigeant, qui admet que « les trains de proximité ne sont pas pleins ». Ils sont très fréquentés en heures de pointe, beaucoup moins en heures creuses. Mais, changement notable, l’amplitude des heures de pointe augmente beaucoup. Entre autres explications, Jean-Aimé Mougenot cite les effets de politiques mises en place pour proposer une tarification variable en fonction de la fréquentation, avec des baisses de prix au moment où les trains sont les moins remplis. Reste qu’avec 28 % de remplissage en moyenne dans les trains de proximité, il reconnaît qu’il y a un effort à mener pour optimiser l’argent public en s’adaptant aux volumes avec du matériel adéquat.
En revanche, les trains régionaux proposant des liaisons directes, ou avec peu d’arrêts, font le plein, particulièrement les week-ends. A tel point que la région Normandie a souhaité mettre en place des réservations obligatoires. C’est, pour le moment, la seule région qui a fait ce choix. Mais il pourrait en intéresser d’autres sur certaines lignes TER grandes distances bien identifiées qui, selon lui, ne peuvent pas fonctionner correctement autrement. « Pas question toutefois de généraliser les réservations obligatoires, pour ne pas nuire à la souplesse et à la liberté de prendre le train », précise-t-il. Avant d’ajouter envisager la réservation obligatoire pour ceux qui veulent emporter leur vélo à certaines périodes.
Face aux critiques sur les retards et les suppressions de TER, Jean-Aimé Mougenot rappelle les chiffres. « Il y a les attentes des voyageurs et la réalité. Notre taux de régularité est passé de 90 % pour les TER France entière en 1997 à 92 % l’an dernier, mais le ressenti des voyageurs n’est pas forcément celui-là », reconnaît-il. « Ceux qui font un Toulouse-Rodez, un Chantilly-Paris ou un Rouen-Paris se fichent des chiffres nationaux. Mais on est dans une progression, dans une course à la densité qui amène des besoins de régularité et des attentes supplémentaires », admet le directeur des TER qui s’engage à poursuivre ses efforts pour améliorer le taux de régularité des trains régionaux, en travaillant sur l’intermodalité, en recherchant l’excellence opérationnelle et en améliorant la gestion des flux et la conception de l’offre.
« Cette démarche a déjà fait ses preuves en Paca », poursuit-il. « Une expérimentation menée il y a quelques années par la SNCF sur la ligne littorale Cannes-Menton a démontré qu’il était possible de gagner plusieurs points de régularité en travaillant avec l’autorité organisatrice. » Tout en restant discret sur sa recette pour y parvenir, (« pour ne pas faciliter la tâche de ses concurrents », indique-t-il), il se dit confiant sur la possibilité d’optimiser encore la régularité de certaines lignes, comme il s’y est engagé dans les Hauts-de-France.
La SNCF, qui vient de remporter le premier lot de TER ouvert à la concurrence dans cette région (l’Etoile d’Amiens) s’est engagée sur un taux de régularité très ambitieux : 98,5 %. « La région Hauts-de-France a le même niveau d’exigence que ce qu’on nous demandait sur la Côte d’Azur », relativise Jean-Aimé Mougenot, en rappelant que, sur ce lot, la régularité moyenne est déjà de 94 à 95 %, avec des journées à 100 %. « L’objectif fixé semble donc réalisable. C’est un élément de robustesse, d’excellence opérationnelle. On sait qu’on peut le faire. L’écart n’est pas si important, mais il faudra le tenir », admet-il. Il ajoute que la SNCF ne pourra jamais empêcher les dysfonctionnements liés à des arbres tombés sur la voie les jours de tempête ou à des heurts d’animaux, mais qu’il lui faut apprendre à réagir plus rapidement et à travailler sur l’information, car des clients informés sont plus compréhensifs.
