Il ne courra pas, le 2 avril, le prochain marathon de Paris pour lequel il s’entraînait tous les jours. Bernard Tabary, directeur des activités internationales du groupe Keolis est décédé d’une crise cardiaque dimanche 19 mars.
Ce grand sportif, au large sourire, drôle, bienveillant, pas langue de bois, ne manquait jamais son footing du petit matin. Où qu’il soit dans le monde, lui qui le parcourait au gré des contrats de la filiale de la SNCF qu’il avait rejoint en 2005, Bernard Tabary courrait. La dernière fois que nous l’avions vu à l’épreuve, c’était à Dubaï, en février dernier, lors d’un voyage de presse.
« Bernard était un dirigeant profondément apprécié des salariés de Keolis, et estimé par nos partenaires et nos clients qu’il accompagnait inlassablement partout dans le monde. Il était reconnu pour son expertise et son engagement dans les transports publics qu’il incarnait avec énergie et un relationnel hors pair. Sa personnalité unique et soin ouverture d’esprit et sa compréhension des différentes cultures ont été inestimables pour Keolis. Bernard aura marqué l’histoire de notre entreprise et restera une figure pour nous tous. Notre peine est immense », a déclaré Marie-Ange Debon, présidente de Keolis, dans un communiqué.
Bernard Tabary avait débuté sa carrière chez Bolloré, en 1983, dans la branche transport et logistique, avant de rejoindre la division environnement du groupe Plastic Omnium en 2000. Entré chez Keolis en 2005 comme directeur général adjoint en charge de l’Est et de l’Ile-de-France, il avait ensuite dirigé Keolis Lyon jusqu’en 2011 avant d’être nommé directeur exécutif international du groupe.
« Au-delà de ses grandes qualités de dirigeant, Bernard était une belle personne, humaine, pleine d’humour un peu British et attentionnée », témoigne Jean-Pierre Farandou, patron de la SNCF, dans une série de tweets en hommage à son collaborateur, dont il était très proche et qui l’a accompagné durant de longues années.
Bernard Tabary avait 62 ans. Le groupe Keolis prépare un hommage international.
La rédaction de Ville, Rail & Transports adresse ses sincères condoléances à sa famille et à ses collaborateurs chez Keolis.
La filiale de la SNCF Keolis est aux commandes du tramway et du métro automatique de Dubaï, le plus long du monde. Candidat aux appels d’offres des lignes 15, 16 et 17 du métro du Grand Paris, la filiale de la SNCF met en avant sa position de leader du métro automatique, avec neuf réseaux et 330 kilomètres au compteur, en France et à l’étranger.
En juin prochain, on connaîtra normalement le nom des transporteurs qui s’installeront aux postes de commandes des lignes 15, 16 et 17 du futur métro automatique Grand Paris Express (GPE), dont les mises en service s’échelonneront entre 2025 et 2030. Parmi les candidats, Keolis, qui se proclame numéro 1 mondial des métros automatiques. Sont également dans la course du super métro francilien, RATP Dev ainsi qu’ATM, la régie des transports milanais.
« Dubaï, joyau de la couronne »
Pour afficher son savoir-faire, la filiale de la SNCF a emmené des journalistes début février à Dubaï pour montrer son dernier trophée de chasse à l’international : les 90 km de métro automatique, sur deux lignes (53 stations), et un récent embranchement de 15 kilomètres vers le site de l’Expo universelle de 2021. Le viaduc aérien du métro (seuls 16 km du réseau sont en souterrain) surplombe les huit voies d’autoroutes de la Manhattan du Moyen-Orient.
Après Hyderabad en Inde, Doha au Qatar (lire ici), Londres, Shanghai et Pudong en Chine, Lille, Rennes et Lyon en France, Keolis a remporté en 2021 l’appel d’offres pour l’exploitation et la maintenance du métro et du tramway (Alstom) dubaïotes. Avec ses partenaires japonais Mistsubishi Heavy Industries engineering (MHI) et Mitsubishi Corp qui ont chacun participé à la construction et au développement du métro pour le compte de Roads and transport authority (RTA, l’autorité organisatrice de la mobilité.
« Dubaï, c’est le joyau de la couronnede la zone Inde-Moyen-Orient », se félicite Marie-Ange Debon, présidente de Keolis qui était du voyage. L’opérateur y gère aussi les actifs du réseau : rames de métro, de tram, centre de contrôle, stations et ateliers de maintenance. Un marché de 125 millions d’euros par an, deux milliards d’euros sur 15 ans si le contrat signé avec RTA est renouvelé pour six années supplémentaires.
La filiale de la SNCF dédiée au transport urbain gère près de 1 850 employés à Dubaï et a commencé à faire rouler les 129 rames de métro (Kinkisharyo et Alstom) en septembre 2021. Trois semaines avant le début de l’Expo universelle qui avait été décalée d’un an en raison de la crise du Covid. La coentreprise dirigée par Keolis a succédé au Britannique Cerco qui avait ouvert la ligne de métro en 2009 puis du tram d’Alstom en 2014, équipé d’un système d’alimentation par le sol sans caténaire. Le même qu’à Bordeaux, les pannes en moins.
15 minutes de retard, et l’émir est prévenu
La classe rose du métro de Dubaï est réservée aux femmes et enfants.
Avec sa classe rose réservée aux femmes et enfants, sa classe « gold » qui coûte trois fois le prix d’un billet en classe « silver » ouverte à tous (environ 1 euro), le métro de Dubaï est le réseau automatique le plus long du monde, mais aussi « le plus exigeant du monde, avec Doha et Londres », décrit Bernard Tabary, directeur international de Keolis. Ici, « deux minutes de retard sur le réseau et on écope un malus financier. Dix minutes de retard, le niveau crise est déclenché et je reçois un appel du patron de RTA. L’autorité organisatrice des transports ne vise pas seulement la satisfaction du client, elle veut qu’ils soient ravis,« delighted », insiste en anglais Bernard Tabary. Dans chaque station de métro et de tram, à côté du plan de lignes, est affichée la « charte du client heureux ».
Le taux de ponctualité du métro est de 99%, celle du tram n’en est pas loin. « Quinze minutes de retard et le patron de RTA doit prévenir l’Émir Al Maktoum », précise très sérieusement le directeur international du groupe.
