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Ewa

Face aux sénateurs, le jugement très sévère de Bernard Roman sur le projet de contrat de performance Etat-SNCF Réseau

Bernard Roman, ancien président de l'ART, Autorité de régulation des transports

« Une occasion manquée. » C’est le jugement de Bernard Roman, le président de l’Autorité de régulation des transports (ART), à propos du projet de contrat de performance Etat-SNCF Réseau. Ce verdict, formulé lors de son audition ce matin devant la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, reflète bien sûr l’avis présenté la veille par l’ART, saisie sur le sujet le 8 octobre dernier conformément à la procédure.

« C’est un contrat d’assainissement financier : on demande à SNCF Réseau d’arriver à un « cash flow » positif en 2024. Il y a de grandes ambitions affichées, mais pas les moyens pour y arriver pendant les dix ans que couvrira ce contrat. La logique financière a prévalu sans accompagnement industriel », explique le patron de l’ART.

Et de citer un exemple : la loi Climat et Résilience fixe l’objectif de doubler la part modale du fret ferroviaire et même de tripler la part du transport combiné dans les dix ans. « Ces objectifs sont également affichés dans le contrat de performance. Mais quand on va jusqu’au bout de ce document, en termes de volumes et de recettes, on arrive à une hausse du fret de 20 % en 2030. » Loin des objectifs affichés.

Les indicateurs retenus par le contrat ne sont pas non plus satisfaisants, estime le président du gendarme du ferroviaire. « 1,9 milliard d’euros d’économies sont attendues de la part de SNCF Réseau entre 2017 et 2030. C’est en valeur absolue. Si Réseau n’y arrive pas, il faudra en faire moins pour faire des économies », précise Bernard Roman, avant d’ajouter : « Ce ne sera pas au bénéfice du transport ferroviaire ».

Or, l’effort en faveur de la régénération du réseau ferré est déjà nettement insuffisant. Le contrat de performance prévoit 2,8 milliards d’euros annuels. Mais cette somme ne sera affectée que sur le réseau structurant national, explique le patron de l’ART. « Rien n’est prévu pour le réseau structurant régional, c’est-à-dire les lignes UIC 5 à 6, ni pour les dessertes fines du territoire, les lignes UIC 7 à 9. » Le financement est à la charge des collectivités via des accords avec l’Etat, rappelle-t-il. « Cela signifie qu’on prévoit une dégradation du niveau de ces lignes. Ce n’est pas ce qu’on appelle un contrat de performance. »

Par ailleurs, rien n’est prévu pour la modernisation des postes d’aiguillages, ni pour le déploiement de l’ERTMS. Deux axes extrêmement efficaces pour moderniser un réseau. « L’Allemagne a décidé de développer l’ERTMS sur tout son réseau d’ici à 2030. La France le prévoit seulement sur la ligne Paris – Lyon en 2025… », ajoute-t-il.

Et d’enfoncer le clou à propos des péages : « Nous sommes perplexes sur les ressources financières apportées par les péages », affirme-t-il. Sur la durée du contrat, la hausse des recettes liées aux péages devrait progresser de 50 %, une partie grâce à l’augmentation du nombre des circulations, une autre grâce à l’augmentation nominale des redevances d’utilisation des infrastructures. Or, observe l’ancien député socialiste du Nord, le paiement par les opérateurs ferroviaires du coût complet des infrastructures ne correspond pas à une obligation européenne. L’Europe demande au minimum de faire payer le coût d’usage, qui représente environ 20 % du coût complet.

Pour Bernard Roman, le contrat de performance déborde de son champ de compétences. « Ce n’est pas au contrat de performance de fixer les tarifs. C’est l’ART qui les valide. S’ils ne sont pas soutenables, l’ART ne les validera pas », prévient-il. « Cela demande un vrai travail de SNCF Réseau : les péages doivent être adaptés structurellement à la capacité des opérateurs ferroviaires à payer. » Selon Bernard Roman, les péages représentent, pour les opérateurs ferroviaires français, entre 15 et 40 % de leurs coûts de circulation. « Si les péages sont trop élevés, on finira par décourager les entreprises ferroviaires. »

Pour le régulateur, il est urgent de « tenir compte du marché et sortir du malthusianisme ferroviaire français ». Un monopole public doit fournir un accès à l’infrastructure dans les meilleures conditions et aux meilleurs coûts, conclut-il.

Réagissant à cette analyse, la commission sénatoriale a indiqué faire « siennes les réserves de l’ART » et a invité « le gouvernement et SNCF Réseau à revoir ce projet de contrat dans les meilleurs délais avant sa transmission au Parlement ». Pour le président de la commission, « ce projet fait l’unanimité contre lui. Le contrat de performance est un document stratégique pour l’avenir du système ferroviaire. Une révision s’impose pour tenir compte de l’avis de l’ART ».

Marie-Hélène Poingt

Ewa

SNCF Réseau s’engage sur la régularité dans les Hauts-de-France avec un système de bonus-malus