1 000 embauches de conducteurs par an
Comme d’autres secteurs, la SNCF fait face à des difficultés pour recruter, en particulier des conducteurs. Pour assurer un service normal sur l’ensemble du territoire, des mesures de réduction des plans de transport ont dû être prises et un appel aux conducteurs retraités a été lancé. « Beaucoup ont répondu présent. Nous en avons employé jusqu’à 70 », indique-t-il. La SNCF va continuer à recruter 1 000 conducteurs par an au cours des prochaines années. « C’est le nombre dont nous avons besoin en permanence, notamment pour remplacer les départs en retraite », souligne Jean-Aimé Mougenot. « Alors qu’on pouvait craindre une perte de vocation, nous sommes rassurés au vu de l’affluence de candidats venus s’informer sur les métiers de la conduite lors des dernières campagnes de recrutement », ajoute-t-il.
Concurrence
Désormais confrontée à l’ouverture à la concurrence de ses lignes TER, la SNCF affiche un bilan honorable : si elle a perdu il y a un an et demi, au profit de Transdev, l’un des lots mis en concurrence par la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur (l’axe Marseille-Toulon-Nice), elle a gagné l’autre lot, le plus important (Les Arcs-Draguignan vers Vintimille, Nice-Tende et Cannes-Grasse). C’est aussi elle qui a gagné, en mars, les lignes de l’Etoile d’Amiens mises en compétition par les Hauts-de-France. A chaque fois, une filiale dédiée sera mise sur pied par l’opérateur historique pour exploiter les TER gagnés. « Ces changements peuvent être une source d’inquiétudes pour le personnel », reconnaît Jean-Aimé Mougenot. Mais il rappelle que cela fait 20 ans que la SNCF s’y prépare et que la concurrence a été mise en œuvre dans le fret dès 2004. « L’ensemble du corps social s’y est habitué progressivement », affirme-t-il. Ex-DRH du personnel roulant, il assure que l’entreprise fait preuve de pédagogie vis-à-vis des agents. « Cette fois, la différence c’est qu’il y aura transfert de personnel, que la SNCF gagne les lots ou qu’elle les perde. Nous sommes dans une phase de préparation de la mise en œuvre. Nous devons avoir une démarche de clarification. Les missions des cheminots intégrés dans les filiales dédiées, créées par la SNCF, resteront globalement les mêmes. Avec des évolutions dans l’organisation, plus de proximité et un encadrement simplifié, car il s’agira d’une petite entité. Se posera aussi la question de leur rythme de travail qui nécessitera des ajustements, mais il ne devrait pas y avoir d’écarts importants ». Et d’ajouter : « Paca, la SNCF et Transdev ont un intérêt commun : faire en sorte que cela se passe au mieux pour le personnel. De fait, assure-t-il, les deux entreprises travaillent main dans la main. »
D’où, selon Jean-Aimé Mougenot, l’avènement d’une nouvelle époque pour les TER, caractérisée par ce contexte concurrentiel qu’il juge stimulant. « Je suis très enthousiaste, même si j’ai conscience que nous démarrons une période pas forcément simple. Mais elle pose les bases d’une mission de service public majeure pour les années qui viennent », conclut-il.
La mobilité a un coût, mais l’immobilité du parc automobile en a également un. Il est largement insoupçonné et, selon l’intégration ou non des externalités monétarisées, il peut atteindre entre 14 et 22 milliards d’euros par an, en France ! C’est ce qui ressort de l’étude intitulée Le coût du stationnement automobile pour les finances publiques, réalisée par Bruno Cordier (Adetec) pour le compte de l’association Qualité Mobilité et présentée début mars par la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut). Cette étude s’inscrit dans une série consacrée au modèle économique des mobilités, après celles des aides publiques à l’avion, au covoiturage, aux « cars Macron », à la voiture électrique ou au coût réel de la voiture. Comme dans les études précédentes, celle consacrée au stationnement bouleverse les idées reçues et dévoile la partie cachée de l’iceberg. Aussi grosse que le coût des transports urbains conventionnés dans toute la France et presque deux fois plus élevé que tous les transports interurbains conventionnés !
