Seul candidat à son propre renouvellement pour exploiter le réseau des transports urbains de Dijon, Keolis a été reconduit pour sept ans par la métropole. Le contrat de 576 millions d’euros selon nos informations (Keolis n’a pas confirmé), démarre en janvier et concerne le réseau de bus, les deux lignes de tramway, les vélos en libre-service ainsi que le stationnement sur voirie et en ouvrage.
Il prévoit le lancement d’une nouvelle offre de transport à partir de septembre 2023 : des services à la demande, une nouvelle billettique sur smartphone, des tickets multimodaux « pour faciliter le passage d’un mode de transport à l’autre », un calculateur d’itinéraire sur appli intégrant tous les modes, y compris la marche à pied, 400 vélos en libre-service, 800 en location longue durée. Et le passage d’une partie de la flotte de bus à l’hydrogène vert, ce qui implique la transformation des ateliers de maintenance, et la formation du personnel.
A Bourges, c’est aussi le candidat sortant, RATP Dev, qui a remporté la mise. Et devra accompagner le passage des transports urbains de la capitale du Berry vers la gratuité, en septembre 2023. Les élus du syndicat mixte intercommunal Agglobus, ont voté la hausse du versement mobilité qui passera de 1,5% à 1,75%. Autre objectif, le verdissement total de la flotte en 2030 avec des bus au bioGNV et la mise en place en 2026 de lignes de bus à haut niveau de service (BHNS). Ce qui a permis le relèvement du versement mobilité, principale source de revenu des transports publics urbains avec les recettes de billetterie.
RATP Dev n’a pas souhaité indiquer le montant du contrat d’exploitation qui dure huit ans. Interrogée, la collectivité locale n’a pas répondu non plus.
N.A
C’est une revendication de longue date des syndicats de policiers qui vient d’être satisfaite : les policiers pourront voyager gratuitement dans les trains du réseau SNCF à partir du 1er janvier 2022, selon un accord conclu cette semaine avec l’entreprise, a annoncé le 3 septembre le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. L’accord conclu avec la SNCF prévoit que « le trajet domicile-travail soit gratuit pour les policiers, s’ils sont armés et s’ils se signalent au chef de bord », a détaillé l’entourage du ministre à l’AFP. Le prix du billet sera pris en charge par le ministère.
Quant aux déplacements non professionnels, le policier n’aura plus qu’à s’acquitter de 25 % du prix du billet à partir de 2022, somme qui lui sera « compensée par des bons d’achat SNCF, utilisables pour sa famille par exemple », toujours selon la même source. A partir de 2023, ce type de trajet sera également complètement gratuit, à condition, là aussi, d’être armé et de se signaler au chef de bord.
Le ministre s’est félicité sur Twitter d’un « partenariat gagnant/gagnant permettant de mieux sécuriser les trains et faciliter la vie de nos policiers ». Mais il fait réagir les organisations syndicales de la SNCF, pointant une annonce malvenue alors que le ministre des Tranports souhaite revoir le périmètre des facilités de circulation des cheminots.
Depuis le 5 septembre, les transports publics de Montpellier sont gratuits le week-end. Le prélude à la gratuité totale en 2023, qui va être mise en place progressivement. Julie Frêche, vice-présidente de Montpellier Méditerranée Métropole, également présidente de la commission Transports, explique les raisons qui ont poussé à ce choix.
Ville, Rail & Transports. Pourquoi avoir décidé de rendre les transports publics gratuits ?
Julie Frêche. C’était une promesse électorale de Michaël Delafosse, le maire de Montpellier (également président de la Métropole, ndlr) et c’est une mesure qui va être mise en place par étapes. L’objectif est de favoriser le report de la voiture vers les transports publics. C’est donc une décision vertueuse, un marqueur fort.
Je rappelle que Montpellier est encerclé par deux autoroutes au nord et au sud. La question de la qualité de l’air est essentielle. Pour disposer d’analyses plus fines et mesurer les effets sur la qualité de l’air, nous allons poser des capteurs autour de tous les établissements scolaires.
VRT. On entend souvent dire que, plus que les automobilistes, ce sont les piétons et les cyclistes qui se reportent sur les transports publics lorsqu’ils sont gratuits. Comment éviter cet écueil ?
