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Ewa

La Route du fer n’est plus coupée

Train de minerai LKAB entre Kiruna et Narvik

La ligne des Minerais – Malmbanan en suédois – est une artère ferroviaire majeure pour le fret tout au nord de l’Europe. Elle a été rouverte le 20 février, après plus de deux mois de coupure, et c’est avec un énorme soulagement que l’entreprise minière LKAB a vu partir le premier train de minerai de fer de 2024 entre la ville suédoise de Kiruna et le port norvégien de Narvik. Et ce dernier retrouve ainsi sa connexion avec le reste du réseau ferré européen… mais pour le fret uniquement, dans un premier temps.

Deux mois auront donc été nécessaires pour réparer les dégâts provoqués par un déraillement survenu le 17 décembre dernier. Des dégâts aussi massifs que le trafic ferroviaire sur cet axe à voie unique (plus de 100 000 tonnes par jour en temps normal), qui relie les bassins miniers suédois de Kiruna (fer) et de Gällivare-Malmberget (fer, cuivre) aux ports de Narvik (Norvège) et Luleå (Suède).

Une centaine de spécialistes pendant deux mois

Le 17 décembre donc, après avoir labouré la voie sur 15 km et détruit au passage 25 000 traverses béton et deux aiguillages, un train de minerais en pleine charge (8 600 tonnes) à destination de Narvik a fini par dérailler dans une galerie pare-neige à la sortie ouest de la gare suédoise de Vassijaure (la plus au nord du monde lors de son ouverture en 1903), à 7 km de la frontière norvégienne. La cause de ce déraillement, exceptionnellement destructeur, fait encore l’objet d’enquêtes de la part de Trafikverket, le gestionnaire suédois des infrastructures de transport, et de la Commission d’Etat des Accidents (Statens haverikommission).

Sans attendre les résultats de ces enquêtes, les travaux de réparation ont été entrepris par quelque 60 à 100 spécialistes. Des salariés de l’entreprise BDX Rail, basée dans la région, ou de ses fournisseurs. Le chantier s’est étendu sur une quinzaine de kilomètres, dans une région « loin de tout » à plus de 1 500 km au nord de Stockholm, par endroits inaccessible autrement que par la voie ferrée. Les travaux se sont déroulés parfois 24 h sur 24, sous une nuit permanente jusqu’à la mi-janvier, des températures plongeant dans les -30°C début janvier et une tempête de neige en fin de chantier, qui a retardé la réouverture d’une quinzaine de jours. En moins de deux mois, la voie unique a fini par être rétablie : outre les traverses et les aiguillages endommagés, plusieurs kilomètres de rails et quelques poteaux pour caténaires ont été remplacés. Les câbles arrachés ont également dû être reposés et la partie endommagée de la galerie pare-neige de Vassijaure a été démontée, en vue de sa reconstruction. Testée le 14 février par un train en traction diesel, la voie reconstruite a été rendue le 20 aux trains de minerais, remorqués par des locomotives électriques doubles IORE développant 10,8 MW au total.

Surcroît de trafic

Pendant l’interruption de la ligne vers Narvik, les activités minières et la transformation du minerai en pellets, des boulettes directement utilisables dans les hauts fourneaux, n’ont pas été interrompues pour autant. Plus de 3 millions de tonnes se sont ainsi accumulées à Kiruna et Svappavaara, qu’il s’agit maintenant d’évacuer, tâche qui nécessitera de faire rouler quelque 400 trains supplémentaires ! Un tel surcroît de trafic ne sera pas aussi facile à absorber qu’avant le déraillement : depuis la réparation de la voie ferrée vers Narvik, la charge par essieu a été temporairement limitée à 25 tonnes, contre 30 t avant le déraillement (un record en Europe hors voies industrielles ; en comparaison, le maximum est de 22,5 t par essieu en France sur voie classique ou 17 t sur LGV). Par conséquent, le tonnage des trains doit être réduit. Davantage de circulations seront donc nécessaires pour assurer le transport du minerai et les tas de pellets accumulés en deux mois ne devraient pas être résorbés avant l’an prochain. De plus, sur un secteur de 20 km comprenant la voie reconstruite, la vitesse a été temporairement limitée à 40 km/h, contre habituellement 60 km/h pour les trains de minerais en pleine charge, 70 km/h pout les convois revenant à vide de Narvik et 100 km/h pour les autres circulations. Ce qui se traduit par une dizaine de minutes de perdues à chaque passage et limite encore plus la capacité de la voie unique.

Pour les prochaines semaines, une priorité absolue est donc donnée aux trains de minerais et autres convois de fret. Normalement exploités par Vy (les anciens chemins de fer d’Etat norvégiens) avec un des trains de nuit les plus fameux d’Europe, les transports de voyageurs au nord de Kiruna continueront d’être assurés par des cars de substitution. Et ce, sans doute jusqu’en mai ou juin prochains, lorsque la voie reconstruite aura été inspectée après le dégel. La priorité donnée au fret et les limites imposées ne sont pas les seules raisons de la suspension des trains de voyageurs : en cas de problème, Trafikverket ne souhaite pas avoir à évacuer des centaines de personnes en territoire difficile d’accès…

P. L.

Les insuffisances du réseau du nord de la Suède

Si les déraillements de trains de minerai ne sont pas exceptionnels sur la ligne du même nom, celui de décembre dernier, dont les conséquences se feront sentir pendant plusieurs mois encore, ranime les discussions sur l’augmentation de la capacité du réseau ferré dans le nord de la Suède, sujet déjà d’actualité l’automne dernier. Tant l’industrie suédoise – en premier lieu l’entreprise minière LKAB, exploitante des trains de minerais – que le secteur touristique ou les spécialistes de la logistique militaire, dans cette région du grand nord à quelques centaines de kilomètres de la Russie, insistent depuis des décennies pour la mise à double voie de tout ou partie des lignes principales reliant la Laponie suédoise au centre de la Suède et à la façade océanique norvégienne. Apparemment peu intéressé par le développement du rail, les énergies alternatives ou la recherche d’économies à long terme, mais partisan de mesures à court terme en faveur des automobilistes (baisse des taxes sur les produits pétroliers destinées au verdissement du secteur énergétique), le gouvernement suédois de droite issu des élections de 2022 commence à être rattrapé par les réalités du terrain… Et le manque d’investissement sur le réseau ferré finit pas coûter cher à l’Etat suédois, propriétaire de LKAB : pendant l’interruption de la ligne vers Narvik, la direction de l’entreprise minière déclare avoir perdu « 100 millions de couronnes par jour », soit un cumul de plus d’un demi-milliard d’euros en deux mois. Une double voie aurait au moins permis d’envisager une desserte en mode dégradé…

Ewa

Derniers travaux d’été en Île-de-France avant les JO

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L’annonce du programme des grands travaux à entreprendre sur les réseaux de transport d’Île-de-France de juin à la fin août est un signe du retour de l’été… et 2023 ne fera pas exception. Contrairement à l’été 2024, année olympique, durant lequel aucun chantier ne sera entrepris au cours des mois de juillet et août, habituellement réputés les plus calmes. Autant dire que le programme 2023 sera chargé, même si le montant des travaux n’est pas plus élevé que les étés précédents, avec un total avoisinant les 4,2 milliards d’euros, dont près de 2 pour la SNCF et près de 2,2 pour la RATP, cette dernière mobilisant plus de 2 000 personnes et plus de 70 entreprises.

