Transdev a réalisé un doublé avec une croissance soutenue de son activité en 2023, après un exercice 2022 qui avait vu l’opérateur de transport public revenir dans le vert suite aux années Covid. Ce qui fait aujourd’hui les bonnes affaires de la filiale de la Caisse des dépôts et consignations et du groupe allemand Rethmann, c’est l’intégration de First Transit, mastodonte nord-américain du transport de voyageurs (20 000 collaborateurs sur 102 000), présent dans 43 États fédéraux et au Canada, et très actif sur le marché du « paratransit », le transport à la demande des personnes à mobilité réduite.
Cette acquisition réalisée en 2022 a permis à Transdev de doubler de taille sur le continent nord-américain. Mais aussi de booster son chiffre d’affaires global qui progresse de 21% en 2023 (+6% sans l’effet First Transit) et passe pour la première fois la barre des neuf milliards d’euros, à 9,33 Mds€. L’activité internationale y contribue pour plus de 70%. En 2023, l’opérateur a transporté douze millions de personnes en France et dans 18 autres pays.
Avec un quart du chiffre d’affaires réalisé au pays de l’Oncle Sam et au Canada, l’Amérique du Nord talonne la France où Transdev réalise un peu plus de 29% de ses activités, suivi de l’Allemagne (15,2% du CA), des Pays-Bas (8,3%) et de la Suède (6,5%). En Nouvelle Zélande, Wellington a resigné en septembre 2023 pour huit ans avec Transdev pour faire rouler ses trains régionaux.
Le lièvre et la SNCF
« Globalement, nous avons réussi à consolider nos positions sur le marché français, commente Thierry Mallet, mais la France ne compte plus que pour moins d’un tiers des activités du groupe, résolument tourné vers l’étranger. Un tournant majeur », reprend le dirigeant. Sur l’Hexagone, Transdev suit sa politique de choix méticuleux des cibles commerciales et ne répondra pas plus à l’appel d’offres de la ligne 18 du métro Grand Paris Express qu’il ne l’avait fait pour les lignes 15, 16 et 17, préférant jouer le rôle de « shadow operator », opérateur de l’ombre pour accompagner et conseiller la Société des grands projets (anciennement Société du Grand Paris).
Pour les TER, après le gain en 2022 d’une première ligne entre Marseille et Nice, Transdev n’a pas signé en 2023 de deuxième victoire sur ce marché qui s’ouvre doucement à la concurrence. Mais le groupe est bien placé pour remporter le contrat d’exploitation et de régénération des voies de la ligne régionale Nancy-Contrexéville, dans le Grand Est. « On continuera à répondre de manière sélective, on ne peut pas seulement jouer le rôle de lièvre pour faire baisser les prix de la SNCF », lâche Thiery Mallet. Qui ne répondra aux appels d’offres que si son entreprise est dédommagée par les régions si elle ne gagne pas les marchés. « Une réponse à un appel d’offres coûte deux millions d’euros », insiste le pdg.
En urbain, Transdev qui peine à refermer la blessure de son échec à Bordeaux face à Keolis (un recours est en cours), s’est arrogé en Ile-de-France près de la moitié des contrats de bus de la grande couronne du réseau Optile. Non sans rencontrer quelques difficultés liées à la pénurie de conducteurs et conductrices, dans les Yvelines notamment. Ce qui lui a valu une mise en demeure de l’autorité des transports franciliens présidée par Valérie Pécresse. « Depuis mi-février, le problème est réglé », indique Thierry Mallet, insistant sur les efforts déployés par le groupe en matière de formation, d’attractivité et de recrutements : 30 000 embauches en 2023, dont 8 800 en France, pour 20 000 départs, et démarrage de la semaine sur quatre jours dans deux réseaux, à Dunkerque et au Havre. « Les surcoûts de personnel et les pénalités pour suppression de service en raison du manque de personnel nous ont coûté 60 millions d’euros en 2023″, calcule-t-il.
En décalage par rapport à ses concurrents ?
« Aujourd’hui, la priorité est la qualité de vie au travail pour fidéliser nos équipes et nous ne cherchons plus à augmenter la productivité car nous avons un risque important de perte de conducteurs. En portant attention au bon niveau de rémunération, à un management de proximité et aux bonnes conditions de travail, je ne compte plus aucun réseau qui aurait des manques d’effectifs significatifs, assure Thierry Mallet. Si nous étions trop ambitieux dans la réduction des coûts salariaux et sur les ambitions de productivité, nous ne pourrions pas recruter et surtout conserver nos salariés. Je suis peut-être en décalage par rapport à Keolis ou RATP Dev, mais je veux m’assurer d’avoir toutes les équipes nécessaires pour délivrer le service attendu, accompagner le développement de l’offre et consolider nos positions en France », développe longuement le patron de Transdev. Allusion aux touts récents marchés, celui du Pays basque et de Lyon dont Transdev est sorti bredouille et où la guerre des prix aurait fait rage ? Thierry Mallet se refuse à plus de commentaire.
A l’arrivée, Transdev a réussi à préserver ses bénéfices en 2023 et a absorber l’effet de l’inflation, avec même un impact positif du coût de l’énergie revenu à des niveaux normaux. L’Ebitda atteint 596 millions d’euros, en progression de 16% à 83 millions d’euros, et le résultat opérationnel est en hausse de 82 millions, à 169 millions d’euros. Le ratio Ebitda sur chiffre d’affaires se situe à 6,4%. Pour la deuxième année consécutive, le groupe a terminé l’année dans le vert avec un résultat net positif de 20 millions d’euros.
Et si son chiffre d’affaires avait été porté en 2022 par les généreuses aides publiques post-Covid accordées par certains pays d’implantation, l’Allemagne et les Pays-Bas notamment, Transdev ne peut pas retourner le compliment à la France où le gouvernement a débloqué en 2023 une aide de 50 millions d’euros à la RATP pour compenser les effets de la pandémie. Pas aux autres opérateurs de transport public.
Nathalie Arensonas