J. F. Nous sommes bien conscients qu’il faut accompagner cette politique en la complétant avec des mesures en faveur des autres modes alternatifs à la voiture. Il y a 41 bus dans la métropole, quatre lignes de tram, et bientôt cinq. Nous sommes convaincus qu’il faut rendre les transports publics beaucoup plus attrayants. Nous allons mettre en service quatre BHNS, notamment pour mieux desservir les communes à l’ouest de la métropole.
Nous allons aussi augmenter le nombre de pistes cyclables : 19 km de pistes provisoires ont déjà été pérennisées et 7,5 km sont mises à l’étude. Aujourd’hui, on compte un total de 160 km dans la métropole et nous en prévoyons 300 à la fin de la mandature.
VRT. Vous êtes-vous donnés des objectifs chiffrés en matière de report modal ?
J. F. Nous avons la volonté de sortir un maximum de flux de voitures du centre, en verrouillant certains secteurs. Nous allons aussi étendre les zones 30, mettre en place une ZFE (zone à faibles émissions), lancer une réflexion sur le partage de la voirie, sur de nouveaux services et sur des tracés qui correspondent mieux aux besoins. C’est une politique globale avec des objectifs ambitieux : le report modal et le respect de l’engagement du maire de réussir la transition écologique.
VRT. Combien coûte la gratuité et comment la financer ?
J. F. Le coût de la gratuité totale reviendra à 39 millions d’euros annuels. Ce qui représente 5 % du budget de la métropole. Pour le financer, nous procéderons à des redéploiements de crédits, sans hausse de la fiscalité.
Par ailleurs, nous avons mis fin à la mesure prise l’ancienne majorité municipale qui proposait une heure de parking hebdomadaire gratuit. Cette mesure, qui coûtait 1,7 million d’euros, est plus onéreuse que le coût de la gratuité le week-end qui va s’élever à 1,4 million sur cette année. Nous allons également baisser de 10 % le tarif payé par les abonnés pour qu’ils ne soient pas lésés.
Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt
Alors que le changement climatique occupe plus que jamais les esprits, un thème entêtant se fait entendre dans le débat public : la gratuité des transports. Avec 25 réseaux de transports actuellement gratuits sur une centaine dans le monde, la France est la championne mondiale de la gratuité. Et l’idée ne cesse de faire des émules. Après Aubagne en 2009, Niort en 2017, c’est Dunkerque qui a adopté l’idée en 2018. A l’approche des municipales de 2020, le sujet est plus que jamais un enjeu politique. Nicolas Louvet, directeur de 6t bureau de recherche présente son analyse de l’impact de la gratuité des transports : la gratuité est une vision politique mais elle n’est ni un outil de redistribution efficace, ni une mesure de lutte contre le réchauffement climatique.
La gratuité consiste à transférer les coûts du transport public des usagers vers d’autres acteurs. Plutôt que de gratuité, on devait donc en réalité plutôt parler de transfert. Mais transfert vers qui ? En France, trois catégories d’acteurs concourent au financement du transport : les usagers à travers les achats de billets, le budget général des collectivités et, depuis les années 70, les entreprises à travers le « versement mobilité », une contribution spécifique sur les entreprises de plus de 11 salariés.
Dans certaines zones riches en emploi, le versement transport permet naturellement de hauts rendements. C’est le cas de Niort, qui est historiquement le siège de nombreuses assurances. Dans ces cas particuliers, la gratuité peut représenter une sorte de logique d’optimisation des ressources du territoire si dans le même temps la part couverte par les ventes de ticket est faible et si les transports sont sous-utilisés.
Mais ce n’est évidemment pas le cas général. Dans les métropoles, où la part des recettes commerciales est plus importante, la gratuité représenterait un coût substantiel qui devrait être compensé par une hausse de la pression fiscale. Le rapport du Comité Rapoport démontrait par exemple en 2018 que l’ins-tauration de la gratuité en Ile-de-France impliquerait de trouver 2,25 milliards d’euros supplémentaires, soit presque deux fois le budget annuel d’investissement d’Ile-de-France Mobilités, le syndicat des transports francilien. En outre, rien n’indique que la dynamique du versement transport correspondra à l’avenir à la dynamique des coûts. Seules les recettes commerciales permettent d’assurer une corrélation entre coûts et recettes1.
Surtout, il faut se demander dans quel but mettre en œuvre la gratuité.