En centre-ville, le tramway dont la ligne équipée de porte palières s’étend sur une dizaine de kilomètres et relie deux stations du métro, doit croiser le fer avec les voitures et des embouteillages imposants aux heures de pointe. Mais il a la priorité, et gare aux contrevenants : s’ils lui soufflent le passage ou brûlent un feu rouge, c’est 30 000 dirhams d’amende (plus de 8 000 euros). Et 1 000 dirhams (environ 300 euros) pour un piéton.
Le tramway de Dubaï.
Dès 26 secondes de retard sur une rame de métro, le système de commande centralisé engage une action corrective pour accélérer les rames suivantes et éviter un retard en chaîne. Equipés de tablettes PDA, les techniciens font de la maintenance prédictive, échangent en temps réel avec le poste de commande centralisée sur les disruptions, leurs causes et les interventions requises. « C’est la politique du zéro papier, comme sur le réseau de Doha (également exploité par Keolis, en partenariat avec RATP Dev, ndlr) », explique Wallace Weatherhill, directeur de Keolis-MHI. Les tickets et les plans de ligne physiques ont disparu depuis longtemps, s’ils n’ont jamais existé. « L’innovation est sur la feuille de route dans les obligations du contrat », reprendcelui qui a été aux manettes du métro léger des Docklands (DLR) à Londres, et celui de Birmingham.
Exposé à un régime de malus en cas de dégradation du service, Keolis n’est en revanche pas touché par la volatilité du prix de l’énergie. L’opérateur n’est pas exposé non plus aux recettes commerciales, donc aux résultats de fréquentation. Ce qui n’empêche pas le nouveau détenteur du contrat de mettre en avant les 8,2 millions de passagers du métro pendant l’Expo universelle (sur 26 millions de visiteurs selon les chiffres de l’émirat), les six premiers mois de son arrivée à Dubaï. Et surtout, les 800 000 voyageurs-jour en moyenne dans le métro, et les 25 000 voyageurs-jour à bord du tramway. « Depuis la sortie du Covid, la fréquentation a progressé de 30% par rapport à la période avant la crise sanitaire », indique Bernard Tabary.
Après les 15 km d’extension vers le site de l’Expo universelle sorti du désert en quatre ans et voué à devenir une zone d’habitat, l’émirat étudie 35 autres kilomètres de lignes de métro vers les banlieues résidentielles et vers la technopole Silicon Oasis, qui ne cessent de grignoter les dunes de sable.
Cop 28 et transports collectifs
Les transports collectifs font partie du plan de bataille de Dubaï, pays hôte de la Cop 28, pour verdir son image.
D’une ville pour s’enrichir, Dubaï cherche à devenir une ville pour vivre. Et à verdir son image. Quand on contemple les quatre fois deux voies urbaines et les bretelles d’autoroutes qui s’entortillent dans la cité futuriste, les SUV et les grosses cylindrées qui filent dessus, on se dit que le virage de l’écologie est un lointain avenir. Un pied dans le fossile, un autre dans le renouvelable, la ville de la démesure a toutefois lancé son plan Dubaï 2040 pour devenir « the best place in the world » (le meilleur endroit pour vivre dans le monde). L’organisation de la Cop 28 fin 2023 est un sacré pari pour son image internationale. Comme la Coupe du monde de football l’a été pour le Qatar.
Mais ici, tout va très vite. Pour exemple, Sustainable City, énorme développement immobilier résidentiel à consommation énergétique présumée nette zéro, dont la première tranche est sortie de terre en à peine deux ans. Ou bien, la ferme solaire qui a poussé au cœur du désert, à 50 kilomètres au sud de Dubaï et qui, d’ici à 2030, comprendra 11 millions de panneaux photovoltaïques, sur 77 kilomètres carrés. La première centrale nucléaire des Emirats arabes unis a été construite à Abu Dhabi, aux manettes de la fédération.
Avec la Cop 28 présidée par le Sultan Al Jaber, pdg d’une compagnie pétrolière et ministre de l’Industrie de l’émirat, Dubaï doit donner des gages de verdissement. Les transports collectifs font partie du plan de bataille. Objectif annoncé : que 55% des 3,3 millions d’habitants (90% ont le statut d’expatriés) vivent à moins d’un kilomètre d’une station de transport public.
Paradoxalement, cela peut être une raison d’espérer une Cop constructive… « Quand un pays organise une Cop, il a envie de réussir », résume un observateur. Et pour Keolis, après le quasi zéro-faute dans le métro et le tram de Doha pendant la Coupe du Monde (lire ici), c’est le moyen de vendre à Ile-de-France Mobilités son expertise dans l’exploitation de métros automatiques sur des réseaux denses.
Pour améliorer son bilan carbone, le secteur du transport a amorcé sa transition énergétique en se tournant notamment vers des véhicules électriques. Ce qui a conduit les opérateurs à revoir leur façon d’exploiter, guidés par les performances de ces véhicules. Quels enseignements en tirent-ils ? Et quelles sont les conséquences du nouveau contexte avec la hausse des prix de l’énergie et les risques de coupure de courant cet hiver ? Ce sont quelques-unes des questions auxquelles ont répondu les représentants de Keolis, de Transdev de la RATP et de la SNCF, au côté d’un élu, lors de cette conférence précédant la remise des prix du Palmarès des mobilités 2022.
En peu de temps, les opérateurs de transport public ont réussi à verdir leur flotte, que ce soit en France ou à l’international. Ainsi, 20 % des 26 000 véhicules utilisés par Keolis dans le monde roulent déjà grâce à des énergies alternatives, dont 1 000 à l’électrique. Le groupe en prévoit 2 500, d’ici à 2024.
Ce qui implique forcément des évolutions. « L’intégration de véhicules électriques demande de raisonner en termes de système de transport et plus par rapport au véhicule », explique Thierry Guinard, le directeur Bus et énergie chez Keolis. Il faut apprendre à gérer la flotte en tenant compte des recharges et de l’autonomie des véhicules sur toute leur durée de vie, puisque les batteries perdent en performance avec le temps. D’où la nécessité d’affecter les véhicules en fonction du service qu’ils vont pouvoir réaliser.