70 millions de places de stationnement gratuit, soit deux par véhicule
Comment un tel éléphant a-t-il pu passer inaperçu dans la pièce ? D’abord parce que « beaucoup de données ne sont pas disponibles », de l’aveu même de Bruno Cordier, qui a dû avoir recours à des hypothèses, qu’il a voulu « les plus sérieuses possibles ». Il faut donc garder à l’esprit que les résultats doivent être considérés comme des ordres de grandeur. Les automobilistes français disposent de 70 millions de places de stationnement gratuit sur voirie, soit quasiment deux par véhicule ! Ce cadeau se chiffre à 12,3 milliards d’euros, dont environ 4,8 milliards pour la mise à disposition du foncier, 3,2 milliards pour l’amortissement des aménagements et 4,2 milliards pour l’entretien. On pourrait se dire que ces places sont quand même bien utiles pour permettre aux usagers des transports publics de faire les quelques kilomètres entre leur domicile et l’arrêt le plus proche. Oui, mais « les parkings de rabattement sont epsilon sur les 70 millions de places de stationnement gratuites », répond Bruno Cordier.
Des recettes loin de couvrir les frais
Soixante quinze mille places payantes ont été aménagées sur voirie, auxquelles s’ajoutent environ 150 000 places en enclos, 163 000 en élévation et 887 000 en souterrain. Les places sont chères… et les amendes – remplacées en 2018 par le forfait post-stationnement (FPS) – encore plus.. Les données disponibles montrent que les recettes du stationnement payant sont très loin de couvrir les frais. Paris excepté, le stationnement est une activité déficitaire ! En effet, sans compter le manque à gagner lié aux non-paiements, les dépenses publiques liées au parkings en ouvrage sont d’environ 1,9 milliard d’euros, contre des recettes d’environ 745 millions, soit de plus d’ 1,1 milliard d’euros, près de mille euros par place ! Alors pourquoi des entreprises privées s’intéressent-elles à ce marché ? Parce qu’elles sont responsables uniquement de la gestion des parkings publics, dont la construction est généralement aux frais de la collectivité…
La collectivité n’est pas la seule pour qui les places de stationnement représentent un coût : celles mises à disposition par les employeurs publics se chiffrent à 1,6 milliard par an… Avantage en nature non imposé et représentant un manque à gagner pour l’Urssaf et l’Etat de plus de 3 milliards, en ajoutant les employeurs privés. Pourtant, on pourrait dire que les taxes et impositions foncières (plus les deux taxes spécifiques à l’Île-de-France) rapportent 800 millions d’euros, mais une fois de plus, on se retrouve avec un manque à gagner de l’ordre d’une centaine de millions d’euros liées à la sous-déclaration des espaces de stationnement, voire de la transformation des garages en espaces de vie.
« les dépenses publiques liées au parkings en ouvrage sont d’environ 1,9 milliard d’euros, contre des recettes d’environ 745 millions, soit un déficit dépassant 1,1 milliard d’euros, près de mille euros par place !«
900 km2 consacrés au stationnement en France
Voici comment on arrive à un montant annuel de l’ordre de 14 milliards. Si l’on ajoute des externalités chiffrables comme la circulation automobile induite, les émissions de gaz à effet de serre liées au stationnement public (environ 10,3 millions de tonnes), la congestion, l’usure des routes, la pollution, les accidents et le bruit, il faut ajouter environ 10,8 milliards d’euros. Si l’on déduit les recettes publiques liées à la circulation (TICPE, principalement), le coût net est d’environ 7,9 milliard d’euros. Et encore, « le coût du foncier routier, l’impact sur les autres modes de déplacement, l’environnement ou sur la santé n’a pas été monetarisé », ajoute Bruno Cordier.
