
« Fluctuat nec mergitur », la devise de la Ville de Paris, communément traduite par « Il est battu par les flots, mais ne sombre pas », se révèle un choix tout à fait logique à l’aune de l’histoire d’une cité qui a tiré de la Seine sa richesse, mais qui a aussi subi les humeurs d’un fleuve aux crues violentes. Une menace ancienne. La plus grande crue qu’aurait connue Paris a eu lieu en 1658, la Seine montant alors jusqu’à 8,81 m (selon les instruments de mesure de l’époque). Plus proche de nous, la crue de 1910 – qualifiée de centennale – et ses 8,62 m sur l’échelle hydrométrique du pont d’Austerlitz a durement touché la capitale et son alors tout jeune réseau de métro. La moitié de celui-ci a été totalement fermée pendant de longs mois. Certains voyageurs circulant même en barque dans des tunnels inondés ! A peine ouverte, la ligne 4 fraîchement inaugurée doit même fermer. Le Zouave du pont de l’Alma qui rend hommage aux soldats d’Afrique du Nord tombés pendant la guerre de Crimée devient l’indicateur préféré des Parisiens pour déterminer la puissance d’une crue. En 1910, la sculpture avait les épaules immergées.
Touchée par deux crues majeures, en juin 2016 et tout récemment en janvier 2018, la ville a connu deux rappels de cette implacable réalité. Et elle attend toujours la crue centennale, cette « crue du siècle » qui détrônera celle de 1910 dans la mémoire collective des Parisiens. Devant ce risque, la ville se prépare, tout comme la RATP, dont près de la moitié du réseau de métro est exposée aux inondations provoquées par les crues.
Le 11 décembre dernier, les équipes de la RATP participaient à une répétition générale sur le parvis de la station Balard (ligne 8), dans le XVe, un arrondissement particulièrement vulnérable en cas de crue. Ce test grandeur nature du déploiement du plan de protection contre le risque inondation (PPRI) a été étalonné sur la crue de 1910. A l’époque, la place Balard était noyée sous 80 cm d’eau, une mesure qui sert de référence pour l’exercice du jour. La RATP a aussi pu tester à cette occasion la réactivité de ses partenaires externes qui interviennent notamment dans la chaîne logistique.
Une quarantaine d’agents étaient mobilisés pour édifier des protections en aluminium et en parpaings. La première pour protéger un poste éclairage force (PEF), tandis que de l’autre côté de la rue, c’est une bouche d’aération qui devait être préservée de l’eau. Les agents ont sécurisé le PEF en deux heures (contre trois initialement prévues), tandis que la structure en parpaings a demandé huit heures de travaux et la mobilisation d’importants moyens : une bétonnière, de nombreux parpaings et encore plus de sacs de ciment. Cette solution, lourde à mettre en place, présente tout de même l’intérêt d’édifier des structures à la dimension que l’on souhaite. Pour son nouveau système en aluminium, la RATP s’est tournée vers la solution amovible K-System développée par IBS, un fabricant allemand représenté en France par ESTHI. Ce système de batardeau sans fondation est beaucoup plus rapide à monter, il demande également beaucoup moins de personnels pour son installation, un enjeu crucial pour la RATP.
Pour tester tous les échelons de la chaîne de décision, une cellule de crise qui réunit l’ensemble des acteurs concernés en interne a également été mise en place. Elle devra notamment assurer la gestion de crise en bonne intelligence avec les équipes municipales.
L’entreprise de transport a identifié 400 points d’infiltration potentiels à protéger pour éviter une inondation du réseau en cas de montée importante des eaux de la Seine et de la Marne. 140 km de réseau ferré se trouvent en zone inondable et 70 stations de métro sont considérées comme particulièrement sensibles. L’ouvrage, centenaire, demande une surveillance constante des équipes de la régie. En cas de crue centennale, si rien n’était fait et que le réseau se trouvait inondé, la note à payer serait salée. A la RATP, on l’estime à 3,5 milliards d’euros. Dans ce contexte, l’investissement initial d’environ six millions d’euros semble une évidence. L’entreprise est un des premiers opérateurs à disposer de son propre PPRI, validé par la région en janvier 2015. La RATP poursuit ainsi un double objectif. Le premier, c’est la préservation de l’infrastructure. Le
second est de parvenir à maintenir l’activité le plus longtemps possible. Dès le déclenchement du plan, plus de 1 000 agents, tous volontaires et formés spécialement pour faire face à ce type crise, peuvent être mobilisés.
Le directeur d’unité opérationnelle Equipements, Stations et Ouvrages d’art David Courteille, également coordinateur général du PPRI, explique l’intérêt de ce type de simulation : « Grâce à cet exercice nous pourrons aussi savoir combien de temps nous mettons pour tout monter afin de ne pas lancer les opérations trop tôt lors des véritables crues. »
Les enjeux sont considérables. En cas de crue centennale, entre quatre et cinq millions de personnes seraient directement touchées par le dysfonctionnement, voire l’arrêt complet de ces réseaux. D’autant plus que le réchauffement climatique fait peser une menace nouvelle sur la ville et son réseau de transport. S’il est impossible de prouver une corrélation entre réchauffement climatique et augmentation de la crue lente, les projections climatiques réalisées par Météo-France prévoient une augmentation des précipitations en hiver, sans augmentation du nombre de jours de pluie. Le bouleversement climatique augmente ainsi l’occurrence de pluies importantes en hiver à Paris. Des événements climatiques qui peuvent provoquer des crues rapides, comme celle de juin 2016, provoquée par trois jours de pluies intenses sur des sols déjà très chargés en eau. David Courteille explique : « On étudie évidemment l’impact du réchauffement climatique sur le profil des crues rencontrées. Nous constatons qu’il y a moins de crues hivernales qui sont plus prévisibles et plus de crues en période pré-estivale dont les effets sont bien plus difficiles à prédire. » Des événements aggravés par l’urbanisation grandissante et la « bétonisation » du fleuve. Quatre lacs-réservoirs permettent de mieux réguler les crues, mais en cas d’épisode de grande ampleur, ils ne permettront de diminuer que de 70 cm la hauteur de l’eau dans la capitale.