Keolis a également mené des formations adaptées pour que les équipes d’exploitation prennent en compte ces variables. Les compétences des équipes de maintenance ont aussi évolué. « Il faut non seulement des compétences de mécaniciens mais aussi des techniciens pour suivre le monitoring des bus et veiller à ce que les véhicules aient le bon niveau de recharge », souligne Thierry Guinard.
Rétrofit
Pour l’heure, si le mode électrique peut répondre aux besoins du transport urbain, ce n’est pas encore le cas pour l’interurbain, en raison d’un manque d’offre de produits de la part des constructeurs européens et du peu de stations d’avitaillement. De ce fait, ne pourrait-on pas chercher à rétrofiter un car, autrement dit, changer la motorisation sur le matériel existant ? « On en parle beaucoup, mais il n’y a pas encore de cars autorisés à circuler. C’est une piste pour pouvoir transformer les flottes d’autocars, mais la filière doit se structurer, s’industrialiser et il faut que le processus d’homologation se fluidifie et soit moins onéreux, car obtenir un certificat reste cher et long », regrette Thierry Guinard.
L’hydrogène pourrait apporter une solution complémentaire à l’électrique, avec des véhicules qui parcourent plus de 300 à 400 km, là où l’électrique ne sait plus faire. Tanguy Bouton, directeur de Transdev, confirme qu’en urbain, 90 % des besoins peuvent être couverts avec des véhicules électriques à batterie. Pour l’interurbain, Transdev teste une ligne avec un bus retrofité en Normandie avec son projet Nomad Car Hydrogène. Si l’expérience fonctionne, l’entreprise pourra dupliquer l’usage de véhicules rétrofités à l’hydrogène sur l’ensemble de son parc.
En attendant une offre d’hydrogène mature, Keolis qui s’est fixé comme objectif d’avoir 30 % de son énergie décarbonée, se tourne vers les énergies alternatives au diesel disponibles : biogaz ou biocarburant. « Mais il faut rester prudent car si, comme Air France-KLM vient de l’annoncer avec Total, le secteur aérien passe des contrats sur des carburants durables, nous ne serons pas les premiers servis ! », prévient le directeur de Keolis qui continue à chercher la meilleure solution à proposer aux autorités organisatrices pour limiter leur impact environnemental. « La panoplie disponible est vaste. Ella va d’une solution électrique avec rechargement en ligne ou en dépôt, aux véhicules mixtes, au biogaz ou à l’hydrogène avec des usages bien identifiés », résume Thierry Guinard.
Thierry Guinard
Choix territoriaux
Pour diminuer de 50 % les émissions de CO2 générées par la circulation de ses bus, la RATP a amorcé sa transition énergétique avec son programme Bus 2025 lancé en 2015. En Ile-de-France, l’entreprise a déjà déployé 800 bus biométhane et 600 à l’électrique, sur un parc de 4 600. La régie a aussi transformé six dépôts pour pouvoir recharger ses véhicules, et réalise des travaux sur 11 autres en simultané, sans arrêt de l’exploitation.
François Warnier de Wailly, le directeur du programme bus 2025 du groupe RATP, plaide pour plus de facilités administratives afin qu’une filière d’électromobilité puisse se mettre en place.
Le passage à l’électrique nécessite des changements dans la gestion des véhicules. « Il faut appréhender une notion de système avec le bus électrique », indique François Warnier de Wailly. Ce qui implique que les fournisseurs de bus dialoguent avec les fournisseurs de bornes électriques. « Avec le temps nous montons en compétence, mais la crise actuelle conforte notre conviction qu’il faut conserver un mix énergétique », poursuit le dirigeant.
La RATP a revu ses ambitions électriques à la baisse en répartissant de façon équilibrée le recours au gaz et à l’électricité. Elle prévoit désormais d’avoir 50 % de véhicules au gaz et 50 % en électrique (contre 80 % prévus précédemment) en Ile-de-France. « En région parisienne, l’autorité organisatrice souhaite valoriser la filière biométhane », explique le représentant de la RATP. Ce sont donc avant tout les territoires qui définissent le choix de l’énergie, en fonction de leur capacité à la produire. « On ne part plus du véhicule alimenté par une énergie venue en tanker du bout du monde. Il faut se demander quelle est l’énergie disponible sur un territoire, et c’est aux transporteurs de mettre à disposition une offre qui en tienne compte », explique François Warnier de Wailly.
Kilométrage plus poussé
Passer à l’électrique nécessite un investissement plus important, pour le véhicule et sa recharge : le coût d’acquisition est le double de celui d’un véhicule thermique. Ce qui peut être compensé par son prix au kilomètre roulé. « Avec le coût de l’énergie il y a 2 ans, le kilométrage réalisé en électrique revenait à 25 % de celui en diesel et il fallait 15 ans et un roulage de 100 000 km annuels pour parvenir à être iso entre thermique et électrique. Plus on fait rouler un véhicule électrique, plus son coût de revient baisse », souligne Tanguy Bouton, en se référant aux modèles pratiqués dans les pays nordiques, où les véhicules électriques roulent beaucoup plus qu’en France, avec de ce fait un coût de possession total bien moins élevé que dans notre pays. En Europe du nord, précise-t-il, les bus électriques exploités par Transdev roulent jusqu’à 120 000 km par an, contre 60 000 km en France.
D’où son souhait de pouvoir utiliser les véhicules électriques au maximum de leurs capacités. « En augmentant le nombre de kilomètres parcourus, on peut réduire d’un quart la facture énergétique et se rapprocher du coût total de possession d’un thermique sur sa durée de vie », affirme-t-il.
Mais cela demanderait de modifier les habitudes françaises. « Dans les contrats d’exploitation, il est prévu de renouveler le parc fréquemment afin de bénéficier des dernières normes et de moins polluer. Cela n’a plus de sens avec le véhicule électrique qui ne pollue pas davantage, quel que soit son âge. D’un point de vue environnemental, il est plus vertueux de l’exploiter sur une durée plus longue », plaide le directeur de Transdev. Il rappelle que le retrofit de véhicules thermiques en électrique ou en hydrogène, permet d’exploiter des châssis jusqu’à 25 ans, l’instar de ce que Transdev fait en Australie ou en Amérique Latine. Contre 12 ans actuellement en France.