Finalement, on approche de 22 milliards par an en comptant les externalités monétisables. « Les décideurs locaux savent que les parkings leur coûtent cher », les collectivités supportant plus de 13 milliards sur 22. « Aucun autre usage privé de l’espace public ne bénéficie d’un tel avantage », résume Bruno Cordier : « Ce sont près de 900 km2, soit huit fois la surface de Paris, qui sont consacrés au stationnement en France ! » Et comme ce cadeau est généralement fait dans les centres-villes, où le prix du foncier est élevé, cela explique un bon cinquième des montants astronomiques évoqués dans l’étude. Dans ce domaine, il y a pire que la France, si l’on pense aux downtowns nord-américains passés au bulldozer pour que les voitures aient la place de se garer. Mais il y a d’autres modèles aussi : « Dans les villes japonaises, le stationnement est interdit sur l’espace public », conclut Bruno Cordier.
Vingt ans après son inauguration, le tramway bordelais va enfin desservir l’aéroport. Les cinq kilomètres qui permettent de rejoindre le pôle aéroportuaire de Mérignac entrent en service samedi 29 avril. C’est le premier acte de la transformation des transports urbains et périrubains de Bordeaux qui va s’échelonner jusqu’à la rentrée 2023.
Grand chambardement dans les transports publics bordelais. C’est la signature Keolis sur le contrat record de 2,2 milliards d’euros que la filiale de la SNCF a gagné dans la métropole girondine et qui est en œuvre depuis le 1er janvier. Déjà aux manettes à Bordeaux depuis 2008, le groupe a soufflé la politesse à son principal challenger, Transdev, qui conteste le résultat de l’appel d’offres et a formé deux recours devant le tribunal administratif.
Les juges ne se prononceront pas avant 2024, mais en attendant, le réseau TBM (pour Transports Bordeaux Métropole) se transforme de fond en comble. « Un choc d’offre », selon la formule consacrée. Dans sa réponse, Keolis s’était engagé à améliorer l’efficacité des transports publics, proposer davantage de services et mettre en musique le schéma des mobilités voté par la métropole dirigée par le maire socialiste de Mérignac, Alain Anziani. La collectivité a déjà investi 300 millions d’euros pour le volet mobilité, dont 100 pour le prolongement du tram. Keolis doit en investir 130 millions dans le cadre de la nouvelle DSP.
Le dynamisme démographique de Bordeaux, la hausse des prix de l’immobilier dans la ville-centre et la conquête de la rive droite de la Garonne délaissée pendant des décennies, expliquent ce grand lifting des transports publics. Si l’inauguration du tramway en 2003 avait transfiguré la cité girondine, vingt ans après, le TGV à deux heures de Paris et les effets du Covid poursuivent le travail.
Jets privés
Premier acte des changements sur le réseau de transport public qui s’étaleront jusqu’à la rentrée : samedi 29 avril, le tramway va (enfin) relier Bordeaux à son aéroport de Mérignac, avec une fréquence au quart d’heure. En 35 minutes pour parcourir 12 km au lieu d’une heure en bus, 30 à 45 minutes en taxi selon les embouteillages. Cinq petits kilomètres supplémentaires sur la ligne A, mais il aura fallu vingt ans pour que le tram bleu et acier d’Alstom relie l’aéroport et « l’aéroparc » : le campus et la zone d’emplois de la filière aéronautique.
Pour Alain Anziani, c’était une incongruité. L’élu défend même le retour de la navette aérienne Paris Orly-Bordeaux-Mérignac, clouée au sol depuis le Covid et qui ne redécollera pas puisque le même trajet en TGV dure moins de 2h30. « Résultat, les entreprises affrètent des jets privés pour déplacer leurs équipes entre Paris et Bordeaux ! », affirme-t-on à son cabinet.
« La démobilité, je ne sais pas ce que c’est, Bordeaux accueille tous les ans 10 000 habitants supplémentaires, ils se déplacent davantage au quotidien, les besoins changent », constatait le président de la métropole lors de l’annonce du nouveau réseau, le 20 avril, en présence de Marie-Ange Debon. La patronne de Keolis avait fait le déplacement pour dessiner devant la presse locale le nouveau visage des transports : tram, bus, bus express et à haut niveau de service, navettes fluviales, transport à la demande… Même les vélos seront flambants neufs et en plus grand nombre.