Logos TER Hauts-de-France
Si la région Hauts-de-France a cessé de payer depuis le mois de décembre son service de TER à la SNCF, elle continue de s’acquitter des péages auprès de SNCF Réseau. A l’occasion de la signature le 26 janvier d’un contrat avec le gestionnaire des infrastructures pour améliorer la performance des circulations sur le réseau régional, Franck Dhersin, le vice-président de la région chargé des Transports, a d’ailleurs remercié Nathalie Darmendrail, directrice territoriale de SNCF Réseau « pour la qualité du travail et des relations quotidiennes avec elle et ses équipes ».
D’une durée de trois ans (2021-2024), le contrat engage les deux parties. SNCF Réseau devra « optimiser la maintenance de l’infrastructure (voie, caténaires, signalisation, passages à niveau, etc.), restituer à l’heure les travaux, informer le plus en amont possible pour une information des voyageurs la plus efficace, digitaliser la capacité du réseau pour plus de circulations». De son côté la trégion devra « fournir les éléments nécessaires à SNCF Réseau afin de construire un plan de transport robuste. Dans ce contexte, SNCF Réseau aura le souci d’accompagner au mieux la région Hauts-de-France sur tous les sujets de conception de l’offre de service voyageurs en anticipant notamment la réalisation des travaux de régénération avec une desserte répondant au mieux aux enjeux de mobilité du quotidien ».
Un taux d’irrégularité de 2,2 % à ne pas dépasser en 2024
De plus, dans le cadre de ce contrat, SNCF Réseau, s’engage à atteindre un taux d’irrégularité des circulations régionales limité à 2,2 % en 2024, alors qu’il était de 2,4 % en 2021, et de 2,5 % en moyenne ces trois dernières années.  « Nous n’étions pas obligés de signer ce contrat », a précisé Luc Lallemand, le PDG de l’entreprise, « mais nous trouvons très important, dans la nouvelle stratégie de SNCF Réseau, que “ça nous fasse mal si on travaille mal“ » .
Cet objectif de régularité est assorti d’un système de bonus-malus. Si le seuil dépasse les 3,25 % alors le gestionnaire devra payer des pénalités de 800000 euros à la Région. En revanche, si le taux d’irrégularités des circulations est très faible, de moins de 1,55 %, alors c’est la Région qui versera 800000 euros à SNCF Réseau. Des chiffres à mettre en regard du montant des péages, soit environ 130 millions d’euros que paient les Hauts-de-France à SNCF Réseau.
« Nous consacrons 500 millions par an pour les TER », a également rappelé Franck Dhersin. « avec 185 millions de recettes quand tout fonctionne bien, ce qui n’est pas le cas en ce moment évidemment, ni l’année dernière ». Mais, a ajouté l’élu, « suite à ma rencontre avec Christophe Fanichet et Jean-Aîmé Mougenot, le directeur TER délégué, nous ne payons pas à SNCF Voyageurs les 44 millions environ par mois. On ne l’a pas fait en décembre, nous ne l’avons pas fait en janvier, nous ne ferons pas en février ».
Rendez-vous le 1er mars avec la direction TER
Franck Dhersin précise qu’il doit revoir avec Jean-Aîmé Mougenot, le 1er mars, pour déterminer si des progrès ont déjà été réalisés. « J’ai noté déjà que 100 embauches avaient été faites en décembre par SNCF Voyageurs, que 200 autres étaient en cours, dont une soixantaine sur le premier trimestre avec des conducteurs, des chefs de bord, des contrôleurs, et aussi du personnel dans les centres de réparations et d’entretien. Donc je pense qu’on est sur la bonne voie pour présenter, je l’espère au moins de mars, des meilleurs résultats aux usagers, et pour nous de pouvoir reprendre le paiement », indique le vice-président, tout en reconnaissant « qu’en ce moment, c’est très difficile de juger une performance avec toutes les contaminations au Covid, qui touchent toutes les entreprises, y compris la SNCF ».
Yann Goubin

Ewa

La dette de SNCF Réseau allégée de 10 milliards d’euros supplémentaires

Chantier SNCF Réseau

Après avoir repris 25 milliards d’euros de dettes à SNCF Réseau en janvier 2020, l’Etat a de nouveau soulagé les comptes du gestionnaire d’infrastructures ferroviaires de dix milliards de dettes comme prévu dans le cadre de la réforme ferroviaire. Ce qui lui permettra de réduire ses frais financiers d’environ 300 millions d’euros annuels supplémentaires. L’économie totale de frais financiers induite par la reprise de dettes atteindra ainsi à terme 1 milliard d’euros annuels, selon SNCF Réseau.

Un ballon d’oxygène alors que la crise sanitaire a pesé sur ses résultats pour un montant estimé à près de 1,6 milliard d’euros en deux ans, essentiellement en raison de la baisse de chiffre d’affaires induite par la réduction des trafics ferroviaires, explique le groupe. « Le soutien de l’Etat et du Groupe SNCF, notamment à travers le plan de relance du ferroviaire, a permis à SNCF Réseau de poursuivre ses missions et ses investissements sur le réseau ferré, sans grever sa dette« , précise-t-il. Le montant de la dette était de 30 milliards d’euros à fin 2021, avant l’effacement de 10 milliards au 1er janvier 2022.

Ewa

« Nous avons progressé dans l’organisation des chantiers »

Matthieu Chabanel - Directeur general adjoint operations

Malgré la crise sanitaire, le programme des chantiers de régénération du réseau a été exécuté sans encombre en 2021, selon Matthieu Chabanel. Le directeur général délégué chargé des Projets, de la Maintenance, et de l’Exploitation à SNCF Réseau dresse un bilan sur l’année passée et esquisse les projets pour 2022, alors que le contrat de performance élaboré avec l’Etat est en cours de consultation.

Ville, Rail & Transports. Que retenir de 2021 ?

Matthieu Chabanel. Après une année 2020 perturbée par la crise du Covid-19, 2021 a été une année réussie pour SNCF Réseau. Cette année, en matière de régénération, nous sommes revenus à un rythme conforme à ce qui était prévu dans le budget. C’est une vraie satisfaction puisque la crise sanitaire avait impacté notre production en 2020. Le budget de régénération s’élève à 2,820 milliards d’euros, rapporté à un budget d’investissement total de 5 milliards d’euros.

Les investissements sont stables, avec naturellement des petits écarts d’une spécialité à l’autre : un peu plus de voies et un peu moins d’ouvrages d’art, par exemple, mais dans des proportions relativement faibles.

Le budget pour la régénération atteindra même 2,850 milliards d’euros en 2022 – un budget sans commune mesure avec celui d’il y a 15 ans, quand nous tournions autour de 1 milliard d’euros.

VRT. Les retards liés au Covid se font-ils toujours ressentir ?

M. C. Nous avons rattrapé rapidement les écarts causés par la crise l’année dernière. Certaines mises en service de projets spécifiques, décalées l’année dernière du fait de la crise sanitaire, ont pu se réaliser cette année. C’est notamment le cas pour la ligne Serqueux – Gisors, opérationnelle depuis le printemps dernier.

En parallèle, la régénération du réseau a été comme chaque année un chantier permanent. Ces travaux se déroulent sur le réseau exploité et ils doivent être programmés longtemps à l’avance pour limiter leurs conséquences sur la circulation des trains. En 2021, nous avons dû non seulement réaliser le programme annuel planifié mais aussi des reliquats d’opérations initialement programmées en 2020.

VRT. Quelles ont été les principales entreprises partenaires qui ont travaillé avec vous en 2021 ?

M. C. Notre panel de fournisseurs de travaux regroupe près de 400 entreprises. Certains font des travaux très précis. Pour les chantiers de plus gros volume, nous pouvons citer Colas Rail, Eiffage rail, ETF ou TSO. Concernant les marchés de suites rapides, Transalp Renouvellement est également à pied d’œuvre à nos côtés.

