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Ewa

Ouverture à la concurrence : quel avenir pour les petites lignes ?

conf GPR 2020

Les petites lignes ferroviaires ont souffert d’un désinvestissement chronique, qui les laisse aujourd’hui dans un état de délabrement généralisé au grand dam des élus. Les petites lignes ferroviaires peuvent-elles connaître un renouveau ? Oui, ont répondu sept experts lors de la table ronde qui a précédé la remise des Grands Prix des Régions. Un élu s’est aussi invité au débat.

« Il y a 12 000 km de lignes UIC 7 à 9 en France, un quart dédié au fret et 9 200 km empruntées par des trains de voyageurs. Principalement des TER, mais aussi des trains nationaux, des lignes terminales TGV et du fret », détaille François Philizot, préfet interministériel, auteur d’un rapport sur le sujet. Ce réseau, qui a 38 ans d’âge moyen, est dégradé, obligeant souvent d’y réduire la vitesse des trains, et 40 % de ces lignes risquent une fermeture dans les 10 ans.

Pour l’éviter, un plan de régénération a été lancé en 2018. Il prévoit de réaliser 7,6 milliards d’investissements en 10 ans. « On est passé de 250 millions de travaux par an à 400, mais on est encore loin de ce qu’il faudrait réaliser pour parvenir à les régénérer en une décennie, car il reste 6,4 milliards de travaux à réaliser », souligne François Philizot. « Et comme ce réseau est composé à la fois de lignes s’inscrivant dans de grandes étoiles ferroviaires autour de grandes villes, tandis que d’autres sections sont des itinéraires interrégionaux unissant des grandes métropoles, et d’autres encore des sections terminales où circule un train par jour dans des zones peu denses, cela complique la façon de concevoir un grand soir des petites lignes. »

En effet, si en moyenne 400 000/voyageurs/an circulent sur ces lignes, la plus fréquentée en compte deux millions et la moins circulée 4 000. Le gouvernement prévoit de réintégrer dans le réseau structurant 1 000 km, soit 14 de ces lignes assurant une cohérence de grands itinéraires interrégionaux et une desserte d’itinéraires nationaux de premier rang. Ce qui veut dire que leur régénération incombera intégralement à SNCF Réseau. Sur les 6,4 milliards qui restent à engager, un milliard sera consacré à ces lignes.

Une deuxième catégorie de lignes porte sur 12 000 km identifiés. Il est prévu une prise de responsabilité par les Régions, partant du principe que ce réseau à un intérêt très local. « C’est un point de départ qui peut s’enrichir. Une fois que les Régions auront fait l’apprentissage de leurs nouvelles responsabilités, d’autres lignes pourront basculer dans leur giron et celui des exploitants qu’elles auront choisis », précise François Philizot.

Enfin, une troisième catégorie est envisagée, pour laquelle l’Etat propose de poursuivre le dispositif actuel : c’est-à-dire continuer à porter l’essentiel de la charge de la maintenance, soit un montant annuel de l’ordre de 700 millions par an financé à 85 % par l’Etat, le reste par les régions. « Sur la régénération, ce que nous proposons, c’est que les Régions restent financeurs principaux, à hauteur de 65 %, avec la possibilité de moduler la participation de l’Etat en fonction de l’intérêt des lignes. Nous avons signé des conventions avec deux régions et les discussions se poursuivent avec toutes les autres. Le plan de relance vient sécuriser la trajectoire financière et les investissements d’urgence avec une enveloppe qui permet de les traiter », conclut François Philizot.

S’inspirer du rapport du Cerema…

Pour exploiter les petites lignes, Vincent Pouyet, directeur général France du loueur de matériel ferroviaire, Alphatrains, préconise de s’inspirer du rapport Cerema. « Les lignes de dessertes fines souffrent plus souvent d’un déficit d’offre que de demande », rappelle-t-il en citant le rapport. « Cadencer l’offre diminue le coût unitaire et augmente le trafic ». Et de poursuivre : « un système frugal pour baisser les coûts peut être envisagé avec les équipements existants, une infrastructure légère et une signalisation simple. »

Selon Vincent Pouyet, le rapport propose de reprendre les recettes qui fonctionnent dans d’autres pays et à les adapter. « En Allemagne, cette recette consiste à offrir un cadencement d’au moins un train par heure, avec une exploitation locale par un exploitant dédié à une ligne ou quelques lignes, avec une flotte dédiée et du matériel utilisé à son maximum », constate le directeur d’Alphatrains qui propose de réévaluer la pertinence de certaines lignes françaises en difficulté, en appliquant cette méthode, pour voir quel résultat on obtient. Le rapport Cerema pointe aussi la manière dont l’infrastructure est tarifée. « Les Régions payent l’effort de régénération et le coût des péages dépend de l’utilisation. Le reste est pris en charge par l’Etat. Les coûts d’une infrastructure sont majoritairement fixes. » C’est pourquoi, Vincent Pouyet, suggère d’examiner le coût global d’une ligne pour évaluer sa pertinence. « Y faire circuler 2 ou 30 trains par jour, a peu d’impact. Si un acteur prenait la gouvernance de l’ensemble de ces coûts, les évaluations financières et techniques de ces lignes seraient totalement différentes », assure-t-il. Le sujet du matériel roulant vient loin après l’offre pour redynamiser une ligne. Parce que le matériel a un coût fixe, Vincent Pouyet encourage une utilisation maximale. « La désaffection des petites lignes vient d’une offre trop faible, alors que l’infrastructure et le matériel sont là », constate-t-il avant d’ajouter : « en France, on peut réaliser d’énormes économies sur l’achat et la rénovation, car nous ne retrouvons pas chez nous les économies constatées en Allemagne. »

…et des expériences menées à l’étranger

En 2019, Edouard Hénaut, directeur général de Transdev a réalisé une enquête mettant en évidence l’attachement des Français au réseau ferré, mais aussi au fait qu’ils veuillent plus de fréquences et une meilleure qualité de service. Les Français se prononcent pour la réouverture de lignes et déplorent les fermetures de gare de proximité, mais 70 % d’entre eux considèrent le train surtout utile pour des trajets longs.

Pour leur faire aimer le train du quotidien, Edouard Hénaut table sur l’ouverture à la concurrence, plébiscitée par 75 % des Français et met en avant son expérience acquise en Suède et en Allemagne. « En Allemagne, où la concurrence a été ouverte en 94, Transdev s’est attaché à avoir des lignes avec des équipes dédiées, une logique de territoire très ancrée, et une offre permettant d’intégrer toutes les stratégies intermodales de déplacement, parce que dans les espaces à faible densité, la voiture, le car, le vélo, ou le TAD peuvent être des solutions pour rejoindre un axe ferroviaire structurant », explique-t-il.

Pour réussir l‘intégration d’une ligne et la rendre attractive, Transdev mise sur le cadencement, sur l’intermodalité et sur une exploitation frugale donc moins coûteuse. « En 1996, dans la Banlieue de Stuttgart nous avons rouvert une ligne de 17 km fermée depuis 66. Nous avons proposé un service client amélioré, un train toutes les 30 minutes, une optimisation de la maintenance des voies, l’exploitation du service de transport et mis en place de l’intermodalité pour permettre le rabattement. Dès la première année, nous avons fait voyager 3 700 passagers par jour. Aujourd’hui, il y en a 10 000 ».

Fort de cette expérience, Transdev se prépare à répondre aux consultations des autorités organisatrices en France. Mais Edouard Hénaut rappelle que les Régions attendent le décret portant sur l’article 172 de la LOM et il regrette que le décret gares soit passé inaperçu. « Une gare ferroviaire c’est un pied dans la porte des réseaux locaux de transport collectif, mais leur gestion sera celle d’une structure ferroviaire, plus que d’un pôle intermodal car le projet de décret n’est pas de nature à apporter de la simplicité aux conditions d’accès aux gares ». Il le juge peu orthodoxe vis-à-vis du principe de séparation infrastructure et exploitation, et pas de nature à apporter de la transparence sur les conditions d’accès et l’impartialité. Selon lui, « Gares et connexions n’est pas la bonne entité. ».

Une politique de décentralisation

« La volonté politique de réinvestir la desserte fine des territoires est en cohérence avec la stratégie du président de la SNCF, Jean-Pierre Farandou : une SNCF des territoires, acteur de la transition écologique, plus digitale et plus humaine », affirme Franck Lacroix, directeur général adjoint SNCF, en charge des territoires, également directeur des TER. Pour inventer la SNCF des territoires, l’organisation a été décentralisée. « Nous avons créé 45 directions de lignes réparties sur l’hexagone. » Et pour mieux répondre à la demande, la SNCF propose une ingénierie de l’offre. « Pour être capable de concevoir une offre répondant aux besoins de mobilité des territoires dans leur diversité, nos équipes développent depuis deux ans des solutions de rupture, et dont on compte se servir dans les appels d’offres. »

Pour relancer ces lignes, Franck Lacroix mise sur l’innovation technologique et souhaite mobiliser l’ensemble de la filière industrielle sur cet effort de recherche et d’innovation. « Il faut innover sur la substitution au diesel, avancer sur les batteries, l’hydrogène, le train hybride, le biogaz, sur l’automatisme, créer des navettes autonomes pour augmenter la fréquence. Il faut avoir une démarche modulaire, faire de l’expérimentation du design to cost pour aller vite, parce que les Régions nous le demandent. Il y a une opportunité à saisir tous ensemble, Etat, Régions, entreprises ferroviaires et constructeurs de matériel, toute une gamme à créer entre le train régional classique et la navette routière. Nous sommes prêts à créer une union industrielle pour mener ce projet. »

La ligne du Blanc-Argent, un modèle à suivre

Keolis travaille en complémentarité avec sa maison mère, la SNCF. Didier Cazelles, directeur général adjoint de la branche territoires de Keolis met en avant son expérience acquise en France et aux Pays-Bas. Et notamment le succès en Centre-Val de Loire, de la Compagnie du Blanc Argent, filiale de Keolis depuis 1999. « Cette société de 65 salariés exploite une ligne de 60 km assurant 225 000 voyages par an. On s’occupe de la gestion, du petit entretien de voie, de circulation, de l’entretien de l’infrastructure, de la maintenance du matériel, de la conduite et de la gestion des gares », décrit Didier Cazelles qui a la conviction que sur ces petites lignes, il faut de la rapidité, de la fréquence, du confort et une offre intermodale. Bref, grâce à une infrastructure de bonne qualité, il faut mettre au point un modèle d’exploitation allégé, adapté au cas par cas avec des standards de maintenance, permettant un coût optimisé pour la collectivité. « Sur la Compagnie du Blanc Argent, les conducteurs sont formés en quatre semaines, parce qu’on se limite aux stricts besoins. Chaque salarié est capable d’exercer deux à trois métiers : conduite de train, de car, agent de gare, accompagnement de train… ce qui permet de jouer à fonds la carte de la polyvalence sur l’exploitation opérationnelle, dans une logique économique, mais aussi de qualité de service. On n’a jamais supprimé un train pour un problème de conducteur », souligne Didier Cazelles. Mais, ajoute-t-il, « il faut articuler d’autres systèmes de mobilité de bout en bout autour de l’épine dorsale ferroviaire, pour créer une demande et du trafic ». Dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, Keolis répondra aux appels d’offres, soit avec la SNCF, soit seule. Les deux entreprises ne seront jamais en concurrence. Ainsi, par exemple, sur les lots que Grand Est souhaite ouvrir à la concurrence, c’est ensemble qu’elles travaillent.

