Tomber en panne en pleine voie est la hantise des conducteurs de train. Mais ils peuvent compter sur l’aide des différents Pôles d’Appui Conduite (PAC) de la SNCF pour les aider. Les PAC Men (comme se surnomment les agents) représentent un précieux renfort pour les 15 000 conducteurs du groupe ferroviaire.
C’est le Samu du rail : les PAC Men viennent à la rescousse des conducteurs de train confrontés à une panne en pleine voie. Les conducteurs doivent d’abord chercher à résoudre le problème par eux-mêmes en 15 minutes maximum. Ils y parviennent souvent à l’aide du guide de dépannage, qui est présent dans la cabine de conduite de chaque train.
Lorsque la panne est plus complexe, ils peuvent compter sur le Pôle Appui Conduite (PAC), une sorte de hotline assurée par des conducteurs aguerris qui leur porteront d’abord assistance à distance, par téléphone. L’objectif est de limiter le temps d’immobilisation du train en difficulté, car chaque seconde perdue peut impacter non seulement les voyageurs se trouvant à bord, mais aussi l’ensemble du trafic autour.
Lorsque l’immobilisation du train s’éternise, les PAC Men veillent aussi à ce que le conducteur fasse régulièrement des annonces aux voyageurs pour leur expliquer la situation, « ce qu’un conducteur, focalisé sur le dépannage et l’urgence, peut parfois avoir laissé de côté ».
Il faut éviter que les passagers, excédés, descendent sur les voies. « A l’origine, la SNCF a créé le PAC en 1998 pour faciliter la bonne circulation des TGV dans le cadre de la Coupe du monde de football qui se déroulait en France », explique Antoine Leroy, responsable du PAC TGV (SNCF Voyageurs). Par la suite, les autres activités ont chacune créé leur propre PAC. Celui des TER est situé à Limoges, ceux des TGV et de Transilien à proximité de la gare de Paris-Est, tandis que le PAC LOC & Sirius, le PAC Fret et le PAC LOC Fret sont basés à Lyon.
Les PAC Men, comme les surnomment les conducteurs, ont en commun une solide expérience de conduite, des connaissances techniques sans cesse actualisées, du sang-froid et une excellente capacité d’écoute et de communication. « A chaque appel reçu, notre objectif est de “sauver le train” », résument les PAC Men.
Comme ils sont avant tout des conducteurs, ils assurent régulièrement des acheminements de trains à vide partout en France : vers les différents centres de maintenance SNCF, pour aller chercher du matériel qui vient d’être livré par un constructeur ou encore pour le transfert de matériels entre deux régions. Au PAC Transilien, par exemple, les acheminements représentent 40 % du temps de travail.
Sécurité et rapidité
Lors de la réception d’un appel, il faut à la fois aller le plus vite et le plus méthodiquement possible pour trouver une solution au problème, en toute sécurité, le tout en dialoguant avec le conducteur par téléphone. « C’est un dialogue entre pairs. Notre capacité d’écoute est essentielle pour rassurer le conducteur, l’accompagner dans la résolution du problème. Lorsqu’il est stressé, il faut faire preuve d’empathie, s’adresser à lui de manière à désamorcer son anxiété, car l’ennemi numéro un, c’est le stress. Au PAC, nous sommes là pour le décharger de cette charge mentale, pour l’accompagner dans ce moment particulier de l’exercice de son métier, a fortiori s’il s’agit d’un conducteur qui débute », souligne Jérémy Griselles, agent du PAC Transilien.
« Depuis sa cabine, le conducteur va dialoguer avec nous à l’aide de son smartphone et en utilisant ses documents d’application métier : un mémento, un guide de dépannage informatisé et un guide de dépannage annexe en version papier », énumère Antoine Leroy. « Côté PAC, nous disposons des mêmes documents que lui et nous avons en plus des applications informatiques permettant de visualiser l’architecture de la rame et des vues de tous les organes et appareillages du train en défaut, ainsi que des plans et schémas techniques permettant de guider le conducteur dans son dépannage pour l’aider à localiser certains appareils. Nous voyons sur nos écrans d’ordinateur ce que le conducteur voit. »
Si le dépannage prend plus de 15 minutes, le conducteur doit effectuer une demande de secours pour qu’un train, envoyé par le centre opérationnel concerné (CO), vienne le pousser ou le remorquer afin de libérer la voie. Cependant, en attendant l’arrivée des secours, il continue à chercher une solution avec le PAC. S’il y parvient (ce qui arrive la plupart du temps), il annule alors sa demande de secours. Une annulation synonyme d’économies pour l’entreprise. En effet, suite à une demande de secours sur un réseau à faible fréquentation, l’addition ne sera pas trop lourde. Par contre, si elle concerne une gare TGV à fort trafic, la gare de Paris – Lyon par exemple, cela peut atteindre 200 000 à 300 000 euros, entre le transbordement et la prise en charge des voyageurs du train impacté, l’intervention du train de secours et la mobilisation de personnels supplémentaires.