En réalité, SNCF Réseau travaille avec un tissu d’entreprises diversifié, aussi bien des gros groupes que des PME ou des ETI. Notre objectif est d’ailleurs d’animer un écosystème industriel complet et synchrone qui ne se limite pas aux grands groupes. En complément des activités sur les voies, un gros travail de signalisation est réalisé par des entreprises comme Alstom, Thalès, Hitachi et Siemens.

VRT. Quelles sont les difficultés rencontrées ?

M. C. Plus de 1 500 chantiers sont réalisés chaque année sur l’ensemble du territoire par les équipes de SNCF Réseau. Je tiens à souligner le travail remarquable de nos collaborateurs, qui résolvent chaque jour de multiples problématiques techniques dans le cadre de la régénération du réseau. C’est un défi industriel du quotidien, d’autant que ces travaux ont lieu en plein air, la plupart du temps de nuit, dans des conditions météorologiques parfois extrêmes. Ces chantiers doivent, qui plus est, s’intégrer parmi les circulations qui se poursuivent sur le réseau ferroviaire. L’un de nos enjeux à l’heure actuelle est de réaliser des travaux les moins perturbants possible pour la circulation des trains de nos clients.

Un autre enjeu majeur pour SNCF Réseau et ses partenaires industriels est le recrutement, et notamment le « sourcing » de personnel formé dans un certain nombre de spécialités techniques. Le groupe SNCF mène une politique très active autour du recrutement et de la formation mais le sujet demeure.

Le contrat de performance qui va être signé entre SNCF Réseau et l’Etat va contribuer à le résoudre car il donnera de la visibilité à nos partenaires industriels sur leur chiffre d’affaires des années suivantes, et leur permettra donc d’investir en recrutement et en formation. Dans une approche gagnant-gagnant, ils s’appuieront sur la visibilité que nous aurons nous-mêmes.

VRT. Quelles sont les dernières innovations technologiques ?

M. C. SNCF Réseau a réalisé cette année de gros efforts pour le renouvellement des installations caténaires, concrètement des armements et des poteaux, au nombre de 600 000 le long du réseau. Nous avons créé, avec nos partenaires, des trains-usines caténaires, à l’image de ce qui est mis en œuvre sur les chantiers de modernisation de la voie ; c’est inédit en Europe. Côté renouvellement de voie, le développement de trains spécifiques pour des zones denses, comme l’Ile-de-France, nous a fait gagner en efficacité.

Nous avons aussi sensiblement progressé dans l’organisation des chantiers. Certains process nous permettent par exemple de gagner du temps dans l’installation des travaux.

VRT. Qu’est-ce qui changera avec le futur contrat de performance que vous allez signer avec l’Etat ?

M. C. Ce contrat de performance inscrira dans la durée, jusqu’à 2030, l’effort d’investissement dans la rénovation du réseau à un niveau élevé et stable. C’est-à-dire un montant d’au moins 2,8 milliards d’euros par an pour renouveler le réseau, pour nous donner de la visibilité et nous permettre de mobiliser les moyens adéquats.

Le gestionnaire d’infrastructures que nous sommes a besoin de planifier très en amont sa stratégie industrielle et donc d’inscrire les actions associées dans la durée, ce contrat avec l’Etat nous le permet.

VRT. Dans combien de temps les efforts de régénération pourront-ils faire baisser l’âge moyen du réseau ferré français ?

M. C. Notre réseau ferré français est très particulier : il s’agit du 2e réseau européen en taille et son âge moyen est élevé, entre 29 et 30 ans pour la voie.

Malgré cela, son niveau de sécurité figure parmi les meilleurs standards européens et nous disposons d’un taux de défaillance de l’actif relativement faible. C’est grâce aux efforts de régénération permis par le contrat de performance mais aussi à l’importance accordée à l’entretien du réseau au quotidien par les équipes de SNCF Réseau.

Propos recueillis par Antoine Irrien

Retrouvez cette interview et notre dossier spécial sur les grands projets de rénovation du réseau ferré français dans le numéro de janvier de Ville, Rail & Transports.

Ewa

« Nous sommes dans une stratégie du temps long pour développer le fret ferroviaire » estime André Thinières

Fret France Relance

L’association Objectif OFP, qui organise aujourd’hui une rencontre sur le futur du fret ferroviaire, se montre optimiste sur le nouveau plan gouvernemental comme l’explique André Thinières, son délégué général. Selon lui, beaucoup dépend de SNCF Réseau et des entreprises.

Ville, Rail & Transports. Que pensez-vous de la stratégie nationale pour le fret ferroviaire  présentée à la rentrée par le gouvernement?

Andre ThinieresAndré Thinières. J’ai vu passer beaucoup de plans, notamment depuis 2009 et l’initiative nationale pour le fret ferroviaire prise dans le sillage du Grenelle de l’Environnement. C’était un plan typique, puisque c’était une décision unilatérale de l’Etat avec des fléchages de crédits pour lesquels on s’était contenté de changer les étiquettes. Le résultat était prévisible : il ne s’est rien passé.

Dans le quinquennat précédent, le plan Vidalies avait décidé de doubler les péages en dix ans. Pourquoi pas si c’est pour garantir la santé du gestionnaire d’infrastructures ? Mais c’était au moment où l’Allemagne annonçait de son côté la baisse des péages pour le fret ferroviaire… De plus, SNCF Réseau avait interdiction de financer les lignes capillaires alors que 40 % des origines et destinations du fret se font sur des lignes capillaires. Il s’agissait donc soit de plans en trompe-l’œil, soit de plans inadaptés.

Le plan actuel a le mérite d’avoir été longuement préparé. Il est issu de la loi d’orientation des mobilités, dont l’article 78 demande à l’Etat de définir une stratégie pour le fret ferroviaire et fluvial. L’Etat a travaillé et l’Alliance 4 F a fait des propositions raisonnables. Cette nouvelle stratégie en tient compte. A cela s’ajoute le pacte ferroviaire signé par l’Etat, SNCF Réseau, 4 F et l’AUTF. Il pose le principe que les partenaires s’organisent dans la durée pour suivre la mise en œuvre du plan. Beaucoup d’évolutions dépendent de SNCF Réseau et des entreprises ferroviaires. L’état d’esprit est différent. Tout cela nous paraît aller dans le bon sens.

VRT. Y aura-t-il suffisamment d’argent ?

A. T. Ce qui manque le plus, ce n’est pas l’argent, mais des politiques coordonnées et claires pour que les problèmes d’implantation des futures plateformes se résolvent. Et si les ressources n’existent pas, il faut se mobiliser pour les trouver partout où elles se trouvent, à Bruxelles, dans les régions… Il faut prendre l’habitude de monter des financements plus compliqués que ce que décrète une ligne budgétaire.