Régionéo, le nouveau venu

RATP Dev exploite depuis plus de 15 ans des services interurbains sur le territoire et ses équipes se préparent à l’ouverture à la concurrence depuis deux ans. Pour être plus efficace sur le transport ferroviaire et répondre aux appels d’offres pour les TER, RATP Dev s’est alliée avec Getlink, premier gestionnaire d’infrastructure ferroviaire en France, qui exploite notamment le tunnel sous la Manche. Les deux entités viennent de créer Régionéo, un opérateur ferroviaire, dont Ronan Bois, a pris la présidence. « On regarde les différents appels d’offres et le Grand Est est le premier dossier sur lequel Régionéo s’est mobilisé. On veut apporter de l’excellence opérationnelle pour rétablir la qualité attendue par les passagers et briser la spirale négative qui a conduit à la fermeture de lignes. Il y a une dimension d’investissement non négligeable à la relance des petites lignes. On y travaille et on est à même d’apporter une solution et même de participer aux financements », assure celui qui est également président de RATP Dev Rail.

Régionéo cherche à repenser le service ferroviaire intégralement. « Nous voulons chercher de l’efficacité dans l’organisation de la production du train, travailler avec les Régions, comprendre ce qu’elles souhaitent, être un partenaire avant d’être un exploitant et faire du sur-mesure ». Le tout nouveau président assure que ses équipes se mettent en ordre de marche pour anticiper tout un tas de solutions en prenant le meilleur de RATP Dev et de Getlink pour proposer aux Régions de refaire du train « la colonne vertébrale d’un plan mobilité régional et d’y raccrocher tous les autres modes de transport ».

Prudence sur les débouchés d’un nouveau train

Si plusieurs intervenants ont évoqué la possibilité de recourir à des matériels roulants plus légers pour rouler sur les petites lignes, reprenant l’idée du gouvernement qui souhaite le lancement d’une filière industrielle autour du train léger, Pierre Michard, vice-président des Ventes et des services de Bombardier France et Benelux, se montre prudent. « Nous sommes partie prenante de ce sujet des petites lignes. Nous sommes partenaires des régions depuis 30 ans. Nous avons 60 % du parc TER. Mais sur la conception de nouveaux trains, on est prudent. Avant de partir tête baissée sur un concept de train léger, il faut savoir qu’il y a de très grandes diversités de besoins et qu’on risque de créer du matériel sans avoir un volume industriel suffisant. Je ne suis pas sûr qu’il soit pertinent de créer un train léger, car son développement demanderait beaucoup d’investissements, sans avoir l’assurance de trouver des débouchés suffisants ».

Reste que Bombardier veut être acteur du débat au travers de l’innovation. « On travaille au train autonome, qui peut faire partie du panel de solutions, au verdissement du parc sans avoir à électrifier des kilomètres de lignes. On regarde ce qui peut être fait sur la maximisation de l’actif en place. Il y a beaucoup de matériel dans les régions. Nous allons avoir 1 000 trains à rénover dans les 10 ans. Il faut regarder comment on peut les réadapter sur certains usages ». Bombardier veut aussi aller chercher des gains du côté de la maintenance, pour contribuer à rendre ces lignes plus dynamiques. « On a des solutions à proposer ». Et il ajoute : « C’est dans cette optique qu’on discute avec les différents opérateurs ».

Interrogation sur les capacités financières des régions

Un huitième intervenant s’est invité sur la scène, Franck Dhersin, présent dans la salle. Le vice-président chargé des Transports de la région Hauts-de-France s’est interrogé sur la capacité des régions à financer les petites lignes comme le prévoit le plan gouvernemental. « On demande aux Régions de récupérer une situation liée à 40 ans d’incurie des politiques de droite comme de gauche. La difficulté des petites lignes, ce n’est pas la faute de la SNCF. Avec quel argent voulez-vous qu’on relance ces lignes qui nécessitent un milliard d’investissement dans chaque région. L’aménagement du territoire, c’est le rôle de l’Etat. Pour les régions aussi la situation est très difficile financièrement. Ouvrir à la concurrence, d’accord, mais comment rentabiliser autant d’investissements ? » a-t-il lancé. Le débat n’est pas clos.

Valérie Chzravez

Ewa

Résoudre la mobilité quotidienne par le télétravail

Teletravail

Depuis les années 1970 et la diffusion d’internet, de nombreux chercheurs et experts appellent de leurs vœux la démocratisation du télétravail. Cette pratique est présentée comme une solution pour réduire les nuisances générées par les déplacements domicile-travail. Malgré des politiques publiques incitatives en Europe et aux Etats-Unis, le nombre de télétravailleurs ne connaît pas le développement escompté.
Le confinement sanitaire du printemps 2020 a été l’occasion d’une expérimentation forcée et généralisée du télétravail. Que ce soit en France ou aux Etats-Unis, un tiers
des actifs ont pratiqué le télétravail pendant la crise sanitaire.

Cette expérience soulève un certain nombre d’interrogations qui ont été largement médiatisées : Quelle dynamique peut-on espérer à l’avenir pour le télétravail dans
le contexte de la crise sanitaire et au-delà ? Quel serait l’impact d’une généralisation pérenne du télétravail sur la mobilité ? Dans ce contexte, 6t-bureau de recherche
a mené une étude pour l’ADEME. La problématique du télétravail et de l’impact
de son développement sur la mobilité des Français a été abordée grâce
à une méthode développée par 6t. Elle repose sur une enquête quantitative
diffusée en ligne et analysée par nos soins.

Par Nicolas Louvet et Léa Wester

De manière générale, le télétravail est apprécié par les actifs français. Qu’ils soient habitués du télétravail ou que le confinement ait été l’occasion d’expérimenter ce mode d’organisation pour la première fois, plus de 70 % des télétravailleurs voudraient continuer à télétravailler voire télétravailler davantage. Les télétravailleurs mettent en avant que le télétravail permet de travailler mieux. En effet, l’activité professionnelle peut ainsi être effectuée dans un environnement plus calme, avec une meilleure concentration et une meilleure gestion du stress. Les télétravailleurs affirment ainsi être plus productifs et bénéficier d’un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle.

Partant de ce constat, le télétravail semble avoir un potentiel de développement relativement important en France. Plus précisément, le confinement a été l’occasion d’essayer le télétravail pour 24,3 % des actifs français et 76 % d’entre eux voudraient continuer au moins une fois par mois. Le nombre de télétravailleurs1 en France pourrait passer de 17 % des actifs avant le confinement à 35 % des actifs à l’avenir. Ainsi, malgré la forme particulière qu’a prise le télétravail pendant le confinement (télétravail à 100 % à la fois pour les individus, les entreprises et les familles), cette pratique a montré ses avantages.

Cette augmentation du nombre de télétravailleurs s’accompagne d’une démocratisation du phénomène. Le confinement a permis une féminisation de cette pratique qui était auparavant davantage masculine. L’organisation des entreprises s’est adaptée et les freins liés à la confiance des manageurs ont été levés : les télétravailleurs habituels, qui étaient principalement des cadres, ont été rejoints par des employés et professions intermédiaires. La diffusion du télétravail a également pris une troisième dimension plus géographique : les agglomérations de taille moyenne ont vu leur nombre de télétravailleurs augmenter alors qu’ils se concentraient principalement dans les grandes agglomérations auparavant.

Le télétravail est donc un mode d’organisation plébiscité par les travailleurs mais représente-t-il réellement une solution pour limiter significativement les nuisances liées à la mobilité domicile-travail ? Pour répondre à cette question, nous avons analysé la mobilité des télétravailleurs habituels et le constat est simple : le télétravail permet de remodeler la mobilité. On observe une réduction de 69 % du volume des déplacements et de 39 % des distances parcourues les jours de télétravail par rapport aux jours de travail au bureau. Ainsi, le passage au télétravail permet en moyenne de passer de 24,8 à 20,5 déplacements par semaine ou de 234,5 km parcourus à 185,9.

Si nous faisons l’hypothèse qu’à l’avenir 35 % des actifs se met à pratiquer le télétravail, la mobilité de la population serait transformée : les déplacements de l’ensemble de la population seraient réduits de 1,8 % et les distances parcourues de 2 % soit 3,3 millions de déplacements pour 42,9 millions de kilomètres évités par jour moyen de semaine. Les effets d’une telle réduction se feraient ressentir différemment selon les modes de transport. Par exemple, 17 millions de kilomètres parcourus en voiture et 3 200 t. de CO2 seraient économisés. A l’échelle annuelle, cela permettrait de réduire de 1,3 % les émissions automobiles en France. Concernant les transports en commun et la congestion des voiries, une baisse de 1 à 2 % de la fréquentation aux heures de pointe pourrait permettre d’écrêter les pics de fréquentation, améliorant ainsi la fluidité de la circulation et le confort dans les transports en commun.

Ces chiffres peuvent sembler relativement faibles au regard de l’ensemble de la mobilité des Français et des enjeux de congestion et de pollution qui y sont liées. Cependant, le télétravail est une pratique plébiscitée par les travailleurs et dont les coûts de mise en place sont faibles. Les transformations dans les déplacements induites par une telle pratique permettraient finalement de réduire les nuisances à faible coût.

1 Les actifs sont comptés comme télétravailleurs à partir d’une journée de télétravail par mois.

Ewa

Fret ferroviaire : que peut-on raisonnablement espérer ?