Anne Jeantet-Leclerc
PAC TGV. Jusqu’à 520 appels par mois
Les trente agents que compte le PAC TGV ont été recrutés parmi les conducteurs d’essais ayant participé à l’homologation de nouveaux TGV et de nouvelles lignes à grande vitesse. Provenant de toutes les régions de France – Rouen, Brest, Dijon, Paris, Bordeaux, Tours, Nice, Lyon… – ils ont des compétences métier différentes et donc complémentaires. « On est habitués à avoir la pression sur les épaules », confie Antoine Leroy, responsable de ce PAC. Ces PAC Men travaillent en 3×8 tout au long de l’année : deux agents le matin, deux l’après-midi, un la nuit. Ils reçoivent entre 430 et 520 appels par mois, y compris pour les TGV internationaux (Thalys et Lyria). « Mais une grande proportion d’appels correspond à du “bouclage”, c’est-à-dire que le conducteur nous fait valider la solution qu’il a trouvée pour résoudre le problème. » Le PAC TGV n’observe pas vraiment de période de pointe dans l’année. « Je parlerais plutôt de loi des séries : il peut nous arriver de faire une quarantaine d’interventions sur un seul week-end… »
PAC LOC & Sirius. Une course contre la montre
« 15 minutes, cela passe vite, bien sûr, c’est une course contre la montre, mais le télédépannage fonctionne très bien. La plupart du temps, le problème est résolu en deux à trois minutes », explique Jérôme Léger, DPX Ligne Pôle d’Appui Conduite Territorial, responsable du PAC LOC & Sirius basé à Lyon. Les dix agents qui s’y relayent en 3×8, 7 jours sur 7, assistent les conducteurs de toutes les locomotives – TER, Intercités, Infra… – hormis celles de Fret SNCF qui dispose de son propre PAC. Parmi les outils digitaux utilisés par les PAC Men, l’appli Vigiloc (sur PC) renseigne en temps réel sur l’état sanitaire de l’engin moteur. « Le PAC LOC reçoit environ 3 000 interventions par an. Nous évitons deux à trois demandes de secours par semaine », résume Jérôme Léger.
Le PAC Sirius, lui, assure environ 1 100 interventions par an. Il tient son nom de l’application que les conducteurs utilisent sur leur tablette numérique lors de la préparation de leur train. Cet outil leur donne accès à la « fiche train », qui réunit les renseignements indispensables (arrêts, horaires, avis de travaux, limitation de vitesse…), le livret de ligne, leur emploi du temps complet et des données techniques. « Lorsqu’un conducteur nous signale que, sur sa tablette, Sirius n’est pas mis à jour, nous lançons aussitôt le “soft reset” à distance. La mise à jour s’effectue très rapidement, et le conducteur dispose alors de toutes les informations nécessaires avant de lancer son train. Nous pouvons aussi lui envoyer sa fiche train, les livrets de lignes par e-mail sur sa boîte pro ou perso. Nous pouvons également réinitialiser le mode conduite, mode qui permet, en conduite, de ne pas être pollué par des pop-up ou des appels TEAMS. Nous pouvons aussi réinitialiser des mots de passe ou réorienter le conducteur vers le service concerné. »
PAC Transilien. Une vingtaine d’engins moteurs différents à connaître
Treize lignes (dont cinq lignes de RER), 3,4 millions de passagers par jour, plus de 7 000 trains, plus de 3 000 conducteurs… Le réseau ferré d’Ile-de-France est unique au monde par sa taille, sa densité et sa complexité. Le PAC Transilien qui lui est dédié compte 18 agents qui travaillent en 2×8, sept jours sur sept, de 5 heures à 22 heures « Notre priorité : couvrir les pointes du matin et du soir, lorsque les intervalles entre les trains sont extrêmement réduits. Après 22 heures, une astreinte prend le relais », résume Ghislain Bucher, dirigeant UO Mass Transit Services. Ce PAC reçoit 4 750 appels par an.
