En février 2023, Elisabeth Borne annonçait 100 milliards d’euros pour les transports, avec une priorité absolue au réseau ferroviaire et aux trains du quotidien. Huit mois plus tard, Emmanuel Macron lançait un autre cri du cœur mais, cette fois, pour la voiture : « On est attaché à la bagnole, on aime la bagnole. Et moi je l’adore », déclarait le 24 septembre le chef de l’Etat au journal télévisé de France 2 et TF1, en présentant sa politique de planification écologique. D’un côté, un plaidoyer en faveur de la reconversion électrique du secteur automobile. De l’autre, la promesse de 700 millions d’euros pour les RER métropolitains qui doivent permettre de favoriser le « transfert de la voiture individuelle vers des transports collectifs moins émetteurs ».
« Après les déclarations d’amour de l’exécutif aux transports collectifs, j’attends des preuves d’amour », a rebondi le 3 octobre Marie-Ange Debon, patronne de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP), avant la présentation devant la presse des conclusions du nouvel Observatoire de la mobilité réalisé avec l’Ifop (1). Il révèle que 79% des urbains se déclarent dépendants à la voiture, que 52% sont seuls à bord, mais qu’une majorité de ces accros au volant se dit prête à modifier ses pratiques de déplacements, à condition que l’offre de transport collectif tienne la route. Ni la prise de conscience écologique, ni le prix, ni l’amélioration du sentiment de sécurité ne déclencheraient cette conversion. Le levier d’action, c’est une meilleure offre de transport public. De l’eau au moulin du syndicat patronal du secteur qui défend depuis des mois » un choc d’offre« . C’est-à-dire, des bus, des tramways, des métros, des RER, des trains régionaux plus fréquents, plus verts, et donc, plus d’aides de l’Etat aux collectivités locales pour financer les investissements nécessaires.
En plein projet de loi de Finances pour 2024 et à la veille du débat parlementaire sur le budget qui sera consacré aux Transports (en progression de 13% dans le PLF mais avec de nombreuses inconnues), Marie-Ange Debon a formulé plusieurs demandes au gouvernement. A commencer par un effort de 1,5 milliard d’euros pour régénérer et moderniser le réseau ferré qui est hors d’âge comparé à ses voisins européens (35 ans de moyenne d’âge contre 17 ans en Allemagne). Et dès 2024, une enveloppe annuelle de 300 millions d’euros. « Il faut que les crédits financiers apportés par l’Etat soient là et soient phasés « , insiste la présidente de l’UTP qui a vu son mandat récemment renouvelé pour deux ans, alors qu’il devait revenir au pdg de la RATP, Jean Castex, cherchant à traverser sans trop d’encombre l’épreuve des Jeux olympiques de Paris.
Pour les transports urbains et le fameux choc d’offre, censé attirer des nouveaux usagers et in fine, faire reculer l’impact carbone des transports du quotidien, « il faut une programmation pluriannuelle, 500 millions d’euros par an pour les collectivités locales au lieu des politiques d’appels à projets par à-coups« , plaide la présidente de l’UTP qui dirige également Keolis, filiale de la SNCF. Le gouvernement a annoncé récemment un effort en faveur de 13 RER métropolitains (Bordeaux, Strasbourg, Lille, etc.), « mais n’a apporté aucune clarté sur les transports urbains, et reste flou sur les transports du quotidien« , critique-t-elle.
« En France, 83% des kilomètres sont réalisés en voiture, 21% seulement en transports collectifs », rappelle Thierry Mallet, patron de Transdev et vice-président de l’UTP. Dans l’urbain, on a fait le plein, pour réussir du transfert modal, il faut maintenant aller dans le périurbain, sans stigmatiser la moitié des Français qui vivent en zones peu denses et ont besoin de leur voiture« , poursuit-il. C’est la leçon du mouvement des gilets jaunes qui a bientôt cinq ans. Là où les leviers d’action sont possibles, c’est pour les 41% d’urbains qui prennent quotidiennement leur voiture : selon le nouveau Baromètre de la mobilité, plus de la moitié d’entre eux seraient prêts à prendre les transports collectifs s’ils étaient plus nombreux, et plus proches. Et 47% si les contraintes publiques augmentaient (zones à faibles émissions, stationnement payant). La carotte ou le bâton ?
Quant aux 35% des urbains interrogés par l’Ifop qui déclarent avoir le sentiment de ne pas pouvoir accéder à pied à un arrêt de transport en commun, même quand il est à moins de 10 ou 15 minutes de marche, c’est sur la perception des transports collectifs que vont devoir s’atteler les professionnels et les élus. Ils ont rendez-vous à Clermont-Ferrand dans deux semaines, du 17 au 19 octobre, aux Rencontres nationales du transport public (RNTP).
L’UTP va maintenant jouer sur ses réseaux parlementaires pour porter des amendements lors de la discussion du budget qui démarre en octobre. L’organisation professionnelle demande aussi une pérennisation de la prise en charge des abonnements de transport public par les employeurs à hauteur de 75% (c’est déjà acté dans la fonction publique), et la lutte contre la fraude qui coûte 600 millions d’euros par an aux opérateurs. La plateforme de vérification des adresses des contrevenants devrait finalement être gérée par l’Imprimerie nationale.
N.A