Au programme de l’été 2023 figurent une fois de plus des opérations d’entretien, de modernisation, de développement et de connexion de projets structurants (en particulier dans le cadre de plusieurs chantiers d’interconnexion du Grand Paris Express ou l’arrivée de nouveaux trains MI20 sur le RER B ou MP89 rénovés sur la ligne 6), nécessitant des interruptions temporaires de trafic sur tous les réseaux ferrés sous la responsabilité d’Île-de-France Mobilités (IDFM) : les 5 lignes de RER, 7 lignes Transilien SNCF (H, J, K, L, P, N et U), 9 lignes de métro (4, 5, 6, 7, 9, 11, 12, 13 et 14) et 4 lignes de tramway (T1, T2, T3a et T3b). Sans compter le poursuite des travaux et essais sur les lignes qui ne sont pas encore ouvertes au public (prolongement ouest d’Eole, mais aussi essais dynamiques sur le tram T12, avant marches à blanc, en vue de sa mise en service en décembre).

C’est pourquoi la RATP et la SNCF, en coordination avec IDFM, ont plus que jamais mis l’accent sur l’information en amont, afin de proposer aux usagers habituels et aux riverains, dès le mois d’avril, des plans de transport alternatifs adaptés, par tous les moyens, y compris les réseaux sociaux. Et lors des travaux proprement dits, davantage d’agents SNCF (« gilets rouges ») et RATP seront mobilisés pour informer les voyageurs, souvent occasionnels en plein été, et faciliter leurs déplacements en bus de substitution ou sur d’autres itinéraires.

Quels points forts cet été ? « Comme d’habitude », la traversée parisienne du RER C sera interrompue, cette fois entre l’Avenue Henri Martin, Javel et la Gare d’Austerlitz, du 15 juillet au 26 août. Les autres lignes de RER sont plutôt interrompues hors du centre, avec en particulier la coupure du RER B nord du 12 au 14 août. Et sur la partie sud des RER B et C se déroulera le « chantier XXL » du millésime estival 2023 : le remplacement des ponts de Chartres (ligne B) et de Gallardon (ligne C) au moyen d’une des plus grandes grues d’Europe (84 mètres de long et 1 670 tonnes), le 19 juillet et le 8 août. De ce fait, le tronçon entre Fontaine-Michalon et Massy-Palaiseau, sur le RER B, sera fermé du 14 juillet au 20 août inclus. D’autres fermetures plus ponctuelles auront également lieu sur le RER B sud.

Il est de la plus haute importance que les chantiers de l’été 2023 soient achevés dans les temps, vu que l’année prochaine, il n’y aura de travaux qu’à la marge, jusqu’au début juillet. En revanche, le programme 2025 devrait être des plus denses.

P. L.

Ewa

La remise officielle du rapport du COI attendue vendredi à Matignon

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David Valence devrait remettre cette semaine à Elisabeth Borne le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI) sur les choix d’investissements que l’Etat devra consentir pour les infrastructures de transport sur les dix ans à venir. « Ce sera le 24 février, à Matignon »,  a confié à Ville, Rail & Transports le député des Vosges qui préside cette instance consultative placée auprès du ministre des Transports.

A force d’attendre sa publication officielle, le contenu du rapport du COI avait fini par fuiter en début d’année. A sa lecture, il est clair que les membres du COI réunis autour du parlementaire (Parti Radical – majorité présidentielle) jugent insuffisant les 55 milliards d’euros d’engagements de crédit budgétairement cadrés, et défendent un scénario beaucoup plus ambitieux évalué à plus de 80 milliards d’euros, d’ici à 2027. Ils privilégient la modernisation du réseau ferré et les transports du quotidien et préconisent de décaler dans le temps les nouvelles LGV, si ce n’est repousser certaines à une date non définie.

Dans sa rédaction, le troisième scénario, à 98 milliards d’euros, comprenant plusieurs projets routiers pour répondre aux demandes des élus locaux, n’emportent visiblement pas la préférence du COI « Mais le ministre des Transports Clément Beaune nous a demandé de réinjecter du routier dans nos propositions », nous a indiqué mardi matin David Valence. Il s’exprimait en marge d’une visite des travaux de rénovation de la grande halle voyageurs de la gare Paris-Austerlitz en compagnie de Marlène Dolveck, patronne de SNCF Gares & Connexions (photo).

« Vendredi, la Première ministre ne dévoilera pas quel scénario d’investissements a sa préférence, mais elle donnera des indications sur la méthodologie ». Autrement dit, une loi de programmation ou pas sur les investissements transport, pour aller au-delà du quinquennat en cours.

Nathalie Arensonas

Ewa

Les nouveaux entrepreneurs du rail

Club Janvier 2023

Le Train, Midnight Trains, Kevin Speed et Railcoop, quatre nouveaux acteurs du monde ferroviaire, sont venus présenter, le 24 janvier, leur projet devant le Club VRT. Et leur parcours du combattant qui passe par la levée de fonds, des partenariats avec des investisseurs, l’acquisition du matériel, le recrutement de personnel…

Ils sont apparus en quelques années sur la scène ferroviaire française : Le Train, Midnight Trains, Railcoop, Kevin Speed… Et peu à peu, ils avancent leurs pions même si les obstacles sont nombreux sur leur chemin.  Ce foisonnement d’initiatives constitue-t-il un phénomène franco-français ? « Le cadre légal français est intéressant pour les entrepreneurs. Il permet de voir émerger de nouveaux opérateurs », constate Stéphane Coppey, sociétaire de Railcoop. Adrien Aumont, l’un des fondateurs de Midnight Trains nuance ses propos. « L’herbe est quand même plus verte ailleurs. En Belgique, il existe une loi qui permet aux trains de nuit de ne payer ni infrastructure, ni l’énergie, pour aider les entreprises à s’implanter. En France, il existe effectivement un cadre légal, mais son application ne suit pas. Le gestionnaire d’infrastructure fait le moins d’efforts possible et le gouvernement pas grand-chose. On a le droit de se lancer, mais il faut se débrouiller », estime l’entrepreneur. Qui rappelle aussi la situation aux Pays-Bas : « Pour aider le lancement d’une compagnie de train de nuit privée dans ce pays, l’Etat lui accorde des garanties pour le leasing du matériel ».