« Avant la crise, le coût total de possession d’un véhicule électrique était 30 % plus élevé que celui d’un diesel. La flambée du gazole a fait baisser cette différence », signale Thierry Guinard, en rappelant que si le diesel continue à augmenter, le coût total de possession de l’électrique deviendra plus intéressant. Mais il ajoute que le coût n’est pas la seule donnée à prendre en compte quand on passe à l’électrique : il faut aussi inclure les émissions carbone et le bruit.
Autre piste pour améliorer le bilan économique du véhicule électrique : comprendre le vieillissement des batteries. « Si on sait pousser sa durée de vie avec un bon usage, l’électrique gagnera sur le plan économique et environnemental », assure Thierry Guinard.
De son côté, pour prolonger la durée de vie des véhicules, la RATP travaille avec les constructeurs sur le calibrage de leur recharge, afin d’en améliorer la qualité et de mieux les préserver. Elle compte aussi sur l’intelligence de la data.
François Warnier de Wailly
Durée de vie
« Faire durer le matériel, la SNCF qui conserve ses trains 40 ans, en a l’habitude », assure Luc Laroche, le directeur des Programmes innovation système ferroviaire à la SNCF, avant de rappeler que le ferroviaire est, par nature, peu émetteur de gaz à effet de serre. Un trajet en TGV émet 12 fois moins d’émissions qu’en voiture électrique, 26 fois moins qu’en véhicule thermique et 25 fois moins qu’en avion, énonce-t-il.
Pour améliorer encore son bilan carbone, la SNCF veut doubler la part de marché du rail, en la faisant passer de 10 à 20 %. « Nous voulons faire préférer le train à la voiture, en réalisant des investissements permettant d’améliorer la qualité de service, l’accessibilité et en améliorant les transports de bout en bout », détaille Luc Laroche. La SNCF a aussi pour ambition de sortir du diesel. Si l’électrification des voies est une possibilité, cela revient à un million d’euros du km en moyenne. « Impossible d’avoir un retour sur investissement sur des lignes peu fréquentées », reconnaît Luc Laroche. C’est pourquoi la SNCF explore la piste des trains à batterie et à hydrogène. « Le train à batterie, que nous allons tester dans 5 régions, offre une autonomie de 80 km, suffisante pour couvrir la plupart des parcours. Reste à trouver des solutions pour recharger rapidement, via les caténaires ou en statique. Le train à hydrogène pourrait, de son côté, apporter une solution pour le fret et les longs trajets », indique Luc Laroche.
Panneaux photovoltaïques
Pour réduire sa consommation d’énergie, la SNCF mise sur l’écoconduite et sur son futur TGV, le TGVM, qui sera plus aérodynamique, avec un emport plus important. La société ferroviaire a aussi prévu d’installer des panneaux photovoltaïques sur ses terrains pour produire de l’énergie verte. « L’augmentation du prix de l’énergie confirme l’intérêt d’installer des panneaux photovoltaïques sur les dépôts, car cela permettra de parvenir à 50 % d’autoconsommation en dépôt », indique de son côté François Warnier de Wailly.
« Les panneaux photovoltaïques peuvent permettent d’écrêter la consommation des bâtiments, mais c’est insuffisant pour alimenter des véhicules, d’autant que les bus tournent la journée et qu’il faut les recharger de nuit, au moment où il n’y a pas de soleil », relativise Thierry Guinard. Pour avoir de l’énergie verte en quantité suffisante afin d’alimenter les flottes de véhicules électriques, mieux vaut se tourner vers des partenaires qui soient capables de disposer de fermes photovoltaïque ou éolienne.
Tanguy Bouton
Smart charging
Pour limiter ses besoins en électricité, la RATP cherche à consommer mieux, en rechargeant l’énergie quand le réseau peut la fournir, au meilleur prix, avec une énergie la plus décarbonée possible. « On essaye de faire du smart charging », assure le directeur. Selon lui, c’est un élément déterminant pour tous les opérateurs aujourd’hui. « Ce qui est nouveau avec l’électrique, c’est que la planification de la recharge devient le point névralgique de l’exploitation », souligne également Tanguy Bouton. En cette période de tension sur l’énergie, le stockage des énergies renouvelables intermittentes devient un enjeu. Transdev a commencé à y répondre à Eindhoven où l’opérateur renouvelle les batteries de sa première flotte de véhicules électriques, après 5 ans de service, et les utilise pour du stockage stationnaire. « L’usage de ces batteries de seconde vie prend de l’intérêt dans un contexte de tension énergétique. Le déploiement de ce genre de solution permettra de faire baisser le coût de l’énergie et celui des véhicules électriques. Et si le coût de l’énergie augmente, la solution du stockage devient encore plus intéressante », souligne le directeur de Transdev.
Ecrêtage des pointes
Alors que le gouvernement envisage des coupures de courant cet hiver et demande aux entreprises de s’y préparer, la SNCF se dit prête à écrêter les pointes pour éviter le blackout,
Luc Laroche évoque des batteries de stockage à côté des sous-stations qui alimentent le réseau, afin de les charger en dehors des pointes et de pouvoir utiliser l’énergie stockée au moment des pics de demande. La SNCF, qui est le premier consommateur industriel d’électricité en France, cherche aussi à diminuer sa consommation en ayant recours à la digitalisation. Elle réfléchit à un système d’exploitation qui anticiperait la pointe des trains, avec le recours à des algorithmes. « On pourrait demander aux conducteurs d’adopter une écoconduite et d’aller le plus vite possible hors périodes creuses, puis moins vite lors des pointes. Ce qui demande d’avoir une vision globale sur le plan de transport. Si un jour la demande est très forte en électricité, il sera toujours possible de rouler au diesel sous les caténaires avec les trains mixtes », poursuit Luc Laroche.
Et il prévient : « s’il y a des coupures, ce qui est important, c’est d’avoir un délai de prévenance, pour pouvoir trouver le bon équilibre entre diminuer la consommation et effectuer les transports ». Il précise que cela demande du temps car il faut alors repenser tout le plan de transport. « C’est un très gros travail d’ingénierie qu’on est capable de faire avec de la préparation. ».