Autre caractéristique du réseau francilien, une vingtaine de types d’engins moteurs différents y circulent : les PAC Men doivent les connaître tous à fond et les maîtriser. « Le plus intéressant dans ce métier, c’est la diversité des scénarios selon le type d’engin, la ligne, le conducteur… D’un appel à l’autre, nous ne sommes jamais confrontés à la même situation », commente Jérémy Griselles, l’un des agents.
En hiver, le nombre d’appels augmente fortement en raison des conditions météo : intempéries, orages, tempêtes… « Nous faisons beaucoup plus d’interventions de décembre à mars, la période où les températures baissent », indique Ghislain Bucher. Les nouvelles générations de matériel roulant, abondamment dotées d’électronique, n’aiment guère le froid…
Là encore, les PAC Men travaillent en binôme : l’un des deux agents est en ligne avec le conducteur, l’autre est en liaison avec le centre opérationnel Transilien (COT) qui enverra, si nécessaire, un train de secours si le problème n’est pas résolu dans le quart d’heure. En 2021, sur les 77 demandes de secours émises, 33 ont été évitées.
PAC TER. Aucune journée ne ressemble à une autre
Situé à Limoges, le PAC TER emploie dix-huit conducteurs qui assistent les conducteurs de rames automotrices ou autorails (hors Transilien) et dépannent tous les TER de France, y compris pour les trajets jusqu’en Suisse et au Luxembourg « mais, dans ce cas, uniquement lorsqu’il s’agit de matériel français », précise Wilfried Demaret, agent, qui dit aimer son métier « car il n’y a pas de routine. Aucune journée ne ressemble à une autre. On est constamment en train d’apprendre, on prévoit, on anticipe… Nous sommes comme des réparateurs d’autoroutes ».
Les agents sont formés pour être habilités à conduire tous les engins qui roulent sur les lignes au terme d’un apprentissage très exigeant. L’équipe travaille en 2×8, de 5 heures à 21 heures, 365 jours sur 365. Les conditions météo impactent directement l’activité du PAC. « Pendant l’hiver, nous recevons davantage d’appels de la part des conducteurs confrontés à des pannes à cause du froid. En janvier, nous avons effectué 1 400 interventions au lieu de 1 000 habituellement. Un record ! »
PAC LOC Fret. 300 trains « sauvés » en 2021
L’équipe du PAC LOC Fret situé à Lyon est composée de 10 agents, qui sont également des conducteurs Fret. Le poste est tenu en 3×8, 7/7j, 365 jours par an. L’équipe reçoit environ 2 600 appels par an. Le nombre d’appels est relativement stable d’un mois sur l’autre, avec quelques pics durant les périodes de grand froid.
Les PAC Men aident le conducteur dans la peine à résoudre la panne, sachant que le parc de locomotives Fret se caractérise par une grande diversité d’engins moteurs : environ douze séries de locomotives (électriques pour les deux-tiers d’entre elles, diesel pour le tiers restant). En 2021, suite aux appels reçus, environ 300 trains ont été sauvés.
L’agent est seul pour tenir le poste de 3×8. Cela nécessite d’être capable de dépanner en appliquant des documents techniques tout en étant attentif aux aspects sécurité et régularité. Il peut parfois être sollicité par deux conducteurs en même temps et doit donc savoir prioriser les prises d’appels.
En plus des missions de téléassistance, les opérateurs du PAC participent également à la réécriture de certains textes réglementaires concernant le matériel Fret, à l’animation d’un réseau de référents locomotives permettant de favoriser les échanges entre les utilisateurs et les services de maintenance. Ils contribuent aussi à l’élaboration de fiches d’acheminement permettant aux conducteurs qui assurent des transports de matériels particuliers de se dépanner plus facilement.
Depuis début 2021, le PAC LOC Fret travaille sur la reprise de la gestion des documents techniques utilisés par les conducteurs. L’objectif est d’être capable d’assurer cette gestion en toute autonomie (prise en compte des évolutions, tenue à jour, distribution…). Une diffusion de ces documents en version numérique est prévue en 2023. L’objectif est avant tout de simplifier la vie des conducteurs lors d’opérations de dépannage.
A. J-L.