Concilier l’attractivité du business ferroviaire, l’aménagement du territoire, l’entretien du réseau ferré. Une proposition de loi portée par le sénateur socialiste Olivier Jaquin vise à mieux « réguler l’ouverture à la concurrence ». Elle n’est pas encore déposée.
Sept ans après le vote de la loi sur le nouveau pacte ferroviaire en juin 2018, censée préparer le secteur, et la SNCF, à l’ouverture à la concurrence, certains observateurs estiment qu’il y a des « angles morts » et des « effets de bord » qu’il convient aujourd’hui de corriger. Dans le court moment où il fut ministre des Transports en 2024, le LR François Durovray avait considéré que c’était à l’Etat de refixer les règles du jeu de la concurrence et notamment, d’inciter les opérateurs à desservir des territoires qu’ils tendent à négliger pour des raisons évidentes de rentabilité.
Aujourd’hui, le sénateur PS de Meurthe-et-Moselle Olivier Jaquin, spécialiste du sujet, lui emboîte le pas et devrait déposer dans les prochaines semaines, ou prochains mois, une proposition de loi visant à réguler les effets de cette ouverture à la concurrence. En particulier sur le marché des lignes à grande vitesse. Mais pas seulement.
Olivier Jaquin avance une dizaine de propositions qui touchent aux obligations de service public, mais aussi au prix des péages, et donc des billets de train, et à la régulation de la Suge, le service de la sûreté ferroviaire.
« L’aménagement du territoire est l’un des impensés de la réforme ferroviaire de 2018 », juge le parlementaire qui s’exprimait mi-mai dans le cadre d’une conférence de la CFDT Cheminots sur le financement du rail, à laquelle participait également Jean-Pierre Farandou. Certaines propositions avaient déjà été esquissées, comme la modulation du tarif des péages ferroviaires, moins élevés lorsqu’il s’agit de dessertes d’aménagement du territoire. Avec des obligations de desserte et des conventions de dessertes signées avec les régions, notamment pour les bouts de lignes. En revanche, le parlementaire ne s’est pas avancé sur l’idée d’attribuer aux opérateurs des lots combinant lignes rentables et liaisons d’aménagement du territoire.
Fonds de concours à SNCF Réseau
Autre sujet qui ne pouvait que sonner favorablement aux oreilles du pdg la SNCF : la contribution de tous les transporteurs ferroviaires de voyageurs au « fonds de concours » qui finance SNCF Réseau pour l’aider à entretenir les installations ferroviaires. Ce fonds est abondé par SNCF Voyageurs mais avec l’arrivée de la concurrence, ce cercle vertueux instauré par la loi de 2018 (l’argent du ferroviaire reste dans le ferroviaire), pose question. SNCF Voyageurs y reverse une partie de ses bénéfices, pas ses concurrents. Après une contribution d’1,7 milliard d’euros en 2024, elle devrait se porter à 1,5 milliard d’euros cette année et rester à ces niveaux jusqu’en 2028. Olivier Jaquin propose de contraindre l’ensemble des opérateurs qui font circuler leurs trains de voyageurs à verser leur obole dans le « fonds de concours ».
Autre proposition, le plafonnement du prix des billets de train. Mais comme ils sont corrélés au prix des péages ferroviaires (à hauteur de 40%), Olivier Jaquin, qui porte la croix de Ségolène Royal (dixit), invite l’Etat à avoir le courage de l’écotaxe poids lourds et d’en flécher une partie vers le rail. En 2013, face à la fronde des Gilets rouges, l’ancienne ministre de la Transition écologique avait cédé et la taxe sur les camions de plus de 35 tonnes a été abandonnée. Selon Jean-Pierre Farandou, l’écotaxe poids lourds pourrait rapporter 4 à 5 milliards par an, « on en prendrait un pour le rail« , évalue l’ex-futur pdg de la SNCF qui « espère que Dominique Bussereau [il préside l’actuelle conférence de financement des transports] aura l’audace de la relancer« .