« S’il devait y avoir des coupures électriques, elles seraient ponctuelles et très limitées, de l’ordre 15 minutes. Si on sait « effacer » un gros consommateur durant un quart d’heure, on peut éviter la mise à plat du système pour tout le monde », rassure Thierry Guinard.
Pour envisager un effacement partiel et baisser la puissance durant quelques minutes, suffisantes pour garder le système en fonctionnement, Keolis dialogue avec Enedis. De même, comme de nombreuses entreprises, la RATP a signé la charte Ecowatt, et pris l’engagement de réduire ou décaler sa consommation lors des alertes sur le réseau, afin d’éviter les coupures. « Nous avons pris des mesures pour être capables de s’effacer et de décaler la charge électrique la nuit. Ce qui demande d’avoir des bornes de recharge avec une puissance suffisante », précise François Warnier du Wally. Mais si une nuit il n’était pas possible de recharger, l’entreprise compte sur sa mixité énergétique pour sécuriser ses plans de transport et assurer au moins le service minimum.
Luc Laroche
Digitalisation
« L’AO doit mettre en œuvre une intelligence collective sur les modes de défaillances et la digitalisation des transports doit pouvoir apporter des solutions », poursuit le directeur de la RATP. « Jusque-là les données servaient à optimiser la maintenance. Aujourd’hui il faut les collecter et les traiter pour optimiser l’usage des flottes, aider à la décision, piloter la recharge, faire des prévisions d’autonomie et limiter la consommation d’énergie », renchérit Tanguy Bouton, en constatant que le métier d’opérateur se transforme avec l’électro mobilité. « On assiste à une forte digitalisation de la profession ».
« Si on devait manquer d’électricité, il serait regrettable de ne pas avoir d’autre solution que de remettre du thermique, mais ce qui est certain c’est qu’il faudra réduire les cadencements », estime Jean-François Irigoyen, président du syndicat des mobilités des Pays Basque-Adour, qui a démarré l’électrification du réseau baptisé TXIK TXAK avec la mise en service de 18 bus-tram électriques sur la ligne Bayonne-Hendaye avant de poursuivre avec la mise en place de minibus électriques.
Jean-François Irigoyen
Panoplie d’offres
Tirant les conclusions de cette accélération de l’électromobilité, François Warnier de Wailly résume un sentiment général : « Nous avons appris que nous étions capable de réaliser une transition énergétique rapidement et massivement. Le passage à l’électrique nous offre l’opportunité de travailler en système, de faire en sorte que le monde de l’énergie et du transport apprennent à travailler ensemble ».
« Le véhicule électrique est une solution, mais pas la seule pour être zéro émission », poursuit Thierry Guinard. Il encourage à utiliser toute la panoplie d’offres disponible avec l’usage le plus optimal et le plus efficace possible. Il rappelle que développer une offre de transport public de qualité pour inciter le transfert modal vers les transports en commun est aussi un moyen de décarboner.
« En matière d’électro mobilité, il n’y a pas une solution sur étagère qui réponde à l’ensemble des besoins, mais des offres variées qui évoluent jour après jour. On assiste à une transformation de la profession qui génère un engouement en raison des challenges rencontrés », ajoute Tanguy Bouton. « Après l’électrification, la grande vitesse, le train entre dans une troisième révolution qui s’appuie sur la digitalisation, l’automatisation et la décarbonation », ajoute Luc Laroche. « Pour décarboner, il n’y a pas une énergie à privilégier. Il faut mettre le bon service au bon endroit et avoir le courage de supprimer des lignes qui naviguent à vide en trouvant d’autres solutions », conclut Jean-François Irigoyen.
Candidat malheureux aux appels d’offres d’Ile-de-France Mobilités pour les lignes de bus de la grande couronne, Moventia vient de remporter coup sur coup les contrats de bus de la communauté d’agglomération de Grasse et des vélos en libre-service de la métropole de Rouen.
Ne dites pas à Josep Maria Marti qu’en cinq ans, Moventia, le groupe de transport qu’il dirige en famille, n’a fait que deux prises sur l’Hexagone : Montbéliard et tout récemment Grasse. Et réussi à percer dans deux autres villes françaises, Clermont-Ferrand et Marseille, pour prendre le guidon des vélos partagés, avec sa filiale Inurba. Bientôt trois avec Rouen où, selon nos informations, l’Espagnol a remporté le marché.
Il a en revanche échoué en Ile-de-France, sur les appels d’offres des lignes de bus Optile, en grande couronne. « En France, les appels d’offres sont extrêmement fermés », commente le pdg de Moventia.
« Transdev et Keolis nous savonnent la planche »
« En 2017, Montbéliard était un ballon d’essai et surtout, le moyen de montrer comment on travaille, c’est un cycle de développement long, il faut démontrer aux élus nos capacités industrielles, les rassurer sur nos différences. Faire la chispa, comme on dit en espagnol », poursuit Josep Maria Marti. La chispa ? L’étincelle. A Montbéliard, on a même réussi à gagner de l’argent », se défend l’opérateur de transport catalan.
Faire des étincelles sur le marché français n’est visiblement pas chose facile, « Les deux majors du secteur, Transdev et Keolis, défendent leur forteresse, font un lobbying intense auprès des élus, nous savonnent la planche », reprenait Jorge Azevedo, directeur du développement France de Moventia, le 22 novembre lors d’un point presse. Avant de filer au salon des Maires qui se tenait à deux pas, porte de Versailles… Cet ancien de Transdev a aussi dirigé Smovengo, l’opérateur de Vélib’ Métropole, le service de vélos en libre-service de la Ville de Paris et des 60 communes de la métropole.
Deuxième concessionnaire Renault en Espagne
Originaire de Sabadel, dans la région de Barcelone, le groupe familial bientôt centenaire, créé par le grand père des actuels dirigeants (trois frères et sœurs) avait donc remporté en 2017 son premier contrat hexagonal en 2017 à Montbéliard (142 000 hab.) pour exploiter pendant six ans et demi le réseau de bus urbains, jusqu’alors aux mains de Keolis. Un contrat de 112 millions d’euros, remporté selon Jorge Azevedo en gagnant la confiance des syndicats. La même année, l’Espagnol gagnait un contrat de bus urbains à La Mecque.