Par exemple pour le volet infrastructures territoriales proposé par 4 F (qui concernent les voies capillaires, les voies de services, les voies portuaires, les ITE…), un travail sérieux a été fait sur le terrain, animé par les antennes locales du ministère des Transports qui a conduit à une centaine de petits projets d’un à deux millions d’euros. Ces projets sont tous financés par l’Etat, les régions et des partenaires locaux. Si l’Etat n’avait pas accepté, cela n’aurait jamais eu lieu.

 » CE QUI MANQUE LE PLUS CE SONT DES POLITIQUES COORDONNÉES ET CLAIRES POUR QUE LES PROBLÈMES D’IMPLANTATION DES FUTURES PLATEFORMES SE RÉSOLVENT « 

Il faut bien comprendre que le bénéfice écologique de ces projets ne se concentre pas seulement dans la région concernée mais sur tout le parcours d’un train, qui est en moyenne de 400 km : il y a moins d’accidents, moins d’embouteillages et moins de pollution atmosphérique dans toutes les régions concernées.

Nous pensons que c’est vital. Si on ne joue pas sur tous les leviers, on n’arrivera jamais à baisser les émissions de CO2 et à réduire les conséquences négatives sur l’environnement.

VRT. Peut-on croire à cet objectif de doublement de la part du fret ferroviaire ?

A. T. Nous sommes dans une stratégie du temps long. Les stratégies précédentes étaient réputées efficaces immédiatement. Nous savons que les premiers effets ne se feront pas sentir avant cinq ans. Le transport combiné par exemple a un fort potentiel. On espère son triplement. Mais auparavant, il faut construire une quinzaine de plateformes supplémentaires. Le temps de réalisation d’une plateforme est de cinq ans. On verra donc les effets dans cinq à dix ans. On peut aussi citer la mise à gabarit plus performant d’un certain nombre de tunnels, qui prendra quatre ou cinq ans.

Il faut que l’Etat s’organise dans la durée pour une mise en œuvre sur dix ans. Il faudra que les gouvernements successifs continuent l’effort. Le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, qui a rendu un avis, insiste sur cette nécessité d’un effort sur la durée.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

Retrouvez notre dossier spécial fret ferroviaire publié dans VRT de novembre ici.

Ewa

Le gestionnaire du réseau ferré tchèque fait appel à SNCF Réseau pour ses LGV

Patrick Laval
05 juillet 2012
Prague / Republique tcheque
Gares et trains ‡ Prague
Legende : DÈpart d'un train grandes lignes de la gare centrale de Prague (Praha hlavnÌ n·draûÌ)

Správa železnic, le gestionnaire d’infrastructure ferroviaire tchèque, a confié à SNCF Réseau une mission d’assistance dans le pilotage de ses projets de construction de lignes à grande vitesse. D’un montant de 8,5 millions d’euros, le contrat a été signé le 20 octobre pour une durée de huit ans par Luc Lallemand, PDG de SNCF Réseau, et Jiri Svoboda, DG de Správa železnic.

Dans le cadre de ce contrat, la direction générale industrielle et ingénierie SNCF Réseau apportera son expertise tout au long du projet, des phases d’études préliminaires à la construction de la nouvelle infrastructure : partage d’expérience en matière de planification stratégique, organisation de projet, préparation de l’exploitation et de la maintenance, etc. Ainsi, SNCF Réseau accompagnera Správa železnic durant huit ans, jusqu’à la mise en service de la première ligne, prévue en 2029. Au total, ce sont quelque 660 km de lignes à grande vitesse que la République tchèque prévoit de construire d’ici 2040, pour un montant prévu de 18 milliards d’euros.

Carte réseau tchèque
Carte du réseau de LGV tchèques.

A l’occasion, Jiri Svoboda, DG de Správa železnic, a déclaré être « très heureux que nos équipes aient déjà établi une excellente relation professionnelle au cours des dernières années », annonçant l’entrée « dans une nouvelle phase de coopération pour la préparation du TGV tchèque », qui sera « encore plus intensive et à l’issue de laquelle il y aura une liaison directe entre Prague et Paris ». Une relation qui serait la bienvenue : actuellement, entre une douzaine et une quinzaine d’heures (selon la marge que l’on se donne aux correspondances) sont nécessaires si l’on veut relier en train, moyennant au moins deux changements et de grands détours, ces deux villes distantes d’à peine mille kilomètres à vol d’oiseau (le voyage est parfois plus rapide en effectuant une étape entre Nuremberg et Prague en autocar !)

P. L.

Ewa

Selon l’Unsa-Ferroviaire, la future réorganisation de SNCF Réseau risque de dégrader les opérations de maintenance

Rehaussement des voies Haussmann Saint-Lazare

Après le CSE central (Comité Social et Économique) le 6 mai, au cours duquel deux projets de réorganisation de SNCF Réseau ont été présentés, prévoyant de tailler dans les effectifs, Didier Mathis, le secrétaire général de l’UNSA-ferroviaire, a expliqué à VRT  pourquoi ces mesures vont réduire les capacités de maintenance du gestionnaire d’infrastructures et risquent de dégrader ses performances.

Ville, Rail & Transports : La direction a présenté aux organisations syndicales ses projets de réorganisation. Avez-vous été surpris?
Didier Mathis : Avec la reprise de la dette (l’Etat va reprendre 35 milliards d’euros), Bercy a demandé à la SA Voyageurs d’être à l’équilibre en 2022 et à SNCF Réseau de l’être en 2024. Et donc de réaliser des efforts de productivité. Mais nous avons été surpris par l’ampleur des projets de réorganisation de Réseau. Nous ne nous attendions pas à des chiffres aussi forts. Nous sommes très inquiets car, avec les effectifs actuels, les besoins de maintenance ne sont parfois même plus couverts, faute de personnel ou à cause d’emplois vacants et non pourvus. Avec les suppressions d’effectifs aujourd’hui prévues à tous les niveaux, la situation va se dégrader encore plus. Avec l’ensemble des organisations syndicales, nous avons demandé le recours d’un cabinet d’expertise.

VRT : Quelle est l’organisation prévue?

D. M. : Aujourd’hui, il existe deux unités : une unité voie et une unité pour les agents du service électrique, de l’entretien caténaire et de la signalisation. Le projet vise la fusion de ces deux unités pour aboutir à une unité mixte. 50 % des unités territoriales vont être supprimées.

