Emmanuel Macron semble avoir mis un terme à l’hypothèse Castex pour remplacer après les JO Jean-Pierre Farandou à la tête de la SNCF. L’Elysée a annoncé le 3 juin dans un communiqué que le Président de la République « envisage, sur proposition du Premier ministre, de renouveler M. Jean Castex en qualité de président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens« .
Jean Castex avait pris les commandes de la RATP fin novembre 2022, succédant à Catherine Guillouard démissionnaire. La période était alors compliquée, avec en interne, un climat social conflictuel et à l’extérieur de vives critiques sur la dégradation de la qualité de service, liée notamment à un manque de conducteur et un fort taux d’absentéisme. La feuille de route était alors claire : l’apaisement en interne et l’amélioration rapide du service, le tout dans la perspective des Jeux olympiques.
Son mandat s’achevait prochainement puisqu’il avait pris la suite de Catherine Guillouard nommée en juillet 2019 et démissionnaire trois ans plus tard. L’ex-maire de Prades (Pyrénées-Orientales), qui s’est toujours dit passionné par le ferroviaire, pourrait donc rempiler pour un mandat de cinq ans. Auparavant, les commissions du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale et du Sénat devront se prononcer sur cette nomination. La procédure est lancée.
Première étape du Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO), en vue de la LGV Bordeaux – Toulouse et Dax, mais aussi du Service express régional métropolitain toulousain (Serm), les travaux des Aménagements ferroviaires du Nord toulousain (AFNT, voir carte ci-contre) ont été lancés le 7 mai. L’événement, symbolisé par le serrage d’un boulon de poteau caténaire par Carole Delga, présidente de l’Occitanie et de la société du GPSO s’est déroulée sur l’une des bases-vie du projet, au nord de Toulouse, à la veille du week-end de l’Ascension. Sous une pluie battante.
« Cette pluie est de bonne augure : baptême pluvieux, baptême heureux !« , a plaisanté l’élue, rappelant qu’il vient réparer l’injustice d’être la seule aire urbaine de plus d’un million d’habitants au niveau européen à ne pas avoir la grande vitesse. Un baptême attendu de longue date puisque « c’était une promesse faite en 1991 lors d’un comité interministériel d’aménagement du territoire sous Rocard », a rappelé Jean-Luc Moudenc, président de Toulouse Métropole.
900 M€ d’investissement
Quatorze milliards d’euros sont programmés pour l’ensemble du projet ferroviaire GPSO, financés à 40 % par l’Etat, à 40 % par les 25 collectivités et à 20 % par l’Europe. Sur ces 14 milliards, 900 M€ sont consacrés aux AFNT. « 400 M€ ont déjà été mobilisés au travers du premier financement apporté par la convention signée le 19 décembre 2023, à parité entre l’Etat et les collectivités territoriales via la société du GPSO, a souligné Pierre-André Durand, préfet d’Occitanie et coordinateur du GPSO. Si on regroupe les aménagements ferroviaires du Nord toulousain et ceux au Sud de Bordeaux (dont le démarrage est prévu dans quelques mois), près d’un milliard a été mobilisé fin 2023 pour ces deux premières opérations du GPSO. Un second financement d’un montant comparable interviendra dans quelques mois pour permettre la passation de l’ensemble des marchés de travaux nécessaires au projet des AFNT », a ajouté le préfet.
Deux fois deux voies sur 19 km
Il prévoit la mise à quatre voies sur 19 km entre Toulouse et Castelnau d’Estrétefonds, via Fenouillet et Lespinasse et Saint-Jory. « Même si les AFNT ne portent que sur un linéaire de 19 km, il s’agit d’un chantier dont il ne faut pas mésestimer l’ampleur », a insisté le préfet signataire de l’arrêté du 9 février dernier qui a délivré l’autorisation environnementale. Ces travaux permettront de proposer deux voies rapides (160 km/h) et deux voies à vitesse modérée (130 km/h) avec les aiguillages pour assurer les communications entre elles.
Outre les travaux de terrassement, la pose de nouveaux rails, des traverses et du ballast, douze ouvrages devront être adaptés ou reconstruits en vue de l’élargissement de la plateforme ferroviaire, ou de la réalisation d’accès aux quais de gare. Pour prévenir les risques industriels liés à la présence du site de Lespinasse, classé Seveso, une galerie couverte y sera construite au-dessus des voies.
Une nouvelle technologie de caténaire permettra de renforcer la fiabilité de l’infrastructure et de répondre aux standards internationaux d’interopérabilité. Pour la première tranche 2024-2027, plus de 1 500 poteaux caténaires seront mis en place et 100 km de fils caténaires remplacés. D’importantes modifications de signalisations et de télécommunications sont prévues avec la création ou modification de postes d’aiguillages, l’adaptation de la signalisation latérale et l’installation de télécommande au sein de la commande centralisée du réseau de Toulouse.
Parce que le transport reste le principal émetteur de gaz à effets de serre, François Gemenne, politologue, chercheur, enseignant et coauteur du sixième rapport du Giec, avance une foule d’arguments pour embarquer la filière dans la décarbonation. C’est ce qu’il a développé devant le Club VRT, le 27 mars, avec panache, optimisme et franc parler.
Les Français seraient-ils imperméables aux bonnes nouvelles ? C’est le sentiment de François Gemenne : « Je suis toujours surpris de constater que nombre d’entre eux continuent de penser que les émissions de CO2 sont toujours en hausse en France. Or, elles ont baissé de 4,8 %. » En les réduisant de 10 %, l’Allemagne a fait mieux, le Royaume-Uni aussi à – 5,7 %, mais la France peut tout de même se féliciter d’avoir réussi à inverser la tendance, même si ce recul ne suffira pas à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris : réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) pour limiter à 2 °C le réchauffement climatique au cours du XXIe siècle. Pour atteindre cet objectif d’ici à 2100, il aurait fallu en être aujourd’hui à – 6 %, explique François Gemenne. « On s’en approche, mais nous n’y sommes pas encore », commente le chercheur qui, sans renier le côté encourageant de ces résultats, précise qu’ils sont pour moitié liés à des éléments conjoncturels : la hausse des prix du carburant et de l’électricité, combinée à un hiver doux en 2023, ont réduit la consommation d’énergie. « Rien ne permet de dire que cela va durer et devenir structurel », prévient-il, encourageant le secteur des transports à poursuivre les efforts. Car si le bâtiment et l’industrie ont enregistré de bons résultats (respectivement – 14,7 % et – 6,4 % d’émissions entre 2021 et 2022), les transports en revanche, en ont émis 2,3 % de plus entre 2021 et 2022. En France, c’est le secteur le plus émetteur. « Il faut donc mettre le paquet », encourage le coauteur du sixième rapport du Giec.
Humeur écologique et bas de laine des Français
Agir pour la transition énergétique nécessite des moyens financiers importants. Et comme l’argent public est contraint, François Gemenne préconise de se tourner vers l’épargne des Français, l’assurance vie notamment. Un bas de laine estimé à près de 6 000 milliards d’euros, dont les deux tiers dorment sur des comptes bancaires, ou bien sont placés en épargne réglementée. Mille huit cents milliards d’euros rien qu’en assurance vie ! Des capitaux qui servent encore trop souvent à financer des projets de déforestation ou d’extraction d’énergies fossiles, note-t-il. Il faudrait les flécher vers des projets de transition énergétique.
Fin 2023 à la Cop 28 de Dubaï, Emmanuel Macron avait suggéré des taux d’intérêt différenciés, verts et bruns (incluant des énergies fossiles), pour booster la transition énergétique, « Si on consacrait l’argent des Français à des projets visant à réduire la pollution liés aux transports, on aurait les leviers de financement nécessaires », renchérit François Gemenne, persuadé que les épargnants seraient d’accord pour que leurs économies servent à financer des projets de transition. Il en veut pour preuve les résultats d’une récente enquête Odoxa sur « l’humeur écologique » des Français. Laquelle a révélé que près de 80 % d’entre eux disent avoir changé leurs habitudes de vie pour préserver le climat, mais ne savent pas ce qu’ils pourraient faire de plus pour aller plus loin. François Gemenne milite pour la mise en place de « dividendes climat » afin d’orienter les capitaux vers des modèles rentables et à impact, et valoriser les entreprises qui réduisent leur empreinte carbone. « C’est aussi en proposant des investissements rémunérateurs pour accélérer la décarbonation qu’on pourra faire contribuer les ultra-riches, responsables de la majorité des émissions », ajoute le scientifique. Selon l’organisation internationale Oxfam, en 2019, les citoyens les plus riches qui représentent 1 % de la population française, ont généré autant d’émissions de CO2 que les 66 % les plus pauvres. « Il faut mobiliser leurs fortunes au service de la transition énergétique, et pour cela, les pouvoirs publics doivent rendre les investissements pour les énergies fossiles moins intéressants que pour les énergies vertes », poursuit François Gemenne.