Acquérir du matériel, étape clé

Une étape importante a été franchie par la société Le Train : le 23 janvier, elle a annoncé avoir choisi, au terme d’un appel d’offres européen, le constructeur espagnol Talgo pour lui commander dix rames. En souhaitant à l’avenir aller encore plus loin, au gré des besoins et des développements, car « lancer une compagnie ferroviaire uniquement avec dix rames n’aurait aucun sens », commente Alain Getraud, le directeur général du Train. La commande représente plus de 300 millions d’euros,. 

Les rames seront issues de la plateforme Avril développée par Talgo. Elles seront aménagées de façon à pouvoir embarquer des pièces de grande taille, par exemple des planches à voile, et disposeront de 40 places de vélo par rame. « Nos ingénieurs travaillent avec ceux de Talgo sur un aménagement intérieur complètement différent de celui qu’on connaît en France et en Espagne », précise le dirigeant. Une antenne R&D sera basée sur le Ferrocampus à Saintes en Charente-Maritime.

 » LANCER UNE COMPAGNIE FERROVIAIRE AVEC SEULEMENT DIX RAMES N’AURAIT AUCUN SENS  » Alain Getraud

Le partenariat signé avec Talgo comprend la maintenance de la flotte pour 30 ans. « Nous visons une pénétration du marché ferroviaire du Grand Ouest en 2025 », ajoute Alain Getraud, qui espère toujours conclure les négociations engagées avec la SNCF sur la cession de dix rames qui pourraient ensuite être rétrofitées. Des discussions ont aussi  lieu avec d’autres opérateurs.

« Pourquoi construire du neuf quand on peut réutiliser du matériel ? », interroge d son côté Stéphane Coppey. Le projet de Railcoop s’appuie sur l’acquisition de matériels d’occasion. « Sur des trajets d’une à deux heures maximum, le confort de véhicules d’occasion réaménagés sera suffisant », assure le porte-parole de Railcoop. D’autant, constate-t-il, qu’il n’y en pas énormément de disponible sur le marché. « Nous n’avons pas eu la partie facile avec la SNCF, mais la région Auvergne-Rhône-Alpes a joué le jeu en nous donnant accès à ses rames » , ajoute-t-il. Les rames X 72500, récupérées par la société coopérative, n’ont pas bonne presse, en raison des problèmes de fiabilité qu’elles ont accumulés. Des travaux de remise à niveau ont été effectués avec succès, affirme Railcoop.

Trouver des trains de nuit s’avère peut-être encore plus compliqué. Ou plus exactement trouver un industriel qui en construit encore. « Nous avions d’abord envisagé d’acquérir du matériel d’occasion, mais avons finalement décidé de l’acheter neuf », raconte de son côté Adrien Aumont. Un investissement conséquent mais qui permet une exploitation pendant 40 ans. 

Après avoir fait le tour des constructeurs en Europe, l’entrepreneur affirme avoir trouvé la perle rare. Mais refuse d’en dévoiler le nom pour le moment. Les actifs seront portés par une rosco qui louera les trains à la compagnie. La prochaine étape sera une levée de fonds pour un lancement, espèrent ses fondateurs, d’ici 2025. « On communiquera lorsqu’on aura réussi, probablement avant l’été ».

La start up cherche aussi le partenaire adéquat sur la maintenance. « Le mieux, c’est que le constructeur en prenne la responsabilité, mais cela peut aussi être dans la main dune Rosco, ou être confiée à des experts », poursuit Adrien Aumont. Selon lui, le vrai problème pour un opérateur qui prévoit de partir de Paris, c’est le foncier. « Nous voulons opérer depuis la gare de Lyon et cherchons un dépôt de maintenance à proximité de cette gare. Pour les trains de nuit nous avons besoin de maintenance de jour, là ou des trains roulant de jour sont entretenus la nuit », souligne-t-il.

Frilosité des investisseurs

Pour aller plus loin, Railcoop a besoin de 43 millions d’euros. Mais, si les sociétaires sont enthousiastes, les investisseurs sont frileux. Pour avancer, la coopérative travaille sur fonds propres. Elle a abondé à hauteur de 5,7 millions d’euros son capital social, via des titres participatifs. Elle a aussi obtenu des garanties d’emprunt venant de régions. L’Occitanie lui a donné son feu vert, à hauteur de 4,5 millions d’euros et la coopérative attend la réponse de quatre autres régions. En guise d’assurance, Railcoop souhaiterait obtenir des engagements de long terme sur les sillons. « Nous avons besoin d’engagements dans le temps pour pouvoir construire un business plan à l’abri des incertitudes », indique Stéphane Coppey.

 » NOUS SOMMES EN DISCUSSION AVEC SNCF RÉSEAU POUR SIGNER UN ACCORD-CADRE DE LONGUE DURÉE  » Laurent Fourtune

Pour acquérir les trains dont elle a besoin, la société Kevin Speed est en discussion avec des fonds d’investissement. Elle souhaite un train équipé de nombreuses portes latérales, pour pouvoir circuler rapidement, et étant capable de rouler à 300 km/h, tout en résistant à des accélérations et freinages rapides pour être omnibus. Laurent Fourtune affirme avoir signé un protocole d’exclusivité avec un constructeur français. « Le train est prêt, mais il faut des rails pour le faire circuler et nous sommes en discussions avec SNCF réseau pour signer un accord-cadre de longue durée », ajoute-t-il.

Recrutements sur fond de pénurie

Pour attirer des candidats dans un marché en tension, Alain Getraud veut jouer la carte de la séduction. « Il faut être sexy, car nous ne sommes pas la SNCF. Nous n’avons pas sa capacité à offrir un statut ou un parcours professionnel. Heureusement nous arrivons à embaucher car le ferroviaire a du sens : nous sommes vus comme une entreprise engagée éthiquement ».

Comme il ne compte pas déshabiller son voisin pour trouver le personnel dont il aura besoin, « cela ne serait pas sain », Alain Getraud a mis en place des formations avec Getlink. « Nous avons adapté les modules pour former sur simulateur dans un premier temps, et demain sur le rail » Le DG du train assure être capable de former à la conduite en 9 à 12 mois. Il souhaite aussi féminiser les métiers du rail, y compris les métiers techniques. « Nous avons l’ambition de parvenir à la parité, à terme. Pour cela, nous travaillons sur la reconversion de personnel venant, notamment, de la santé »

 » IL FAUT ODNNER EN VIE AUX MEILLEURS DE VENIR CONDUIRE DES TRAINS, PARCE QUE C’EST UN MÉTIER DE DINGUE «  Adrien Aumont

« Au démarrage nous n’aurons pas besoin de beaucoup de conducteurs », assure Adrien Aumont. Pour les attirer, le salaire peut être une réponse. L’attractivité de l’entreprise en est une autre. « Des talents, des rock-stars du métier viennent vers nous et acceptent nos grilles salariales », constate le créateur de Midnight Trains qui souhaite contribuer à transformer l’image du conducteur, pour créer des vocations. « Il faut donner envie aux meilleurs de venir conduire des trains, parce que c’est un métier de dingue. Nos formations sont importantes, mais nous devons aussi rendre ce métier cool, générer de la passion pour les jeunes générations » Midnight Trains veut mettre en place une culture d’entreprise qui lui permette de recruter des collaborateurs experts et passionnés à tous les niveaux, à l’instar de Nicolas Bargelès (ex de RFF, de Thello et d’Eurostar) qui a rejoint l’entreprise en tant que directeur des Opérations.