Pour schématiser, on peut dire qu’il existe deux types de récits à la gratuité. Le premier est un récit purement politique. Il consiste à penser que le transport doit échapper à la logique marchande parce qu’il s’agit là d’un bien essentiel à tous. Dans cette perspective, la gratuité n’est plus un moyen en vue d’atteindre un but objectivable, elle devient un objectif en soi dont la portée est essentiellement symbolique. Mais on peut supposer que la critique radicale de l’économie de marché n’est pas l’argument principal des promoteurs de la gratuité.
Compte tenu de la montée des préoccupations environnementales, la gratuité des transports est présentée comme une mesure de lutte contre les nuisances liées à la voiture. Le raisonnement est le suivant : en abaissant le prix des transports en commun, on inciterait à un report modal depuis la voiture. Or, il faut le dire et le répéter : cette politique est inefficace. Le choix modal est un mécanisme complexe qui prend en compte une diversité de facteurs (temps de transport, confort, habitude, représentations symboliques, accessibilité…) dont le prix n’est qu’une des composantes. Aussi, espérer un report massif vers les transports en commun en ne modifiant que la composante prix est illusoire.
Certes, les études empiriques montrent que les expériences de gratuité ont entrainé des hausses parfois importantes de la fréquentation des réseaux de transport en commun. On évoque ainsi une hausse de 70 % à Aubagne2 un an après l’instauration de la gratuité, une multiplication par 8,5 dans la ville allemande de Templin3, une hausse de 85 % à Dunkerque4. Mais ces augmentations ne sont pas seulement imputables à la gratuité. Les réseaux sont généralement améliorés à l’occasion du passage au transport gratuit. En l’absence d’études économétriques rigoureuses, il est impossible d’isoler l’effet de la seule gratuité. Ce type d’étude a uniquement été mené à Tallin, en Estonie : il montre des effets directement imputables à la gratuité beaucoup plus modestes.
Plus fondamentalement, l’augmentation de la fréquentation des réseaux n’est bénéfique du point de vue environnemental que si le report modal s’exerce en majorité depuis la voiture. Or, les études à disposition montrent que ce n’est pas le cas. A Templin par exemple, la majorité des trajets en transports en commun a remplacé des trajets non-motorisés5. C’est également le cas à Dunkerque6. A Aubagne, on estime qu’environ 10% seulement des usagers du bus seraient passés de la voiture au bus à cause de la gratuité7. A Tallinn8, le report modal s’est surtout exercé depuis la marche. Le bilan est donc plutôt négatif.
La réduction des inégalités sociales et territoriales représente le deuxième grand argument en faveur de la gratuité. L’une des rares études disponibles en France9 montre que l’abaissement des tarifs de transport en Ile-de-France redistribue la même somme d’argent entre toutes les classes de revenu. On a connu politique redistributive plus efficace. Et puis, il y a une question plus générale sur la lisibilité de l’action publique. Pourquoi une politique sociale serait-elle portée par les réseaux de transport ? Il serait sans doute plus pertinent d’assumer une politique fiscale redistributive.
La gratuité est enfin présentée comme un outil au service du dynamisme commercial et de l’image des centres-villes. C’est ce qui est au cœur du projet mené actuellement à Dunkerque. Aucune étude n’a permis de démonter un quelconque effet sur le dynamisme commercial. En revanche l’effet sur l’image des villes est manifeste : la gratuité fait parler d’elle. Elle contribue de manière puissante au marketing territorial.
Reste à savoir si le coût pour les contribuables de cette publicité nouvelle n’est pas un peu disproportionné.
Les transports urbains de Grand Cahors (Lot) sont devenus gratuits le 2 novembre, alors que le ticket coûtait auparavant 1,10€, et ses lignes (4 régulières, 2 navettes et 6 transports à la demande) bénéficient de nouvelles dessertes et de meilleures fréquences.
Le réseau Evidence, qui a transporté 900 000 passagers en 2018, a aussi changé d’exploitant et de mode de gestion le 2 novembre. Il est passé d’une délégation de service public confiée depuis 2013 à Verdié Cahors à un marché public attribué pour 5 ans à Raynal Voyages. La PME retenue, qui a son siège à Cahors, avait d’ailleurs participé à la création du réseau de transport public dans les années 1990.
Pour le président du Grand Cahors Jean-Marc Vayssouze, « ce choix de la gratuité ne remet pas en cause l’équilibre puisque les recettes couvraient moins de 10% des dépenses. La gratuité engendrera des économies de gestion puisque le contrôle n’a plus lieu et qu’il n’y a plus de billetterie ».