Décarboner la route
Parce que neuf déplacements sur dix se font par la route, François Gemenne a lancé l’Alliance de la décarbonation de la route. Une plateforme pluridisciplinaire d’échanges, de propositions et d’actions pour rassembler les idées et les expertises et bâtir un plan d’investissements publics et privéspour « mettre la route au coeur des réflexions et des stratégies de décarbonation du secteur des transports ».
Les vélos peuvent aussi y contribuer. Pour pousser leur usage, le rapporteur du Giec salue la construction de pistes cyclables en centre-ville mais pour favoriser le « vélotaf », ces mêmes trajets cyclables depuis les banlieues sont indispensables « Si ceux qui habitent dans le périurbain et sont contraints de venir en voiture avaient la possibilité de venir en vélo ou disposaient de transports en commun, les ZFE ne seraient plus un problème », rappelle celui qui considère que le vote de l’Union européenne ouvrant la voie à la circulation de méga camions en Europe est « une aberration pour l’environnement ». « Autoriser ces poids lourds de 25,25 mètres, pouvant peser jusqu’à 60 tonnes n’est pas un bon signal pour encourager le report modal. Ces véhicules ne sont pas adaptés à nos infrastructures et compte tenu de leur taille, ils seront difficilement électrifiables. Mieux vaut privilégier les transports de fret par voies fluviales ou ferrées et réserver les derniers kilomètres aux camions. »
S’il considère qu’il faut pousser le biocarburant, François Gemenne met en garde : « ces carburants alternatifs et de synthèse sont fabriqués à partir de biomasse dont les stocks sont limités. Il n’y en aura donc pas suffisamment pour couvrir tous les besoins. » Il estime qu’il ne faut pas trop attendre non plus de la technologie du captage-stockage du CO2 qui reste coûteuse. « Même si son prix sera sans doute amené à baisser, il ne faut pas prendre le risque de compter sur cette technologie pour éviter d’agir. »
Les bons signaux pour agir
Inciter à aller vers la transition, c’est aussi changer le style de communication pour que les changements ne soient pas vécus comme des efforts, des sacrifices ou un coût. François Gemenne invite le gouvernement à faire preuve de pédagogie, comparant même la situation actuelle avec la construction européenne dans les années 50 « qui a eu son lot de contraintes, mais ont été acceptées parce qu’en contrepartie, les Français avaient la promesse de voir se dessiner un marché prospère, pacifique et unifié ». Il préconise de présenter la transition comme un projet politique, économique et social avec une vraie ligne directrice. « Ce qui peine à arriver, car les politiques font preuve de frilosité, craignant que certaines décisions ne soient pas porteuses électoralement. Pour pousser à agir en faveur de la décarbonation, nous avons besoin de signaux clairs sur les investissements à réaliser », insiste François Gemenne, prenant l’exemple du récent assouplissement des Zones à faiblesémissions : « Un recul dramatique en termes de santé publique. Au nom d’un impératif social on renonce à des mesures environnementales de santé publique fondamentales », regrette-t-il. Même regard sur la récente crise agricole, au cours de laquelle, selon lui, le gouvernement a opposé l’agriculture à l’écologie, jugée trop contraignante : « On aurait pu proposer des solutions pour conjuguer les deux, en proposant aux agriculteurs de les rémunérer pour stocker du carbone, ou en leur vantant les mérites de l’agrivoltaïque. En installant des panneaux solaires sur leurs terres cultivées, les paysans pourraient à la fois créer des ombrières, mais aussi se créer une source de revenu complémentaire en produisant de l’électricité à revendre sur le réseau. L’erreur a été de compartimenter. » Il reproche aussi le rétropédalage concernant les aides accordées à l’achat de véhicules électriques. « Ce sont des signaux catastrophiques. Les gens ne comprennent plus où sont les solutions », regrette le chercheur qui estime que malgré ses défauts et ses contraintes, l’électrique est toujours préférable au thermique.
Plaidoyer pour l’électrique
Environ 52 % des déplacements en voiture se font sur moins de deux kilomètres, il serait facile de les remplacer par la marche ou le vélo pour réduire les émissions, mais si on doit prendre un véhicule, autant qu’il soit électrique, estime François Gemenne. Parce qu’il ne rejette pas de GES, ne pollue pas et est silencieux. « La Tesla a permis de rendre la voiture électrique désirable, mais son succès a poussé les constructeurs européens à vouloir la copier en proposant des véhicules lourds et chers. Ils semblent heureusement opérer un virage pour lancer des véhicules plus petits et plus légers, à l’image de la Renault 5 E-Tech, moins gourmande en batteries », décrit-il. Si leur recyclage pose problème, cela ne doit pas servir de prétexte pour s’en tenir au statu quo, ajoute le chercheur qui veut croire que les progrès technologiques apporteront leur lot de solution, comme cela a été le cas en matière de téléphonie mobile. « Il n’y a pas si longtemps nous avions des téléphones lourds, avec de faibles autonomies. Aujourd’hui nos portables tiennent dans une poche et la batterie tient une journée. Pourquoi ces avancées ne pourraient-elles pas s’appliquer aux voitures électriques ? Il faut mettre un terme à la négativité qui nous conduit à rejeter toute solution et au contraire investir dans tout ce qui est possible, parce qu’il y a urgence ! » Aux oiseaux de mauvais augure qui prédisent la pénurie de lithium, il rassure : « On en produit 140 000 tonnes par an, et il existe des réserves avérées évaluées à environ 26 millions de tonnes en 2022, à quoi il convient d’ajouter des réserves potentielles, estimées à 100 millions de tonnes. Nous n’en manquerons pas ! ».
Il reconnait toutefois que les conditions d’extraction de ce minerai rare indispensable au fonctionnement des batteries exigent beaucoup d’eau et posent des problèmes de pollution. « Dans les régions du monde où il est extrait actuellement, c’est une catastrophe environnementale, mais aussi sociale ». Le chercheur soutient le projet d’ouverture d’une mine de lithium dans l’Allier qui pourrait constituer 25 % de la production mondiale, selon ses estimations. « Cette mine aura également un impact sur l’environnement local, mais il faut faire des concessions. Tout le monde veut des batteries au lithium, mais personne ne veut vivre à proximité d’une mine d’extraction. Tout le monde aspire à bénéficier d’une énergie renouvelable, mais personne ne veut voir une éolienne dans le paysage. Dans certains cas, les projets destinés à lutter contre le changement climatique peuvent nuire à la biodiversité », admet-il. Mais plutôt que de dépendre du pétrole, il juge préférable d’avoir une ressource souveraine. Avec des conditions d’exploitation encadrées par la France.
Le Club VRT s’est tenu le 27 mars dans nos locaux de la rue de Clichy, à Paris.
« Si j’étais ministre, je fusionnerais Air France et la SNCF »
La nécessaire décarbonation des transports ne doit pas conduire à réduire les déplacements et les échanges. « Ce serait catastrophique politiquement et socialement. Le nationalisme qui prône le repli sur soi est le pire ennemi du climat. On doit agir pour nous, mais aussi pour les autres », plaide-t-il. Plutôt que de limiter à quatre le nombre de trajets dans une vie, comme le préconise Jean-Marc Jancovici (membre du Haut Conseil pour le climat), François Gemenne défend plus d’égalité entre les habitants de la planète. « Aujourd’hui, seule 20 % de la population mondiale a déjà voyagé en avion, et ceux qui le prennent plusieurs fois par an sont une infime minorité. En France, la moitié des vols sont pris par 2 % de la population. » L’urgence, c’est de décarboner les transports aériens sans attendre. Le renouvellement des flottes aériennes en est l’occasion. Autres solutions complémentaires, limiter au maximum la distance que les avions parcourent au sol, réduire le nombre d’escales afin de réduire le nombre de décollages très énergivores, optimiser les trajectoires.
