Le ballast de la LGV Sud-Est qui a supporté plus de 650 millions de tonnes depuis sa mise en service a vieilli. Pour rendre aux voies des caractéristiques géométriques compatibles avec la grande vitesse, le seul vrai remède consiste à le remplacer La LGV Sud-Est, la plus ancienne des lignes à grande vitesse, qui fêtera en 2011 les 30 ans de son premier tronçon, change peu à peu son ballast. Depuis l’ouverture, en 1981, de la partie sud, suivie deux ans après de la partie nord, les fréquences de passages des TGV, donc les tonnages, n’ont fait que s’intensifier. Selon les secteurs, les voies ont supporté entre 650 et 700 millions de tonnes ! De nombreux programmes de travaux ont déjà été menés sur cette ligne. A partir de 1996 et jusqu’en 2007, les appareils de voie d’origine à traverses bois ont été remplacés par des nouveaux, reposant sur des supports béton. Rien de particulier à signaler concernant le « plancher », essentiellement constitué de traverses béton bibloc de type VAX U41 avec des boulons tirefond, qui ne présentent pour l’instant aucun signe de fatigue, même si quelques-unes sont remplacées lors d’interventions ponctuelles. La caténaire, point le plus fragile du système TGV, a quant à elle été régénérée entre 2005 et 2008. Côté ballast, bien avant que les trafics actuels ne soient atteints, la SNCF avait constaté que certaines zones d’origine comportaient un matériau ne répondant pas aux rigoureux critères de qualité désormais exigés lors de la création de toute infrastructure nouvelle. Un « péché de jeunesse » en somme, puisqu’il s’agissait de la première ligne de ce type, qui a en quelque sorte servi de laboratoire et n’a donc pu autoriser aucun retour d’expérience. Comment se traduisent ces défauts ? Par une dégradation des caractéristiques géométriques du caillou, plus ou moins accentuée selon les secteurs. Les sondages et études ont en particulier révélé un phénomène d’attrition (une usure des angles vifs) réduisant sa granulométrie et entraînant donc une diminution de ses performances, pourtant indispensables pour assurer un maintien correct de la géométrie de la voie. Ces défauts de vieillissement accéléré ont eu de sérieuses conséquences. En premier lieu, une baisse de la qualité du nivellement dans ces zones, qui a nécessité d’augmenter de façon exponentielle le volume des opérations de maintenance, par ailleurs de plus en plus complexes à organiser à cause des plages-travaux toujours plus réduites. En second lieu, une dégradation du niveau de régularité des TGV. Et, au final, une hausse très significative des coûts d’entretien. Pour maintenir de façon durable une qualité de voie compatible avec la grande vitesse, mais aussi parer au vieillissement prématuré des traverses béton lié à la dégradation de leur tenue, le seul « remède » choc consiste donc à changer le ballast. Dès 1996 et jusqu’en 2003, hormis deux années d’interruption des grosses interventions liées à la mise en service de la ligne nouvelle Méditerranée en juin 2001, les zones comportant du ballast de qualité insuffisante, soit plus de 350 km de voie, ont été rénovées. En parallèle, d’autres tronçons totalisant quelque 370 km ont été traités entre 1990 et 2006 par des opérations de relevage. « Actuellement, l’ensemble de la ligne a fait l’objet d’une régénération de son ballast soit par renouvellement, soit par relevage de la voie. Pour la plupart d’entre eux, depuis 2001-2002, les tronçons déficients font l’objet d’interventions quasi annuelles de bourrage mécanique », explique Nicolas Milési, expert régénération LGV à RFF. Mais bien que très fréquentes, ces interventions ne permettent plus aujourd’hui de ramener de façon durable les caractéristiques géométriques sous les seuils imposés par les normes de maintenance. Conséquence, lorsque les valeurs atteignent ponctuellement certains seuils critiques, la vitesse des TGV est limitée. Une solution provisoire et, de plus, incompatible avec la régularité attendue des circulations commerciales… Il convenait donc à partir de 2008 de mettre en œuvre une autre politique de maintenance des rails et du ballast « au risque de se trouver confronté en 2015 à une situation insupportable pour maintenir les performances et le débit de la ligne », diagnostiquait le service Infra de la SNCF. « Nous avons engagé un plan pluriannuel sur la période 2009-2014 de régénération des rails et du ballast », explique Gérard Fèvre, chef de projet régénération des voies LGV à la direction SNCF de l’infrastructure. Approuvé par RFF, ce plan pour les rails concerne le traitement de l’ensemble des deux voies, soit 700 km, une moyenne de 100 km de voie par an représentant un budget de 45 millions d’euros. Même si quelques remplacements ont déjà eu lieu, la substitution des longs rails soudés (LRS) de profil UIC 60 posés en 1982 au nord et 1980 dans le secteur sud de la ligne démarrera vraiment à partir du printemps 2010. Il doit impérativement être effectué après le renouvellement du ballast pour éviter toute dégradation du rail neuf, le risque étant l’écrasement de cailloux, qui crée des empreintes sur le champignon et nécessite des rechargements de métal par soudure. Ce remplacement de LRS sera mené avec une méthode mécanisée et le nouveau train de substitution et de libération des rails appelé « BOA » développé par la société suisse Scheuchzer qui travaille avec TSO, mandataire de ce marché. Le changement du ballast confié au groupement Européenne de travaux ferroviaires-Colas Rail, qui représente un marché global de 120 millions d’euros, concerne un linéaire de 280 km réparti sur les deux voies entre les tronçons nord et sud, soit une moyenne de 40 km à l’année. L’un des impératifs prioritaires du calendrier consiste à traiter la zone au nord de Pasilly avant la mise en service de la branche Est de la LGV Rhin-Rhône fin 2011 qui apportera son lot supplémentaire de circulations TGV. Démarrée le 14 septembre et achevée fin novembre, la première phase du chantier a permis de traiter 30 km de voies. La prochaine intervention lourde est programmée au cours du second semestre 2010. Elle concernera sur la voie 1 le renouvellement du ballast sur 27 km entre les PRS du Châtelet et de Vaumort. L’ensemble de ce programme concernant des zones ayant déjà fait l’objet d’un relevage de voie entre 1990 et 2000, il subsistera encore 127 km de voie non traités en renouvellement, correspondant à des zones relevées en 2004 et 2006. « Compte tenu des caractéristiques géométriques présentées par ces zones, il n’a pas été jugé opportun de les intégrer au programme pluriannuel », estime RFF. Pour l’instant du moins. Car si une évolution défavorable et rapide de la qualité du nivellement était constatée dans les cinq années à venir, ces zones seraient sûrement intégrées au projet pluriannuel, sans doute en fin de programme.
Michel BARBERON
Il y a 15 années