Nous ne sommes pas forcément contre les unités mixtes : il y en a déjà sur quasiment toutes les LGV. Mais sur les lignes classiques, c’est plus compliqué. Et sur des territoires ferroviaires denses comme la région lyonnaise ou l’Ile-de-France, les unités mixtes sont une aberration.

L’une de nos grandes préoccupations concerne la suppression des dirigeants de proximité (DPX) qui sont un maillon essentiel dans l’organisation : alors qu’actuellement, il existe trois niveaux hiérarchiques ( le dirigeant d’établissement, le dirigeant de proximité et le dirigeant d’unité), dans le futur, les DPX vont disparaître et il n’y aura plus que 2 niveaux. 15 à 20 chefs d’équipe seront pilotés par un seul dirigeant d’unité sur des territoires qui s’étendront sur plusieurs départements,

Six établissements ont déjà commencé à tester cette nouvelle organisation qui doit être généralisée à partir de l’année prochaine. La direction veut aller très vite.

VRT : Comment l’entreprise va-t-elle compenser cette baisse d’effectifs?

D. M. : La réponse, c’est la digitalisation. Sauf que les outils ne sont pas au point. On l’a déjà vécu avec le lancement en décembre du nouveau logiciel SIPH (système industriel de production horaire) qui a connu plein de bugs. On s’est mis en situation de fragilité opérationnelle. Dans le passé, on n’aurait jamais mis en service un logiciel pas abouti. L’entreprise prend des risques calculés.

La maintenance prédictive est intéressante mais n’oublions pas que dans de nombreux métiers, l’expérience acquise est essentielle et la machine ne pourra jamais complètement remplacer l’homme.

Par ailleurs, l’organisation actuelle permet à l’ascenseur social de fonctionner, en faisant monter progressivement des jeunes à des postes à responsabilité grâce à l’expérience acquise. Des jeunes embauchés à Bac +2 pouvaient progresser en passant d’un poste d’assistant à un poste à responsabilités au fil des années. La nouvelle organisation remet en question ce système.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

 

 

Ewa

Le projet de réorganisation de SNCF Réseau pour arriver à l’équilibre en 2024

Travaux de modernisation sur le secteur de Venissieux.

Avis de réorganisation chez SNCF Réseau. Les organisations syndicales ont été informées le 6 mai lors d’un CSE central (Comité Social et Économique) de deux projets de SNCF Réseau , l’un baptisé « Maintenir demain » et concernant les établissements assurant la maintenance du réseau ferré, l’autre un plan « d’optimisation des FGA (Frais généraux administratifs ) » qui doit s’étaler sur trois ans et conduire, selon l’Unsa-Ferroviaire, à la suppression de 500 postes dans les fonctions supports (ressources humaines, gestion, finances et communication, qui regroupent 3500 personnes).

Toujours selon l’organisation syndicale, ces projets de réorganisation qui portent le nom de code en interne de  « ZBO »  (Zero Base Organisation, autrement dit, une organisation revue en partant d’une page blanche) se traduiront aussi par la suppression, d’ici à 2026, de plus de 250 postes d’encadrants dans les établissements, de 18,6 % des effectifs des opérateurs de production voie, de 17 % des opérateurs de production caténaires, de 17 % des opérateurs de production de la signalisation ferroviaire, ou encore de 10 % de ceux intervenant sur les ouvrages d’art et l’alimentation électrique. Contacté par VRT, SNCF Réseau n’a pas confirmé ces chiffres, expliquant en être au stade de projet et dans une démarche de dialogue social.

Rappelons que le gestionnaire des infrastructures est engagé depuis plusieurs années dans un programme d’économies pour renouer avec l’équilibre en 2024, conformément à ses engagements. Il peut agir en améliorant son organisation industrielle, en agissant sur les achats et en renforçant sa productivité. Ce qu’il fait depuis 2017. 544 millions d’euros d’économies ont ainsi déjà été réalisées. Soit 135 millions d’euros d’économies par an. A partir de cette année et jusqu’en 2023, il est prévu d’aller un cran plus loin en économisant chaque année 170 millions d’euros, avait indiqué Luc Lallemand, le PDG de SNCF Réseau, lors d’un Club VRT le 8 mars.

Sur ce montant, 120 millions d’euros pourraient être gagnés sur les « frais généraux administratifs ». Les salariés du groupe seraient appelés à se concentrer sur les missions prioritaires et à renoncer aux tâches non prioritaires. Et des missions pourraient être mutualisées. D’où des suppressions de postes qui ne signifient pas licenciements puisque les cheminots ne peuvent pas être licenciés économiquement. Les salariés pourront alors se voir proposer une mobilité géographique (avec des aides au déménagement… ) ou fonctionnelle (avec des formations). Les départs volontaires seront aussi aidés avec des formations, des mesures de soutien salarial ou à la création d’entreprise.

Côté maintenance, SNCF Réseau travaille depuis plusieurs années sur la maintenance prédictive grâce aux nouveaux outils et à la digitalisation. L’objectif est de mieux connaître le réseau et de mieux anticiper et planifier les interventions. Le programme « Maintenir demain » prévoit de séparer l’activité connaissance du réseau et programmation de l’activité production. Six sites expérimentent depuis quelques mois cette nouvelle organisation. Si le test est jugé positif, la généralisation est prévue jusqu’en 2024. Ce qui permettra là aussi de supprimer des postes. A terme, autour de 5 % de productivité pourrait être réalisée.

Marie-Hélène Poingt

Ewa

Les opérateurs de fret craignent que SNCF Réseau ne puisse pas suivre si l’Etat ne lui en donne pas les moyens 

Franck Tuffereau

Les opérateurs de fret attendent la présentation du plan de relance pour le fret ferroviaire, conformément à ce que prévoit la LOM. Franck Tuffereau, coordinateur de l’alliance 4F et délégué général de l’Afra (Association française du rail), explique à VRT les attentes du secteur.

Ville, Rail & Transports. Quel bilan dressez-vous de l’année 2020 et du début 2021?

Franck Tuffereau. Notre secteur a moins souffert que d’autres, comme le tourisme ou la restauration. Le ferroviaire a assuré des acheminements qui n’étaient pas proposés par la route. Le fret ferroviaire n’est pas en détresse comme peut l’être le transport de voyageurs.