Et instaurer plus d’égalité fiscale entre les modes de transport. François Gemenne qui avait présidé le conseil scientifique du candidat Yannick Jadot à l’élection présidentielle de 2022 regrette que le kérosène ne soit pas taxé et que le prix des billets d’avion ne prenne pas en compte l’impact environnemental des voyages aériens. « Ce qui lui donne un avantage concurrentiel par rapport au train dont le prix des billets intègre le coût de l’infrastructure ferroviaire et sont de ce fait parfois bien plus chers que les billets aériens ». Pour décarboner les transports, il faut aussi jouer sur la complémentarité des modes. Le chercheur milite pour le développement de liaisons ferroviaires à grande vitesse qui pourraient remplacer les vols courts et moyens courrier. « Si j’étais ministre, je fusionnerais Air France et la SNCF », lâche François Gemenne qui considère que créer une grande compagnie de transport permettrait d’éviter quelques absurdités. Comme par exemple, la ligne aérienne opérée quotidiennement par Brussels Airlines entre Paris et Bruxelles, alors que le parcours se fait en 1 h 22 en train. « Cette ligne sert à amener les clients français vers le réseau africain de Brussels Airlines et elle perdure, bien que déficitaire, parce que la gareBruxelles-Aéroport-Zaventem n’est pas équipée pour recevoir des TGV ! ». Dans l’autre sens, Air France a un partenariat avec la SNCF pour qu’un TGV amène ses clients belges vers Roissy-Charles-de-Gaulle. Le chercheur juge que de nombreux vols court-courriers européens pourraient être remplacés par le train, ce qui permettrait de consacrer les efforts à la décarbonation des longs courriers, difficilement remplaçables. « Les lobbys aériens font de la résistance. Aux États-Unis, où les deux tiers des vols sont domestiques, il n’existe toujours pas de ligne à grande vitesse pour relier les côtes est et ouest, parce qu’Elon Musk et les compagnies aériennes américaines font pression ». En France, ce sont les élus locaux qui montent au créneau, au nom du désenclavement de leurs territoires, dès qu’est envisagée la fermeture d’une ligne aérienne. Pour François Gemenne, « si on veut conserver les bénéfices économiques, culturels et politiques du transport aérien, il faudra aussi se poser la question de l’utilité sociale des voyages en avion. Sur un Paris-New-York, l’étudiant qui part en échange universitaire pour un an et le touriste qui va faire un week-end de shopping ont la même empreinte carbone… »
Le PDG de la SNCF avait accepté en avril dernier pour VRT, de passer en revue tous les sujets chauds du moment. Difficultés du dialogue social interne, risques de grève, préparation des JO, polémique Ouigo en Espagne, prix des billets, attente aux guichets, méga-camions : une interview-vérité en forme de bilan mais pleine de projets.
Ville, Rail & Transports. L’amélioration du dialogue social au sein de la SNCF était une de vos priorités lorsque vous en avez été nommé PDG en novembre 2019. Mais récemment il y a eu les grèves ou menaces de grève des contrôleurs, il y a des alertes pour les JO… Peut-on dire que vous avez réussi ?
Jean-Pierre Farandou. Je voudrais d’abord rappeler le contexte assez exceptionnel et les enjeux du moment. Depuis quatre ans, il y a eu une combinaison de crises externes que l’on n’avait jamais connue auparavant. Il y a eu la Covid, avec un enjeu important de baisse d’activité, de chômage partiel et de protection des salariés. Puis la guerre en Ukraine a entraîné une crise de l’énergie et une inflation qui pose des problèmes aigus de pouvoir d’achat. Il y a eu également deux réformes des retraites, avec une forte résistance syndicale au sein et en dehors de la SNCF, la fin du recrutement au statut, et l’arrivée de la concurrence, suite à un règlement européen qui nous a obligé à des transformations importantes pour l’entreprise, en créant une société mère et des SA filles de plein exercice. Si on rajoute les JO cet été, qui portent eux aussi des enjeux lourds en termes d’organisation et de contreparties financières pour les salariés concernés, on voit que le contexte n’est pas banal. J’ai abordé ces sujets par un dialogue social nourri. Oui, je pense que j’ai retissé les liens du dialogue. Il est très riche et très dense à la SNCF, y compris à mon niveau. J’ai vu les représentants syndicaux et les délégués du personnel près de 70 fois l’année dernière, au niveau central et en région à chaque fois que je faisais une tournée sur le terrain.
VRT. Comment se passe le dialogue social ?
J-P.F. Nous essayons de combiner trois principes. Le premier est un credo personnel : nous devons trouver l’équilibre entre l’économique et le social. Quand on a de bons résultats, comme en 2023, il est normal qu’il y ait un retour pour les salariés. Nous venons ainsi de verser 400 euros de gratification exceptionnelle à tous les cheminots en plus d’une prime de 400 euros déjà accordée fin 2023. Nous avons augmenté les rémunérations de façon importante : + 17 % de hausse en moyenne sur trois ans, et jusqu’à 21 % pour les salaires les plus bas, alors que l’inflation était de 13 %. Ce qui a fait croître la masse salariale de la SNCF de 1,5 milliard d’euros sur cette période. Mais le social doit tenir compte des contraintes économiques, et c’est ce que nous disons dans le cadre du dialogue avec les syndicats. Second principe, nous cherchons à protéger et à développer. La promotion interne est une réalité : je rappelle que 70 % de nos cadres sont issus du collège exécution. Enfin, je suis le président de tous les cheminots et quand il y a des revendications catégorielles, je veille à ce qu’elles s’inscrivent dans des ensembles plus larges. Je fais très attention à la cohésion sociale. Quand il y a des progrès sociaux, ils doivent concerner tous les cheminots. Et après on regarde s’il y a, pour telle catégorie, telle ou telle spécificité qu’il faudrait prendre en compte.
Les péages payés par les TGV en France figurent parmi les plus élevés d’Europe.
VRT. Vous venez de lancer une « plateforme de progrès social ». La formule est assez techno. Qu’est-ce que ça va vraiment changer ?
J-P.F. Les mots ont été choisis : c’est une plateforme, un espace dans lequel des thématiques de progrès social très concrètes vont être discutées avec les organisations syndicales. Nous nous mettrons d’accord sur les sujets qu’il faudra regarder en priorité et il y aura un agenda social. A chaque fois, l’entreprise s’engagera à faire mieux que la situation existante. Faire mieux, ce n’est pas forcément satisfaire 100 % des revendications, parce qu’on peut être rattrapé par des contraintes économiques ou de cohésion sociale. Mais il y a une logique de progrès continu. Je veux qu’on apporte du plus par la négociation, par une culture du compromis, par le mouvement. Et j’espère que les syndicats reconnaîtront les progrès effectués. Un climat social apaisé et constructif permettra d’éviter les mouvements sociaux. Ce qui change, c’est le fond et la méthode.
VRT. Faut-il pourtant craindre une grève en mai ? Sud Rail a déposé un préavis pour les chefs de bord…
J-P.F. C’est aux syndicats qu’il faut poser la question ! Nous faisons parfois face à des préavis de préavis ! Ce n’est pas la meilleure façon d’aborder le dialogue social. Je ne vois pas pourquoi il faudrait en passer par la grève pour améliorer la situation. Je rappelle que la grève, ça pénalise les cheminots qui perdent de l’argent, l’entreprise alors qu’elle a besoin d’argent pour investir dans le réseau ferré et acheter des TGV et pour payer les cheminots, et surtout nos clients, voyageurs et fret, qui peuvent partir chez nos concurrents. Quand un chargeur passe au camion, c’est très difficile de le faire revenir au train. Attention à ne pas galvauder la grève !
« La productivité n’est pas un mot tabou »
« La productivité n’est pas un mot tabou à la SNCF. Comme toutes les entreprises, elle doit chercher à produire moins cher. Pour les clients d’abord qui attendent que les prix n’augmentent pas ou très peu. Et parce que dans la concurrence, vous devez maîtriser vos coûts pour dégager des résultats. Je rappelle que nos résultats sont réinvestis à 95 % dans le ferroviaire. Tout l’argent qu’on gagne grâce à la productivité est réinvesti dans l’infrastructure, dans l’achat de TGV et dans la création d’ateliers nouveaux.
Nous voulons avoir des effectifs qui correspondent à la charge de travail de chaque établissement. Il peut y avoir des méthodes pour ajuster les effectifs mais on ne trichera pas avec l’emploi.