Une certitude : les équipes de la RATP seront amenées dans le futur à faire face à une crise tout à fait réelle et le Zouave du pont de l’Alma ne restera pas au sec bien longtemps. Cette simulation se révélera alors peut-être salutaire.
Samuel DELZIANI







Les voyageurs se connectent avec leur smartphone à la borne Wi-Fi du kiosque et s’ouvre alors une page Internet dédiée qui leur donne accès à des offres promotionnelles négociées par le partenaire BilletRéduc. Ils peuvent ensuite payer directement à la borne sans contact jusqu’à 20 euros ou via leur téléphone en rentrant leur numéro de carte bleue.
L’ouverture à la concurrence s’annonce comme un bouleversement du paysage des transports en Ile-de-France dont on a du mal à prendre la mesure. « Le sujet est complexe et de nombreuses incertitudes demeurent », annonce d’ailleurs Jean-Sébastien Barrault, président de l’association Optile. A commencer par le calendrier. La loi ferroviaire de décembre 2009 prévoyait une ouverture à la concurrence en Ile-de-France pour les bus et les cars en décembre 2024. Mais, fin novembre 2016, le Conseil d’Etat rendait un avis considérant qu’il fallait y soumettre les bus dès que possible et que les opérateurs d’Optile avaient de fait accepté d’être mis en concurrence dès la fin de la même année. « Personne n’avait envisagé cette échéance », assure M. Barrault. La date a été reportée au 31 décembre 2020, mais l’ensemble des opérateurs regroupés dans Optile ont contesté cette décision devant le tribunal administratif qui rendra sa décision début 2019. « Si nous n’obtenions pas gain de cause, il faudra se préparer. Ce qui est difficile sans connaître le périmètre des réseaux », déplore M. Barrault. On sait qu’il y en aura une quarantaine.
Christophe Boissier, directeur adjoint France de Transdev conteste aussi la date retenue. « Nous ne dénions pas la mise en concurrence, mais voulons qu’elle soit juste et équitable. Pourquoi les opérateurs historiques auraient-ils jusqu’à 2024 pour s’y préparer, alors que les autres devraient le faire quatre ans auparavant ? » Pour lui, il faut aussi profiter de l’occasion pour redessiner les lignes du réseau. Transdev souhaite donc la mise en place d’un phasage des appels d’offres. « Toute la concurrence ne pourra pas démarrer au 1er janvier 2025. Le bus en Ile-de-France c’est 25 000 conducteurs et 10 000 véhicules, rappelle-t-il. Si l’on veut que le voyageur sorte gagnant de la mise en concurrence, le prérequis, c’est que les choses se passent bien pour les transferts de personnel, que cela se fasse paisiblement », ajoute le directeur de Transdev qui souligne aussi la nécessité de réorganiser au préalable les dépôts. « Il y a aujourd’hui 70 entreprises différentes qui interviennent sur les réseaux de bus avec des organisations différentes, dans des dépôts différents. On va passer de 140 à 39 périmètres, il va falloir bien caler la réaffectation des dépôts afin d’arriver à une amélioration du service. » Enfin, Christophe Boissier insiste sur l’importance de disposer de cahiers des charges ouverts, « laissant la possibilité de proposer des choses novatrices, engageantes en matière de qualité de service ».

Les bus sont loin d’être le seul dossier. Les trains vont eux aussi s’ouvrir et Alain Krakovitch, directeur général Transilien et du pôle Mobilités du quotidien à la SNCF, rappelle les échéances franciliennes : « En matière de concurrence, à la SNCF les choses sont calées : ouverture en 2023 pour les trains hors RER, 2025 pour le RER E, 2033 pour les C et D, 2039 pour les A et B », qui, rappelons-le, sont exploités en commun avec la RATP. « La mise en place de la concurrence permettra à nos clients, les autorités organisatrices, d’avoir le choix, car aujourd’hui elles n’en ont pas d’autre que la SNCF, ce qui n’est pas sain », reconnaît M. Krakovitch. La SNCF affiche la sérénité, voyant dans la concurrence un levier de transformation qui devrait lui permettre d’améliorer sa compétitivité. « Notre objectif est qu’à partir de 2023 nous soyons choisis par Ile-de-France Mobilités. Pour cela il faudra avoir changé sur la qualité de service, la robustesse, proposer des informations voyageurs et savoir évoluer sur un réseau qui sera en travaux pour de nombreuses années. Nous voulons être jugés sur notre capacité à mettre en place de nouvelles offres, comme nous l’avons fait à Saint-Lazare, à lancer des projets comme Eole, la nouvelle ligne de la SNCF, ou encore à proposer des trams-trains. »