Fret

Dans un double souci de relancer l’économie et d’assurer la transition écologique, le gouvernement s’est fixé pour objectif de doubler d’ici 2030 la part du fret ferroviaire. Ce serait un renversement historique, alors que cette activité ne fait que dégringoler depuis des années. Parvenir à stabiliser enfin la part du rail ne serait déjà pas si mal… Par Yves Crozet

Le monde du transport ferroviaire de marchandises se mobilise. Le lancement de l’Alliance 4F révèle une forte volonté collective de redresser une situation de plus en plus préoccupante. Le gouvernement s’est également saisi du dossier et affiche un objectif ambitieux : 18 % de part modale du ferroviaire en 2030, soit deux fois plus qu’en 2019. Une telle performance est-elle possible ? Pour répondre à la question, il est nécessaire de revenir aux profondes mutations qui ont affecté depuis 20 ans le transport de marchandises, routier et ferroviaire.

Les données rassemblées, dans la figure 1 ci-dessous, sont trimestrielles et corrigées des variations saisonnières, des mouvements erratiques des trafics ferroviaires (indice des tonnes-km transportées, échelle de gauche) y apparaissent clairement. Les grèves nationales (2001, 2003, 2010, 2014, 2016, 2018, 2019) provoquent des échancrures sur la courbe. Mais le choc le plus évident se manifeste lors de la récession consécutive à la crise financière de 2008. La baisse du PIB et de la production manufacturée (en millier d’euros courants, échelle de droite) se traduit par une chute brutale des trafics de marchandises plus marquée pour le ferroviaire que pour la route (indice des t.km transportées en France pour compte d’autrui).

flux de marchandises et activite economique 20 annees de profondes mutations
Flux de marchandises et activité économique : 20 années de profondes mutations

Au-delà de ce choc conjoncturel, les courbes de trafic révèlent une transformation structurelle. Les marchandises, comme les voyageurs, connaissent une certaine « dé-mobilité ». Depuis 10 ans, un découplage a vu le jour. Alors que le PIB reprenait son ascension, fut-ce à un rythme ralenti, les transports ferroviaires et routiers ont plafonné, comme le fait d’ailleurs, en monnaie courante, la production de biens manufacturés. La désindustrialisation est une des causes du découplage. Une économie fondée sur les services et le numérique limite les tonnages transportés. Ils diminuent d’ailleurs tendanciellement depuis plus de 40 ans. Il est donc illusoire de compter sur une hausse forte des volumes transportés pour asseoir un rebond du fret ferroviaire. D’autant que ce dernier est de plus en plus déconnecté des chaînes logistiques. Eurotunnel en est une illustration. Il passe sur les navettes transportant des camions 14 fois plus de tonnes que dans les trains de fret !

Comme chacun peut le constater, les entrepôts non embranchés, desservis seulement par la route, se multiplient le long des grands axes et autour des grandes villes. Les marchandises qui y transitent sont le plus souvent conditionnées en palettes dont les couples origines destinations sont très variés. Le transport ferroviaire ne peut pas répondre à cette demande. La logistique moderne est caractérisée par la réduction de la taille des lots et leurs déplacements par sauts de puce successifs. Les marchandises font rarement une trace directe du lieu de production au lieu d’utilisation comme en témoigne le fait que le trajet moyen d’un camion sur les autoroutes concédées est de 76 km.

Le ferroviaire se trouve ainsi cantonné à certains types de fret se déplaçant sur des distances importantes et sous forme de trains complets (céréales, produits chimiques, véhicules, matériaux divers). En témoigne le fait qu’en Allemagne, depuis le début du siècle, la forte progression du trafic ferroviaire de fret (+ 40 % depuis 2000) n’a pas changé la part de marché de la route. Les gains du rail ont été réalisés aux seuls dépens de la voie d’eau. Pour éviter cette relégation du ferroviaire, les opérateurs cherchent à attirer de nouveaux trafics comme les conteneurs. Mais les marges de progrès sont limitées car un conteneur déchargé dans un grand port maritime est rarement transporté sur des centaines de kilomètres. Il est le plus souvent dépoté près du port pour optimiser la distribution des lots qui le composent.

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Le transport terrestre de conteneurs a représenté en France en 2018, 11,7 milliards de tonnes-km, seulement 3 % du total des t.km du transport intérieur. Le ferroviaire fait dans ce domaine jeu égal avec la route (5,5 mds de t.km chacun). Même si le ferroviaire récupérait la totalité du transport de conteneurs, sa part modale ne gagnerait que 1,5 point. Or depuis 2014, c’est le contraire qui s’est produit, la part des conteneurs dans le trafic ferroviaire est passée de 25 à 15 %. C’est la raison pour laquelle les espoirs mis dans le transport combiné ne se sont pas concrétisés.

Une telle évolution, à rebours des annonces gouvernementales, nous rappelle que de façon générale, le fret ferroviaire connaît en France depuis le début du siècle une descente aux enfers. En 20 ans, l’indice des tonnes-km transportées est presque divisé par deux. La chute commence au début du siècle, bien avant l’ouverture à la concurrence. Effective depuis 10 ans, cette dernière a plutôt permis de stabiliser les trafics un peu au-dessus de 30 milliards de tonnes-km (55 en 2001). La part de marché des nouveaux entrants ne cesse de progresser. Mais le résultat est à l’exact opposé des annonces faites par les ministres Gayssot (1999) ou Borloo (2008). La part modale de la route a atteint 86 % en 2018, 10 points de plus qu’en 2000 !

L’année 2020 va encore assombrir le tableau comme le montrent les données publiées par l’ART. Le fret ferroviaire a d’abord été fortement affecté par la grève contre la réforme des retraites, puis par la crise sanitaire. Après le confinement, comme après chaque choc conjoncturel, les circulations peinent à retrouver le niveau antérieur et des clients sont perdus. C’est la raison des mesures décidées par le gouvernement dans le plan de relance. La baisse des péages ferroviaires est une nécessité pour éviter l’effondrement des entreprises ferroviaires (EF), mais il s’agit d’un plan de sauvetage pour limiter la casse, pas d’un changement structurel pouvant changer la donne. Les efforts consentis par la puissance publique sont réels, mais les subventions ne garantissent pas la hausse des trafics. Les péages faibles améliorent la marge des entreprises, mais ils ne règlent pas les autres difficultés qui brident l’activité. Les problèmes clés du fret ferroviaire ne sont pas d’abord des problèmes de coût (ou de subventions) mais des problèmes organisationnels.

Une des difficultés récurrentes rencontrées par les EF est l’inadéquation entre les sillons proposés par le gestionnaire d’infrastructure (GI) et les besoins des chargeurs, clients des EF. A cela s’ajoute le fait que la vitesse moyenne proposée pour un sillon donné est souvent faible et ne permet pas une bonne rentabilisation du matériel. La vitesse moyenne est pour les EF un facteur clé de productivité grâce à une meilleure rotation du matériel. Les plages travaux, nombreuses dans la phase actuelle de rattrapage en matière de rénovation du réseau, sont en plus une cause de dégradation de la qualité de service. Or tout cela ne peut pas changer dans la mesure où les priorités nationales, régionales et métropolitaines concernent les TGV et les TER. Les annonces sur la relance du ferroviaire se succèdent depuis 20 ans. A chaque fois elles se polarisent sur des réalisations emblématiques locales (une infrastructure, un nouveau service de ferroutage, un « train de primeurs »…) mais une hirondelle ne fait pas le printemps. La seule transformation structurelle que l’on peut raisonnablement espérer est que le GI et les EF s’entendent pour améliorer vraiment la qualité des sillons fret. Cela permettrait de stabiliser la part modale du rail, voire de l’améliorer un peu, ce serait déjà un beau résultat.

Ewa

Recherches, Débats, positions

Metro NY

A bord des cars Macron ­– Télétravail en Suisse romande – Le périphérique ou comment s’en passer – Le Grand Paris à marche forcée – RER kaléidoscopique – Le transport public mis à mal par le déconfinement – Effet dévastateur sur l’Apta aux Etats-Unis – Quels impacts du Covid-19 sur les mobilités ?

A bord des cars Macron

Les cars Macron, on en a beaucoup parlé, dans les colonnes de VRT, où l’on a suivi la naissance d’une nouvelle offre de transport (ce n’est pas si fréquent), et vu comment elle arrivait tant bien que mal à se stabiliser d’un point de vue économique. Mais qu’en est-il de l’expérience du voyage ? Le Forum Vies Mobiles a confié à un jeune photographe, Benjamin Cayzac, la mission de sillonner les routes de France à bord des cars Macron. On y croise des étudiants, des retraités, des travailleurs souvent désargentés, des passagers dont c’est le premier voyage, des habitués. On y ressent la lassitude du voyage, et, dix heures après le départ, dans le cas d’un Paris – Avignon, la satisfaction du trajet accompli. A voir sur le site du Forum Vies Mobiles.

Télétravail en Suisse romande

A côté de l’enquête menée en France sur le télétravail avec l’Ademe (voir pages 92), le bureau de recherche 6t a enquêté sur le phénomène en Suisse romande. La collecte des données a eu lieu du 7 au 20 mai, en période de semi-confinement, et les conclusions ont été publiées en septembre. 1971 réponses ont permis d’obtenir un échantillon global représentatif de la population des sept cantons et régions francophones de Suisse. L’enquête montre une pratique bien ancrée avant même la crise sanitaire, avec 21 % de Romands télétravaillant au moins une fois par mois, dont 6 % au moins une fois par semaine. On télétravaille le plus dans les cantons les plus urbains, Genève en tête.

L’impact sur la mobilité est à la fois positif… et contrasté, du fait de l’effet rebond. Dans l’ensemble cependant, les télétravailleurs se déplacent un peu moins et rejettent moins de CO2 que non-télétravailleurs. Surtout, plus on télétravaille, plus les comportements sont vertueux… alors que les télétravailleurs occasionnels (une à trois fois par mois) polluent plus que les non-télétravailleurs.

Plus d’un quart des actifs romands ont expérimenté le télétravail durant la période de semi-confinement. L’expérience est jugée positive, et 77 % des personnes interrogées souhaitent maintenant le pratiquer au moins une fois par mois. Mieux vaudrait qu’ils le fassent au moins une fois par semaine !

Voir : https://6-t.co/teletravail-et-mobilite-en-suisse-romande/

Le périphérique ou comment s’en passer

Le boulevard périphérique a été l’un des thèmes de la dernière campagne municipale à Paris, Anne Hidalgo voulant en faire un boulevard urbain, la droite préférant le couvrir partiellement pour effacer la coupure urbaine, et l’un des candidats, Gaspard Gantzer, avant de se rallier La république en marche qui envisageait de recourir à la modulation horaire ; se proposant de le supprimer. Le supprimer ? Le Forum Vies Mobiles a tenté cependant de l’envisager, avec un groupe d’étudiants de Paris 1 Panthéon Sorbonne. Pas si simple d’y renoncer comme l’ont montré les entretiens conduits par le groupe de travail avec une vingtaine d’usagers, pas trop d’accord pour y renoncer. Le Forum Vies Mobiles préconise « une mise en place progressive sur le temps long ».

