SNCF Réseau fait face à un double défi : l’ouverture à la concurrence dans le ferroviaire est appelée à s’intensifier à l’avenir alors que le réseau ferré nécessite de lourds travaux pour être remis à niveau. Pour s’y préparer, le gestionnaire des infrastructures a lancé depuis quelques mois un plan de réorganisation interne baptisé Résonances. Avec l’objectif de développer le trafic ferroviaire avec un nombre croissant de clients (les nouveaux entrants sur le marché ferroviaire français) tout en augmentant la cadence des travaux et en respectant la sécurité et la maintenance.
L’entreprise aux 52 000 salariés a lancé ce projet fin 2024 avec plusieurs centaines d’agents représentant tous les métiers de SNCF Réseau. « Une démarche d’intelligence collective qui a suscité une bonne adhésion au projet « , juge la CFDT Cheminots. Désormais et depuis l’été 2025, Résonances est mis en œuvre dans toutes les régions. Sauf sur la zone de production Nord-Est Normandie où, à l’initiative de la CGT, le Comité social et économique (CSE) a saisi le tribunal judiciaire de Bobigny en référé estimant que les informations fournies par la direction étaient insuffisantes. Fin juin, les juges ont ordonné la suspension temporaire du projet sur ce périmètre géographique. Et le 20 novembre, un jugement sur le fond a donné raison au CSE, demandant à l’entreprise de donner des informations complémentaires et la preuve de la pertinence de la réorganisation. « SNCF Réseau va reprendre la consultation des Instances Représentatives du Personnel dans les conditions demandées par le jugement. Le projet pourra être mis en œuvre à l’issue de cette consultation », nous a indiqué l’entreprise que nous avons contactée.
Des décisions décentralisées
Le plan Résonances consiste à gagner en productivité, en rapprochant les centres de décision du terrain, « là où se trouvent une grande partie de nos interlocuteurs », souligne Christel Pujol-Araujo, directrice générale adjoint ressources humaines de SNCF Réseau. Pour « être plus réactifs, plus performants et avoir des relations plus directes avec nos clients et parties prenantes, les régions en particulier », poursuit-elle. En clair, il s’agit de donner davantage de marges de manœuvre aux managers locaux, dans les territoires. Il faut aussi, ajoute la DGA aux Ressources humaines, « standardiser nos pratiques (…) car contrairement à ce que l’on pourrait croire, dans un système industriel comme le nôtre, elles ne le sont pas. Nous fixons aux responsables locaux des objectifs mais ce sont eux qui agissent et décident ».
Les agents de Réseau sont désormais rattachés aux nouvelles directions inter-régionales (DGIR) dont le rôle est renforcé. Les instances de représentation du personnel sont rattachées au périmètre des CSE, « Une mauvaise nouvelle car les spécificités liées à la carrière, au pilotage de la ligne métier, aux parcours professionnels des intéressés risquent d’être moins bien prises en compte, notamment pour les notations », juge la CFDT Cheminots.
Autre changement : les activités sociales et culturelles sont rattachées aux CSE des zones de production (les Casi). « Ce qui va représenter une baisse conséquente de l’offre faite aux agents pour faciliter l’accès aux loisirs et à la culture : chèques vacances, chèques culture, accès aux salles de sport, voyages à bas raisonnables », estime encore le syndicat. Selon la direction de SNCF Réseau, 10% des agents seraient impactés.
Retour d’expérience début 2026
« Si cette nouvelle organisation semble pertinente en termes d’organisation et de décentralisation des décisions au plus proche des territoires, les conséquences pour les agents concernés sont importantes », commente Fabrice Chambellan, secrétaire général adjoint de la CDFT Cheminots.
De son côté, l’Unsa-Ferroviaire réserve son jugement et attend le premier retour d’expérience de cette transformation majeure en début d’année prochaine, six mois après son déploiement. Chez Sud Rail, la critique est plus vive : « L’impact de cette restructuration sur les conditions de travail des cheminot-e-s concernés n’a pas été pris en compte. Et la direction n’a effectué aucun retour d’expérience sur les dysfonctionnements actuels des Zones de production avant de finaliser son projet. Pourtant, ces dernières resteront la pierre angulaire de la nouvelle organisation de SNCF Réseau », estime Sud Rail.
La CGT Cheminots, quant à elle, est farouchement opposée à Résonances. La centrale de Montreuil reproche la « non-prise en compte par la direction des impacts sur les conditions de travail et les risques psycho-sociaux ». Elle réclame la suspension du projet.
Officiellement en place depuis le 8 juillet et coordonné par Vincent Palix, un retour d’expérience de ce nouveau projet d’entreprise est prévu début 2026. Car l’impact RH n’est pas anodin : Résonances touche 466 agents dont les postes sont soit créés, soit supprimés, soit modifiés. Sur 166 postes supprimés, 82 agents étaient encore sans affectation fin octobre, selon les estimations de la CFDT Cheminots. « Après quelques semaines de mise en œuvre du projet sur une large partie du territoire, près de 90% des salariés concernés ont retrouvé une affectation pérenne », assure de son côté la direction de SNCF Réseau.
L’accord sur le pilotage des emplois et les parcours professionnels signé en novembre 2024 avec trois syndicats (CGT, Unsa et CDFT), a sans doute facilité les passerelles pour trouver un emploi dans les autres sociétés du groupe SNCF. Près de 120 agents de Réseau ont rejoint SNCF Voyageurs, par exemple. Plutôt favorable à Résonances, la CFDT déplore cependant « un manque de solidarité au sein du groupe pour accueillir des agents sans postes suite à la réorganisation Résonances » et regrette « l’incapacité de SNCF Réseau à imposer cette solidarité ».
Des besoins d’investissements qui font consensus
Le cœur du réacteur ferroviaire français, c’est le réseau. Il a trente ans d’âge en moyenne… Améliorer son état et le moderniser, c’est une des priorités déjà annoncée par le nouveau PDG du groupe SNCF, Jean Castex.
Sur les 28 000 kilomètres de voies gérés par SNCF Réseau, 4 000 km présentent un risque avéré de baisse de performance si l’investissement financier nécessaire n’est pas réalisé, alerte le gestionnaire des infrastructures ferroviaires. Elles nécessitent de lourds travaux de rajeunissement pour être en mesure d’accueillir davantage de trains, d’autant que ceux de la concurrence arrivent. « On pourrait faire rouler 20 % de trains en plus en France », explique régulièrement Matthieu Chabanel, le PDG de SNCF Réseau.
Après Ambition France Transports, la conférence de financement des transports qui a rendu ses conclusions l’été dernier, les besoins d’investissement font aujourd’hui consensus : ils sont estimés à 4,5 milliards d’euros chaque année à partir de 2028 pour remettre le réseau ferré d’équerre. Soit un milliard et demi de plus que l’investissement actuel.