Après, des efforts de productivité peuvent porter sur les fonctions support mais ils sont réalisés comme dans toutes les entreprises. Ils nous permettent d’atteindre les objectifs de cash-flow libres demandés par la réforme ferroviaire. Depuis 2022, nous réalisons un cash-flow positif et le budget 2024 est aussi construit sur un cash-flow positif. La performance économique est absolument nécessaire, ne serait-ce que pour la qualité de service que nous devons aux Français. L’argent investi dans l’infrastructure et le matériel roulant fera le service de demain. C’est peut-être ce qui n’a pas été suffisamment fait dans les décennies précédentes. Nous réalisons désormais de gros efforts financiers grâce à l’argent gagné qui dépend aussi de nos efforts de productivité. »
VRT. Le Sénat vient d’approuver en commission une proposition de loi visant à interdire la grève certains jours. Qu’en pensez-vous ?
J-P.F. Le travail politique ou législatif n’est pas de mon ressort. Mon travail c’est le dialogue social dans l’entreprise. Je suis convaincu qu’on peut avancer grâce à lui. Nous avons pu conclure récemment plusieurs accords, par exemple un sur la mixité qui a été signé par les quatre organisations syndicales représentatives, ou d’autres encore sur les classifications et sur les revalorisations annuelles (NAO), signés par deux syndicats. Cela montre que le dialogue social fonctionne au sein de la SNCF, il est fructueux et il apporte des résultats très concrets. C’est ma priorité.
VRT. Mais la SNCF fait partie de l’Union des Transports Publics qui réclame une évolution législative pour mieux encadrer les préavis de grève illimités ou les grèves de 59 minutes…
J-P.F. Ce sont des sujets du secteur, ce ne sont pas les sujets de la SNCF. La question posée, c’est celle de la proportion entre les modalités choisies pour faire grève et l’impact sur le service. On sait qu’une grève de 59 minutes impacte le service pendant bien plus que pendant 59 minutes, mais plutôt pendant une demi-journée voire toute la journée, puisqu’elle perturbe les roulements des trains et les journées de travail. Quant aux préavis à répétition ou aux préavis très longs, ils sont légaux. La SNCF en a quelques-uns qui vont jusqu’en 2040, voire 2045. Je ne conteste pas leur légalité mais on peut se demander si ces modalités sont fidèles à l’esprit du droit de grève, qui est un droit collectif sur une revendication précise. Ce n’est pas à moi de répondre à cette question mais au gouvernement et au Parlement.
VRT. Vous êtes en train de discuter des primes qui seront versées aux agents les plus concernés par les JO. Pourquoi ne sont-elles pas encore décidées ?
J-P.F. C’est un bon exemple du nouveau dialogue social mature que nous voulons mettre en place. Un groupe de travail se réunit tous les mois avec les quatre syndicats représentatifs depuis novembre dernier. Il s’agit d’une revue de projets dans laquelle nous discutons de deux grands sujets : le premier porte sur les ressources, l’organisation, l’emploi, l’utilisation du matériel roulant et les conditions de travail pendant les JO. Cela permet de pointer des sujets intéressants qui sont ensuite travaillés dans les établissements.
Le second sujet porte sur la prime. Nous avons mis des propositions sur la table en janvier. C’est une bonne base, appréciable, sous laquelle nous ne descendrons pas. Nous verrons s’il y a lieu de l’améliorer et comment. Nous avons encore le temps de finaliser ces discussions. Il faut comprendre que nous avons beaucoup d’autres sujets fondamentaux dans l’entreprise. Les JO s’ajoutent mais ne sont pas le cœur du dialogue social. Nous devrions finaliser les négociations en mai ou en juin.
L’avenir en suspens de Jean-Pierre Farandou
Le mandat de Jean-Pierre Farandou s’est en théorie terminé en décembre 2023. Mais de fait, il va rester à son poste jusqu’à la prochaine assemblée générale qui doit clôturer l’année échue et sera convoquée lors du prochain conseil d’administration.
Et après ? Plusieurs hypothèses sont évoquées, sachant que l’âge limite à ce poste est fixé à 68 ans, âge que le PDG de la SNCF atteindra en juillet 2025. Dans ces conditions, soit le gouvernement décide de le remplacer en mai. Soit il choisit, ce qui paraît plus probable, de le laisser à ce poste jusqu’à la fin des JO. Soit encore il prolonge son mandat jusqu’à ce qu’il atteigne ses 68 ans. Il pourrait aussi dissocier la fonction de président du conseil de surveillance et de celui de directeur général. Dans ce cas, Jean-Pierre Farandou pourrait accompagner le ou la directeur (trice) général(e) pendant deux ans. Ne reste plus qu’à attendre un signal du gouvernement….
VRT. Les syndicats disent que la disparition des CSE a éloigné la direction des cheminots qui sont sur le terrain. Qu’en pensez-vous ?
J-P.F. L’écoute sociale n’est pas l’apanage des organisations syndicales. Dans les établissements, les managers, les directeurs d’établissement, les dirigeants de proximité sont aussi là pour écouter et dialoguer avec les agents. C’est d’ailleurs ce que je demande. Nous avons aussi commencé à travailler avec les syndicats sur le dialogue social de proximité et nous avons donné carte blanche aux SA et aux établissements pour le renforcer.
VRT. Le ministre espagnol des Transports accuse Ouigo Espagne de faire du dumping sur les prix. Que répondez-vous ?
J-P.F. Je n’ai pas de commentaire à faire sur ce que dit le ministre espagnol.
VRT. Mais on constate que Ouigo Espagne et Iryo, une autre compagnie liée à Trenitalia, ont déjà pris plus de 40 % du marché quand ils sont en concurrence face à la Renfe. Un tel scénario est-il envisageable en France ?
J-P.F. Je ne connais pas les stratégies commerciales de nos concurrents mais je vois les faits. Les Italiens sont venus sur l’axe Milan- Chambéry-Lyon-Paris avec cinq allers-retours entre Lyon et Paris pour le moment. Cela n’a pas eu d’effet sur la fréquentation de nos trains. Entre Lyon et Paris, SNCF Voyageurs propose 20 allers et retours et le trafic a même progressé.
De leur côté, les Espagnols se sont lancés sur la liaison Lyon-Barcelone et entre Madrid et Marseille. Je ne sais pas quelles sont leurs intentions pour la suite.
Nous n’avons pas de soucis avec la concurrence pour le moment. Nous continuons à nous développer. La fréquentation de nos trains n’a jamais été aussi élevée. Donc tout va bien pour les TGV et SNCF Voyageurs.
VRT. En voyant les prix très bas pratiqués par la SNCF en Espagne, les Français ne vont-ils pas réclamer la même chose chez nous ?
J-P.F. Le montant des péages n’est pas le même. Ceux que payent les trains circulant en France sont parmi les plus élevés d’Europe. Quand vous payez votre trajet 50 euros, il y en a 20 qui vont au péage. En Espagne, c’est beaucoup plus bas. L’écart de coûts explique l’écart de prix.
VRT. N’y a-t-il pas aussi un modèle d’exploitation différent ?
J-P.F. La seule réponse que je peux apporter en tant que PDG du groupe, c’est que SNCF Voyageurs et Ouigo sont sur leur feuille de route, et que les résultats sont en ligne avec le plan d’affaires proposé au moment de la décision du lancement en Espagne.
VRT. Suite notamment à votre lobbying, le gouvernement a promis 100 milliards pour le ferroviaire. On n’y est toujours pas. Et aujourd’hui, le gouvernement cherche plutôt des économies partout. Vous êtes déçu ?
J-P.F. Moi, je constate que les lignes bougent. Dans son discours de politique générale, le Premier ministre Gabriel Attal a parlé d’investissements massifs dans le ferroviaire. La volonté politique est toujours là. Au-delà des discours, on voit qu’il va y avoir plus d’argent pour la rénovation du réseau avec 2,3 milliards d’euros supplémentaires entre 2024 et 2027.
Les projets de services express régionaux métropolitains (SERM) sont également emblématiques de cette volonté de faire plus de ferroviaire en France. Des sociétés de projet se créent, il y a une labellisation des projets. Dans les contrats de plan Etat-région, l’Etat est prêt à financer la phase des études. Sur le fret, on s’organise pour remettre en état les grands triages. Les lignes bougent. L’élan est donné pour les années qui viennent.