Le Grand Paris à marche forcée

Le 30 août, au bout de 12 jours et de 200 km de marche. Enlarge your Paris et la Société du Grand Paris ont bouclé leur nouveau cycle de randonnées urbaines le long des futures lignes du Grand Paris Express. Pierre-Emmanuel Bécherand responsable de l’architecture, du design et de la culture du GPE, souligne dans le blog Enlarge your Paris la place centrale de la marche dans Paris. Et se demande : « Si Paris appartient au flâneur, qu’en sera-t-il du Grand Paris ? ». Les urbanistes, rappelle-t-il, « organisent la ville autour des transports en s’appuyant sur un réseau de 800 m, correspondant communément à la zone « marchable » pour rejoindre une gare ». Mais le Grand Paris Express invite à changer d’échelle, et à « penser aussi l’accès à pied vers les gares pour des distances de 2 voire 3 km ». La randonnée urbaine a au moins le mérite de montrer tout le travail à accomplir pour établir ou rétablir des continuités, là où l’on fait aujourd’hui « l’expérience des fractures urbaines ». Belle idée sans doute, mais il restera à inventer encore une expérience nouvelle de la marche, entre la promenade plutôt campagnarde et la flânerie si parisienne. C’est ce qu’invite à penser, dans le même blog, Frédéric Gros, auteur de Marcher, une philosophie (Carnet Nord, 2009, réédition Flammarion, 2011), soulignant l’émergence d’une nouvelle figure, celle de « l’arpenteur des métropoles ». Figure paradoxale puisque les métropoles sont « toutes entières bâties par référence à ce qui excède les possibilités du corps marchant ».

RER kaléidoscopique

Trente ans après Les passagers du Roissy express, de François Maspero, et de la photographe Anaïk Franz, la sociologue Marie-Hélène Bacqué et le photographe André Mérian mettaient leur pas dans ceux de leur prédécesseur, il en est résulté un ouvrage joliment intitulé Retour à Roissy – Un voyage sur le RER B (Le Seuil, 2019). C’est un parcours plus vaste qu’a entrepris le géographe Laurent Chalard, en voyageant au fil des ans sur l’ensemble des lignes du RER : A, B, C, D et E. Les conclusions de ses années de pérégrination ont été publiées en août par Enlarge your Paris. Contrairement aux idées reçues sur la légende noire du RER, on y découvre une forte présence d’un RER « bourgeois » (six portions de ligne, comme le RER A entre St Germain-en Laye et La Défense ou le RER C entre Versailles-Chantiers et Massy-Palaiseau).

Et seulement quatre portions de ligne exclusivement populaires, comme les deux branches du RER B au-delà de Gare du Nord, la branche allant à Creil apparaissant comme « un des principaux axes de paupérisation de la métropole parisienne ». Cependant, « si la métropolisation a tendance à produire des effets de dualisation », la majorité des lignes apparaissent mixtes, comme le montre, par exemple la branche du RER A allant de Vincennes à Marne-la-Vallée, qui se caractérise par un « véritable kaléidoscope de passagers ». La différenciation entre les diverses populations ne se fait pas seulement par la géographie : de grandes différences sociales se font en fonction de l’heure de la journée, et cela quasiment sur l’ensemble du réseau, entre employés peu qualifiés très tôt lie matin, employés de bureau vers 7 heures, cadres ou lycéens plus tard. D’autres critères permettent d’affiner encore la perception du RER qui ne se laisse en tout cas pas résumer à une simple opposition avec le Paris intramuros et le métro.

Le transport public mis à mal par le déconfinement

Intéressant billet de la Fabrique de la Cité, posté le 18 septembre. « La reprise de la mobilité en ville n’est plus un sujet », constate pour commencer Camille Combe, chargé de mission. Mais, si les activités ont repris, « dans de nombreux pays, on assiste à une individualisation de la mobilité », difficilement compatible avec les objectifs de décarbonation. On enregistre, par exemple à Paris, une augmentation du nombre de kilomètres parcourus en voiture, par rapport à une période « normale ». Marche et vélo vont bien, merci, en revanche les transports collectifs sont à la peine. Comme le relève le think tank de Vinci, alors que « dans de nombreuses villes, l’offre de transport en commun a retrouvé son niveau normal, la fréquentation, elle, peine à atteindre les niveaux préconfinement, sans dans les cas notables de Lyon et Saint-Pétersbourg, selon un indice calculé par City-Mapper. » Aux Etats-Unis, selon l’Apta (American Public Transportation Association), « 60 % des autorités organisatrices de mobilités envisagent de réduire l’offre de transport, tandis qu’un tiers des opérateurs devront potentiellement mettre la clé sous la porte. » Pour la Fabrique de la Cité il faut de toute urgence « créer les conditions qui permettront aux transports collectifs ou au covoiturage de devenir plus compétitifs que des modes individuels et motorisés. » Ajoutons : qu’ils soient plus rassurants aussi, face aux craintes de contamination. Car même si les transports publics ne sont pas aussi dangereux qu’ils le paraissent, selon un article du New York Times cité par ce billet, reste à conforter ce diagnostic, et à en convaincre des usagers désemparés et méfiants.

Effet dévastateur sur l’Apta aux Etats-Unis

Les données de l’Apta mentionnées par la Fabrique de la Cité méritent qu’on les regarde de près. Les chiffres font peur. Selon le panorama établi en septembre par l’Apta, il faut que le Congrès lui apporte une aide d’urgence de 32 milliards de dollars, faute de quoi l’offre de transport public sera drastiquement réduite. Le transport public a déjà reçu au titre une aide de 25 milliards de dollars au titre du Coronavirus AID Relief ans Security (CARES) Act. Le métro de New York a consommé l’aide reçue dès juillet et la Massachusetts Bay Transportation Authority (MBTA) estime que le CARES Act ne lui permettra pas de tenir au-delà de 2021. Selon l’Apta, 45 % des réseaux envisagent de reporter ou d’annuler des investissements, 33 % veulent faire de même avec les acquisitions de matériels, 38 % envisagent de supprimer des lignes, 31 % s’apprêtent à licencier du personnel, 17 % veulent recourir à une augmentation des tarifs.

Quels impacts du Covid-19 sur les mobilités ?

Jean Colard, Jincheng Ni et Nicolas Meilhan ont tenté d’évaluer les effets à court ou à long terme, de la pandémie sur les mobilités, dans un Point de vue publié le 10 septembre par France Stratégie.

On peut s’attendre à un accroissement du télétravail : « l’anecdotique pourrait devenir une réalité significative ». A l’intérêt des salariés pour une formule mixant distanciel et présentiel, s’ajoute l’intérêt des employeurs pour un mode d’organisation du travail offrant « une plus grande maîtrise des charges fixes immobilière des locaux professionnels ». La part globale des actifs « télétravaillables » serait de l’ordre de 20 % à 40 %. Au moins suffisant pour lisser les heures de pointe.

Les auteurs s’attendent à ce que les grandes villes soient repensées « autour des notions de proximité, d’une vie de quartier », et envisagent, à l’échelle nationale, un rééquilibrage en faveur de zones moins denses. Dans la capitale, « l’ampleur des densités et des volumes en jeu au sein du Grand Paris peut désormais poser question ».

Le recours au e-commerce devrait s’accentuer, confirmant une tendance de fond. Mais, attention, en matière environnementale « la diminution des déplacements individuels des clients est contrebalancée par le foisonnement des livraisons (et des emballages) qui accroît les déplacements de courte distance de « logistique urbaine » encore faiblement décarbonés ». Enfin, le modèle aérien sera certainement mis en question, du fait d’une réorientation possible vers du tourisme de proximité, et la diminution des voyages professionnels grâce au numérique.

Les pouvoirs publics sont invités à accompagner les nouvelles tendances, en soutenant les transports publics afin d’éviter une désaffection au profit de la voiture, en pérennisant les aménagements piétons et vélo en ville comme en milieu rural. Ce n’est pas cher : « la construction en Ile-de-France d’un grand réseau express régional vélo (…) avec 650 km de pistes cyclables, coûterait 500 millions d’euros, c’est-à-dire moins de 2 % du futur métro du Grand Paris express ». Il faudra encore limiter l’impact négatif du rebond de la voiture particulière en encourageant le covoiturage et en accélérant le basculement verts le véhicule électrique. Et repenser le modèle économique global d’un transport aérien complètement chamboulé…

F. D.

Ewa

La Normandie remporte le Grand Prix des Régions 2020 pour ses TER

GPR2020

Déjà récompensée il y a trois ans, la Normandie reçoit à nouveau le Grand prix TER décerné par la rédaction de Ville, Rail & Transports pour l’ensemble de ses réalisations en matière de transports régionaux. Un prix décerné hier soir lors d’une cérémonie organisée à Paris, qui a réuni un public nombreux malgré les contraintes sanitaires.

Cette récompense pourrait presque être jugée prématurée, vu que les changements les plus importants sont intervenus quelques jours après la fin de l’année 2019. Mais elle se justifie par la constance de la Normandie à faire progresser dans la durée ses transports régionaux.

Pour la Normandie, qui a réussi au cours des années passées sa réunification politique et ferroviaire, 2019 se situait à la veille de l’entrée en service du nouveau matériel Regio 2N, de la mise en œuvre du plan de transport 2020, ou encore du lancement de la nouvelle identité du réseau de transport régional Nomad. Ces trois réalisations étant intervenues début 2020, elles n’ont donc pas été prises en compte pour l’attribution du présent Grand Prix.

Année charnière, 2019 a vu la poursuite des objectifs fixés par la Normandie dès 2016, littéralement au lendemain de sa réunification, dont la modernisation des trains d’équilibre du territoire à destination ou au départ de Paris, dans le cadre du transfert des TET signé avec l’Etat en 2016. De plus, elle poursuit des actions de longue haleine, comme la restauration de la gare de Rouen Rive-Droite, et persévère en présentant, année après année, une offre de transport globale pour mettre plusieurs sites normands exceptionnels à la portée des Franciliens.