Pour lancer son offre, Kevin Speed aura besoin de recruter 500 cheminots d’ici à 2027. « Nos conducteurs seront actionnaires et nous mettrons en place un plan de participation. Car même si on a affaire à des passionnées, ils exercent des métiers exigeants avec des contraintes. Il faut le compenser et que cela paye », souligne Laurent Fourtune.

Création de valeurs

« L’Europe doit aussi jouer un rôle, aider le développement du rail en garantissant les emprunts et en facilitant l’accès au marché d’entreprises comme les nôtres », plaide Stéphane Coppey qui en attend aussi une harmonisation des réseaux, tant du point de vue technique, que de l’organisation. « Les douanes restent un handicap majeur au développement du rail. On parvient à passer les frontières facilement en avion et en camion, c’est encore compliqué en train », déplore-t-il. « On n’a jamais eu autant besoin de trains, les gens en réclament, mais on n’arrive pas à en acheter. C’est pour cela que les entrepreneurs du rail sont importants », affirme Laurent Fourtune. « Il y a de la demande de la part des clients, de la place sur le rail, c’est l’occasion de re développer le chemin de fer. Ce qu’a fait la SNCF en France est remarquable, mais on a besoin de faire encore mieux et différemment. Chacun dans notre domaine, nous sommes des aiguillons qui serviront à faire progresser le système, même si nous resterons petits. »

 » L’EUROPE DOIT JOUER UN RÔLE, AIDER LE DÉVELOPPEMENT DU RAIL EN GARANTISSANT LES EMPRUNTS ET EN FACILITANT L’ACCÈS AU MARCHÉ D’ENTREPRISES COMME LES NÔTRES  »  Stéphane Coppey

Il faut faire comprendre que les nouveaux entrants ont un rôle à jouer dans le développement du rail, ajoute Adrien Aumont. Il se souvient que, lorsqu’il a commencé à annoncer ses intentions de lancer une entreprise ferroviaire, personne n’y croyait. « Il faut  accélérer le mouvement et comprendre qu’il n’y aura pas que des gros opérateurs. Il y aura aussi des petites entreprises créatrices de valeur. On sait que ce ne sera pas facile, mais ne nous plaignons pas trop et continuons ».

Valérie CHRZAVZEZ


Le Train vise le Grand ouest

L’ouverture à la concurrence doit être l’occasion de créer un choc d‘offres, de manière à engendrer un report modal et augmenter la part du fer, explique Alain Getraud, directeur général de la société Le Train. « Partout où il y a eu ouverture à la concurrence, il y a eu un effet d’induction bénéfique à l’opérateur historique », rappelle-t-il. Les nouveaux entrants arrivent en effet avec des services et des positionnements différents de ceux de l’entreprise historique.

Relevant des besoins de dessertes insatisfaits dans le Grand Ouest, l’entreprise née en Charente en 2020, veut lancer des liaisons à grande vitesse entre Bordeaux-Angoulême, Bordeaux-Nantes ou encore Bordeaux-Rennes. Alain Getraud prévoit de faciliter les réservations et les échanges de billets et de travailler sur les connexions, afin de rendre le voyage le plus simple possible. Le Train n’aura pas de classe à bord, mais des ambiances différentes et promet une qualité de service équivalente à Inouï. S’il n’est pas question de jouer la carte du low cost, Le Train assure que ses tarifs seront moindres que ceux de l’opérateur public. Après une période de montée en puissance de 3 à 5 ans, Le Train vise un marché de 3 à 5 millions de passagers, avec une dizaine de lignes.


Railcoop veut faire revivre les lignes abandonnées

Née il y a trois ans, Railcoop est une coopérative qui a obtenu sa licence d’opérateur et son certificat de sécurité, et compte aujourd’hui 13 700 sociétaires. Mais elle peine à convaincre les investisseurs à la suivre : elle dispose d’environ 8 millions d’euros. Il lui en faudrait près de 43 millions.

En attendant de pouvoir se positionner sur le marché des voyageurs (entre Bordeaux et Lyon pour commencer, avant d’enchainer avec un Lyon-Nancy ou Thionville, puis un Toulouse-Rennes), Railcoop a lancé une première ligne de fret palettisé entre Capdenac et St Jory,.

« Une ligne qui n’a pas décollé et qu’on a réorientée sur du transport de bois pour la société Fibre Excellence », reconnaît Stéphane Coppey, l’un des sociétaires de la coopérative.

 « Le choix des lignes tient compte de critères écologiques, économiques et d’aménagement du territoire, mais vise aussi à faciliter le report modal, par rapport à l’avion et la voiture. Une dizaine de lignes ont été déclarées à l’ART », précise encore Stéphane Coppey.


Kevin Speed travaille sur la grande vitesse low cost

La toute jeune société Speed Kevin veut être l’easy.Jet du ferroviaire et proposer une vingtaine de trains omnibus pour les déplacements domicile-travail en les rendant accessible à tous. « Notre objectif est de prendre des parts de marché à la voiture en s’adressant à ceux qui se déplacent quotidiennement pour aller travailler. La plupart le font en voiture, car pour être « commuters » en TGV aujourd’hui, il faut pouvoir consacrer 6 000 à 7 000 euros à ses déplacements. Seuls les plus riches et les cheminots qui ne payent pas le train peuvent se le permettre », constate le concepteur de Speed Kevin, Laurent Fourtune. Cet ancien directeur des Opérations d’Eurotunnel (qui est aussi passé par IDFM et la RATP) veut jouer sur les prix en s’inspirant de l’expérience italienne. « En baissant les tarifs de commuting de 30 %, il a été possible d’y doubler le trafic des commuters », rappelle-t-il.  

Avec cette offre, Laurent Fourtune entend apporter sa pierre à l’édifice et contribuer au doublement de la part du ferroviaire comme le souhaite Jean-Pierre Farandou. « Comme les autres nouveaux entrants, nous allons aiguillonner SNCF voyageurs et la pousser à faire mieux », dit il, persuadé que la demande est là. « Malgré le prix élevé des trains, ils sont complets. Il faut en ajouter. Et comme l’argent public manque, il y a un vrai enjeu à trouver de l’argent privé »,  conclutt le patron de Kevin Speed.