VRT. En devenant PDG, vous aviez également affirmé que vous ne vouliez plus d’attente aux guichets. Ce sera le cas cet été ?
J-P.F. Oui, nous avons réussi à réduire les attentes pour qu’elles ne dépassent pas la demi-heure. En mettant en place des appareils qui acceptent la monnaie et des agents pour aider les clients. C’est installé dans toutes les grandes gares et ça fonctionne.
Le climat social s’éclaircit à la SNCF
La direction de la SNCF doit respirer. Alors que des préavis de grève menaçaient le mois de mai, l’accord sur la CPA (cessation progressive d’activité) devait être signé avant le 22 avril par les organisations syndicales représentatives de la SNCF. Le 10 avril en effet, une table ronde s’est tenue sur le sujet, proposant des conditions financières plus avantageuses lors des fins de carrière, un allongement de la durée des dispositifs et plus globalement une simplification du dispositif, comparé à l’ancien accord qui datait de 2008. Fait rare, la CGT n’a pas attendu de connaître l’intention de sa base pour annoncer dès le 11 avril qu’elle allait signer. La CFDT-Cheminots et l’Unsa Ferroviaire se sont aussi prononcés favorablement. Quant à Sud Rail, la tonalité inhabituelle de son tract diffusé suite à la table ronde montre que les avancées sont réelles. Pour Jean-Pierre Farandou qui est monté au créneau et s’est personnellement impliqué dans le dialogue social depuis la grève des contrôleurs en février dernier, c’est -déjà- une petite victoire. Incertain sur son sort à la tête du groupe, il apporte un gage aux pouvoirs publics en déminant le terrain social à l’approche des JO. Reste désormais à connaître ses propositions définitives sur les conditions de travail et la prime JO pour tirer toutes les conclusions.
VRT. La SNCF n’a-t-elle pas été trop loin dans la suppression des agents et des vendeurs en gare ?
J-P.F. C’est une question qui se pose aux autorités organisatrices avec lesquelles nous discutons. Quel niveau de service souhaitent-t-elles ? Avec quelle présence humaine ? Pour quel coût? Tout cela est précisé dans les contrats de délégation. La SNCF est un opérateur qui réalise le service que lui demandent les autorités organisatrices dans le cadre de contrats. Ils vont être mis en concurrence. On verra bien ce qu’il y aura dans les cahiers des charges.
VRT. Alstom multiplie les retards de livraison de matériels roulants. Vous êtes fâché ? Il y aura des pénalités ?
J-P.F. Les retards sont pénalisants pour nos clients. Si nous avions plus de trains, nous les remplirions sur de nombreuses destinations, comme la Bretagne ou le Sud Ouest, où nous manquons de trains. La livraison des TGV M aurait dû commencer à la fin de l’année dernière. C’était la date prévue dans le contrat d’achat. Désormais, on nous annonce mi-2025, c’est donc un an et demi de retard. On sait aussi que les grosses commandes de RER pour l’Ile-de-France, les MI20 et le RER 2NNG, vont être livrés en retard. Cela nous embarrasse. Sur la ligne B par exemple, nous sommes obligés avec la RATP d’exploiter avec du matériel très ancien : le M I84 date de 1984… Un matériel de 40 ans est forcément moins fiable qu’un neuf. Il y a même des MI 79, vieux de 45 ans…Alstom est confronté à des problèmes industriels. Espérons qu’ils seront résolus rapidement. Les pénalités prévues par les contrats en cas de retard s’appliquent.
VRT. Finalement il y aura un Pass rail pour les jeunes cet été. Qu’en pensez-vous ?
J-P.F. Tout ce qui peut contribuer à amener des voyageurs dans les trains est une bonne idée mais le montage de ce produit tarifaire entre l’Etat et les régions ne nous regarde pas. Nous nous organiserons pour offrir dans nos systèmes de distribution le tarif décidé.
VRT. Les projets de commande centralisée du réseau peuvent-ils être un facteur de fragilité, notamment en cas de grève ou de cyber-attaque ?
J-P.F. La SNCF est une entreprise d’innovation. Le principal objectif des CCR est d’obtenir une vraie réduction des pannes d’aiguillage grâce aux données recueillies, à l’intelligence artificielle et à la maintenance prédictive qu’elles permettront. Nous pourrons aller vers le zéro panne. Cela ferait gagner quatre ou cinq points de régularité. C’est beaucoup. Cela améliorera la fiabilité et l’attractivité du ferroviaire.
VRT. Clément Beaune était un ministre des Transports très interventionniste. Son successeur arrive avec un nouveau style. Qu’est-ce que cela peut changer pour la SNCF ?
J-P.F. Le ministre vient d’arriver, il est en train de construire son analyse. Il a une formation de polytechnicien, c’est donc un ingénieur rationnel qui va devoir intégrer le facteur finances publiques dans les politiques qu’il définira après une période d’observation. Il semble intéressé par l’impact de la mobilité sur l’aménagement et le développement des territoires. Je suis convaincu que le ferroviaire aura toute sa place parce qu’elle est importante dans la vie des Français et des territoires.
1 600 chantiers sont réalisés chaque année sur le réseau.
VRT. Et vous dans tout cela, comment voyez-vous la suite ? Vous n’avez jamais caché votre envie de continuer.
J-P.F. La décision ne m’appartient pas, je travaille, et les sujets sont nombreux. J’accepterai la décision du gouvernement, quelle qu’elle soit.
VRT. Qu’est-ce que vous aimeriez plus particulièrement avoir réussi lorsque vous ferez le bilan ?
J-P.F. Je n’en suis pas là. Ce n’est pas mon état d’esprit actuel. Mon état d’esprit, c’est de faire avancer cette entreprise. En quatre ans, on a fait bouger les lignes, le cap est donné. Le cap, c’est celui du développement qui passe par le développement du réseau. Je me suis beaucoup impliqué sur ce sujet. Les premiers résultats sont là, il y a plus d’argent pour le réseau. Les Français nous récompensent car ils ont plus envie de prendre le train. Un cercle vertueux se met en place. Plus d’offre, c’est plus de demande. Nous nous battons aussi sur le dossier fret. Il vaut mieux avoir plus de trains et moins de camions, et surtout pas des méga-camions qui seraient une vraie erreur. Je me bats pour le développement du ferroviaire et je n’oublie jamais le social. Je suis un infatigable du dialogue social, en associant les cheminots aux progrès de l’entreprise à travers leurs syndicats.
Les Services express régionaux métropolitains, ces « RER métropolitains » souhaités par Emmanuel Macron, roulent doucement vers leurs rails avec un calendrier qui commence à se dessiner. Les projets « déjà avancés » devraient être « labellisés » par l’État dans les prochaines semaines, a annoncé le ministre des Transports Patrice Vergriete, lors d’une rencontre le 23 avril avec les régions qui défendent et travaillent sur un projet de RER métropolitain depuis longtemps : Hauts-de-France, Centre Val de Loire, Sud Paca, Grand Est, Pays de la Loire, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie.
Concrètement, le calendrier est prévu en deux temps :
dépôt d’un dossier « minute » par les collectivités à partir de maintenant : lettres d’intention et lancement d’études
une fois les études et les concertations menées pour aboutir à une « synthèse du projet », suivra une demande d’arrêté ministériel, sur proposition de la région et des autres autorités organisatrices de transports concernées.
A la clé de ce processus de « labellisation », des aides financières. Le gouvernement avait promis une première enveloppe de 767 millions d’euros pour les études et les premiers travaux, ventilée dans le cadre des contrats de plan État-région (CPER). Une
« conférence des financements » avec les collectivités locales se réunira cet été, a aussi annoncé le ministre.
Le Serm de Nantes s’est déjà vu attribuer 101 millions d’euros d’ici à 2027. À Strasbourg, le projet est bien avancé malgré des ratés au moment de son lancement. Et à Bordeaux, l’un des projets les plus avancés avec Lille d’après le gouvernement, le chantier doit monter en cadence progressivement pour aboutir en 2030. D’autres projets ne sont en revanche pas attendus avant 2035 comme à Aix-Marseille ou Grenoble.
Invité de la matinale de France Info le 3 avril, le ministre des Transports Patrice Vergriete rejetait l’échec de la mise en place du « Pass rail » l’été prochain, sur les présidents des régions Normandie, Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes. « À moins d’un changement de pied des présidents de Région, aujourd’hui même, nous ne pouvons pas être opérationnels en 2024 (…) il n’y aura pas de pass rail cet été », affirmait le ministre évoquant l’absence d’accord des trois régions citées.