Toutefois, en plus de la crise sanitaire, le secteur a souffert de la mise en service du nouveau logiciel d’attribution des sillons, baptisé SIPH, pour organiser le nouveau service en décembre dernier. Sa mise en place a rencontré de grandes difficultés. SNCF Réseau s’est mobilisé et a mis sur pied une cellule de crise. Des horairistes non concernés par ce logiciel, y compris des horairistes de réserve, ont été appelés pour surmonter les difficultés et des sillons de dernière minute ont été attribués.

Le transport de fret a été davantage pénalisé que le transport de voyageurs dont le service annuel est préparé plus en amont, 18 mois en avance. Cela apporte plus de visibilité dans la construction du service. Aujourd’hui, nous rencontrons encore des difficultés même s’il y a des améliorations.

VRT. Quelles sont les pertes du secteur ?

F. T. De nombreuses entreprises ferroviaires de fret sont dans le rouge. Durant le premier confinement, l’industrie lourde par exemple a arrêté sa production.

Au début de la crise sanitaire, le volume a baissé de 20 à 30 %. Désormais les trafics ont repris, notamment la sidérurgie et l’industrie automobile. Il y a eu un gros effort réalisé par l’Etat qui a décidé d’instaurer la gratuité des péages durant les six derniers mois de 2020 et de les réduire de moitié sur toute l’année 2021 pour toutes les entreprises ferroviaires de fret.

Mais aujourd’hui, les clients manquent de visibilité sur les mois à venir.

VRT. Que demandez-vous ?

F. T. L’alliance 4F qui a été créée, a formulé un certain nombre de préconisations. Elle demande un milliard d’euros pour la sauvegarde du fret ferroviaire et 1,5 milliard d’euros par an sur une dizaine d’années pour arriver à l’objectif de doubler la part du fret ferroviaire à l’horizon 2030.

La grosse difficulté, ce sera de tenir dans le temps. Il y a des promesses mais on a déjà connu dans le passé des plans pour sauver le fret qui se sont perdus avec le temps.

Il y a aussi le plan d’urgence qui prévoit plus de quatre milliards d’euros en faveur de SNCF Réseau. Le ministre des Transports doit désormais présenter le plan de relance pour le fret ferroviaire comme le prévoit la loi d’orientation des mobilités (LOM) dans son article 178.

La LOM aurait dû être appliquée au 1er janvier mais les équipes techniques ont pris du retard. Nous nous attendons à ce que le plan de relance reprenne les préconisations de l’alliance 4F. Nous sommes plutôt optimistes.

Mais comme il y a énormément d’actions et de travaux qui concernent l’infrastructure ferroviaire dans les années à venir (notamment la résorption des nœuds ferroviaires), nous craignons que SNCF Réseau ne puisse pas suivre si l’Etat ne lui en donne pas les moyens. D’autant que son contrat de performance avec l’Etat n’est pas encore écrit. C’est notre grosse crainte.

VRT. Dans ce paysage, quel doit être le rôle de Fret SNCF ?

F. T. Nous avons besoin de Fret SNCF pour l’avenir du secteur. Fret SNCF a intérêt à se développer sur les créneaux qui lui apportent une situation pérenne. Cette entreprise va obtenir une aide spécifique pour les wagons isolés. Cela devrait aussi inciter d’autres acteurs à se positionner sur ce créneau.

Nous souhaitons mettre en place des systèmes informatiques pour optimiser ce type d’activité. L’alliance 4F planche avec des groupes de travail sur ces systèmes et cherche des prestataires pour mettre en place des dispositifs qui permettent de relancer le fret ferroviaire. Nous portons à la fois des demandes d’aide publique et des engagements des opérateurs.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

Ewa

« Je crois dur comme fer à l’avenir du rail en France »

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Après avoir dirigé pendant 15 ans Infrabel, le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire belge, et réussi sa modernisation, Luc Lallemand avait le profil idéal pour prendre la direction de SNCF Réseau. Aux commandes depuis le 1er mars 2020, il a pour mission de poursuivre la modernisation d’un réseau de 30 000 km de ligne et de respecter une trajectoire financière permettant d’aboutir à l’équilibre financier dans trois ans.

Depuis un an à la tête de SNCF Réseau, Luc Lallemand peut désormais dresser un premier bilan, qu’il a détaillé lors de sa participation au Club VRT le 8 mars. Mais avant, il tient à saluer un « réseau ferroviaire français fabuleux », comme pour prendre le contre-pied de critiques si souvent entendues. « Les Français sont très critiques sur leur pays », s’étonne-t-il. Toutes les populations européennes ont un rapport affectif avec les chemins de fer, poursuit Luc Lallemand. Mais, selon lui, c’est en France qu’il y a « la plus grande aspiration au transport ferroviaire ».

“ MALGRÉ UN RÉSEAU VIEILLISSANT, ON PARVIENT TOUT DE MÊME À PRODUIRE EN FRANCE UNE QUALITÉ DE SERVICE COMPARABLE À CELLE D’AUTRES PAYS 

Venant de Belgique, le dirigeant du réseau ferré français (30 000 km de ligne, dont 2 600 km de LGV), se dit aussi stupéfait du niveau de critiques vis-à-vis du chemin de fer. Une sévérité injustifiée selon lui : malgré un réseau vieillissant, nécessitant des investissements colossaux pour la partie qui ne relève pas du TGV, on parvient tout de même à produire en France une qualité de service comparable à celle d’autres pays, assure-t-il.

« Si le réseau ferré français est surtout connu pour son TGV, il ne faut pas oublier que c’est un réseau de très haute performance, envié par toute l’Europe et même le monde entier » , souligne-t-il.

Toutefois, le réseau structurant classique, « a pâti durant plusieurs décennies du financement du TGV, qui s’est fait à ses dépens », rappelle-t-il.

SNCF Réseau travaille donc à la mise à niveau des lignes UIC 2 à 6, les plus parcourues, avec l’objectif de les remettre dans la moyenne européenne d’ici sept à neuf ans. « Une nécessité », affirme Luc Lallemand qui rappelle que l’âge moyen des composants des voies atteint parfois 29 ans.

Le pacte ferroviaire adopté en 2018 va y aider. Selon le dirigeant, « jamais un gouvernement en Europe n’avait fait autant pour ses chemins de fer. Que ce soit dans le domaine social, financier (avec la reprise de la dette), l’organisation du groupe ou la préparation à la concurrence ». C’est pourquoi, un an après sa prise de fonction, il se dit très enthousiaste et optimiste sur l’avenir du rail en France.

Quant aux lignes de dessertes fines du territoire, les UIC 7 à 9, les moins parcourues, elles peuvent faire l’objet d’un transfert de gestion, à la demande des exécutifs régionaux, comme le prévoit l’article 172 de la loi d’orientation des mobilités (LOM).