Relocalisation de la maintenance

Fin 2019, il restait encore un mois et demi à attendre avant la mise en service des premiers Regio 2N – alias Omneo de Bombardier – sur les lignes Paris – Caen – Cherbourg et Paris – Rouen – Le Havre. Mais déjà la prochaine arrivée de ces matériels à deux niveaux avait entraîné une réorganisation de la maintenance de l’ensemble des matériels roulants normands, transférée de Paris vers la région. Ce qui a nécessité de moderniser, agrandir ou rénover les technicentres SNCF de Sotteville-lès-Rouen, Le Havre, Cherbourg, Caen et Granville.

Sotteville-lès-Rouen assure ainsi la maintenance de l’ensemble des matériels longs, à deux niveaux (16 TER2N NG, puis un nombre équivalent de Regio 2N qui les remplaceront, et 40 rames Omneo Premium) et à un niveau (11 Régiolis et 9 AGC bimodes). La refonte de ce technicentre est complétée par des aménagements sur des sites ferroviaires en bout de ligne : une fosse et une voie d’entretien à Caen, ainsi que des installations au Havre et à Cherbourg.

centre de maintenance en normandie
Centre de Maintenance en Normandie.

 

L’atelier « Brique 1 » de Sotteville (trains longs à un niveau et des TER2N NG à deux niveaux) a été mis en service en avril 2019, suivi à la fin de l’année par l’atelier « Brique 2 » de Sotteville pour l’accueil des Omneo, dans les délais pour la mise en exploitation commerciale des premières rames, intervenue en février suivant.

Rénovation de longue haleine pour la gare de Rouen Rive-Droite

Classée à l’inventaire des monuments historiques avec son bâtiment voyageurs Art nouveau, la gare de Rouen Rive-Droite (1928) a fait l’objet d’un vaste chantier de rénovation démarré en 2015 pour un budget total de 21 millions d’euros financé par SNCF, la région Normandie et la Métropole Rouen Normandie.

Le projet de modernisation a pour objectif de faciliter les déplacements en gare des 6,5 millions de voyageurs annuels, d’améliorer les services, les conditions d’accueil, ainsi que de fluidifier les flux. Ce projet est aussi l’occasion de valoriser le patrimoine architectural.

Après une première phase (2017), la deuxième (2019) comprenait notamment la restauration des fresques, un nouvel espace de vente multimodal et le réaménagement des abords qui transforment la sortie de la gare en un vaste espace piétonnier multimodal végétalisé. Ouverte et tournée vers le cœur de la ville et la Seine, cette gare « nouvelle version » était fin prête à accueillir les millions de visiteurs de l’Armada 2019. La troisième phase, en cours de finalisation, concerne la rénovation de l’horloge et de la verrière centrale, ainsi que l’éclairage architectural de la façade.

Expérience pilote de « court-voiturage »

Tous les transports du quotidien ne se font pas uniquement en train. En partenariat avec la Communauté de communes Roumois-Seine, la région a effectué une expérimentation de « court-voiturage » en 2018-2019. Grâce à l’application Karos Normandie, les utilisateurs sont mis en relation en fonction de leurs trajets respectifs : l’application trouve automatiquement, tous les jours, les covoitureurs compatibles pour ce qui est des horaires et des itinéraires. En outre, le calculateur intègre le réseau de transport en commun existant (TER et cars régionaux), permettant un covoiturage domicile-gare ou domicile-arrêt de car. Les prix sont très modiques : un euro par passager jusqu’à 25 km (voire gratuité sur un aller et retour par jour), plus 10 centimes par km au-delà. De son côté, le conducteur est remboursé d’au moins deux euros par trajet jusqu’à 20 km, plus 10 centimes par kilomètre à partir de 16 km. Après des débuts jugés prometteurs, ce service rebaptisé Nomad Covoiturage a été étendu en 2020 à 12 territoires normands.

Offre de transport pour découvrir des sites normands

Enfin, tous les trains ne servent pas uniquement aux transports du quotidien. En partenariat avec SNCF Mobilités et Keolis, la région a proposé de voyager vers des sites normands d’exception au départ de Paris Saint-Lazare avec un seul billet combiné comprenant le trajet en train et en autocar. Cette offre de transport de bout en bout permet de développer l’attractivité de la Normandie et de ses sites remarquables tout en en favorisant l’utilisation du transport collectif régional. En 2019, cette offre concernait Étretat, Honfleur et les plages du Débarquement.


Ce qui a convaincu le jury :

Quoique réunifiée depuis moins d’un mandat électoral, la Normandie fait déjà preuve d’une grande constance depuis le transfert des TET signé avec l’Etat en 2016. Reste à voir si la modernisation des dessertes avec Paris tiendra ses promesses ! Toujours est-il qu’en Normandie le TER n’est pas qu’un train du quotidien et a retrouvé sa vocation « de plaisir », à l’heure où le tourisme doit se réinventer, tout en étant plus durable. Même si l’année 2020 n’est pas ici prise en compte, saluons quand même l’initiative prise par la Normandie, en cet été difficile pour le tourisme, de lancer la première liaison directe entre Paris et le Mont-Saint-Michel via Pontorson.

Patrick Laval

Pour connaître les résultats complets des Grands Prix des Régions 2020 : 

Lire ici

Ewa

Logistique. Mieux connaître les livreurs des plateformes numériques dans les grandes villes

livreur deliveroo

Le livreur parisien est un jeune homme, étranger, peu diplômé et auto-entrepreneur.  Un statut de travailleur indépendant considéré comme fictif par la Cour de cassation si la plateforme garde le pouvoir effectif sur la prestation. Mais la requalification massive des livreurs en salariés n’est pas pour demain…

Par Laetitia Dablanc

Ces dernières semaines ont vu Amazon au Royaume-Uni se rapprocher de Deliveroo, l’américain Grubhub acquis par Just Eat-Takeaway pour sept milliards de dollars, son concurrent Postmates acheté par Uber et Meituan en Chine revendiquer un million de livreurs free-lance par jour : les nouveaux services de livraison urbaine intermédiés par des plateformes numériques sont dorénavant des acteurs majeurs. La crise sanitaire et le confinement ont renforcé leur présence (en avril 2020, UberEats a accru son chiffre d’affaires de 89 % dans le monde). Il est temps de s’interroger sur l’impact que cette offre de « livraison instantanée » a sur les grandes villes, son terrain d’action privilégié.

En France, se créent plus de 4 000 microentreprises de livraison express par mois1, mais on sait peu de choses de ces nouveaux livreurs : qui exerce ce métier, quelles sont les conditions de travail ? Une enquête récente2 apporte des éléments d’information sur ceux qui exercent à Paris. Elle porte sur les caractéristiques, le statut ainsi que les conditions de travail. L’enquête a également pour but une meilleure appréhension des contraintes et des difficultés telles qu’elles sont vécues et racontées au quotidien par les livreurs. 300 d’entre eux ont été interrogés en face-à-face, via des rencontres aléatoires dans plusieurs lieux de l’Est parisien, d’attente de course, de sociabilité (Place de la République, Place de la Nation) ou à la sortie des restaurants dans l’attente d’une commande. Cette enquête faisait suite à deux précédentes, sur les mêmes terrains, l’une en 2016, l’autre en 2018.

Ce qui frappe le plus depuis 2016 est que la catégorie des livreurs à plein-temps a fortement augmenté (73 % d’entre eux dorénavant), au détriment essentiellement de celle des étudiants. Le profil type du livreur parisien d’aujourd’hui est donc celui d’un jeune homme (seulement 2 % de femmes), étranger (86 % des enquêtés), peu diplômé (39 % n’ont pas de diplôme, 9 % ont le brevet) et autoentrepreneur (la part des salariés est négligeable). Les moyens de transport que les livreurs utilisent ont fortement évolué depuis quatre ans. Par l’usage croissant des scooters déjà. En 2020, 31 % utilisent un scooter. Or le code des transports impose, pour toute utilisation de véhicule motorisé, y compris à deux-roues, une licence de transport de marchandises. Les livreurs que nous avons interrogés, dans l’immense majorité des cas, ne l’ont pas, ce qui se comprend d’ailleurs tant cette licence est mal adaptée à l’activité d’une microentreprise de livraison à scooter : l’immobilisation financière imposée, par exemple, est de 1 800 € par véhicule. Une autre information intéressante de l’enquête est le taux élevé, et nouveau, d’utilisation du Vélib’ (16 % des livreurs) et du vélo électrique personnel (10 %). Remarquons également que 26 % des livreurs viennent travailler en transport en commun, dont plus de la moitié avec leur vélo, ce qui est souvent périlleux. Sur les conditions de l’exercice de leur métier, ils se plaignent des rémunérations et 57 % pensent qu’il y a trop de livreurs sur le marché et pas assez de travail. Une très grande proportion d’entre eux (79 %) pense qu’il y a une forte insécurité routière et 29 % indiquent qu’ils ont déjà eu un accident, alors que 39 % déclarent qu’ils n’ont pas d’assurance. 54 % ne se voient plus livreur dans trois mois, ce qui correspond bien à l’important turn-over connu pour ces services.

L’un des résultats les plus notables de l’enquête est le taux de 37 % de livreurs qui utilisent un compte en partage. Cette question est sensible. En effet, cette pratique qui consiste à utiliser le compte de quelqu’un d’autre est strictement encadrée. Elle peut être légale (un travailleur indépendant peut sous-traiter une tâche, avec l’accord du donneur d’ordre), mais lorsqu’elle est effectuée auprès de personnes qui ne sont pas elles-mêmes inscrites comme autoentrepreneuses, elle est illégale. Nombre de ces sous-traitants sont des migrants sans papiers.

En conclusion, depuis qu’ils ont été héros du quotidien pendant le confinement, les livreurs des plateformes sont plus visibles et mieux reconnus. Mais leurs conditions de travail n’ont pas beaucoup évolué et la hausse rapide actuelle du chômage joue contre eux : le nombre de livreurs Uber Eats aurait augmenté de 20 à 30 % à Tokyo suite à la crise sanitaire3, pour une demande qui a progressé moins vite, réduisant le nombre de courses et donc les revenus de chaque livreur. Il faudra attendre un peu pour avoir des chiffres fiables en France, mais on peut craindre le même phénomène. C’est du côté des juges qu’il faut se tourner pour voir une évolution rapide et potentiellement riche de conséquences sur les livreurs autoentrepreneurs. En France, la Cour de cassation, par un arrêt du 4 mars 2020, a estimé que le statut de travailleur indépendant était fictif si la plateforme gardait le pouvoir de donner des ordres, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements. Le parquet de Milan, le 27 mai 2020, a placé Uber Italie sous contrôle judiciaire après avoir ouvert un dossier sur l’exploitation présumée de milliers de livreurs. Suite à une décision de la cour suprême de l’Etat de Californie en 2018,  ce dernier a voté la loi AB5 qui considère qu’un sous-traitant qui travaille sur le cœur de métier d’un donneur d’ordre est en fait un salarié. L’exemple californien montre cependant que la requalification massive des livreurs en salariés n’est pas pour demain : ils ne le souhaitent pas tous, loin de là, et, de leur côté, les plateformes s’adaptent aux nouveaux cadres en reformulant par exemple leurs algorithmes. Sur ces sujets, le débat en France ne fait que commencer.

