
Tout juste à l’équilibre économique, les TGV low cost Ouigo passent le cap des dix ans avec un trafic passagers en constante progression, des nouvelles destinations en France et en Espagne, l’arrivée de nouvelles rames plus capacitaires, recyclées des services Inoui. La SNCF se donne par ailleurs un an de plus pour tester les trains classiques Ouigo, ex- Corail à bas prix.
Dans un récent sondage Louis Harris Interactive commandé par le Réseau Action Climat, les Français attendent en priorité des billets de trains moins chers. De quoi revigorer la SNCF et ses trains low cost Ouigo (TGV et trains classiques) qui proposent des tarifs à partir de 10 euros, pour un adulte (99 euros maximum, selon les règles du yield management), sans options. Depuis avril, dans les TGV Ouigo, les enfants de moins de trois ans voyagent gratuitement, sur les genoux d’un parent. Les moins de 12 ans paient toujours cinq euros. « Plus d’un client sur deux a voyagé pour moins de 25 euros en 2022, et les prix n’ont pas bougé en janvier 2023 avec le bouclier tarifaire », insiste la SNCF. Le quart de la clientèle Ouigo est jeune, 10% sont des seniors, 17% des familles.
Un quart du marché de la grande vitesse
Inaugurées en 2013, les doubles rames de TGV bleues et roses ont transporté 110 millions de passagers en dix ans (dont trois millions vers l’Espagne depuis le lancement de la destination en 2021). Soit un quart du marché de la grande vitesse ferroviaire. En 2022, le trafic Ouigo a atteint 24 millions de passagers (contre 17 millions avant le Covid), sur 60 destinations, avec un taux de remplissage moyen de 80% en semaine, 90% le week-end. « Chaque fois qu’on a mis un Ouigo sur les rails, en France ou vers l’Espagne, on a induit 20% de voyageurs en plus », a calculé Alain Krakovitch, dirigeant de SNCF Voyageurs, lors d’un point presse le 3 mai. Depuis 2017, la majorité des Ouigo partent depuis les gares centrales des villes. La SNCF dit vouloir lancer en 2024 la liaison Roissy-Toulon, et en prévoir trois autres en 2026, sans plus de précisions.
Objectif 2030 : doubler la mise avec 50 millions de voyageurs par an en Ouigo, sur les 200 millions attendus sur la grande vitesse ferroviaire. « Sans cannibaliser les TGV Inoui [les TGV classiques] », insiste Alain Krakovitch. Sur certaines liaisons, Toulouse et Montpellier par exemple, les TGV low cost de la SNCF ont toutefois remplacé des Inoui à certains horaires. « Cela arrive de moins en moins, s’il n’y a pas un marché pour les deux services, alors Ouigo se substitue aux Inoui. Si le marché est là, les deux services sont conservés », tempère Jérôme Laffon, directeur de Ouigo. Au total, depuis dix ans, le TGV low cost a pris 55 millions de voyageurs aux TGV classiques.
Ouigo, laboratoire industriel pour les TGV

Pour remplir son objectif de doublement du trafic passagers d’ici à 2030, la SNCF va mettre davantage de TGV Ouigo sur les rails : 50 rames doubles à partir de 2025 contre 38 aujourd’hui. Ces 12 rames supplémentaires sont d’anciennes Inoui arrivées à mi-vie qui vont être désossées, révisées et reliftées pour épouser le nouveau design de la gamme low cost. Les couleurs restent inchangées mais il y aura 1 306 places assises (deux fois 653 places) au lieu de 1 268, les banquettes disparaîtront pour permettre de doubler les espaces vélos (16 crochets au lieu de 8), d’augmenter celui des bagages, un « espace de convivialité » sera créé au milieu des rames. Et surtout, les sièges seront « plus confortables », indique Jérôme Laffon. Outre ces 12 rames supplémentaires, tous les trains actuels feront l’objet d’une rénovation. Les TGV M de nouvelle génération, actuellement en test sont, quant à eux, dédiés aux trains Inoui.
Comme dans l’aérien, le modèle économique du low cost ferroviaire repose sur le nombre de rotations poussées à leur maximum : une rame Ouigo circule 700 000 km par an, deux fois plus qu’un TGV classique. Un modèle inspirant pour les services Inoui ? « Ouigo est un laboratoire de maîtrise des coûts, d’optimisation du matériel roulant, avec une logique de rotation des rames importante. Nous commençons à préparer les rames Inoui la nuit, comme pour la maintenance des Ouigo », indique Alain Krakovitch. Pour les Ouigo trains classiques censés concurrencer la route (Paris-Nantes et Paris-Lyon entre 10 et 49 euros), la SNCF a créé une filiale de production afin de pouvoir mettre en place un certificat métier spécifique pour les cheminots affectés à ces services low cost. Appelé « 100% bord », cela signifie que les agents sont en mesure d’assurer l’ensemble des tâches nécessaires au service. « Cette certification, ce n’est pas une question de dumping social mais de sécurité ferroviaire », se défend le patron de SNCF Voyageurs.
En dix ans, les Ouigo n’ont pas gagné d’argent, mais n’en n’ont pas perdu. « On est à l’équilibre et les recettes commerciales servent à financer l’avenir de Ouigo : la maintenance et le renouvellement des rames, le développement des nouvelles liaisons », commente Alain Krakovitch. Récemment vers Quimper, La Rochelle et Perpignan depuis Paris, et en Espagne avec l’inauguration du Madrid-Alicante avec un arrêt à Albacete. « Ouigo Espagne arrivera en Andalousie avec Madrid-Séville et proposera cinq allers-retours avec un arrêt à Cordoue« , indique la SNCF qui prévoit « à terme, jusqu’à 30 départs quotidiens à travers l’Espagne, pouvant transporter jusqu’à 10 millions de voyageurs chaque année [à bord de] 14 rames TGV Alstom Euroduplex à deux niveaux (509 sièges).« Le modèle est exportable dans d’autres pays européens », commente Jérôme Laffon, sans préciser les pistes de développement.
Avec ses TGV et ses deux lignes de trains classiques Ouigo, la SNCF mène une stratégie d’occupation du terrain : « Ouigo est pour nous une manière d’occuper l’ensemble du marché, commente Alain Krakovitch. C’est un produit complémentaire d’Inoui, à prix bas, une manière d’anticiper l’ouverture à la concurrence ». Laquelle tarde à arriver sur le marché français de la grande vitesse ferroviaire. Plus encore sur les lignes intercités.
Nathalie Arensonas