C’est le cas de la Région Grand Est qui souhaite prendre la main sur la ligne Nancy – Contrexéville et sur un ensemble de tronçons entre Strasbourg (Bas-Rhin) et Epinal (Vosges) formant la liaison Bruche – Piémont des Vosges, des liaisons fermées ou limitées en raison de leur vétusté.

L’équilibre financier attendu en 2024

Lorsqu’il est arrivé aux commandes du réseau français, le groupe SNCF venait de se transformer en un groupe public intégré, avec la constitution de SA : SNCF (société mère), SNCF Réseau, SNCF Gares & Connexions, Rail Logistics Europe et SNCF Voyageurs.

Passer d’un statut d’Epic à un statut de S.A. a donné au conseil d’administration de Réseau une responsabilité civile et pénale sur ses actes de gestion. « Plus question de laisser filer la dette », prévient Luc Lallemand, qui a comme priorité, de parvenir à un cash-flow à zéro en 2024. « Un sacré défi, sachant que l’on vient d’une situation structurellement déficitaire de deux milliards d’euros », commente-t-il.

Sa feuille de route lui confie aussi la mission de réaliser l’intégration de SNCF Réseau dans le groupe SNCF et d’améliorer sa performance et la qualité de service au client. « C’est-à-dire d’avoir le moins d’incidents techniques possible. Et lorsqu’il y en a, de minimiser le temps nécessaire pour remettre le réseau en état de fonctionner. » Ce qui n’est pas qu’une question d’argent. « Il faut du temps pour intervenir. Or sur certaines lignes très parcourues, nos équipes ne disposent parfois que de trois heures utiles pour faire la maintenance du réseau, voire l’améliorer. »

Un plan de relance de 4,1 milliards d’euros pour le rail

Quinze jours après son arrivée aux manettes, le premier confinement a été instauré. « La crise Covid a eu des conséquences sur le plan humain, opérationnel et financier », résume Luc Lallemand, avant de remercier les salariés du groupe qui ont assuré le service. « Il y a eu une mobilisation phénoménale dans le groupe pour parvenir à continuer à assurer nos missions malgré la crise. Et même pour réussir à lancer des opérations comme les TGV sanitaires. Notre moteur a été la solidarité avec tous les Français. »

Grâce à l’engagement des équipes, les trains ont pu continuer à circuler et les chantiers comme Eole, Charles-de-Gaulle Express, mais aussi ceux liés à la maintenance, se sont poursuivis. SNCF Réseau a dû s’adapter à des niveaux de charge changeants. « Nous avons enregistré une très forte baisse des circulations durant le confinement, puis la fréquentation est remontée durant l’été. En septembre le niveau habituel n’était pas au rendez-vous, en raison de l’absence de la clientèle business. En octobre, avec le reconfinement, le trafic est retombé », rappelle Luc Lallemand. D’où un important manque à gagner lié aux péages, qui expose le gestionnaire des infrastructures à des pertes de plusieurs centaines de millions d’euros.

Le PDG de Réseau se réjouit d’avoir pu bénéficier d’une enveloppe de 4,1 milliards sur les 100 milliards prévus dans le plan de relance de l’Etat. « Cela a permis à la société de poursuivre 100 % de son action de régénération du réseau. » Tous les pays d’Europe n’ont pas bénéficié d’un plan de relance aussi ambitieux, estime le gestionnaire. Si le gouvernement n’avait pas versé une première tranche de 1,6 milliard, avant de lui en attribuer une autre courant 2021 pour couvrir les besoins de l’année, il aurait été contraint de compenser le manque à gagner lié à la Covid avec l’enveloppe de régénération de 2,8 milliards, affirme-t-il.

Après le premier confinement, SNCF Réseau avait estimé le coût de la crise à 1,7 milliard d’euros jusqu’en juin 2022. Dont 50 % en coûts directs : pertes de productivité sur les chantiers, achat de gel hydroalcoolique et de masques et pertes liées aux péages. L’autre moitié s’expliquant par le fonds de concours, issus de dividendes versés par SNCF Voyages.

“ ON CRAINT QUE LES PERTES ADDITIONNELLES S’ÉLÈVENT JUSQU’À 800 MILLIONS D’EUROS, VOIRE DAVANTAGE, EN FONCTION DE LA SORTIE DE CRISE PANDÉMIQUE ET DE LA VITESSE À LAQUELLE LA CLIENTÈLE REVIENDRA 

Sans la crise, Réseau aurait dû recevoir près de 900 millions de ce fonds, versés par SNCF Voyages. Mais il risque de ne plus être alimenté, pendant au moins trois ans, en raison des difficultés de la filiale voyageurs. Et comme le deuxième confinement, survenu fin octobre, a entraîné une nouvelle chute du trafic, à un niveau plus élevé que Réseau ne l’avait envisagé, des pertes supplémentaires vont s’ajouter. « On craint que les pertes additionnelles s’élèvent jusqu’à 800 millions d’euros, voire davantage, en fonction de la date de la sortie de crise pandémique et de la vitesse à laquelle la clientèle reviendra. »

Des gains de productivité portés à 1,5  milliard d’ici 2026

Luc Lallemand s’inscrit dans la continuité de son prédécesseur, Patrick Jeantet, tout en voulant aller encore plus loin dans l’industrialisation. « On partait d’un bon point de départ. L’équipe précédente avait lancé l’industrialisation du processus de régénération du réseau classique. » Il poursuit ce travail avec un plan stratégique baptisé : « Tous SNCF, ambition réseau », axé autour de quatre grandes orientations. La première est axée autour du client. Le PDG de Réseau souhaite proposer une offre de services élargie et un accompagnement renforcé des clients du réseau ferré, afin de leur faire préférer le train. « Cela passe par une relation de qualité avec les clients sur tous les territoires. »

La signature de contrats de performance ferroviaire avec la région Sud et la région Normandie va dans ce sens et représente le deuxième axe du plan pour proposer des sillons garantis. « L’objectif est d’atteindre dès 2023, 90 % de projets cofinancés qui respectent le triptyque coût-délai-qualité. Il s’agit de garantir les sillons et une exploitation robuste, permettant d’assurer 90 % de ponctualité au départ. Ce qui représente une baisse de 35 % des événements sécurité remarquable en exploitation dont la cause est due à SNCF Réseau. »

La troisième orientation stratégique concerne la sécurité au travail et la quatrième vise à revenir à l’équilibre financier dès 2024.