Premier choc d’offre, le tram donc. Outre son prolongement vers l’aéroport, Keolis promet de le désaturer par la simple pose d’aiguillages, des « cœurs croisés », plus rapides à installer et surtout moins cher que de construire des voies. Au final, cela permettrait, explique le transporteur, d’augmenter les fréquences sur la partie centrale du réseau de tram.
Refonte des lignes de bus et de la flotte de vélos
Début septembre, c’est surtout le réseau de bus qui sera méconnaissable. Tout va changer, des numéros de lignes aux codes couleurs, avec quelques modifications de tracés. Mais surtout une plus grande amplitude géographique et horaire pour accompagner l’augmentation de la population évoquée par Alain Anziani, et desservir les nouvelles zones d’habitat et d’activités. L’offre kilométrique de bus va progresser de 9,6% sur la durée du contrat de DSP, promet Keolis.
Trois nouvelles « Lianes », lignes de bus structurantes, seront créées, en empruntant notamment une voie dédiée sur la rocade, le périphérique bordelais. Ces Lianes préfigurent les futures lignes de bus express de banlieue à banlieue. La métropole bordelaise compte 28 communes et est extrêmement étalée.
« Avec le développement du réseau de bus, l’augmentation de fréquence du tramway et le développement des navettes fluviales, les liaisons entre les deux rives feront plus que doubler par rapport à aujourd’hui, pour atteindre 3000 franchissements par jour », calcule Pierrick Poirier, directeur général de Keolis Bordeaux Métropole
A la rentrée, davantage de vélos en libre-service aussi avec une flotte flambant neuve, électrique et musculaire, des vélos munis de cadenas connectés, de feux clignotants etc. Les anciens seront recyclés ou prêtés aux visiteurs attendus à Bordeaux pour la Coupe du monde de rugby en septembre 2023. Dès le 15 mai, Keolis lance aussi une nouvelle offre de vélos en location longue durée : 1 000 vélos électriques et 30 vélos cargo. En tout, 6 700 vélos !
En attendant le RER métropolitain
Il y a aura en septembre plus de navettes sur le Garonne, les « Bato », et de transport à la demande : vers la zone de l’aéroport, la nuit en fin de semaine, mais aussi vers les gares du futur RER métropolitain. « Correspondance garantie avec le TER », promet la collectivité.
Objectif de cette révolution des mobilités, augmenter d’ici 2030 de 40% les recettes commerciales des transports publics, et donc du trafic qui enregistre aujourd’hui près de 160 millions de voyageurs par an. A condition de trouver des conducteurs des bus et de tramway.
Les élus de Nouvelle-Aquitaine ont approuvé fin mars la création d’une société publique locale pour « piloter techniquement et financer les investissements relatifs au matériel roulant ferroviaire« . Baptisée Société Publique Interrégionale des Investissements en faveur des Transports (SPIIT), elle a été créée avec la région Occitanie, explique dans un communiqué la Nouvelle Aquitaine. Et doit permettre d’optimiser les coûts et de mutualiser les moyens d’ingénierie, d’autant que leurs parcs de matériel présentent des « caractéristiques proches« , souligne le communiqué.
« Constituer ainsi une ingénierie technique régionale dédiée permet notamment d’assurer pleinement son rôle de propriétaire et d’être force de propositions pour la maintenance courante, lisser les investissements dans le temps, et pourquoi pas aussi d’accueillir ultérieurement d’autres Régions » précise également Renaud Lagrave, le vice-président du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine chargé des mobilités.
Rappelons qu’en séance plénière du 17 octobre 2022, la région avait approuvé la convention de transfert de propriété du matériel roulant ferroviaire, conformément aux dispositions de l’article 21 de la loi 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire. Elle est donc devenue pleinement propriétaire des 148 rames du parc, qui représentent une valeur nette comptable de 375 M€.
En décembre dernier, elle a décidé d’acquérir 4 Rames Régio2N et 11 rames Régiolis pour un montant de 172 M€.
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