Midnight Trains rêve d’hôtels sur rail

Après avoir vendu sa société KissKissBankBank, Adrien Aumont souhaitait lancer un projet compliqué. Il ne pouvait pas mieux trouver que le secteur ferroviaire, affirme-t-il aujourd’hui. A cela s’ajoute sa volonté de faciliter ses voyages en Europe (son amie a peur de l’avion) tout en ayant le moins possible d’impact environnemental. D’où l’idée de relancer des trains de nuit, plus exactement de les réinventer avec des couchages privatifs, une literie confortable, une bonne sonorisation et des lieux de vie à bord : restaurant, bar…, le tout avec une fréquence quotidienne, permettant de connecter les grandes villes d’Europe situées entre 800 et 1 500 km de Paris.

Adrien Aumont mise aussi sur le digital pour la distribution… et tout le reste. « En cas de retard, nous voulons pouvoir rembourser les voyageurs avant même qu’ils n’arrivent à destination, sans formalités à réaliser » Ces « hôtels ferroviaires » seront proposés à un prix compétitif. « Un tarif équivalent à ce qu’un voyageur dépense en avion, en prenant en compte les options (bagages en soute et réservation des sièges) et le prix du taxi pour se rendre à l’aéroport. Le train de nuit étant cher à produire, nous ne pouvons pas le vendre à bas prix, mais voyager avec nous ne coûtera pas plus cher qu’en avion », promet le fondateur de Midnight Trains.

La future compagnie table aussi sur la clientèle d’affaires qui pourrait représenter 30 % des voyageurs. « Voire davantage. Car si le choix d’un voyage bas carbone est un choix moral pour le particulier, pour les sociétés, c’est une obligation. Nous avons la sensation que le voyage professionnel sera un marché important et allons proposer un produit de qualité pour y répondre »

Ewa

Infrastructures de transport : quels choix pour les dix ans à venir ?

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Le Conseil d’orientation des infrastructures doit remettre début janvier son nouveau rapport sur les grandes priorités dans les transports entre 2023 et 2032. Avec trois scénarios chiffrés plus ou moins ambitieux. L’Etat choisira-t-il de l’être pour le ferroviaire ?

Manque de conducteurs, rails cassés, grèves, retards, zones à faibles émissions dans les métropoles… 2022 s’est achevé sur un air de galère dans les transports. Début 2023, les sujets qui fâchent les Français dans leurs déplacements quotidiens, professionnels ou de loisirs sont toujours là. Le Conseil d’orientation des infrastructures (COI) devrait présenter dans les prochains jours son nouveau rapport sur les grandes priorités dans les transports entre 2023 et 2032. Avec trois scénarios chiffrés plus ou moins ambitieux, et une hiérarchisation des investissements à consentir.

L’arbitrage financier de l’Etat sera déterminant pour les grands projets d’infrastructures de la prochaine décennie : réseau ferroviaire, RER métropolitains, routes, ports, voies navigables, aéroports. Déterminant aussi pour le climat. Très attendu par la profession, l’Etat sera-t-il au rendez-vous ?

La date des possibles annonces du gouvernement n’est pas laissée au hasard : la remise du rapport du COI commandé par le ministre des Transports est calée avant le 10 janvier. Juste avant la présentation par le gouvernement de la réforme des retraites. Pour ne pas risquer d’être éclipsé par un sujet oh combien plus attendu.

Les experts du COI auraient élaboré trois scénarios, évoqués mi-décembre par Les Echos : un timoré à environ 20 milliards d’euros dans les cinq prochaines années. Un très ambitieux à plus de 30 milliards sur la même période, et un scénario médian, dit de « planification écologique » avec une enveloppe de 26 à 28 milliards. Avec un gros effort pour la régénération du réseau ferré, à bout de souffle. Plutôt que de lancer des LGV. 

Ne voulant rien dévoiler avant la remise officielle du rapport au gouvernement, les membres du COI que nous avons interrogés n’ont pas démenti. Le député des Vosges, David Valence (Parti Radical) qui préside le COI n’a pas voulu les confirmer, assurant seulement que le report de la présentation du rapport initialement prévu avant Noël était sa décision, « pour caler quelques derniers détails techniques ». 

Les arbitrages financiers, notamment dans le ferroviaire, qui seront dévoilés début 2023 seront-ils à la hauteur des attentes ?

Nous avons interrogé le responsable mobilité du Réseau Action Climat qui a présenté fin 2022 un « vrai plan d’investissement dans les infrastructures du transport ».
N.A

Interview

 » Pour l’Etat, c’est l’heure de vérité » : Valentin Desfontaines, responsable mobilités durables chez Réseau Action Climat.

Ville, Rail & Transports  : Le jour où le COI devait remettre au gouvernement son rapport sur les investissements nécessaires dans les infrastructures de transport, Réseau Action Climat publiait le sien, et le qualifiait de « vrai plan d’investissement ». Quel est le faux ?
Valentin Desfontaines  : Nous attendons énormément du rapport du COI : plusieurs dizaines milliards d’euros seront investis dans les infrastructures de transport alors même que depuis un an, les Français ont vécu une augmentation sans précédent du prix du carburant, et se rendent compte que le manque d’investissement dans le réseau ferroviaire a des conséquences sur l’offre de transport. C’est devenu encore plus concret en 2022.
Le rapport du COI est une vraie opportunité et pour l’Etat, c’est l’heure de vérité. Soit il envoie un signal fort en mettant un vrai coup d’accélérateur pour développer les transports publics, les infrastructures cyclables, les transports collectifs urbains. Soit, il joue le statut quo, continue de construire des nouvelles routes et de créer de la dépendance à la voiture. Sans tirer les leçons de ce qui est en train de se dérouler sous nos yeux.

Quelles sont vos attentes ?
Il faut que le gouvernement prenne un vrai virage politique et mette fin à de très nombreux projets routiers : il en existe une cinquantaine ! Construire de nouvelles routes pour répondre à des problèmes de congestion du trafic, serait totalement anachronique et contre-productif. Renoncer à des nouvelles routes permettrait d’entretenir le réseau routier existant et de réaliser des infrastructures alternatives à la voiture.

Vous proposez un moratoire sur les projets routiers et surtout une règle d’or climatique et environnementale : c’est quoi ?
Elle serait appliquée à chaque nouveau projet d’infrastructure de transport, routier, ferroviaire ou autre. Il s’agit de calculer son bilan carbone et son impact sur l’artificialisation des sols et la biodiversité. Cette règle d’or permettrait d’autoriser de financer uniquement les projets qui témoignent d’un bilan environnemental bénéfique sur le long terme. En calculant le trafic induit et le report modal (de la voiture vers des transports moins polluants) généré par le nouveau projet. S’il entraîne davantage d’émissions de gaz à effet de serre, il faut l’abandonner et arbitrer en faveur des projets ayant véritablement des impacts climatiques positifs. Avec une consultation et un débat publics organisés au préalable. Le COI est bien placé pour faire ce travail.
A lui seul, l’abandon des 50 nouveaux projets routiers permettrait d’économiser plus 12 milliards d’investissements publics. Soit plus de la moitié des 22 milliards d’euros supplémentaires nécessaires pendant le quinquennat pour entretenir les routes, développer le transport ferroviaire et le vélo.