Cinq ans après, en novembre 2022, le Catalan qui a également une grosse activité de concessionnaire automobile multi-marques (c’est le deuxième concessionnaire Renault en Espagne) vient de déloger Transdev de Grasse dans les Alpes-Maritimes. La communauté d’agglomération (100 000 hab.) lui a confié les clés du réseau de 70 bus, dont 9 électriques, et la construction d’un nouveau dépôt. Un contrat de dix ans qui démarre le 1er janvier 2023 pour un montant de 100 millions d’euros. Moventia dit étudier trois nouveaux appels d’offres sur l’Hexagone, principalement dans des villes moyennes.
Nathalie Arensonas
Moventia en chiffres
Implantations : Espagne (bus, tramways, vélos), France (bus, vélos), Finlande (bus, vélos), La Mecque (bus)
1 850 bus
45 000 vélos (dont 30 000 en France), 4 500 stations
41 tramways (à Barcelone)
150 millions de passagers/an
Dans la compétition acharnée qui a opposé Keolis à Transdev, c’est le premier déjà aux manettes à Bordeaux depuis 2008, qui l’a emporté : la filiale de transport public de la SNCF continuera à exploiter les transports de l’agglomération bordelaise. Le président PS de Bordeaux Métropole l’a annoncé hier, même si le choix doit encore être confirmé par un vote le 8 juillet.
Le nouveau contrat, d’une durée de huit ans à partir de 2023 et d’une valeur de 2,2 milliards d’euros (contre 1,7 milliards pour le contrat actuel 2014-2022), est « le plus gros jamais conclu par une métropole« , a souligné Alain Anziani, en expliquant que le périmètre du contrat a été agrandi.
Parmi les raisons citées justifiant la victoire de Keolis, Alain Anziani a indiqué que l’opérateur actuel proposait deux moyens importants pour « désaturer » le tramway bordelais : la création de deux nouvelles lignes par l’installation d’aiguillages et non par construction de voies, et l’amélioration des fréquences sur la partie centrale du réseau. D’autres améliorations sont attendues comme de nouveaux vélos en libre service, du transport à la demande ou le renforcement de navettes fluviales.
Keolis remporte un nouveau contrat dans le cadre de la mise en concurrence du réseau de bus en moyenne et grande couronne francilienne. Le 25 mai, Ile-de-France Mobilités lui a attribué l’exploitation de 34 lignes de bus desservant l’Ouest du département de Seine-et-Marne (Communautés de Communes des Portes Briardes, de l’Orée de la Brie et du Val Briard, le Nord des Communautés de Communes de la Brie des Rivières et Châteaux et de la Brie Nangissienne).
Cette délégation de service public débutera le 1er janvier 2023 pour une durée de 6 ans.
A partir du 27 août prochain, Keolis exploitera les transports publics de la Communauté d’agglomération Pays Foix-Varilhes ainsi que la maintenance. Cette date correspond au lancement du nouveau réseau qui s’articulera principalement autour de 4 lignes de bus avec une offre de transport triplée par rapport à la situation actuelle.
Dans un communiqué, la filiale de transport public de la SNCF explique que ce contrat d’une durée de six ans devra conduire à une hausse de la fréquentation de 46 % d’ici à 2027. Dans ce cadre, des innovations seront mises en oeuvre comme le lancement d’une nouvelle billettique digitalisée, le renforcement de l’information voyageur, le déploiement d’un service de transport à la demande et d’une navette de centre-ville électrique.
Keolis a lancé le 1er mars une nouvelle filiale à 100%, née du rapprochement entre Kisio Digital et l’équipe data de Kisio Services & Consulting. Baptisée Hove, cette entité, composée de 110 collaborateurs, est spécialisée dans la conception et le déploiement d’outils numériques.
« Basés sur l’analyse et l’exploitation des données de mobilité, les produits développés ont pour objectif d’améliorer la compréhension des mobilités au sein d’un territoire, d’orienter l’offre de transport, d’en mesurer la performance et de faciliter les déplacements des voyageurs », explique le groupe dans un communiqué.
Parmi les outils déjà existants, elle dispose de Patterns (une plateforme destinée à analyser les mobilités à partir des traces GPS) et de Navitia, un calculateur d’itinéraires intégrant les modes de transport en temps réel ou encore Dotpulse, pour mesurer en temps réel et de façon prédictive la fréquentation d’une ligne.
Après les pertes de 2019 et 2020, Keolis a redressé la barre l’année dernière en enregistrant un léger résultat net de 20 millions d’euros. L’activité a connu une nette amélioration avec un chiffre d’affaires en hausse de 10,3 % à 6,3 milliards d’euros. La fréquentation a été globalement en recul de 30 % sur l’ensemble de l’année par rapport à 2019, mais avec une nette différence entre le premier et le second semestre. « Le premier semestre 2021 a été impacté par les restrictions sanitaires avec une fréquentation en baisse de – 30 %, puis le second semestre a vu le retour à un niveau de service quasi normal avec la reprise de la fréquentation, toutefois encore à – 10 % », souligne Christelle Villadary, la directrice financière. La rentabilité opérationnelle du groupe (EBITDA récurrent), en progression de 30 % à 690 millions d’euros, s’affiche légèrement au-dessus du niveau d’avant-crise.
Un bilan assaini
Ce bilan « assaini », selon les mots de Marie-Ange Debon, la présidente du directoire, a été obtenu notamment grâce à la maîtrise des frais de structure, à des gains de productivité, à l’ajustement de l’offre à la demande ou encore au « soutien des pouvoirs publics de certains pays », particulièrement au Canada, en Suède, aux Pays-Bas.
Le développement commercial est resté soutenu, tant à l’international qu’en France, poursuit la dirigeante. A l’international, qui représente la moitié de l’activité, Keolis cite en particulier ses contrats gagnés en Australie (avec l’attribution d’un nouveau contrat d’exploitation de bus au nord de Sydney, démarré en novembre) ou le contrat à Dubaï (tramway et métro automatique exploités depuis septembre 2021), ou encore en Suède (contrat de bus 100 % électrique à Göteborg notamment). Bernard Tabary, le directeur exécutif International prévoit une activité globalement en hausse en 2022 malgré la fin du contrat Wales and Borders aux Pays-de-Galles et l’arrêt de l’activité en Allemagne dont le chiffre d’affaires avoisinait les 200 millions d’euros mais représentait un gros foyer de pertes.