1 J’utilise en première approximation les données Insee de l’activité « poste et courrier hors service universel », code NAF 5320Z, chiffres 2019.
2 Disponible sur https://cutt.ly/1fdnnNU
3 Chiffres mentionnés dans un article du journal japonais Toyo Keizai du 27 juin 2020.

Ewa

L’analyse de 6t. Le speedelec, ou pourquoi le vélo à grande vitesse ne décolle pas

velo electrique

Très peu répandu en France, le speedelec est un vélo à assistance électrique pouvant aller jusqu’à 45 km/h. Il pourrait, pour certains usages, constituer une alternative à la voiture, estime le bureau de recherche 6t, à la suite d’une étude réalisée avec l’Ademe. Problème : trop rapide pour aller sur les pistes cyclables, le speedelec doit cohabiter avec les voitures. Au-delà de ce cas précis, estime 6t, il serait intéressant de réguler les usages des nouveaux modes urbains selon la vitesse pratiquée plutôt que par le type de véhicule.

Par Nicolas Louvet et Hadrien Bajolle

L’arrivée massive des vélos à assistance électrique constitue l’une des évolutions majeures du paysage de la mobilité. La plupart de ces vélos ont une assistance qui s’arrête passée 25 km/h. Certains de ces vélos, pourtant, permettent d’atteindre 45 km/h. « Speedelec », « S pedelec » ou encore « speedpedelec », leur dénomination fluctue, trahissant la faible connaissance du grand public pour ce type de véhicules.

Du moins en France, car le speedelec se développe fortement dans la partie flamande de la Belgique, aux Pays-Bas et surtout en Suisse, où il représente jusqu’à 20 % des ventes de vélos électriques1. Le speedelec pourrait être un levier intéressant pour remplacer la voiture sur des distances plus longues que les vélos à assistance électrique classiques. Mais le développement de son potentiel suppose d’adapter la réglementation très rigide actuelle en fonction des usages réels.

Un potentiel de développement pour les déplacements pendulaires au sein des aires urbaines

Une étude réalisée par 6t-Bureau de recherche avec le soutien de l’Ademe2 a permis d’analyser en détail les usages et le potentiel de développement du speedelec.

Premier constat : relativement coûteux (environ 4 000 € à l’achat), les speedelecs sont pas des véhicules de loisirs. Ils sont presque exclusivement utilisés pour les trajets domicile-travail. En se fondant sur cet enseignement, l’étude estime le potentiel de développement du speedelec en France, en calculant la proportion de ménages qui pourrait avoir un intérêt (en termes économiques et de temps de déplacement) à passer de la voiture vers le speedelec pour leurs trajets domicile-travail.

Le speedelec ne remplace pas l’automobile. Son coût d’achat s’ajoute donc au coût de possession de la voiture. Pour que cet achat soit rentable, les économies d’essence faites sur sa durée de vie doivent donc compenser le prix du speedelec, ainsi que son entretien et le renouvellement de la batterie. Ceci nécessite de parcourir un nombre conséquent de km quotidiennement.

Mais dans le même temps, plus les parcours sont longs, plus le différentiel de temps entre le speedelec et la voiture s’accroît. Au final, le créneau de développement du speedelec est relativement étroit : il s’agit des personnes résidant ou travaillant dans des zones denses mais ayant des trajets domicile-travail relativement longs. Or il s’agit bien souvent de cas de figure où les transports en commun sont privilégiés.

À l’aide des données sur les mobilités domicile-travail de l’Insee, l’étude montre qu’environ 13 % des automobilistes travaillant en dehors de leur commune de résidence seraient concernés : pas une révolution, certes, mais à l’heure de l’urgence écologique, une baisse tout de même notable des émissions de CO2 liées à la mobilité. Pourquoi s’en priver ?

Une réglementation peu propice à l’essor des speedelecs

Pourtant, en France, les ventes de speedelecs restent marginales, pour ne pas dire confidentielles. L’étude de 6t-Bureau de recherche évalue le nombre d’immatriculations à environ 450 unités en 2018 avec une localisation géographique très particulière : la plupart des utilisateurs français de speedelec se situent près de la Suisse, en Haute-Savoie. Outre leur prix élevé qui constitue incontestablement un frein, la réglementation en vigueur est une des causes de ce marché en berne.

La réglementation européenne encadrant la vente des véhicules d’abord. Le règlement du 15 janvier 2013 relatif à la surveillance du marché des véhicules à deux ou trois roues et des quadricycles a rendu nécessaire l’ajout d’équipements de sécurité supplémentaires sur les speedelecs (feu stop, avertisseur sonore, éclairage permanent) et durci les procédures d’homologation. Il s’agit là sans doute de progrès pour la sécurité routière, mais sur des séries extrêmement limitées, ces changements impliquent des coûts supplémentaires prohibitifs sur des véhicules déjà onéreux. Résultat ? Une division par deux des immatriculations – déjà très faibles – entre 2017 et 2018.

Les règles nationales encadrant la pratique ensuite. En France, les speedelecs doivent être immatriculés, porter une plaque d’immatriculation de manière visible et être assurés. Surtout, contrairement à la Suisse par exemple, la réglementation française n’autorise pas ce type de véhicule sur les pistes cyclables. Là encore, l’idée originale était louable : protéger les cyclistes de véhicules roulant à des vitesses bien plus élevées. Mais cette politique a des effets pervers. Les utilisateurs de speedelec ne se sentent pas en sécurité sur la route où ils doivent cohabiter avec des voitures. Ils se rabattent donc sur les pistes cyclables, ce qui les place en position d’illégalité. Pour ne pas être verbalisés, ils sont nombreux à ne pas porter de plaque d’immatriculation, voire à ne pas être immatriculés du tout. A force d’être contraire aux usages, la réglementation actuelle manque au final tous ses objectifs.

Pour une réglementation fondée sur la vitesse et non plus sur le type de véhicule

Ce qui ressort de l’étude menée par 6t-Bureau de recherche est l’attitude opportuniste des utilisateurs de speedelec sur la chaussée. En fonction de leur vitesse, du contexte local, de l’agencement de l’espace, ils optent pour les pistes cyclables ou bien pour la chaussée. Les pistes cyclables ne sont en effet pas adaptées – pour l’heure – pour des vitesses de 30 à 35 km/h : trop étroites, elles ne permettent pas bien souvent de doubler en sécurité ; peu isolées des trottoirs, elles font craindre des collisions avec les piétons. Enfin, leur tracé n’est parfois pas compatible avec la grande vitesse vélo. Les courbes trop serrées, les angles aigus et dangereux, la mauvaise qualité du revêtement sont autant d’inconvénients qui font préférer la chaussée aux utilisateurs de speedelec lorsqu’ils veulent rouler à pleine puissance.

En d’autres termes, les adeptes du speedelec ajustent par eux-mêmes leur comportement au type d’espace traversé. Il s’agit là d’une forme d’autorégulation vertueuse que la réglementation devrait encourager. Car, en réalité, la régulation est là pour favoriser un haut niveau de sécurité sur les pistes cyclables. Ce que la collectivité souhaite faire, c’est bien limiter la vitesse sur un espace donné. Or, dans une volonté de simplifier sans doute, la collectivité opère ce que Bruno Latour appellerait un « détour ». Au lieu d’établir un lien entre vitesse et espace, elle l’opère entre un type de véhicule et un espace donné. Le résultat, on l’a vu, est inadapté car le speedelec est un mode hybride, qui se comporte à la fois comme un vélo et comme un cyclomoteur en fonction des circonstances.

Au lieu d’assigner au speedelec un espace donné (la chaussée pour le moment), pourquoi ne pas fonder la réglementation sur la vitesse ? Lorsque son utilisateur roule à moins de 25 km/h, il pourrait emprunter les pistes cyclables, avec les autres vélos à assistance électrique. Lorsque, au contraire, il souhaite accélérer, il pourrait utiliser la chaussée. Ce serait là une solution pragmatique permettant à un moyen de transport nouveau de se développer selon son potentiel réel… Du moins dans l’attente d’infrastructures vélo permettant de rouler sans danger à 45 km/h.

Au-delà du simple cas du speedelec, réguler par la vitesse permettrait d’éviter de créer des réglementations ad hoc pour chaque nouveau mode tout en garantissant une coexistence harmonieuse sur l’espace public. Une réelle avancée pour nos villes face à l’explosion des modes urbains.

1 Velosuisse (2018).
2 6t Bureau de recherche, ADEME, Marché et usages des speedelecs, 2020.

Ewa

Recherches, Débats, positions. Vitesse et précipitation

velo voiture

La COVID-19 a pris tout le monde de court, mais la réactivité a été étonnante et, un peu partout, en improvisant, les villes ont trouvé les moyens de rebondir. 
Du télétravail aux pistes à vélos, les solutions sont-elles pérennes  ? Après l’urgence, on sent le besoin d’évaluations précises, inscrites localement, avant de se lancer
dans les généralisations.

La réalité a dépassé la fiction

Quatre milliards d’humains confinés, même la SF ne l’avait pas vu venir. Personne ne l’avait prévu, eux non plus et ils le reconnaissent. Eux, ce sont les architectes et urbanistes réunis en juin pour une table ronde de l’Ecole d’architecture de la ville et des territoires de Paris-Est : Les territoires habités en temps de confinement : quelles mobilités, quelle occupation des rez-de-ville ? Le thème choisi le souligne, on ne veut pas s’en tenir aux trottoirs ou aux rues, mais redonner à la ville sa profondeur de champ.