Le soir même, vers 21h, le ministère des Transports envoyait un communiqué annonçant que « toutes les régions » avaient finalement donné leur accord pour une mise en place du Pass rail dès 2024. Selon Patrice Vergriete, le gouvernement a accepté, à la demande des régions, que l’Etat finance à 80 % le dispositif, estimé à 15 millions d’euros.
A l’origine pour tous, ce forfait mensuel de 49 euros permettant de voyager de manière illimitée en trains Intercités et TERet annoncé par Emmanuel Macron en septembre 2023, ne concernera pour son expérimentation cet été que les moins de 27 ans partout en France, sauf en Ile-de-France. « 700 000 jeunes sont concernés par cette disposition« , assurait mercredi Patrice Vergriete.
Avant ce revirement de situation, le conseil régional des Hauts-de-France assurait avoir « toujours été favorable à la mise en place du Pass rail, mais critiquait le « manque d’ambition porté par le ministre délégué aux Transports » et « un Pass au rabais uniquement pour les jeunes« . La région assurait également qu’elle serait « pénalisée par un tel dispositif« , mettant en avant son financement de tous les trains hors TGV sur son sol : « À ce titre, la prise en charge de la perte de recettes aurait dû être assumée totalement par l’État« .
Xavier Bertrand, patron de la région, critiquait aussi le fait que l’Ile-de-France serait exclue du dispositif : « Les jeunes des Hauts-de-France, en plus du Pass rail devront prendre un titre de transport supplémentaire, jusqu’à 16 euros, en Ile-de-France pour pouvoir faire tout transfert vers d’autres régions« . Même point de vue en Auvergne Rhône-Alpes, Normandie et les Pays de la Loire où la présidente de l’exécutif régional, Christelle Morençais, critique par ailleurs que le gouvernement le réserve aux seuls réseaux TER et Intercités, excluant les TGV « qui offriraient pourtant à des jeunes, et notamment les plus modestes, l’occasion de voyager plus loin et dans de meilleures conditions (qui imagine sérieusement faire un Nantes/Strasbourg en TER ?) », s’interroge l’élue ex-LR ralliée au parti d’Edouard Philippe, Horizons.
Dans son communiqué de fin de soirée, le ministère indique que « l’Etat est prêt à examiner une extension du dispositif à l’Ile-de-France l’an prochain, en lien avec Ile-de-France Mobilités. Le feuilleton du Passe rail n’est pas terminé.
La Commission permanente de la région Ile-de-France, réunie le 28 mars, a voté un amendement relatif au projet de Ligne nouvelle Paris – Normandie (LNPN) pour financer les études d’enfouissement d’une partie de la ligne et de contournement du fret hors de l’Ile-de-France.
« Depuis longtemps, le projet LNPN divise les Normands et les Franciliens. Les élus des Yvelines sont notamment légitimement inquiets sur le risque que ce projet fait peser sur les terres agricoles et les projets d’aménagement du territoire », indique la Région qui justifie ainsi sa décision de ne pas inscrire ce projet dans la version initiale du schéma d’aménagement régional (SDRIF-E) qui a été portée à la concertation publique. « Aujourd’hui, l’Etat exige la prise en compte de la LNPN au sein du SDRIF-E qui sera définitivement adopté en juillet prochain. Si la région ne l’inscrit pas, c’est l’ensemble du schéma directeur qui serait fragilisé juridiquement, ce qui serait une catastrophe pour tous les projets inscrits »., indique la collectivité.
Réouverture des négociations avec l’Etat
Dans ce nouveau contexte, l’Ile-de-France a décidé d’ouvrir les négociations avec l’Etat en posant « trois conditions minimales pour que le projet de LNPN soit inscrit ». D’une part, la région veut que le projet permette le maintien des arrêts des trains normands à Mantes-la-Jolie, ainsi que dans les gares franciliennes de Bonnières-sur-Seine et de Rosny-sur-Seine, situées immédiatement en aval de Mantes, même après la mise en service du prolongement du RER E Eole, « car nous avons besoin de directs Mantes – Paris en TER ».
D’autre part, la région capitale exige « que le service fret ne se fasse pas au détriment des voyageurs et que la priorité soit donnée aux transports du quotidien ». Enfin, la collectivité localed demande que soit étudié, dans les Yvelines, l’enfouissement partiel de cette nouvelle ligne ferroviaire. Précisant que le Contrat de plan Etat-Région (CPER) ne comporte aucune ligne de financement sur le projet de LNPN, mais qu’en revanche, ces études seront financées dans le cadre du contrat de Plan interrégional État-Régions (CPIER) de la vallée de la Seine.
Des rails en acier qui se déforment sous l’effet des fortes chaleurs, des caténaires qui se distendent et risquent l’arrachement, des gares en surchauffe. Quand le thermomètre monte, la SNCF doit ralentir la vitesse des certains trains. Selon le rapport annuel de la Cour des comptes publié le 12 mars, en 2022, les intempéries ont été à l’origine de 19% du temps des minutes perdues imputables à SNCF Réseau, gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire qui mène actuellement un énorme programme de rénovation du réseau.
Pour la première fois, les Sages de la rue Cambon ciblent tout particulièrement le sujet du dérèglement climatique et ses conséquences financières. Dans de nombreux secteurs, dont le transport ferroviaire.
Les aléas météorologiques sont de plus en plus intenses et fréquents et vont contraindre SNCF Réseau et SNCF Gares & Connexions à adapter leurs infrastructures, mais les magistrats financiers jugent que le groupe ferroviaire n’anticipe pas assez les effets du dérèglement climatique, ni pour rendre ses installations plus résilientes, ni pour évaluer le coûts des dégâts à venir. En clair, ils s’alarment de la vulnérabilité du réseau ferroviaire face à ces changements. Un risque accru par la vétusté du réseau, assènent-ils.
S’ils reconnaissent que SNCF Réseau a été « la première entité au sein du groupe à engager une réflexion sur les risques accrus par le changement climatique et à mener des études de vulnérabilité physique du réseau » [un comité stratégique sur le sujet se réunit deux fois par an et une étude de vulnérabilité est en cours chez SNCF Gares et connexions], ils estiment que le groupe ferroviaire a un train de retard sur le dérèglement du climat et ses conséquences financières.
« Les conséquences opérationnelles et financières du changement climatique sont encore mal connues. Ces données sont pourtant essentielles à la mise en place des programmes d’investissements à venir. S’il est hors de portée financière et peu pertinent de mettre l’ensemble du réseau historique aux normes les plus exigeantes, l’investissement à consentir pour le régénérer et le moderniser doit être mis en regard des coûts qu’occasionnerait une absence d’adaptation au changement climatique », lit-on dans le rapport.
Voir le chapitre du rapport de la Cour des comptes consacré à l’adaptation du réseau ferroviaire au changement climatique : ici
Pierre Moscovici et son assemblée de magistrats financiers ont visiblement décidé de mettre les pieds dans les plats. Dans son rapport annuel publié le 12 mars, la Cour des comptes ausculte pour la première fois les politiques publiques consacrées à l’adaptation au réchauffement climatique. Et elle est très sévère avec l’Etat et les collectivités, soulignant « la nécessité que l’action publique en faveur de l’adaptation au changement climatique soit transparente, cohérente et efficiente ».
La veille, l’institution de contrôle financier publiait un autre rapport, sectoriel, sur l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF France. Et elle n’est pas tendre non plus. Qualifiée de « faible valeur ajoutée » (…) L’Agence de financement des infrastructures de transport de France, établissement public administratif créé en 2004, gère un montant d’investissements important (3,3 Md€ en 2022), mais n’emploie que cinq équivalents temps plein, reste étroitement subordonnée à l’administration centrale », matraque le rapport en introduction. Une subordination qui, dans le milieu des transports, vaut à l’Agence le quolibet de « caisse enregistreuse ».
Nouveau départ pour le Conseil d’orientation des infrastructures (COI) ?
Repris par la rue Cambon dans des termes plus choisis mais assertifs : « Simple caisse de financement permettant à celle-ci de contourner la législation budgétaire, elle doit être supprimée et ses crédits réintégrés au sein du budget général de l’État », recommandent les magistrats financiers. S’ils saluent « l’effort de rationalisation » entrepris par l’Etat « qui s’est traduit par la création du Conseil d’orientation des infrastructures (COI) et la loi d’orientation des mobilités de 2019, l’État continue de prendre des engagements au coup par coup, sans se référer à une sélection et une hiérarchisation claire des projets et en reportant trop souvent la question du financement », critique la rue Cambon.
