A deux semaines du lancement d’Ambition France Transports, la conférence nationale sur le financement des mobilités, à Marseille par le ministre des Transports, l’Association des maires de France (AMF) donnent de la voix. « En France, 90% [80% en moyenne selon l’Observatoire des territoires] des déplacements se font en voiture, cette part n’a pas changé depuis 30 ans malgré tout le développement [en faveur] des transports collectifs. Parler du financement des mobilités, c’est parler des transports collectifs en site propre, du ferroviaire mais aussi de cette réalité automobile. Et donc, du réseau routier », interpelle David Lisnard, maire de Cannes et président de l’AMF qui représente les maires des 35 000 communes et du millier d’intercommunalités françaises.
Or, selon l’élu qui tenait une conférence de presse ce matin à Paris, l’essentiel de la charge des routes et des voiries (entretien, aménagements) repose sur ces collectivités locales qui se sont vu transférer par l’Etat 717 000 km de routes, soit 65,5% de réseau routier. Sans transfert de ressources, ni recettes dédiées, martèle l’élu. Les départements gèrent 32,5% du réseau routier, l’Etat 20 000 km, dont 10 000 km sont concédés au privé.
« Les communes ont aussi hérité des 120 000 ponts et ouvrages, pas toujours en bon état, et de 750 000 km de chemins communaux à entretenir », renchérit Frédéric Cuillerier, maire de Saint-Ay (Loiret) et coprésident de la commission Transports de l’AMF. « Ces charges ont augmenté sous l’effet des conséquences du dérèglement climatique, de l’usure des routes avec des véhicules de plus en plus lourds, des aménagements cyclables et du renchérissement du prix des matières premières », calcule l’élu. En 2025, ces dépenses se sont élevées à quinze milliards d’euros, dont sept milliards pour les communes de moins de 3 500 habitants. Lesquelles, avec le phénomène d’étalement urbain en zone rurale, voient le réseau routier s’étaler lui aussi, commente-t-il encore.
Fin des concessions d’autoroutes : ne pas être écarté des discussions
L’AMF avance des pistes pour dégager des ressources et « ne plus récolter des miettes ». C’est-à-dire un peu plus que le milliard d’euros que l’Etat reverse aux communes sur les 45 milliards d’euros de produits de recettes de la route (TICPE, immatriculations, péages autoroutiers, amendes, etc.), détaillent ses porte-paroles.
Première piste : reverser aux communes le produit des amendes automobiles dressées par les policiers municipaux. Deuxième proposition : partager les ressources des péages autoroutiers. « Avec la fin des concessions, c’est le moment ou jamais de repenser le modèle de financement » interpelle David Lisnard. Troisième proposition : rouvrir la possibilité pour les communes de s’emparer de la compétence mobilités et donc, d’avoir droit au chapitre. Pour rappel, cette possibilité leur avait été offerte par la loi d’orientation des mobilités (Lom) adoptée fin 2019, « mais la fenêtre de tir avait été très courte pour se déterminer », constate Sylain Laval, élu de la métropole de Grenoble qui copréside la commission Transports de l’AMF. Censée effacer les zones blanches de mobilité, « la Lom n’a pas remédié aux déséquilibres territoriaux », estime de son côté le patron de l’association d’élus.
Prudent sur le versement mobilité (VM), cette taxe sur la masse salariale des entreprises de plus de 11 salariés qui est la principale source de financement des transports urbains, il la juge « nécessaire mais anti-compétitive pour les entreprises ». Et « pas une solution dans les zones rurales, reprend Sylvain Laval où « il ne permet de lever que quelques milliers d’euros : pas assez pour déployer des services de transports adaptés aux zones peu denses. Et donc incompréhensible pour les entreprises comme pour les habitants ».
« On ne peut pas parler de mobilité, envisager la fin des concessions autoroutières sans les collectivités qui voient sortir des autoroutes des millions de véhicules sur leurs routes, on ne peut pas être écarté de cette discussion. On ne peut pas déployer des Serm (services express métropolitains régionaux) sans associer les collectivités qui ont en charge des routes sur lesquelles vont circuler des autocars express », martèle à son tour Frédéric Cuillerier.
Sur les quatre ministres des Transports qui se ont succédés en 2024, « un seul a accepté de nous recevoir : François Durovray, mais deux semaines plus tard, il n’était plus ministre… », indique l’AMF. Redevenu président du conseil départemental de l’Essonne, l’éphémère locataire de l’hôtel de Roquelaure a toujours été sensible au manque de moyens des collectivités locales, et notamment des départements, pour entretenir les routes non structurantes.
L’AMF va maintenant tenter de faire entendre sa voix à l’atelier consacré aux routes et aux autoroutes auquel participera l’association lors du conclave sur le financement des transports qui démarre le 5 mai et doit durer dix semaines (plus de détails ici). Plus que celui au Vatican ?