En France, l’année a été riche en appels d’offres concernant le transport urbain et interurbain, qui ont apporté au groupe 300 millions d’euros de chiffre d’affaires et 65 millions d’euros en solde global positif. Parmi les contrats emblématiques remportés l’an dernier, Frédéric Baverez cite le réseau de Thionville, le contrat PAM 77 ou encore les Alpes Maritimes où le groupe va déployer 120 véhicules électriques, « soit la plus grosse flotte interurbaine électrique », souligne le directeur exécutif France. L’entreprise va devoir défendre tout particulièrement cette année ses positions à Bordeaux et à Dijon, deux gros contrats qui arrivent à échéance. En offensif, il candidate notamment pour les contrats de Perpignan et Valenciennes qui doivent être attribués avant la fin de l’année.
L’Ile-de-France dans le viseur
Les regards sont surtout tournés vers l’Ile-de-France, où 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires sont ouverts à la concurrence depuis 2020 (ce qui représente la moitié du transport conventionné en France). Déjà, 18 lots ont été attribués sur les 37 lots définis par Ile-de-France Mobilités (IDFM). Keolis en a déjà gagné six, soit 36 % de parts de marché, ce qui fait de la filiale de la SNCF « l’opérateur qui a le plus crû sur le marché Optile », commente Frédéric Baverez. L’opérateur de transport public est aussi en compétition pour les lignes 16 et 17 du Grand Paris, et le sera sur la ligne 15, un « dossier moins avancé », note le dirigeant. Sur les lignes ferrées de banlieue, Keolis répond en joint-venture avec Transilien, à commencer par les lignes T4, T11 et P.
Keolis lorgne aussi les bus de la RATP qui doivent être ouverts à la concurrence en 2025 et dont les appels d’offres vont bientôt être lancés. Le groupe sera candidat sauf si, explique Frédéric Baverez, les conditions sociales prévues par la loi n’évoluent pas. « Le gouvernement a mis quelques pilules empoisonnées pour favoriser la RATP. On veillera à ce que les pilules ne soient pas létales », affirme-t-il. La disposition qui permet aux conducteurs de se faire licencier s’ils le souhaitent par l’opérateur retenu pour exploiter des bus RATP est trop risquée, estime-t-il. « Aucun opérateur ne peut raisonnablement répondre à un appel d’offres s’il y a un risque, par exemple, que sur 700 conducteurs, 200 veulent se faire licencier tout en sachant qu’avec leur expérience ils retrouveront très facilement après du travail, explique-t-il. Ce point devrait être couvert par IDFM » Selon lui, finalement, « le législateur a transféré à IDFM la charge de l’improductivité de la RATP ».
Marie-Ange Debon a pris les commandes de Keolis à l’été 2020, trois mois après le départ précipité de Patrick Jeantet, dans un contexte de crise sanitaire et de chute de la fréquentation des transports publics. Invitée du Club VRT le 13 janvier dernier, la dirigeante de la filiale transport public de la SNCF a développé les axes stratégiques de sa politique de « croissance sélective ».
Deux semaines après l’annonce du retrait de Keolis en Allemagne, et à deux mois de la présentation des résultats 2021 qui seront forcément marqués par « une année difficile », la dirigeante de la filiale transport public de la SNCF et de la Caisse des dépôts du Québec, qui exploite des réseaux de bus, métros, tramways, trains et vélosen France et à l’internantional, s’est prêtée au jeu des questions-réponses du Club VRT. Crise sanitaire oblige, une petite trentaine de membres ont assisté en présentiel au premier Club de l’année, dans les locaux du groupe La Vie du Rail, à Paris.
Nommée à la tête de Keolis mi-2020, en pleine tempête économique provoquée par la crise du Covid-19, doublée d’une crise de gouvernance de l’entreprise après le limogeage de Patrick Jeantet qui avait succédé à Jean-Pierre Farandou (parti présider aux destinées du groupe SNCF), Marie-Ange Debon a pris, en juin 2021, les rênes de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP) qui vient de signer de nouveaux accords avec les syndicats pour bâtir la convention collective de la branche ferroviaire. Une année menée à un rythme soutenu, au cours de laquelle l’ancienne directrice générale adjointe de Suez a commencé à mettre en œuvre la feuille de route stratégique définie avec le conseil de surveillance qui a lui aussi changé de tête (Jérôme Tolot a succédé au long règne de Joël Lebreton).
Une équipe renouvelée et stabilisée, un refinancement bancaire basé sur des indicateurs sociaux et environnementaux, et la touche Debon pour déployer une nouvelle dynamique, à condition que la situation sanitaire cesse de mettre des bâtons dans les roues des transports collectifs.
Positionnement multimodal
Premier acte : le renforcement du positionnement international et multimodal de Keolis présent dans 15 pays où le groupe réalise la moitié de son chiffre d’affaires. « Mais pas tous azimuts », prévient Marie-Ange Debon qui vient de mettre fin à l’aventure allemande, gros foyer de pertes pour Keolis qui y exécutait, depuis les années 2000, quatre contrats ferroviaires, sur 15 lignes et 1 000 km de voies.
Avec les conséquences de la crise sanitaire sur le trafic passagers, la nouvelle dirigeante soutient une ligne claire. « Je souhaite renforcer une croissance sélective, nous n’irons pas dans des pays où les fondamentaux ne permettent pas à l’entreprise d’apporter des lignes de savoir-faire fortes, ou d’avoir un modèle économique soutenable », insiste-t-elle.
Opérateur du tramway de Melbourne en Australie (le plus long au monde avec 250 km de lignes), des métros automatiques de Dubaï (l’un des plus modernes au monde), d’Hyderabad (Inde), des trains de banlieue de Boston (USA), Keolis exploite aussi les réseaux de transport urbain de Lyon, Bordeaux dont le contrat est en appel d’offres, Lille, Rennes, Dijon, Agen, Caen, Nancy etc. Avec des métros, des tramways, des bus, trolleybus, des vélos en libre-service, des navettes autonomes et des services de covoiturage, entre autres. « C’est sur ce savoir-faire multimodal que je souhaite capitaliser, c’est l’un des marqueurs forts de Keolis, un avantage concurrentiel à l’international où nos compétiteurs sont positionnés sur un seul mode de transport », observe la patronne de Keolis.