Catherine Stern
Dans le concert d’avis contradictoires autour de la gratuité des transports publics, les élus de la métropole de Lille (MEL) présidée par Damien Castelain ont voté presque à l’unanimité (98 %) pour cette mesure, mais uniquement en cas de pic de pollution. A compter du 1er janvier 2020, bus, métro automatique et tramways seront libres d’accès les jours où le Préfet déclenchera la circulation différenciée si le seuil de pollution est dépassé.
« Entre 2012 et 2018, le trafic automobile de la métropole a augmenté de 13,4 %. Le secteur des transports ressort comme l’un des principaux émetteurs de polluants atmosphériques, avec environ 20 % d’émissions de gaz à effet de serre sur le territoire. Les émissions de particules participent majoritairement à la dégradation des indices de la qualité de l’air et à la récurrence des épisodes de pollution », justifie la métropole qui envisage d’étendre la mesure de gratuité aux vélos en libre-service, les V’Lille.
Le coût de la mesure n’est pas encore public : « L’avenant au contrat de service public intégrant le coût de cette mesure sera présenté en Conseil Métropolitain en décembre prochain », nous a répondu la métropole.
L’Ile-de-France avait mis fin à cette mesure de gratuité en janvier 2017 pour instituer un « forfait antipollution » : 3,80 euros par jour pour se déplacer sur tout le territoire francilien en métro, bus, tram, RER ou Transilien. Coût estimé : 500 000 euros par jour, indique Ile-de-France Mobilités (IDFM) sur son site internet. Le covoiturage sur les courtes distances organisé par IDFM et intégré sur la plateforme vianavigo est quant à lui gratuit les jours de pollution.
N. A.
A gauche comme à droite, les élus ne parlent que de ça. Dans le grand débat national qui avait suivi le mouvement des « gilets jaunes », dans les meetings politiques, dans les médias, le sujet s’est imposé. Il n’est pas nouveau, mais à moins de six mois des municipales de mars 2020, la gratuité des transports publics est devenue un vrai enjeu électoral. Réaliste, jouable ?
Près d’une trentaine de villes ont déjà fait ce choix (voir lesquelles). A Nantes, où se déroulaient les 27es Rencontres nationales du transport public (RNTP), la maire et présidente de la métropole Johanna Rolland a promis, si elle est réélue, des bus et des tramways gratuits le week-end.
A Paris, Anne Hidalgo y a pensé dès l’automne 2018 pour booster l’usage des transports collectifs, Valérie Pécresse, présidente de région et d’Ile-de-France Mobilités, a éteint l’étincelle avec une étude affirmant que le coût serait énorme pour les contribuables : 500 euros par an pour chaque ménage francilien (lire ici). Début 2019, après avoir reçu le rapport sur « un big bang de la tarification des transports dans le Grand Paris » rédigé par ses trois adjoints (Finances, Transports et Urbanisme), Anne Hidalgo s’est rangée du côté de la raison et s’est contentée de rendre les transports publics gratuits aux enfants de 4 à 11 ans ainsi qu’aux Parisiens handicapés de moins de 20 ans (lire ici)
Les rapports se suivent et se ressemblent, et à chaque fois, la conclusion est la même: injouable si l’on veut préserver le fragile équilibre financier de ce service public déjà fortement subventionné, et contre-productif car là où les villes ont opté pour des bus gratuits, ce sont les piétons et les cyclistes qui se sont rués à bord, pas les automobilistes. L’étude menée par Frédéric Héran, économiste chercheur à l’université de Lille sur les effets de la gratuité à Dunkerque révèle ainsi que la voiture a reculé de 3 % en un an dans la ville nordiste, la marche de 3 %, et les déplacements à vélo de 15 % !
La toute dernière étude publiée le 2 octobre par le Groupement des autorités responsables de transport (Gart) dit à peu près les mêmes choses, mais elle va plus loin, « pour objectiver le débat », comme l’a souligné son président Louis Nègre (par ailleurs, maire de Cagnes-sur-Mer) lors de la présentation des conclusions de l’étude aux RNTP. On savait l’association des élus chargés des transports publics vent debout contre l’idée de la gratuité, « simple transfert de charges des usagers vers les contribuables », martèle Louis Nègre, mais devant la montée insistante de ce thème parmi ses adhérents, il dû se plier à l’exercice d’une étude très complète, menée auprès d’un vaste échantillon de villes, petites, moyennes et grandes.
Quelles en sont les principaux enseignements ?
Nathalie Arensonas