Vous demandez l’interdiction de nouveaux aéroports ou leur extension 
Un tas de projets aéroportuaires sont sur la table en France et sont sortis des radars du réchauffement climatique. On ne parle pas de petits aéroports régionaux, mais d’une dizaine d’extensions : à Nice, Marseille, Lille, Roissy Charles de Gaulle. Ces projets avancent. Or, la décarbonation du trafic aérien passera notamment par la baisse du trafic. Au vu du temps qu’il nous reste pour ralentir le dérèglement climatique, de la maturité des filières électriques et hydrogène, des réserves disponibles en biocarburants, une part de la réduction des émissions de gaz à effet de serre passera aussi par moins d’avions. 

Vous demandez 3,5 milliards d’euros d’investissements supplémentaires pour le réseau ferroviaire.
V. D.  : C’est un minimum. Il faut engager un vrai plan de relance ferroviaire en investissant au moins trois milliards et demi de plus par an sur le réseau, pendant dix ans. Pour entretenir les lignes structurantes et les petites lignes. Pour permettre aussi de le moderniser et notamment de développer les RER métropolitains, le fret ferroviaire et les trains de nuit. Plusieurs pays ont annoncé des plans d’investissements massifs dans leurs réseaux ferroviaires : 8,6 milliards par an en Allemagne, 19 milliards en Italie. La France investit en moyenne 5 milliards d’euros par an…

Vous vous attendez à un signal fort envoyé par l’Etat en faveur du ferroviaire, après la publication du rapport du COI ?
Le train occupe enfin le terrain. Mais les investissements seront-ils suffisants ? Les montants arbitrés montreront le niveau d’ambition de l’Etat. 1 200 km de petites lignes ont fermé ces dernières années, La réalité, c’est ça ! Et combien mettra-t-il sur la table pour avancer vite sur les RER métropolitains ? 

Propos recueillis par Nathalie Arensonas

Ewa

« Le réchauffement climatique n’est pas pris en considération dans la conception des projets de transport »

Pascal Rey

Toute une dimension du changement climatique n’est pas -ou rarement- prise en compte : la résilience des infrastructures. Si les entreprises mesurent leur empreinte carbone et cherchent à l’atténuer (voire à la compenser), peu cherchent en effet à rendre résilientes leurs infrastructures. Or les pics de chaleur, les inondations ou les incendies qui se sont multipliés cet été devraient leur donner à réfléchir.

Côté SNCF, les patrons des 5 SA viennent seulement d’en prendre conscience si l’on en croit les équipes qui travaillent sur le sujet, puisque le premier comité stratégique sur l’adaptation des infrastructures vient seulement de se tenir fin novembre.

Dans le cadre d’un dossier publié ce mois-ci, Ville, Rail & Transports a interrogé des experts sur ce thème qui devrait prendre de plus en plus d’importance car il nécessite des millions et des millions d’euros pour se préparer. Faute de quoi, les assurances pourraient refuser de prendre en charge certains dommages…

Docteur en géographie du développement et ingénieur en agroéconomie, Pascal Rey, PDG du bureau d’études Insuco, spécialisé en sciences et ingénierie sociales, présent dans plus de 40 pays, pointe les risques. Pascal Rey est également chercheur associé à l’IFSRA et enseignant vacataire à l’école des Mines et à Agro Paris Tech.

Ville, Rail & Transports. Que vous enseignent les chantiers à l’étranger sur lesquels vous avez récemment travaillé ?

Pascal Rey. Au Gabon, où nous avons travaillé sur le train transgabonais, on observe ces dernières années une très forte hausse des précipitations. Et des inondations qui n’existaient pas avant, ce qui entraîne notamment une érosion des talus, des éboulements… Sur le train qui relie Djibouti à Addis-Abeba en Ethiopie, construit par des entreprises chinoises avec des normes beaucoup moins contraignantes que celles que nous devrions appliquer, le tracé est soumis à des températures qui sont souvent au-delà de 45°. Ce qui impacte la symétrie des voies, avec des effets de dilatation, alors que le chantier a été livré il y a seulement quatre ans. Dans les deux cas comme ailleurs, les travaux ne prennent pas en compte les effets à venir du réchauffement climatique.

VRT. Que voulez-vous dire ?

P. R. Le réchauffement climatique, c’est pour tout de suite. Mais alors qu’il existe de nombreuses études réalisées par le monde, y compris en Afrique, on assiste à un manque de communication entre ceux qui recueillent les données et les décideurs politiques. On sait que le niveau de la mer augmente, qu’il va falloir revoir les digues, les tracés, mais aussi prendre en compte les migrations liées à une augmentation du niveau de la mer. A quoi bon réparer ou entretenir les infrastructures actuelles si, dans quelques années seulement, plus personne n’habite ici, quand la montée du niveau de la mer obligera les populations à fuir vers l’intérieur des terres ? C’est d’abord là qu’il y aura besoin de routes ou de voies de chemin de fer. Il faudrait vite revoir les cartes en fonction non seulement de l’eau qui va commencer à chatouiller les voies de communication mais aussi des impacts directs qu’auront les mouvements de populations.

Ville, Rail & Transports. Quels effets sur le transport observez-vous qui soient déjà dus au réchauffement climatique ?

P. R. Les fortes chaleurs impliquent un dysfonctionnement du câblage, avec des systèmes de signalisation qui sautent, les systèmes électriques étant soumis à de trop fortes chaleurs. Les risques d’incendie se multiplient. En zone de montagne, on assiste à des éboulements, à des conséquences de l’érosion. En bord de mer, on assiste à des phénomènes d’érosion côtière.

« ON SAIT QUE LE NIVEAU DE LA MER AUGMENTE, QU’IL VA FALLOIR REVOIR LES DIGUES, LES TRACÉS, MAIS AUSSI PRENDRE EN COMPTE LES MIGRATIONS LIÉES À CE CHANGEMENT CLIMATIQUE. A QUOI BON RÉPARER OU ENTRETENIR LES INFRASTRUCTURES ACTUELLES SI, DANS QUELQUES ANNÉES SEULEMENT, PLUS PERSONNE N’HABITE ICI ? »

VRT. Que faudrait-il faire ?

P. R. Il faut prendre en compte ce qu’on voit et s’interroger sur comment, si les températures augmentent dans quelques dizaines d’années, les matériaux actuels résisteront à ces nouvelles contraintes. La solution, c’est que les constructeurs et les investisseurs comprennent que réparer au fur et à mesure coûtera beaucoup plus cher que de fixer d’ores et déjà des normes internationales drastiques, de les respecter et d’anticiper les risques. Plutôt que de rattraper au fur et à mesure, voire de tout refaire.

Or la notion de réchauffement climatique n’est pas prise en considération dans la conception des projets : on s’intéresse aux impacts du projet sur le réchauffement climatique mais pas à l’inverse. Dans les plans quinquennaux d’aménagement du territoire, les projections ne sont pas là. On reste dans le maintenant, sans être capable de se projeter dans 30 ans et de prendre en compte les risques climatiques à venir.