Elle préconise de réformer et de renforcer le COI en le dotant « des moyens nécessaires à l’exercice de ses missions, dont le suivi de l’application des décisions d’investissement ». Objectif : une programmation des dépenses d’infrastructures de transport, «plus précise, plus complète, assortie d’un financement identifié, centré notamment sur la régénération et la modernisation d’infrastructures désormais vieillissantes ».
David Valence, député Renaissance des Vosges qui a présidé le COI de 2021 à janvier dernier (il est candidat à sa reconduction) s’en félicite : « Le COI est une structure ad hoc, qui a déjà vu son champ de compétences élargi en 2021, mais qui n’a pas de moyens humains en conséquence. Nous avons produit trois rapports [le dernier en date sur les choix d’investissements de l’Etat pour les infrastructures de transport, avait conduit il y a un an l’ancienne Première ministre, Elisabeth Borne, à promettre 100 milliards d’euros d’investissement sur 15 ans pour le secteur ferroviaire, ndlr]. Il milite pour la capacité d’autosaisine du COI sur des sujets comme l’avenir des concessions d’autoroutes, la transition écologique de la route et son coût ou encore l’évolution du versement mobilité pour financer les transports publics.
Bon camarade, le député dit ne pas comprendre ce que l’on reproche à l’AFITF : » Le fait qu’elle existe et qu’elle sécurise les dépenses d’infrastructures n’est pas une mince vertu », défend David Valence qui ne voit aucun inconvénient à faire coexister les deux structures. « La Cour des comptes reproche des choses à l’AFIT qui, en réalité, sont liées à l’absence de loi de programmation des infrastructures de transport », ajoute-t-il.
Alors, terminus pour l’AFIT France ? Le tout nouveau président, Franck Leroy, nommé non sans quelques péripéties (lire), appréciera… Et que fera de ces recommandations Patrice Vergriete qui a fait un passage éclair à la tête de l’Agence avant d’être nommé ministre du Logement, puis en février dernier, a pris le portefeuille des Transports ?
Nommé PDG de SNCF réseau en octobre 2022, après le départ de Luc Lallemand, Matthieu Chabanel a profité de son passage au Club VRT pour dresser un bilan positif de l’année écoulée – sur fond d’engouement pour le ferroviaire-, et évoquer ses priorités.
Matthieu Chabanel
L’action de SNCF Réseau s’inscrit dans un contexte porteur pour le ferroviaire, a rappelé Matthieu Chabanel, qui intervenait le 29 janvier lors d’un Club VRT. « Il y a eu l’an dernier un engouement autour du train, une hausse du nombre de voyageurs, un fort taux de remplissage et SNCF Réseau est fier d’avoir contribué à cette dynamique », s’est réjoui le PDG du gestionnaire d’infrastructure. La nouvelle donne ferroviaire est aussi portée par un accroissement des moyens financiers en faveur du réseau. Le budget régénération et modernisation augmente cette année de 300 millions d’euros. Ce qui porte le total pouvant être investi à 3,2 milliards d’euros en 2024. Cette somme doit progressivement passer à 4,4 milliards par an d’ici 2027. Pour l’heure, c’est le groupe SNCF qui apporte les fonds supplémentaires à un fonds de concours.
Visibilité
Cette trajectoire donne plus de visibilité à la filière industrielle qui va pouvoir recruter et former pour être au rendez-vous, souligne Matthieu Chabanel « Comme la filière se trouve à 97 % en France, les investissements dans le système ferroviaire contribuent au dynamisme économique dans les territoires. Et le réseau dans lequel la SNCF investit est circulé par tous types de trains, dont les TER», ajoute-t-il. Le tout dans un contexte financier assaini puisque SNCF Réseau tiendra son objectif : renouer avec un cash-flow positif cette année. « Nous avons prévu un cash-flow de 2 millions d’euros pour 7 milliards de chiffre d’affaires. C’est aussi un enjeu de crédibilité : démontrer que nous tenons les objectifs financiers fixés par les pouvoirs publics et la loi», commente le dirigeant.
Fin du vieillissement
Les investissements donnent enfin des résultats visibles : SNCF Réseau a stoppé le vieillissement de la voie. Cela vaudra pour tous les composants du réseau à l’horizon 2030. « L’année dernière, nous avons pu livrer plus de 95 % des projets dans les délais », précise Matthieu Chabanel. Côté modernisation, le gestionnaire d’infrastructure prévoit, sur la ligne grande vitesse reliant Paris à Lyon, de basculer 58 postes d’aiguillages vers l’ERTMS. « Ce sera la première fois au monde qu’on le fera sur une ligne en service », souligne le PDG. Ce projet permettra d’augmenter la capacité de ligne, afin de passer de 13 trains par heure et par sens en heure de pointe aujourd’hui à 16 trains en 2030, en assurant une meilleure régularité dès 2025.
Contrat de performance : bientôt un avenant
Passer progressivement de 3,2 milliards d’euros de budget de régénération cette année à 4,4 milliards d’euros en 2027 nécessite de revoir le contrat de performance. Le précédent ministre des Transports, Clément Beaune souhaitait voir établi un nouveau projet de contrat avant la fin février. La vacance du ministère pendant quelques semaines n’a pas remis en cause le calendrier, affirme Matthieu Chabanel. SNCF Réseau travaille avec les services de l’État à la rédaction de cet avenant au contrat, qui fera ensuite l’objet d’une consultation des parties prenantes, pour une adoption espérée à l’automne 2024. Et de préciser : « On ne va pas reprendre l’intégralité du contrat de performance qui date du printemps 2022, mais rédiger un avenant prenant en compte les investissements supplémentaires de régénération, définir le rythme de la montée en charge et la manière d’investir cet argent, avec la volonté d’avoir des programmes d’investissements publiés à échéance de trois ans ».
Moins de tensions sur les recrutements
Les difficultés de recrutement en sortie de crise sanitaire ont causé des tensions dans les postes d’aiguillage. « Faute d’avoir pu recruter, nous avons sur-sollicité des agents qui l’ont vécu comme une dégradation de leur qualité de vie au travail. Cela a entrainé des mouvements sociaux. » Le problème est désormais résolu, affirme le patron de SNCF Réseau. « En 2023, nous avons pu recruter 900 aiguilleurs, qui ont été en formés, puis affectés à des postes, permettant de soulager leurs collègues et d’améliorer les conditions de travail. » Au total, SNCF Réseau a recruté l’année dernière 2700 personnes dans les métiers d’aiguilleurs, d’agents de maintenance et de travaux de la voie, de la signalisation ferroviaire ou encore les métiers de l’ingénierie. « Le marché a été moins tendu en 2023 que l’année précédente. Nous avons regagné en attractivité. » Pour l’entreprise, le mot d’ordre, c’est recruter, former, fidéliser. Un domaine reste particulièrement compliqué : trouver des candidats pour des postes liés à l’électricité car la concurrence avec d’autres secteurs d’activités est forte. Et parce que ces postes demandent des prérequis, ce qui n’est pas le cas pour les travaux sur voie par exemple.
SNCF Réseau va accompagner les collectivités qui souhaitent un RER métropolitain. Ici la gare Saint-Jean (agrandie par Arep), au cœur du projet de Serm de Bordeaux.
Eole a rendez-vous avec les JO
Pour les professionnels du transport, les Jeux olympiques et paralympiques représentent un rendez-vous essentiel qu’il ne faudra pas rater. L’enjeu, pour SNCF Réseau, passe notamment par la première phase de mise en service du prolongement d’Eole jusqu’à Nanterre, prévue pour le printemps. Soit huit kilomètres de tunnels et trois nouvelles gares (Porte-Maillot, La Défense et Nanterre-la-Folie). Le prolongement de la ligne jusqu’à Mantes-La-Jolie (Yvelines) se fera plus tard, en 2026.