Ce qu’on voyait venir, dit David Mangin (architecte, urbaniste, auteur notamment de La Ville franchisée), ce sont les Gafa qui attendaient un prétexte pour développer la surveillance numérique, qui travaillaient sur la santé pour la récolte et la maîtrise des données : « la Smart City comme Safe City », dit Mangin. Quasiment la société de contrôle énoncée et annoncée il y a trente ans par Deleuze, ajoutera-t-on. S’ils ont été pris de court par le confinement, ils sont surpris de voir la vitesse avec laquelle les réponses ont été apportées, à quel point, dit Bernard Landau (enseignant à l’Ecole des ingénieurs de la Ville de Paris) se référant à l’accord électoral entre Hidalgo et les écologistes, ce qui était impensable quelques mois auparavant s’est imposé comme une évidence. Des pistes cyclables sont apparues du jour au lendemain, les trottoirs se sont élargis en empiétant sur les rues. Les questions du bruit ou de la marche sont devenues criantes, relève Gwenaelle d’Aboville (urbaniste, agence Ville Ouverte). S’ils relèvent les défis, les urbanistes ont la sagesse de ne pas répondre trop vite. De se méfier de réponses trop générales. Et de demander déjà de solides monographies, comme celle sur Bergame en temps de COVID-19 due à Marco Cremaschi.

10 choix majeurs pour mieux consommer

Trois chercheurs (Diana Ivanova, Dominik Wierdenhofer, Max Callaghan) ont évalué le potentiel de réduction de gaz à effet de serre (GES) de 60 grands choix de consommation : renoncer à la voiture individuelle, manger végan, renoncer au transport aérien, etc. Leur étude publiée par le Forum Vies Mobiles se fonde sur le dépouillement de 7 000 articles scientifiques. L’objectif, c’est bien sûr d’atteindre zéro émission nette de GES en 2050, avec un palier à – 45 % en 2030. Sur l’ensemble des 60 choix, 10 offrent un fort potentiel de réduction des GES qui pourrait, selon eux, réduire leur empreinte de près de 9 t. eqCO2/personne.

La vie sans voiture offre le plus fort potentiel médian de réduction de tous les choix examinés, à 2,0 t. eqCO2/pers, dans une fourchette d’estimation allant de 0,6 à 3,6 t. eqCO2/pers.

Forte promesse aussi du passage au véhicule électrique, à 2 t. eqCO2/pers, mais la marge d’incertitude est immense, allant d’une réduction de – 1,9 t. eqCO2/pers (soit une augmentation, du fait d’effets contre-productifs) jusqu’à 5,4. Cette forte variabilité vient pour l’essentiel de la part des énergies fossiles dans la production d’électricité, qui élimine toute réduction de GES.

Résultat médian quasi-équivalent : se priver d’un seul voyage A/R par an offre une réduction de près de 2 t. eqCO2/pers.

Le télétravail offrirait un potentiel de 0,4 et le covoiturage/autopartage de 0,3.

Sans surprise, l’étude conclut à la nécessité de changer les habitudes alimentaires, de développer les infrastructures de transport en commun et l’usage du vélo, d’encourager le télétravail. Bref une sorte de confirmation chiffrée et étayée de ce qui est, si l’on peut dire, dans l’air du temps.

Sur la piste des vélos

Récemment mis en ligne, Jeux de piste, troisième épisode sur le vélo de Lost in transportation, le podcast de 6t.

On le sait, on l’a vu, la crise de la COVID-19 a servi d’accélérateur à la mise en place de pistes cyclables, 70 km à Paris, 25 à Berlin, 16 à Londres, 10 à Barcelone. Et à l’adoption d’un projet de RER Vélo de 650 km en Ile-de-France.

Si la piste semble indispensable à l’essor du vélo, elle ne suffit pas à en assurer le développement. Et puis, comme l’avait montré le premier épisode de la série, au Japon, où les pistes sont rares, le vélo assure 20 % des déplacements dans le Grand Tokyo, ou 28 % à Osaka, et sa pratique est fort répandue chez les 60-69 ans.

D’où une discussion menée par 6t sur l’importance des critères de cyclabilité (trois critères selon l’Ademe et le Club des villes et territoires cyclables : sécurité, efficacité d’un parcours en distance et en temps, et la praticité d’usage de la voie). Bref, une discussion dans laquelle il s’agit de contrebalancer l’esprit de géométrie (construisons des voies) par de la finesse (tenons compte de l’esprit des lieux et de ceux qui les habitent). Le prochain podcast nous emmènera en Suisse.

En France, il y a encore pas mal de chemin à faire. Et si le bobo parisien à vélo est une caricature, comme toute caricature, elle force des traits qui sont bien là : à Paris 46 % des cyclistes sont cadres, pour 26 % de la population, et 60 % sont des hommes (ils sont à 47 % Parisiens).

Séparation ou mixité ?

Pour bien connaître les seuils qui incitent à séparer le flux des vélos de celui des automobiles, on s’appuiera sur la récente étude du Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), Vélos et voitures : séparation ou mixité, les clés pour choisir. Le Cerema invite à « considérer conjointement » trois critères « avant de choisir de faire cohabiter ou non les cyclistes et les usagers motorisés sur le même espace ».

Premier des trois critères, le volume de trafic motorisé : au-delà de 4 000 véhicules par jour, « la cohabitation entre les cyclistes et les usagers s’avère très souvent problématique ».

Deuxième critère, la vitesse réellement pratiquée par les automobilistes, qui doit être évidemment modérée.

Il faut en troisième lieu tenir compte de la densité du trafic cycliste, trafic souhaité inférieur à 750 cyclistes par jour pour un réseau cyclable secondaire.

Critères qui donnent lieu à un tableau d’aide à la décision.

On profitera de la dernière étude du Cerema pour rappeler la précédente, publiée en juin, permettant de préparer la phase de déconfinement et de déposer des aménagements temporaires pour faciliter et sécuriser les déplacements à pied ou à vélo.

Zoom sur les Hauts-de-France

Réalisé par France Stratégie à la demande du Haut Conseil pour le climat, ce document de travail dû à Marie Dégremont, cheffe de projet, porte sur la prise en compte des enjeux climatiques dans la politique régionale de mobilité. La région Hauts-de-France représente 5 % des émissions nationales liées au transport pour 9 % de la population française et la croissance des émissions liées au transport y est plus faible que la moyenne nationale (5 % entre 2009 et 2017 contre 8 % dans le pays). Et pourtant le besoin de déplacement et la dépendance à la voiture pour les trajets domicile-travail y sont plus élevés que la moyenne nationale : la part modale de la voiture s’élève à 78,3 % contre 70 % en moyenne nationale, celle des transports en commun à 8,7 %. Sa population est par ailleurs vulnérable économiquement : le revenu disponible médian par unité de consommation y est le deuxième plus bas de France métropolitaine, le taux de chômage y est supérieur de deux points à la moyenne nationale.

Faire dans ces conditions de la décarbonation l’une des priorités des politiques de mobilité n’est pas, a priori, évident. Le conseil régional investit dans le ferroviaire, dans les pôles d’échanges multimodaux. Cependant, il faut avant tout développer les mobilités pour favoriser l’activité économique et l’accès à l’emploi. Or, 71 % des actifs travaillent hors de leur commune de résidence contre 64 % en moyenne nationale, et la région est économiquement prise entre deux pôles, l’un interne et l’autre externe, la métropole lilloise et l’Ile-de-France. Certaines mesures comme le développement d’axes routiers ou la diminution de la taxe sur les certificats d’immatriculation peuvent ainsi entrer en contradiction avec les engagements climatiques. Comme relève la note de France Stratégie, « les Hauts-de-France font partie des territoires où la mise en cohérence des réponses sociales et environnementales est particulièrement difficile à réaliser ».

Carlo Ratti revisite Brasilia

Le projet était lancé depuis 2018, il vient d’être rendu public. Carlo Ratti1 (agence CRA) vient de présenter le plan directeur de Biotic, un nouveau quartier de Brasilia. Quartier de technologie et d’innovation, d’un million de mètres carrés. Problème de Brasilia, selon Carlo Ratti reprenant une plaisanterie locale : le quartier des cafés est éloigné du quartier du sucre.

Les quatre échelles urbaines définies par Lúcio Costa dans son plan pilote de 1957 (résidentielle, monumentale, grégaire, et bucolique) sont recombinées. Réalisé en collaboration avec l’agence EY pour le compte de l’entreprise foncière publique TerraCap, le nouveau quartier réinterprète les Super Blocks (ou Superquadras) du secteur résidentiel de Brasilia. Et veut faire mentir Simone de Beauvoir qui regrettait l’élégante monotonie de la capitale inaugurée en 1960 et disait que jamais la rue n’y verrait le jour…

1Carlo Ratti, fondateur de CRA, est directeur du Senseable City Lab du Massachusetts Institute of Technonology (MIT).

Creuse toujours, tu m’intéresses

Si l’on est las des réinterprétations, des reconsidérations ou des remaniements, une story arrivée par mail (Smart Cities are digging deep, Craig Bett) vient nous rappeler que tout le monde n’a pas renoncé à innover, à construire, à édifier. Avec une nouvelle tendance : sous terre.

Utrecht le montre avec son parking souterrain récemment ouvert pour 12 500 vélos. Kuala Lumpur vient d’ouvrir un système appelé Smart (Stormwater Managment And Road Tunnel), combinant tunnel souterrain pour le trafic automobile et système d’évacuation des eaux des orages. Tunnel à deux étages, dont le supérieur devient, en cas d’orage violent, tunnel d’évacuation des eaux. Séoul pour sa part convertit une partie des infrastructures de métro en jardin souterrain. Il paraît qu’à coups de LED les laitues ne mettent que 38 jours à pousser sous terre au lieu de 50 à l’air libre. Et le CO2 émis par les passagers du métro profite aux plantes qui rejettent en retour de l’oxygène dans le métro. A Londres enfin, la compagnie Magway a prévu un réseau souterrain pouvant traiter 600 millions de colis par an, avec l’ambition de faire sous terre concurrence au réseau terrestre d’Amazon. Le panorama ne serait pas complet sans Hyperloop, qui pourrait bien profiter de telles infrastructures souterraines. D’autant que, pour The Boring Company, entreprise de Musk, le prix des travaux souterrains est passé au cours des dernières années à 10 millions de dollars par mile, au lieu d’une fourchette située entre 100 millions et un milliard.

Bref, on creuse. Ira-t-on jusqu’à dire qu’on s’enfonce ?

F. D.

Ewa

« Nous avons inversé la tendance en gagnant de gros contrats »

Club Henaut 2020

Réuni le 2 juillet à Paris, le premier Club VRT post-Covid a donné la parole à Edouard Hénaut, patron France du groupe Transdev qui venait de remporter les deux premiers lots de lignes de bus ouvertes à la concurrence en Ile-de-France. Il est revenu sur l’impact de la crise sanitaire et a exposé les espoirs nourris par son groupe avec l’ouverture à la concurrence en Ile-de-France et sur le marché ferroviaire.