VRT. Pourquoi ce manque d’anticipation ?

P. R. Cela augmenterait considérablement le coût des chantiers.

Si on prend l’exemple des sociétés chinoises, l’approche est de tout faire le plus vite possible, au moindre coût, notamment les routes en Afrique où rien n’est anticipé. On manque aussi parfois de données. Que sait-on de ce que sera un pays comme la Guinée dans 20 ou 30 ans ?

Mais, encore une fois, le coût à venir sera bien plus grand encore. Il faut faire de gros progrès par rapport aux normes internationales, pour y intégrer plus de précisions, une plus grande prise en charge des populations qui sont déjà impactées, et la préservation des écosystèmes. Il faut faire évoluer ces normes auprès des grandes institutions internationales. Il faudrait d’ores et déjà être plus dans le concret, inventer un aménagement du territoire qui planifie, qui anticipe la résilience des infrastructures.

VRT. Des pays montrent-ils l’exemple ?

P. R. La République Dominicaine a pris les problèmes à bras-le-corps. Le Canada ou les Pays-Bas, aussi, savent repenser l’aménagement du territoire.

Ailleurs, on reste dans des normes à sens unique, qui posent la question de l’impact actuel des chantiers sur le réchauffement climatique. Mais qui n’anticipent pas que le réchauffement est déjà là et demandent comment on va faire face aux conséquences inéluctables à venir. Sachant que l’un ne doit pas empêcher l’autre.

Propos recueillis par Alexandre Duyck

Retrouvez notre dossier complet sur « les transports face au réchauffement climatique », dans le numéro de décembre de Ville, Rail & Transports. 

Ewa

Une appli pour surveiller le réseau ferré

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SNCF Réseau a annoncé le 12 novembre le déploiement d’une solution digitale mise au point avec Capgemini pour surveiller ses installations et ses 30 000 km de lignes. Actuellement, rappelle le gestionnaire des infrastructures, « le réseau ferré est télésurveillé et supervisé en permanence afin de détecter d’éventuelles défaillances techniques au niveau des voies, de la signalisation, des caténaires, des passages à niveaux ou encore des aiguillages ». Différents systèmes assurent cette supervision.

Pour améliorer ses performances, SNCF s’apprête à déployer une nouvelle application interactive et mise à jour en temps réel, permettant d’être plus réactif pour gérer les incidents. Grâce à cette solution digitale, les équipes chargées de la maintenance sont alertées en temps réel et mobilisées au moyen d’une application mobile géolocalisant précisément les incidents.

Elle permet aussi de mieux informer les voyageurs. « En effet, en cas d’aléas, l’application communique en temps réel les données relatives à l’opération de maintenance concernée (délais d’acheminement, heures d’arrivée sur place, délais d’intervention, etc.). Ces informations sont instantanément mises à disposition des opérateurs ferroviaires qui peuvent ainsi informer au mieux les voyageurs », indique SNCF Réseau dans un communiqué.

Cette application, utilisée depuis le 1er juillet 2020 sur la région Auvergne Rhône-Alpes, va être progressivement déployée dans toutes les régions entre 2021 et 2022, annonce le gestionnaire du réseau. Elle fait partie du programme de transformation digitale des métiers de SNCF Réseau. « Globalement, nous allons passer d’une maintenance très systématique à une maintenance au plus près des besoins, plus précise et en temps réel : la maintenance du réseau au bon moment et au bon endroit. C’est un pas de plus vers le réseau haute performance ! », résume Olivier Bancel, le directeur général adjoint Production, SNCF Réseau.

M.-H. P.

Ewa

Une convention pour redonner à l’Ardèche une ligne TER sur la rive droite du Rhône

Train de fret à Serrières (Ardèche)

Va-t-on vers le retour des trains de voyageurs en Ardèche, véritable serpent de fer -ou Arlésienne- de l’histoire du ferroviaire rhônalpin ? Car, après l’annonce du projet de réouverture de la ligne sur la rive droite du Rhône en avril 2019 puis une délibération de la Région, une convention entre la région Auvergne-Rhône-Alpes et SNCF Réseau a été signée ce vendredi 10 janvier. Elle apparaît comme le premier acte pour concrétiser un projet réclamé depuis belle lurette par tout le monde, élus locaux et associations d’usagers en tête, sans compter les exécutifs… régionaux précédents. Le projet est une affaire qui dure…

600 000 euros pour les études

Pour l’heure, la convention porte sur la prise en charge par la Région (pour 600 000 euros) des études d’avant-projet permettant le lancement des travaux. Les études sont prévues entre 2020 et 2022 pour définir précisément les besoins, le programme et la planification de l’opération. Encore deux ans de travaux, et le service voyageurs devrait être opérationnel en 2025.

Un calendrier qui laisse entrevoir une réalisation sérieuse d’un projet qui en a vu d’autres. Rappelons que le trafic voyageurs SNCF roule sur la rive gauche du Rhône tandis que la rive droite est affectée au fret (environ 70 trains/jour). Il s’agit donc de faire cohabiter les deux trafics en rouvrant la ligne fermée aux trains voyageurs en 1973 (l’Ardèche était alors devenu le seul département sans trains voyageurs).

Les élus régionaux justifient cette décision par « le soutien au développement et aux impératifs du quotidien du territoire ardéchois dans des délais raisonnables ». Il y a une douzaine d’années, une convention interrégionale entre Rhône-Alpes, PACA et Languedoc-Roussillon avait manifesté de grandes ambitions à partir de l’Ardèche vers Nîmes et Aix. Le soufflé était vite retombé.

Et un investissement total de 16 millions

« La Région a fait le choix d’un projet simple et concret, finançable et évolutif au besoin » a résumé Laurent Wauquiez, président de la région. L’objectif est d’assurer la desserte des gares de Romans, Valence TGV et Ville, Livron grâce à la (ré)ouverture de trois gares au Teil, au Pouzin et à Cruas.

Sept trains A/R TER par jour pour 250 voyageurs devraient emprunter la ligne qui permettra également une connexion au TGV/TER depuis Le Teil vers Valence TGV et vers Valence en 50 et 40 minutes. L’investissement pour la réouverture est estimé à 16 millions d’euros, et le coût de fonctionnement à 7-8 millions d’euros par an. « Il faudra que tout le monde se mette autour de la table pour financer et assurer le fonctionnement de la ligne » a prévenu Laurent Wauquiez. Un appel et une affaire à suivre.

Claude Ferrero

Ewa

Pour Benoît Simian, le PLF ne règle toujours pas les besoins structurels de financement des transports

Benoît Simian député de la Gironde LREM.

Benoît Simian est l’un des rapporteurs spéciaux à l’Assemblée nationale du volet transport du projet de loi de finances 2020. Le député LREM de la Gironde propose notamment la fin des concessions autoroutières et le versement des recettes des péages autoroutiers d’un montant de 2 milliards annuels à l’AFITF. Il s’en explique à VRT.