RER métropolitains, mode d’emploi
Promulguée fin 2023, la loi SERM a posé le cadre du développement, d’ici dix ans, d’un réseau de RER métropolitains dans dix grandes agglomérations (voire plus). Elle a suscité une énorme attente chez les élus. « Il y avait déjà des expériences de RER métropolitains, comme le Léman Express, qui relie la Haute-Savoie au canton de Genève, mais la loi a généré une nouvelle dynamique. De nombreuses collectivités se montrent intéressées et montent des projets. Nous les accompagnons avec Gares & Connexions », souligne Matthieu Chabanel. Reste maintenant à labelliser les projets et à définir les financements. SNCF Réseau veillera à la compatibilité, sur le réseau, de l’ensemble des trafics. Le gestionnaire historique devra composer avec la Société des Grands Projets (jusqu’alors appelée Société du Grand Paris) en fonction de la teneur des projets. Pour résumer, la loi précise que la SGP sera maître d’œuvre pour les constructions de nouvelles voies ferrées. Et ne pourra donc pas intervenir sur le réseau existant et circulé, territoire exclusif de SNCF Réseau. « Tout le monde a bien compris que les travaux sur les infrastructures existantes doivent être réalisés par SNCF Réseau pour des raisons de sécurité », explique Matthieu Chabanel, qui se réjouit du rôle dévolu à la SGP. « Il aurait été dommage de se priver des capacités d’une société qui a fait ses preuves et dispose de beaucoup d’ingénieurs. Nous sommes animés par la même volonté de faire des SERM un succès. J’ai une grande confiance sur notre capacité collective de mener à bien ces projets. »
Nouveaux clients
Pour développer son activité, SNCF Réseau a intérêt à accueillir de nouveaux opérateurs. Le groupe a ainsi accordé des sillons à la compagnie italienne Trenitalia en 2021, puis à l’espagnole Renfe en 2023. Demain, il pourrait voir arriver d’autres entreprises, comme Kevin Speed (qui veut lancer un train à grande vitesse omnibus) ou Le Train (qui voudrait notamment se lancer sur Bordeaux-Nantes). L’ouverture à la concurrence dans les TER va aussi instaurer de nouvelles relations avec le transporteur SNCF qui sera obligé à chaque fois qu’il remportera des appels d’offres de créer une filiale dédiée pour exploiter les TER qu’il gagnera. Cela implique une transformation culturelle. « Nous devons instaurer des modes de relations différents avec les opérateurs, transformer nos manières de faire, mettre en place des relations renouvelées », résume le dirigeant.
Hausse des péages : le rattrapage
La forte augmentation des péages ferroviaires prévue en 2024 et les années suivantes fait l’objet de critiques et de contestations de la part d’élus et d’opérateurs. Plaidant pour un débat dépassionné, Matthieu Chabanel rappelle qu’entre 2021 et 2023, les péages n’ont augmenté que de 5 % , alors que l’inflation était de 14 % . La hausse prévue pour 2024-2026, est donc un rattrapage. « Pour investir, nos deux seules sources de revenus sont les péages et les subventions. Nous faisons aussi évoluer les péages pour les rendre plus incitatifs », souligne-t-il. C’est ainsi que, pour encourager le maillage du territoire, le péage pour un TGV Paris-Arras, est moins cher que celui d’un Paris-Lille, alors que ces trains utilisent la même ligne. Ou que, pour le TER, SNCF Réseau a mis en place un forfait, puis un péage au train, de manière à inciter au développement du trafic. Des modulations des péages sont aussi instaurées avec des tarifs moins chers aux heures creuses ou sur les lignes de desserte fine du territoire. En France, les péages prélevés vont à l’entretien et la rénovation du réseau structurant, c’est un choix politique, le montant de ceux-ci est un arbitrage entre ce que doit supporter l’usager et ce qui revient au contribuable, rappelle encore le dirigeant. Le péage représente ainsi 40 % du prix du billet d’un TGV et 20 % de celui d’un TER
Optimisme pour le fret
Côté fret, après deux belles années post covid, 2023 a été plus difficile, marqué notamment par les grèves contre les retraites, les hausses d’électricité et l’éboulement en Maurienne qui a coupé la principale liaison ferrée transalpine. Mais le secteur du fret se montre encore dynamique, estime Matthieu Chabanel. « En 2023, nous avons accueilli un nouveau client chaque mois », indique-t-il. D’ici la fin 2024, Fret SNCF va disparaître pour renaître en 2025 sous une autre forme et avec une activité amoindrie. Ce qui augure encore d’une année compliquée. Sur le long terme, Matthieu Chabanel fait preuve d’optimisme, convaincu que dans le contexte actuel, « le fret ferroviaire a un réel avenir en Europe. » Les investissements dans le fret ferroviaire ont été multipliés par quatre par rapport à l’avant Covid, notamment dans le cadre des contrats de plan État-Région qui intègrent des volets fret. Le tout soutenu par la filière réunie dans l’Alliance 4F, qui parle d’une même voix pour définir les projets prioritaires. Et vise le doublement de la part de marché du fret d’ici 2030.
Quelques améliorations sont déjà perceptibles : en septembre 88,8 % des sillons de fret ont obtenu une réponse positive, soit 15 points de plus qu’il y a 10 ans. L’entreprise progresse chaque année, assure le PDG, visant les 90 % atteints dans le transport de voyageurs. Autre bonne nouvelle : pour la première fois l’an dernier, SNCF Réseau a moins fait bouger ses sillons que les entreprises ferroviaires. Reste toutefois toujours un point de vigilance : l’augmentation des travaux doit conduire SNCF Réseau à trouver un équilibre entre trains de jour, trains de nuit et travaux. Les arbitrages se font parfois (même si c’est rare) au bénéfice du fret, avec des travaux de jour, comme cela a été le cas sur la ligne Paris-Dijon, afin d’éviter une bascule massive des marchandises sur la route.
Renouvellement d’appareils de voies à Reims le 12 septembre 2020.
La résilience face au dérèglement climatique
En plus des éboulements de terrain, les inondations en Hauts-de-France et des canicules précoces ou tardives ont aussi marqué 2023. « Le rythme des conséquences du changement climatique s’accélère et pose la question de la résilience du réseau », rappelle Matthieu Chabanel. Développer le transport ferroviaire est positif pour la planète, mais n’exonère pas de réduire l’impact environnemental de l’entreprise, poursuit-il. Parmi les actions mises en place, le recyclage permet de revaloriser 100 % du ballast, dont 45 % est réutilisé directement sur les voies ferrées. Une filière de rails verts, qui permet de les refondre, réduit de 70 % l’impact carbone sur les achats. Matthieu Chabanel veut étendre cette politique à l’ensemble des composants ferroviaires. Pour mieux se préparer aux aléas climatiques, l’entreprise a réalisé une cartographie des risques et vulnérabilités du réseau. La forte chaleur sur les rails ne devrait pas être un problème compliqué à gérer, estime le patron de SNCF Réseau, en citant la Mauritanie, soumise à des températures élevées, et qui utilise des rails comparables aux nôtres. En revanche, les composants électroniques n’ont pas été conçus pour subir de fortes chaleurs. Le renouvellement du réseau est l’occasion de l’équiper avec des composants plus modernes et robustes, permettant de gagner en résilience. Des actions peuvent aussi être entreprises sans attendre. Ainsi, pour protéger ses installations contre les canicules, SNCF Réseau a repeint en blanc des guérites en Nouvelle-Aquitaine, ce qui lui a permis de gagner jusqu’à six degrés.
Les investissements ne sont donc pas forcément lourds à réaliser.
L’entreprise doit aussi se préparer au dérèglement des systèmes hydrauliques, à l’origine d’évènements extrêmes plus fréquents, et aux conséquences des retraits-gonflements d’argile, car l’intégralité du réseau se situe dans des sols argileux. « Renouveler le réseau est une première étape pour être plus résilient, car tous les investissements de modernisation réalisés sont utiles en matière de résilience », indique Matthieu Chabanel. « Quand on change de composants, quand on renouvelle les caténaires, c’est déjà une façon de s’adapter aux changements climatiques. Plus un réseau est récent, plus il est résilient. » Le PDG de SNCF Réseau estime que le secteur devra réfléchir à ce que seront les déplacements dans un monde à plus 4 degrés. Et il conclut : « Notre but c’est d’assurer le service le plus élevé possible en tout temps, en tous lieux, tout en veillant prioritairement à la sécurité des voyageurs. Mais je n’ai pas d’état d’âme à imaginer une restriction de circulation en cas d’alerte rouge, comme c’est le cas aujourd’hui sur les routes. Mieux vaut ne pas laisser partir un train que de laisser des voyageurs bloqués sur des voies pendant des heures… »
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