L’Autorité de régulation des Transports (ART) a déjà fait part, dans le passé, de son scepticisme sur la réalisation de cet objectif, en l’absence d’un contrat de performance clair signé avec l’Etat et définissant sa trajectoire économique. Luc Lallemand admet que ce ne sera pas facile mais assure « être sur la trajectoire pour y parvenir, sauf chute de péage supplémentaire d’ici la fin de la crise Covid. »

“ AVEC LA REPRISE DE DETTE DE 35 MILLIARDS D’EUROS, LES COMPTES DE L’ENTREPRISE SERONT SOULAGÉS D’UN MILLIARD D’EUROS D’INTÉRÊT 

Le patron de Réseau précise qu’un effort substantiel de productivité et de réduction des coûts est réalisé en interne. De plus, avec la reprise de dette de 35 milliards d’euros, les comptes de l’entreprise seront soulagés d’un milliard d’euros d’intérêt. D’où un bilan en ligne avec ce qui se fait dans d’autres sociétés comparables. « Il restera un passif de 25 milliards, soit une structure financière au passif acceptable », précise-t-il.

Luc Lallemand assure que des gains de productivité complémentaires pourraient être réalisés en s’attaquant à l’outil industriel. Notamment en réduisant le nombre de postes d’aiguillage de 2 200 à une vingtaine. Il en a fait l’expérience en Belgique, où il est parvenu à réduire le nombre de postes d’aiguillage du réseau ferroviaire de 365 à 11. « On a supprimé 97 % des postes d’aiguillage, afin de réaliser des gains de productivité. »

Reste toutefois une difficulté majeure depuis que l’Insee a décidé en 2017, en accord avec Eurostat, de reclasser SNCF Réseau en administration publique et d’intégrer sa dette aux comptes de l’Etat. Il est en effet nécessaire  d’avoir une autorisation de dépenses d’investissement, au sens d’Eurostat, pour moderniser l’outil de production. Il s’agit d’une dette « vertueuse » qui se rembourse d’elle-même en quelques années par création de valeur actualisée nette, explique Luc Lallemand. En clair, il est nécessaire d’avoir l’accord de l’Etat pour augmenter la dette. La probabilité de convaincre Bercy, toujours sourcilleux quand il s’agit d’alourdir la dette publique, paraît plus que mince alors que dépenser de l’argent pour réduire le nombre d’aiguillages pourrait être à l’origine d’économies quatre ou cinq ans plus tard.

En rationalisant le réseau, il serait même possible de doubler les gains de productivité, actuellement estimés à 1,6 milliard d’euros d’ici à 2026. Luc Lallemand compte bien l’expliquer…

Les effets positifs de la concurrence

La Covid a aussi remis en question les projets de conquête des opérateurs dans le cadre de l’ouverture à la concurrence. Difficile en effet d’entrer sur de nouveaux marchés ferroviaires qui nécessitent des investissements de l’ordre de dizaines de millions d’euros pour acheter des rames de TGV ou de TER quand la clientèle déserte les trains.

La compétition ne concerne pas que l’exploitation des trains. SNCF Réseau sera aussi mis en concurrence lorsqu’une région décidera de prendre une ligne pour en confier la gestion à un opérateur. Dans la région Grand Est, SNCF Réseau a choisi de ne pas répondre. Car, indique son PDG, « la stratégie de SNCF Réseau sur ce type de dossier est encore en cours d’élaboration».

Pour Luc Lallemand, être en situation de monopole n’est pas forcément un avantage. « Quand on n’a pas de concurrent, il est de bon ton de considérer qu’on en profite et que c’est sous optimal économiquement. Or, SNCF réseau accumule des pertes récurrentes depuis des années… ». La mise en concurrence permet aussi de se comparer et de vérifier si les efforts réalisés pour abaisser ses coûts et augmenter la qualité sont suffisants. Luc Lallemand aborde donc l’ouverture à la concurrence sans crainte, persuadé que Réseau sera gagnant dans tous les cas. « Si on remporte un marché, ou si on le conserve, nous saurons que nous sommes bons. Avec un monopole on ne le sait jamais. Si on perd, cela nous servira pour nous améliorer et pour gagner de prochains appels d’offres. »

ERTMS : pas une priorité en France

Considéré comme un spécialiste de l’ERTMS, suite à son passage chez Infrabel, Luc Lallemand justifie la frilosité de la SNCF à son égard. « Je m’y suis intéressé en 2004 parce que le réseau belge était le seul réseau d’Europe où il n’y avait pas de système de freinage d’urgence automatique en cas de dépassement d’un feu rouge. Quand je suis parti, 25 % du réseau était équipé en ERTMS. Soit la plus grande proportion en Europe. »

Dans l’hexagone, la situation est radicalement différente. Le réseau ferroviaire dispose déjà d’un excellent système de freinage d’urgence, KVB et en tant que coinventeur du TGV avec le Japon, la France a conçu un système de signalisation embarquée, le TVM 430, qui a des fonctionnalités au moins égales à l’ERTMS, mais qui présente l’inconvénient de ne pas répondre aux directives d’interopérabilité de l’Agence européenne du rail. « A l’horizon de 40 à 50 ans, tous les réseaux en Europe seront équipés de ERTMS, mais aujourd’hui sur le réseau français, les priorités sont ailleurs », conclut Luc Lallemand.

Le bon dimensionnement du réseau

Interrogé sur le bon dimensionnement du réseau français ferroviaire, Luc Lallemand répond qu’il dépendra des moyens que l’Etat, les Régions et l’Union européenne lui alloueront. Que ce sera un réseau sans faiblesse structurelle ou historique. Dont l’âge moyen des composants sera au minimum dans la moyenne européenne. Mais aussi un réseau qui n’aura pas de dette cachée.

Selon lui, il faudrait accélérer la modernisation des ateliers de Réseau. « En comparant un technicentre de SNCF Voyageurs avec un atelier de Réseau, on est dans deux siècles différents. »

Concluant son intervention, le chef d’entreprise a de nouveau voulu inviter les Français à avoir un regard plus positif et optimiste sur leur pays, sur son avenir et celui du rail. « Je crois dur comme fer à l’avenir du rail en France. La population n’a jamais été aussi demandeuse d’écologie, de vert et donc de chemin de fer. On a une époque en or devant nous. Nous avons tous les outils en main et une ingénierie parmi les meilleures au monde. Donc on y va et on se dit qu’on est vraiment bon. »

Valérie Chrzavzez