 

Ville, Rail & Transports : Quel regard portez-vous sur le volet transports du projet de loi de finances 2020 ?

Benoit Simian : C’est un budget historique pour le financement des infrastructures de transport puisqu’il prévoit 7,5 milliards d’euros de crédits en hausse de 8,5 % par rapport à l’année précédente. L’Agence de financement des infrastructures de France bénéficiera de 3 milliards d’euros de recettes fiscales, ce qui représente une hausse de plus de 500 millions d’euros comparé à 2019. Cette augmentation est permise par l’affectation d’une éco-contribution sur les billets d’avion qui rapportera 230 millions d’euros en 2020 et par le versement d’une fraction exceptionnelle de TICPE de 381 millions.

C’est une bonne nouvelle. Il y avait urgence vu la dégradation des réseaux routier, ferroviaire et même fluvial. La trajectoire de l’Afitf est satisfaisante pour les dix ans à venir. Mais après ? il y a de quoi être inquiet car on ne règle pas les besoins structurels de financement.

Il faut penser dès maintenant à l’avenir et trouver des recettes pérennes, innovantes.

C’est pourquoi je propose la renationalisation des autoroutes à la fin des concessions et l’affectation à l’AFITF des recettes des péages de quelque 2 milliards d’euros annuels. Je suggère aussi de mettre en place un « pass camion régional» sur le modèle de ce qu’a décidé la Communauté européenne d’Alsace, dans le but de percevoir une redevance d’utilisation de l’infrastructure routière. Malheureusement, je n’ai pas été entendu alors que cette taxe permettrait de financer les lignes ferroviaires de desserte fine du territoire. Là aussi, il y a urgence car, si l’on en croit le rapport que le préfet Philizot a remis au gouvernement cet été, il faudrait 700 millions d’euros par an pendant dix ans pour remettre en état ces petites lignes.

Toutes les solutions que je propose sont profondément décentralisatrices.

 

VRT : Vous dites que l’on peut réduire le montant des investissements pour ces petites lignes.

B. S. : Si on baisse les standards du réseau, c’est-à-dire les référentiels de maintenance sans réduire la sécurité, et si on recourt à des matériels plus légers ou innovants comme le train à hydrogène, on peut abaisser ces coûts de l’ordre de 100 à 200 millions d’euros par an, ce qui n’est pas négligeable.

 

VRT : Y a-t-il des orientations qui vous inquiètent ?
B. S. :
Le taux de réalisation des CPER (contrats de plan Etat-Région) est historiquement bas. A priori, les CPER devraient être prolongés. Mais il y a un risque de poursuivre des programmations dont certaines ont été étudiées il y a longtemps et qui peuvent ne plus être d’actualité. Par exemple le projet d’électrifier une ligne peut être obsolète si on envisage désormais la commande de trains à hydrogène.

J’appelle à entrer dans une nouvelle ère : ne pas trop promettre et faire ce qu’on dit.

 

VRT : Y a-t-il toutefois, selon vous, des innovations dans le PLF ?

B. S. : On a créé, dans le PLF, un compte spécial pour la reprise de la dette de la SNCF ce qui est à saluer. Le gouvernement s’est engagé à reprendre dans un premier temps 25 milliards d’euros. Cette année, la reprise s’élève à 400 millions. La reprise de la dette va se faire sur des années mais ainsi, on permet aux contribuables de voir où on en est.

De mon côté, je propose d’autres innovations. L’une concerne le fret qu’il ne faut pas oublier : je suggère de mettre en place non seulement des sillons à des horaires intéressants mais aussi des redevances d’utilisation des infrastructures incitatives pour le fret, allant pourquoi pas jusqu’à la gratuité. L’urgence écologique le justifie.

Propos recueillis par Marie Hélène Poingt

Pour lire le rapport sur le PLF : ici

Ewa

La Fnaut réclame la fin du « malthusianisme ferroviaire »

Voyageurs TER - Gare de Metz

Si la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) se montre farouchement opposée « à de nombreux grands projets coûteux et inutiles ou surdimensionnés » (aéroport Notre-Dame-des-Landes, Canal Seine – Nord, autoroutes urbaines comme par exemple la rocade de Rouen, ou même certains projets de transport collectifs comme les lignes 17 et 18 du Grand Paris), elle réclame toutefois la sortie de la « pause » annoncée en juillet dernier par le gouvernement et l’arrêt du « malthusianisme ambiant » dans le ferroviaire.

Selon elle, en effet « on ne cesse de réduire les fréquences et les dessertes. Or, si on se fie aux prévisions qui montrent une hausse des besoins de mobilité à l’avenir, il faudrait se mettre en position d’accueillir 3 à 4 % de voyageurs par an en plus dans les prochaines années », estime Bruno Gazeau, le président de la Fnaut.

« Ce qui est à la mode aujourd’hui, c’est d’attendre tout des nouvelles mobilités, du véhicule autonome… Mais ce n’est pas parce que ces nouvelles technologies arrivent qu’elles changeront à elles seules fondamentalement la donne. Seuls les grands investissements provoquent des basculements vers le ferroviaire ou les transports collectifs urbains », affirme Jean Sivardière, vice-président, en plaidant pour un réseau bien maillé où transports du quotidien et grands projets se complètent et s’alimentent. Un exemple selon la Fnaut : les lignes nouvelles Bordeaux – Toulouse, Montpellier – Perpignan et Marseille – Nice visent à augmenter la capacité du rail au bénéfice des TER, des Intercités et du Fret et pas seulement à augmenter la vitesse des déplacements sur LGV. Il faut aussi prendre en compte les effets bénéfiques du TGV qui émet 36 fois moins de gaz à effet de serre par voyageur-km que l’avion court-courrier et 16 fois moins que la voiture. Et Jean Sivardière de s’interroger : « Partout ailleurs, en Grande-Bretagne, en Allemagne, au Luxembourg, en Suisse ou en Chine, on investit massivement dans les systèmes ferroviaire et urbain. Pourquoi cela s’arrêterait-il en France ? »

Si la priorité donnée à la rénovation du réseau existant lui va bien, la Fédération demande aussi un examen des grands projets « au cas par cas » et un tri « rationnel », se basant sur une analyse des besoins actuellement « sous-estimés ».

Pour renforcer les possibilités de financements, à un niveau insuffisant aujourd’hui, elle revendique de longue date une hausse de la TICPE d’un centime par litre de carburant routier qui permettrait de financer les grands projets et tout particulièrement ceux qu’elle juge prioritaires : le quatrième appel à projets de mobilité urbaine durable (TCSP urbains, RER, vélo), la ligne nouvelle Montpellier – Perpignan et les LGV Bordeaux – Toulouse et Marseille – Nice pour desservir les aires urbaines (avec respectivement 1,3 million et 1 million d’habitants) et gagner du trafic face à l’avion ou la route.

M.-H. P.