Premier invité du Club VRT depuis la crise sanitaire et la fin du confinement, Edouard Hénaut est revenu longuement sur l’impact et la gestion de l’épidémie de COVID-19 dans les réseaux de transport gérés par Transdev. « Notre implantation en Chine, en Australie, dans l’Oise et à Mulhouse, les deux premiers clusters français, puis notre activité de transport par ambulance (Carius) nous ont aidés à ressentir et à anticiper ce qui allait arriver. Nous étions aux avant-postes : dès le 5 mars, nous faisions de la gestion de crise et dès le 16 mars, veille du confinement, nous étions prêts. L’effet crise a accéléré notre plan de digitalisation, on a équipé 50 postes à distance en 15 jours pour la paie, la comptabilité… rapporte le patron France du groupe français de transport public. L’effet crise a aussi accéléré l’innovation en interne : notre start-up entrepreneuriale Flowly a développé des capteurs pour tracer les smartphones des passagers dans les bus et recueillir ainsi des données sur les taux de charge ». Informations utiles aux usagers qui « redoutent la foule dans les bus, de peur d’être contaminés. Ces infos sont disponibles sur l’appli des réseaux, neuf sont déjà équipés en France », indique Edouard Hénaut qui observe par ailleurs que les
mesures sanitaires mises en place depuis le déconfinement signent l’avènement du paiement sans contact et du post-paiement dans les transports publics.
« Les autorités organisatrices de mobilité nous confirment la fin progressive du cash », rapporte-t-il.

Transdev tire deux gros lots en Ile-de-France

Passé le pic de la crise sanitaire, il a fallu gérer le casse-tête de la reprise avec un protocole particulièrement contraignant dans les transports collectifs, et en plein bouleversement du modèle économique du secteur dont les
finances sortent exsangues avec quatre milliards d’euros de déficit et un retour timide des voyageurs (40 à 50 % sur les réseaux urbains, 30 à 40 % dans les cars interurbains), Edouard Hénaut garde dans le viseur l’ouverture à la concurrence. Sur les lignes de bus franciliennes, sur les lignes TER en région et sur certaines liaisons de trains d’équilibre du territoire (TET).

Jeudi 2 juillet, sous les ors de la mairie du VIIe arrondissement parisien (où la maire sortante Rachida Dati venait d’être réélue), Edouard Hénaut avait d’ailleurs un peu de mal à dissimuler sa joie puisque, au moment où il s’exprimait, un communiqué d’Ile-de-France Mobilités (IDFM) annonçait que Transdev était pressenti pour exploiter deux lots de lignes de bus dans l’est de l’agglomération parisienne. Le 8 juillet, le conseil d’administration de l’autorité organisatrice des transports franciliens entérinait la décision. La filiale de la Caisse des dépôts devrait exploiter à partir du 1er janvier 2021 29 lignes de bus sur le territoire de Val d’Europe-Marne et Gondoire (Marne-la-Vallée) ainsi qu’un service de transport à la demande. Et 32 autres lignes sur l’agglomération Grand Paris Sud (Sénart) déjà exploitées par Transdev. Deux territoires situés en Seine-et-Marne. Le premier lot représente environ 120 millions d’euros sur cinq ans, le second 180 millions d’euros sur sept ans.

Pressé par Bruxelles d’ouvrir à la concurrence les 1 500 lignes de bus franciliens (hors RATP), IDFM qui est présidé par Valérie Pécresse (LR) démarre donc le processus de libéralisation en grande couronne sur le réseau Optile. Un marché de 900 millions d’euros par an que se partagent déjà Transdev et Keolis avec un tissu de PME locales passées dans leur escarcelle ou via des sous-traitants. Ils emploient environ 10 000 conducteurs.

Jusqu’à présent, les marchés de bus franciliens étaient passés de gré à gré, ils vont progressivement être mis en concurrence après une rationalisation du réseau divisé en 36 lots.

Le premier, le tramway T9 au sud de Paris, avait été attribué en 2019 à la filiale de la SNCF, Keolis. Les deux premiers gros lots de bus reviennent donc à Transdev.

Pas candidat au Grand Paris Express

Pendant la crise sanitaire et les mesures de confinement à travers le monde, les appels d’offres ont continué leur course, « sauf en Australie (le groupe exploite toute la palette du transport public dans les quatre principales villes du continent australien, ndlr) qui a décidé une pause d’un an », indique Edouard Hénaut.

En Ile-de-France, « la pression n’a jamais été relâchée, la machine industrielle est en marche », relève le patron France de Transdev, confirmant toutefois que le groupe n’est pas candidat pour l’exploitation des lignes 16 et 17 (au nord et à l’est de Paris) du futur métro automatique Grand Paris Express (GPE). « La crise liée au COVID-19 fait que, pour le moment, on ne se positionne pas sur le GPE, ce n’est plus une priorité pour Transdev, nous nous focalisons davantage sur les tram-trains régionaux, l’ouverture à la concurrence du Transilien et sur les Intercités », indique-t-il sobrement.

Il faut dire que le nouveau consortium formé de la RATP, d’Alstom et du singapourien ComfortDelGro, qui a déposé mi-juin un dossier de préqualification pour le marché de la maintenance et de l’exploitation des lignes 16 et 17 du GPE a de quoi refroidir les ardeurs des challengers de la RATP. « L’ouverture à la concurrence pour le mass transit en Ile-de-France se ferme un peu plus encore », juge Edouard Hénaut.

Les régions les plus pressées de tester la concurrence sur les liaisons TER, la région Sud - Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) en tête, n’ont, elles, pas marqué de pause pendant la crise. Et c’est peu dire que ce marché aiguise l’appétit de Transdev. Au même titre que pour les TET dont l’autorité organisatrice est l’Etat qui a publié fin juillet le cahier des charges. « Nous regarderons de près les appels d’offres TET, TER en régions Sud - PACA, Hauts-de-France, Grand Est ainsi que ceux de régénération des lignes fines de territoires transférées aux régions, confirme Edouard Hénaut. Fort de notre expérience du train régional en Allemagne, nous savons que l’on peut gagner 30 à 40 % sur les coûts d’exploitation (par rapport à la SNCF, ndlr) », glisse-t-il.

Interrogé par un invité du Club VRT sur les spécifications révélées au début de l’été pour les lots ouverts en région Sud - PACA et pour les volumes de personnel qui seraient transférés, Edouard Hénaut estime que « les chiffres retenus dans le cahier des charges sont gérables, mais pas au-delà… ». Egalement interrogé sur la probabilité d’une pénurie de conducteurs de trains, comme c’est le cas outre-Rhin, il répond que Transdev a ouvert des programmes de formation « plutôt que de braconner des talents chez ses concurrents ».

Mission double : gestion des infrastructures et exploitation des TER

« La récente publication du cahier des charges des futurs appels d’offres en région Grand Est préfigure une forme inédite de mise en concurrence : la gestion de l’infrastructure couplée à l’exploitation ferroviaire », observe Edouard Hénaut. Une possibilité ouverte par la Loi d’orientation des mobilités (LOM), votée en décembre 2019, qui offre aux régions la possibilité de se faire transférer la gestion de lignes d’intérêt régional ou local à faible trafic. Les élus menés par le LR Jean Rottner ont donc voté le 10 juillet une décision en ce sens pour la ligne Nancy-Contrexéville et pour un ensemble de tronçons entre Strasbourg (Bas-Rhin) et Epinal (Vosges). Des lignes aujourd’hui fermées, suspendues ou dans un état qui limite leurs
capacités de trafic.

La région prévoit de lancer les appels d’offres d’ici la fin 2020 pour désigner les lauréats entre mi-2022 et début 2023 avec en vue la reprise de l’exploitation ferroviaire fin 2024-début 2025, après deux ans de travaux de modernisation. Un seul opérateur sera donc choisi, à la fois pour l’infrastructure, le matériel roulant et la reprise du personnel de SNCF Voyageurs.

Les Pays de la Loire ont aussi décidé récemment d’ouvrir à la concurrence un tiers du
réseau TER avec un tram-train sur un des deux premiers lots. La région devait publier un avis de pré-information en juillet, puis préparer le cahier des charges qui sera publié en 2021 avec le lancement des appels d’offres en 2022 pour le transfert à un nouvel opérateur (ou la SNCF si c’est elle qui reporte le contrat) fin 2023.
« Nous ne nous positionnerons peut-être pas sur tous les appels d’offres », indique Edouard Hénaut.

Urbain : On a inversé la tendance

Et l’urbain dans tout cela ? « On a inversé la tendance sur les grands contrats et gagné plus de chiffre d’affaires en 2019 (220 M€) que perdu (12 M€) », calcule le patron France de Transdev qui a réalisé 38 % de son chiffre d’affaires sur l’Hexagone. Le groupe a notamment remporté l’exploitation des réseaux de transport de
Dunkerque, Grand-Verdun, Royan, Guingamp-Paimpol, Sens ou Libourne, ainsi que le renouvellement de partenariats historiques avec les sociétés d’économie mixte de Nantes et de Limoges, soit 900 millions d’euros de chiffre d’affaires, sur la durée des contrats.
« On a réussi l’année 2019. En 2020, le cycle est plus rythmé avec 2,9 milliards d’euros remis en appel d’offres. Il va falloir être sélectifs, comprendre les territoires, reconquérir avec une nouvelle donne », note-t-il. La nouvelle donne, c’est notamment la situation financière extrêmement tendue des autorités organisatrices de mobilité. « Ce que la crise a révélé aussi, c’est qu’il faut nouer des alliances et des partenariats, ne pas vouloir faire seul, on le fera quand l’occasion se présentera », lance Edouard Hénaut qui confirme de nouveaux positionnements, sur les RER métropolitains notamment.

Nathalie Arensonas


Une croissance profitable

Filiale à 66 % de la Caisse des dépôts et à 34 % de l’Allemand Rethmann, le groupe basé à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) est présent dans 17 pays, emploie 85 000 collaborateurs dont 34 000 sur l’Hexagone (24 000 conducteurs). Il a réalisé en 2019 un chiffre d’affaires de 7,4 milliards d’euros, en progression de 6,7 % par rapport à une année 2018 à la peine. « Nous avons cherché à poursuivre une croissance profitable et misons sur un mix d’activités plus durables », commentait le PDG du groupe, Thierry Mallet, lors de la présentation des résultats fin mars, en pleine crise sanitaire.