Le Club VRT, avec Marie-Ange Debon, a eu lieu le 13 janvierdans nos salons, rue de Clichy dans le 9e arrondissement de Paris.
Entreprise citoyenne
Choisir les pays, mais aussi réaffirmer le positionnement RSE (responsabilité sociétale et environnementale) de Keolis. C’est le deuxième mantra de la dirigeante qui a introduit des indicateurs extra-financiers dans la rémunération des dirigeants, fondés sur des critères de parité, de diversité et environnementaux. « Nous sommes une entreprise de services, nous devons nous mettre dans les chaussures de nos passagers, avoir une approche inclusive, protéger les publics fragiles, lutter contre le harcèlement dans les transports, déployer des solutions numériques – moyens de paiement, outil de navigation, informations voyageurs – simples et attractives, dit-elle. Même si la crise sanitaire a impacté de plein fouet notre secteur, nous avons un rôle majeur à jouer pour réaffirmer que les transports publics sont le moyen le plus efficace pour une croissance économique inclusive et durable. Il faut continuer à travailler sur la confiance des passagers pour faire disparaître ce fond d’inquiétude », poursuit Marie-Ange Debon.
Pour l’ex-DGA de Suez en France, le principe d’une entreprise citoyenne passe aujourd’hui par la transition énergétique, à commencer par le renouvellement de sa flotte et l’accompagnement des collectivités locales vers un mix énergétique. « Ne rêvons pas, la flotte française d’autobus est encore à 85 % au diesel, impossible de basculer d’un coup, la sortie du diesel sera progressive, y compris avec des solutions de rétrofit (transformation d’un moteur diesel en moteur électrique ou à hydrogène, ndlr). Présent en France et à l’étranger, Keolis maîtrise toutes les énergies alternatives », estime Marie-Ange Debon, citant un partenariat avec la métropole de Dijon pour produire de l‘hydrogène vert grâce à l‘incinération des déchets ménagers et le photovoltaïque. Le projet consiste à faire rouler à l‘hydrogène 210 bus, 45 camions-bennes et plusieurs centaines de voitures.
Résilience
Interrogée sur les tendances qui devraient marquer les résultats de Keolis pour 2021 (présentation en mars prochain), année au cours de laquelle les taux de fréquentation dans les transports publics ont été en dents de scie au gré des confinements, couvre-feux et du télétravail, Marie-Ange Debon confie qu’il « a fallu beaucoup d’efforts de dialogue, de gestion des coûts et de maîtrise des investissements » pour convaincre les voyageurs de ne pas fuir les transports collectifs par peur de la contamination. Il en a fallu aussi vis-à-vis des collectivités locales qui sont sous pression financière avec la chute des recettes commerciales et des ressources du versement mobilité acquitté par les entreprises. Fin 2021, juste avant la vague Omicron, le taux de fréquentation dans les transports urbains était revenu à 85 % de leur niveau de 2019. « Les mesures de télétravail début 2022 ne sont pas néfastes, elles estompent les problèmes d’affluence aux heures de pointe, tempère Marie-Ange Debon. J’espère que l’on finira renforcés de cette crise. L’opération de refinancement du groupe en décembre dernier qui a été sursouscrit montre la confiance des banques, et notre capacité de résilience. » (lire article ci-desous).
Concurrence en Ile-de-France
Marie-Ange Debon se félicite des premiers lots de bus gagnés par son entreprise en grande et moyenne couronne (bus Optile). Après la longue grève en Seine-et-Marne de conducteurs de Transdev qui dénonçaient des conditions de travail dégradées dans le cadre de l’ouverture à la concurrence initiée par Ile-de-France Mobilités, l’autorité organisatrice des transports a décidé de revoir ses critères sociaux dans les futurs appels d’offres. Et Transdev est parvenu à un accord avant Noël.
« La concurrence ne se résume pas à mettre plus de pression sociale sur les collaborateurs (surtout dans un contexte de pénurie de conducteurs) et plus de pression financière sur les opérateurs », commente la patronne de Keolis.
Son entreprise a également connu à la fin de l’année dernière un conflit social, via Transkéo, sa filiale de droit privé qui exploite la ligne de tram-train T11 entre Epinay-sur-Seine et Le Bourget. Les revendications portaient sur des revalorisations salariales, dans un contexte d‘inflation plus élevée que par le passé, rappelle Marie-Ange Debon. « On peut concilier ouverture à la concurrence, organisation du travail et critères sociaux, mais l’ouverture à la concurrence reste une source d’inquiétude pour les collaborateurs », résume Marie-Ange Debon.
A trois mois de l’élection présidentielle, la dirigeante de Keolis regrette que « les transports du quotidien soient si peu audibles dans la campagne électorale. Le ferroviaire et le fret ont leur place (référence aux annonces d’Emmanuel Macron en octobre pour les 40 ans du TGV, ndlr), pas le reste alors que c’est ce qui fait le quotidien de millions de citoyens », observe-t-elle.
Présidente de l’UTP, qui a adressé en novembre dernier son manifeste aux candidats à la présidentielle d’avril 2022, Marie-Ange Debon demande une aide financière pour le secteur du transport urbain, au-delà des 900 millions d’investissements consentis par le gouvernement dans le dernier appel à projets de transports collectifs et de pôles multimodaux. Et souhaite que la mobilité devienne enfin un thème fort de la campagne.
Nathalie Arensonas
Un crédit de 600 M€ indexé sur des indicateurs de développement durable
Pour refinancer des lignes de crédit existantes et allonger de cinq ans la maturité de sa dette, Keolis a signé fin 2021 avec un groupe de 14 banques partenaires, un financement « largement sursouscrit » d’un montant de 600 M€, indique Marie-Ange Debon.
L’opération intègre un mécanisme d’ajustement de la marge lié à l’atteinte d’objectifs annuels extra-financiers : environnement, mixité, santé et sécurité.
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