Quel est l’apport de « l’avis-bilan » sur le fonctionnement concurrentiel des transports terrestres présenté le 29 novembre par l’Autorité de la concurrence? Trop de barrières limitent le libre jeu de la concurrence dans le ferroviaire, estime l’institution, reprenant des discours maintes fois entendus et pointant pêle-mêle les difficultés d’acquisition du matériel roulant pour les nouveaux entrants, le montant élevé des péages d’utilisation de l’infrastructure et l’insuffisante qualité du réseau ainsi que les retards pris en matière de modernisation.
Or, selon cette institution, la concurrence est « un facteur puissant d’efficacité, de réduction des coûts, de qualité et de diversification de l’offre« . Elle peut même aider à atteindre des objectifs de développement durable, affirme son président, Benoît Cœuré. Dans ces conditions, faut-il baisser les redevances d’utilisation du réseau pour favoriser l’arrivée de nouveaux opérateurs? Mais alors comment renforcer les investissements sur le rail, s’interroge l’Autorité de la concurrence qui n’a pas de réponse et renvoie au travail notamment mené sur ce sujet par l’inspection générale des finances.
Elle ne voit pas de distorsion de concurrence entre SNCF Voyageurs qui doit verser une part de ses recettes pour rénover le réseau ferré au bénéfice de tous, alors que ses concurrentes en sont exonérées, voire payent des péages à des tarifs préférentiels consentis par SNCF Réseau les premières années pour faciliter leur arrivée.
Au contraire, les auteurs de l’avis ont des « doutes » sur l’indépendance du gestionnaire des infrastructures ferroviaires. « SNCF Réseau dépend des versements de SNCF Voyageurs. Il y a aussi un problème culturel, des réticences dans son rôle d’animation de la concurrence», estime Benoît Cœuré.
Pas de mention en revanche sur la politique des transports et les injonctions parfois contradictoires de l’Etat. Ni sur le fait que l’activité ferroviaire ne s’improvise pas et est hautement capitalistique. D’où, pour le moment, une situation où les seules concurrentes de la SNCF sur le marché commercial en France (principalement les lignes à grande vitesse) sont des compagnies publiques historiques (Trenitalia et Renfe).
Sur le marché conventionné des TER, pour lequel la loi imposera à partir du 25 décembre prochain de lancer systématiquement des appels d’offres, l’Autorité de la concurrence appelle à une liste des bonnes pratiques et à un renforcement des compétences des élus. Elle estime aussi que les collectivités ouvrant à la concurrence leurs TER devraient devenir les gestionnaires des gares, oubliant que d’autres trafics y passent (fret, TGV…) et que le système actuel repose sur une péréquation permettant de payer les travaux des petites gares grâce aux recettes générées par les plus grandes.
Dans le transport urbain, l’Autorité déplore le petit nombre d’opérateurs lors de la mise en concurrence de réseaux. Elle constate notamment que les appels d’offres récents de plusieurs métropoles n’ont vu qu’un seul candidat déposer une offre. Mais n’évoque pas le coût élevé payé par les entreprises lorsqu’elles répondent à un appel d’offres. Avec à la clé un contrat aux marges faibles. D’où leur sélectivité et la quasi-absence d’opérateurs étrangers sur le marché français.
Autre marché, autre jugement : le fonctionnement des cars Macron est étonnamment vu d’un bon oeil : « Même si la fréquentation reste polarisée géographiquement (45 % des passagers ont voyagé en partant de Paris ou à destination de Paris, l’ouverture des lignes SLO (services librement organisés) a permis de développer des transports dans des zones mal desservies », affirment les auteurs de l’avis. Pourtant, alors qu’on comptait six grands opérateurs en 2017, la guerre des prix a conduit à la sortie de route de quatre d’entre eux deux ans plus tard. Ce n’est pas un monopole mais avec ce duopole, on en est pas loin…
Marie-Hélène Poingt